18/07/2008

Dieu juge avec indulgence,
il gouverne avec beaucoup de ménagement.

Bonjour !
Nous sommes le 16ème dimanche du temps ordinaire. Cette parabole de l’ivraie complète en quelque sorte celle du Semeur que nous avons méditée dimanche dernier. En effet, elle suggère que la bonne terre peut aussi ne pas produire que du bon grain. Alors se pose au croyant comme à tout homme la question préoccupante et parfois douloureuse du Mal. Pourquoi le Mal ? D’où vient-il ? Aura-t-il le dernier mot ? Qui est juge et qui décide de l'heure de la moisson?
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Evangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu (Mt 13, 24-43)

13
24i Jésus proposa cette parabole à la foule : «Le Royaume des cieux est comparable à un homme qui a semé du bon grain dans son champ.
25 Or, pendant que les gens dormaient, son ennemi survint ; il sema de l'ivraie au milieu du blé et s'en alla.
26 Quand la tige poussa et produisit l'épi, alors l'ivraie apparut aussi.
27 Les serviteurs du maître vinrent lui dire : 'Seigneur, n'est-ce pas du bon grain que tu as semé dans ton champ ? D'où vient donc qu'il y a de l'ivraie ?'
28 Il leur dit : 'C'est un ennemi qui a fait cela.' Les serviteurs lui disent: 'Alors, veux-tu que nous allions l'enlever ?'
29 Il répond : 'Non, de peur qu'en enlevant l'ivraie, vous n'arrachiez le blé en même temps.
30 Laissez-les pousser ensemble jusqu'à la moisson ; et, au temps de la moisson, je dirai aux moissonneurs : Enlevez d'abord l'ivraie, liez-la en bottes pour la brûler ; quant au blé, rentrez-le dans mon grenier.'»
31 Il leur proposa une autre parabole : «Le Royaume des cieux est comparable à une graine de moutarde qu'un homme a semée dans son champ.
32 C'est la plus petite de toutes les semences, mais, quand elle a poussé, elle dépasse les autres plantes potagères et devient un arbre, si bien que les oiseaux du ciel font leurs nids dans ses branches.»
33 Il leur dit une autre parabole : «Le Royaume des cieux est comparable à du levain qu'une femme enfouit dans trois grandes mesures de farine, jusqu'à ce que toute la pâte ait levé.»
34 Tout cela, Jésus le dit à la foule en paraboles, et il ne leur disait rien sans employer de paraboles,
35 accomplissant ainsi la parole du prophète : C'est en paraboles que je parlerai, je proclamerai des choses cachées depuis les origines.
36 Alors, laissant la foule, il vint à la maison. Ses disciples s'approchèrent et lui dirent : «Explique-nous clairement la parabole de l'ivraie dans le champ.»
37 Il leur répondit : «Celui qui sème le bon grain, c'est le Fils de l'homme ;
38 le champ, c'est le monde; le bon grain, ce sont les fils du Royaume; l'ivraie, ce sont les fils du Mauvais.
39 L'ennemi qui l'a semée, c'est le démon; la moisson, c'est la fin du monde; les moissonneurs, ce sont les anges.
40 De même que l'on enlève l'ivraie pour la jeter au feu, ainsi en sera-t-il à la fin du monde.
41 Le Fils de l'homme enverra ses anges, et ils enlèveront de son Royaume tous ceux qui font tomber les autres et ceux qui commettent le mal,
42 et ils les jetteront dans la fournaise: là il y aura des pleurs et des grincements de dents.
43 Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père. Celui qui a des oreilles, qu'il entende !»
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Quelques repères pour notre méditation

«D’où vient qu’il y ait de l’ivraie», interrogent les serviteurs de l’Evangile. Ils ne vont pas jusqu’à suspecter leur Maître, mais la question laisse percer comme une sorte de gêne, car ils ne voient pas qui aurait pu faire pareille chose. Nous entendons souvent dire : «Si Dieu existe, pourquoi permet-il les maladies, les catastrophes naturelles, les guerres ? Pourquoi tant de mal ? Les déchainements de violences, d’injustices et de barbaries au Moyen-Orient, en Afrique ou ailleurs non moins que les violences faites aux enfants, fournissent hélas ! matière à une interrogation révoltée ou angoissée : qui en est le responsable ? Et Dieu, que fait-il dans tout cela ?» «Tu n’es pas un Dieu qui aime le mal», lisons-nous dans le psaume 55. On ne peut accuser Celui qui «vit que tout cela était bon» de saboter lui-même son œuvre. La douleur et la révolte peuvent expliquer, voire excuser, le doigt vengeur que tendent vers Dieu ceux qui souffrent ; mais ce n’est pas la vérité à propos de Jésus Christ, celui qui est « tendresse et pitié» et qui en a témoigné toute sa vie…

Dans la parabole de ce jour, le texte désigne clairement celui qui sème l’ivraie. En grec, le mot ivraie se traduit par «zizanie». Et celui qui sème la zizanie, c’est le diable. En grec, «diabolos» signifie «celui qui divise». C’est le mauvais qui enlève la parole semée et qui disperse aussi sur le monde des graines de discorde, de violence et de mort. L’«accusateur» (comme le nomme l’Apocalypse) sème le dérèglement de Dieu avec l’homme et de l’homme avec ses semblables ; il sème la zizanie jusque dans les champs du Seigneur, au beau milieu de la parole qui lève… Jésus nous appelle ici à la vigilance car «l’ennemi» agit dans l’ombre de la nuit. Pendant que nous dormons, quand nous sommes le plus vulnérables.

«Maître, veux-tu que nous arrachions l’ivraie ? Non, répond-t-il, de peur qu’en enlevant l’ivraie vous n’arrachiez le blé en même temps». Ce trait de la parabole nous amène à prendre conscience que dans le champ de l’humain, bien et mal se mélangent. Ce serait tellement simple de classer en catégories parfaitement délimitées les bons et les mauvais, les justes et les pécheurs… S’attaquer au mal serait alors facile et sans risque ! Dans la réalité, les choses ne se présentent pas ainsi : telle personne pleine de défauts et de faiblesses à nos yeux peut être aussi capable d’une extraordinaire générosité ou douée d’un sens remarquable du service. Telle autre, admirable de prières et de bonnes œuvres peut être d'un caractère insupportable et se permettre les pires bassesses. C’est également vrai dans nos familles, les groupes, nos communautés chrétiennes. Une telle situation exige, pour le moins, des appréciations nuancées. Tout n’est pas que noir, tout n’est pas que blanc ! Il y a de tout en tout. Et pour nous-même, au cas où nous imaginerions que nous nous trouvons du côté du bon grain, soyons assez lucides et humbles pour reconnaître notre propre mélange «de meilleur et de pire», saupoudré sans nul doute de médiocrité et de tiédeur. Sur la terre et dans le cœur des hommes, grâce et péché cohabitent, non pas en bonne intelligence, mais comme deux lutteurs noués l’un à l’autre pour le combat qui les oppose.

Voilà qui devrait sinon nous dissuader de juger, au moins modérer nos jugements, nous protéger à la fois d’un optimisme simplet ou d’un pessimisme paralysant, pour rester dans l’Espérance du Maître de la parabole. Auprès du Christ, apprenons la patience, un autre nom de l’Amour. Dieu sait prendre son temps : la judicieuse décision du Maître du champ de laisser pousser ensemble le blé et l’ivraie pour ne faire le tri qu’à la moisson nous éclaire sur la posture de notre Dieu : infiniment patient, étonnamment patient ! Dieu, l’Eternel, donne du temps au temps. Sur ce point, le Livre de la Sagesse le montre si différent de l’homme trop souvent prompt à étaler sa puissance, à réprimer, châtier. Au contraire, «Dieu juge avec indulgence, il gouverne avec beaucoup de ménagement». Cette patience de Dieu n’est pas faiblesse, elle est Espérance. Pour lui , celui qui fait le mal n’est pas irrémédiablement mauvais. Avec lui «qui est bon et qui pardonne», nous sommes surs que le Mal n’aura pas le dernier mot ; l’Amour finira par rendre juste l’injuste. C’est donc une grande leçon d’humanité que Christ nous donne aujourd’hui : pour lui, le juste doit être humain.

Alors, devenons témoins de la patience de Dieu. Evitons d’être des inquisiteurs pressés et des juges hâtifs. Nous ne sommes pas habilités pour cela. La moisson appartient à Dieu et c’est lui qui décide de l’heure de l’arrachage et de la séparation du blé de l’ivraie. Cependant, n’abusons pas de sa patience. Il est urgent de nous convertir. Jour après jour, l’eucharistie nous donne de travailler à cette fin dans la confiance et la disponibilité.


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