27/11/2009

"Restez éveillés et priez en tout temps…"

Bonjour !


Il ne faut surtout pas se méprendre sur le style apocalyptique de ce texte de Luc. Au milieu de ces signes de terreur qui accompagneront l’ébranlement des puissances des cieux, c’est bien la re-venue du Fils de l’homme «avec grande puissance et grande gloire» qui est annoncée. C’est la victoire de Dieu à la fin des temps, une victoire définitive sur les forces du Mal. Et, dans ce contexte, Jésus nous recommande non pas une attente passive dans la plus totale irresponsabilité, mais une entrée en prière permanente, en vigilance: «veillez car vous ne savez ni le jour ni l’heure…», dira-t-il par ailleurs.


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EVANGILE de Jésus-Christ selon saint Luc - Chap. 21, 25-28, 34-36


Jésus parlait à ses disciples de sa venue :

25 « Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles.

Sur terre, les nations seront affolées

par le fracas de la mer et de la tempête.

26 Les hommes mourront de peur

dans la crainte des malheurs arrivant sur le monde,

car les puissances des cieux seront ébranlées.

27 Alors on verra le Fils de l'homme venir dans la nuée,

avec grande puissance et grande gloire.

28 Quand ces événements commenceront,

redressez-vous et relevez la tête,

car votre rédemption approche.

34 Tenez-vous sur vos gardes,

de crainte que votre coeur ne s'alourdisse

dans la débauche, l'ivrognerie et les soucis de la vie,

et que ce jour-là ne tombe sur vous à l'improviste.

35 Comme un filet, il s'abattra sur tous les hommes de la terre.

36 Restez éveillés et priez en tout temps :

ainsi vous serez jugés dignes

d'échapper à tout ce qui doit arriver,

et de paraître debout devant le Fils de l'homme. »

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En effet, ceux qui seront installés dans la prière ne seront pas surpris par tout ce qui surviendra ce jour-là, car l’Esprit-Saint de Dieu leur révèlera le sens des signes précurseurs à la venue du Fils de l’homme: c’est donc dans l’éveil et la prière qu’ils seront jugés «dignes d’échapper à tout ce qui doit arriver et de paraître debout devant le Fils de l’homme». Notons la position non pas couchée mais debout de ceux qui renaissent en Christ. En envoyant son Fils bien-Aimé dans le monde, Dieu avait comme dessein de redresser, relever ce qui avait été brisé dans le monde, ce qui avait été cassé par le péché… Oui, Dieu nous veut debout et libres, conscient et prêts à l’accueillir pour entrer dans sa gloire. Le voleur ne surprend que celui qui dort ou qui s’éparpille dans l’inessentiel (la débauche, l'ivrognerie…) ou se laisse envahir et accaparer par les soucis de la vie qu’il estime pouvoir dissiper par ses seules forces. Au fond, dans son infinie bonté, Jésus nous «dévoile» et nous «révèle» à la fois un petit coin du tableau final, lors de sa venue dans la gloire. Et, comme dans la barque ballottée par la tempête sur le lac, il avait répondu à ses disciples transis de peur «Pourquoi avez-vous tellement peur? Comment n'avez-vous pas de foi?» (Mc 4, 40) et par la suite apaisé les éléments, ici également Jésus nous livre la clé de la paix et du salut au milieu de cette atmosphère de terreur qu’il décrit: la prière et le partage de son corps et de son sang. C’est par et dans la prière que Dieu se fait présent à nous pour nous écouter et nous apaiser, surtout lorsque nous avons le cœur brisé. Dieu est toujours à nos côtés, dans nos moments de joie et dans nos moments de tempête et de malheur. Mais pour celui qui a les yeux tournés vers lui avec foi et espérance, nulle crainte car il éclaire le chemin et instruit en sagesse. Celui-là pourrait même clamer: «Moi, j’ai mis ma foi dans le Seigneur, avec lui je ne crains rien car il me guide au long des ours, je suis sûr de sa parole». C’est alors que redressé et la tête relevée il sera digne... «de paraître debout devant le Fils de l'homme».

En toute chose, se conduire pour plaire à Dieu…

Bonjour !


La DEUXIEME LECTURE de ce premier dimanche de l'Avent est extraite de la Première Lettre de Saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens, chap. 3, 12 - 4, 2


Frères,

3.

12 que le Seigneur vous donne,

entre vous et à l'égard de tous les hommes,

un amour de plus en plus intense et débordant,

comme celui que nous avons pour vous.

13 Et qu'ainsi il vous établisse fermement

dans une sainteté sans reproche

devant Dieu notre Père,

pour le jour où notre Seigneur Jésus

viendra avec tous les Saints.

4.

1 Pour le reste, vous avez appris de nous

comment il faut vous conduire pour plaire à Dieu ;

et c'est ainsi que vous vous conduisez déjà.

Faites donc de nouveaux progrès,

nous vous en prions, frères,

nous vous le demandons dans le Seigneur Jésus.

2 D'ailleurs, vous savez bien quelles instructions

nous vous avons données de la part du Seigneur Jésus.


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Le texte de Paul que la liturgie nous propose comme deuxième lecture en ce premier dimanche de l’Avent est très ressemblant à celui de Jérémie. Le contexte est tout aussi dangereux et les communautés nouvellement converties ne sont pas toujours bien vues des autorités politiques. Ce jésus dont les Apôtres annoncent la Parole en sillonnant toutes contrées de Palestine et bien au-delà dérange toujours. Pourtant, en dépit des dénonciations, des calomnies et des persécutions brutales, Paul se réjouit des bonnes nouvelles que rapporte de Thessalonique son frère Thimothée. Par l’action de son Esprit-Saint, la foi a germé dans les cœurs de ceux qui s’adonnaient à l’idolâtrie ; il a opéré en eux la conversion vers «le Dieu qui sauve».

Les encouragements de Paul pourraient paraître condescendants. Qu’on ne s’y trompe pas ! Les communautés de Thessalonique sont faites de très jeunes convertis dont les pratique et la morale étaient très à l’opposé du message évangélique. Voilà pourquoi Paul encourage à l’unité, à la solidarité…: «Se conduire pour plaire à Dieu», car c’est ainsi que Dieu les établira fermement «dans une sainteté sans reproche». Le message est clair : l’amour, toujours plus d’amour entre vous, mes frères, pour paraître devant Dieu notre Père, «le jour où notre Seigneur Jésus viendra avec tous les Saints».

Un Germe naîtra de la lignée de David…

Bonjour !

En ce 29 novembre 2009, nous célébrons le premier dimanche de l’avent. Nous entrons également dans la nouvelle année liturgique (C). Et l'Eglise nous propose les lectures suivantes:


Jr 33,14-16 Annonce du Messie

Ps 24, 4-5. 8-10.14 Vers toi j’élève mon âme

1 Th 3,12 - 4,2 Se préparer pour le jour du Seigneur

Lc 21,25-28.34-36 La venue du Fils de l’Homme


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PREMIERE LECTURE - Jérémie 33, 14 - 16


14 Parole du Seigneur.

Voici venir des jours

où j'accomplirai la promesse de bonheur

que j'ai adressée à la maison d'Israël

et à la maison de Juda :

15 En ces jours-là, en ce temps-là,

je ferai naître chez David un Germe de justice,

et il exercera dans le pays le droit et la justice.

16 En ces jours-là, Juda sera délivré,

Jérusalem habitera en sécurité,

et voici le nom qu'on lui donnera :

« Le Seigneur est notre Justice. »


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En langage commun, on pouvait bien se dire: «qu’il est gonflé, ce Jérémie!». En effet, qu’il nous souvienne que le contexte sociopolitique de sa prophétie est plus que chaotique pour le peuple d’Israël : Temple détruit, nombreux juifs faits prisonniers pour un exil forcé à Babylone, le royaume de Salomon divisé en deux entités antagoniques (la maison d’Israël dans Nord et celle de Judas au Sud autour de Jérusalem)… au point qu’il ne reste en réalité plus rien ni du trône de Jérusalem demeuré vacant ni encore moins de la fameuse dynastie de David… Au-delà de l’intention pédagogique, lorsque Jérémie prévient que ce qu’il va dire est une «Parole du Seigneur», il faut l’entendre comme un appel solennel à l’espérance, à la renaissance, à la foi en la fidélité du Dieu de l’Alliance: «Je ferai naître chez David un Germe de justice»: en langage biblique, cela veut dire que «un nouveau roi, descendant de David, va naître et régner à Jérusalem»… une parole bien difficile à comprendre dans les circonstances ci-dessus mentionnées. Certes ! mais aussi «une promesse de bonheur». De l’arbre de Jessé longtemps desséché, Dieu fera naître Celui qui sera le Roi de justice et de paix, un Roi qui rétablira la sécurité dans Juda et gouvernera par le droit et non l’arbitraire. Alors, Jérusalem redeviendra littéralement «Ville de la paix».

Ce texte de Jérémie est un véritable message d’espérance bien encore d’actualité. En effet, que divisions, de séparations entre peuples, entre nations, entre familles, entre frères ! Et pourtant, c’est lorsque aucun horizon n’est visible ou qu’aucune solution de «réunification» n’est même pensable que la promesse de renaissance nous est faite par Dieu lui-même dans la chaleur invisible mais agissante de sa fidélité. Oui, la Parole de Dieu n’est pas pour du rêve, elle est à écouter, accueillir et tracer dans nos vies pour être ses «témoins». Non pas qu’au sens des apôtres, c’est-à-dire des «martyres» (de sang versé), mais des lampions qui illuminent la nuit de nos vies, une sève qui fasse revivre le figuier géant qu’est notre monde si éloigné de Dieu.

Or cette confiance en Dieu suppose notre humilité à reconnaître nos fautes et nos péchés. Nous n’allons pas à Dieu par nos propres forces. Au contraire, c’est lui qui nous enseigne avec patience et fidélité les chemins qui mènent ou ramènent à lui, lui «le Dieu qui me sauve» : voie, route, chemin, connaissance, humilité, amour et vérité, loi, Alliance… tous ces mots qui jalonnent les 22 versets de ce psaume ont une force libératrice de l’angoisse et de la détresse du peuple d’Israël. Le «Dieu qui sauve» est celui qui parle à son peuple et agit pour son bonheur à travers la loi de liberté qu’il a donnée aux hommes; ce n’est pas un dieu de pierre ou de bois, une idole dont les yeux ne voient, ni les oreilles n’entendent… Se tourner vers le «Dieu qui sauve», tel est le véritable acte de conversion, le chemin véritable de notre salut: «Vers toi, Seigneur, j’élève mon âme… ceux qui t’espèrent ne seront pas déçus».

C’est en substance le message de ce psaume 24 (25) qui nous est proposé en méditation : une exhortation à l'humilité et à la conversion.



PSAUME 24 (25), 4-5, 8-9, 10-14


4 Seigneur, enseigne-moi tes voies,

fais-moi connaître ta route.

5 Dirige-moi par ta vérité, enseigne-moi

car tu es le Dieu qui me sauve.

8 Il est droit, il est bon, le Seigneur,

Lui qui montre aux pécheurs le chemin.

9 Sa justice dirige les humbles,

Il enseigne aux humbles son chemin.

10 Les voies du Seigneur sont amour et vérité

pour qui veille à son Alliance et à ses lois.

14 Le secret du Seigneur est pour ceux qui le craignent ;

à ceux-là Il fait connaître son Alliance.

Béni soit Celui qui vient au nom du Seigneur…

Chers amis, bonjour !

Ce dimanche 29 novembre 2009, nous entrons dans le Temps de l’Avent. Conçu d’abord comme un «carême de Noël», l’Avent fut défini et adopté à Rome au 6ème siècle: il fut alors délimité à quatre semaines et devint le Temps de l’attente joyeuse de l’avènement du Seigneur. Depuis, la période de l’Avent ouvre le cycle liturgique annuel. C’est ainsi que, d'un point de vue liturgique, les lectures des dimanches de l’Avent ont revêtu et gardé depuis un caractère propre à chaque dimanche à travers les trois années du cycle (A, B et C): la venue du Seigneur à la fin des temps (premier dimanche) — la figure de Jean Baptiste (deuxième et troisième dimanches) — les évènements qui ont préparé la naissance du Christ (quatrième dimanche). Les lectures de l’Ancien testament portent principalement sur des prophéties autour du Messie et des temps messianiques; c’est la raison pour laquelle la plupart d’entre elles sont extraites du Livre d’Isaïe. Quant aux deuxièmes lectures, elles sont sélectionnées parmi les textes qui développent différents aspects du mystère de l’Avent.

Le mot Avent vient du latin «adventus», c’est-à-dire avènement, ce qui doit arriver. L’attente a toujours été caractéristique de la relation entre Dieu et son peuple, depuis les premiers frémissements de l’alliance avec l’humanité jusqu’à sa venue au milieu des hommes. Tous les moments-clés de l’histoire humaine en sa destinée trouvent leur sens dans cette attente, cette tension dans laquelle Dieu se révèle patiemment aux hommes à travers Israël, ce peuple choisi pour être témoin au milieu des Nations. Et comme toute attente, celle-ci fut emplie de rires et de larmes, de joie et de tristesse. Jusqu’au jour de la naissance du Sauveur… c’est de cette longue préparation que nous faisons mémoire durant ces quatre semaines.
Mais ce temps de l’Avent est propice pour nous éveiller , nous sortir des brumes de nos faux désirs et de nos fausses convictions, nous arracher des griffes de nos convenances et de nos petits conforts matériels… Car il nous faut lire et reconnaître dans les signes qu’il nous prodigue la puissance de son germe ; il nous faut entendre et répondre à l’appel qu’il nous adresse aujourd’hui: se convertir, c’est-à-dire changer de fond en comble, se renouveler dans la générosité et le pardon. L’avent, c’est également le temps de la marche, de la mise en mouvement: «Préparez le chemin du Seigneur; Aplanissez la route, Tout homme verra le salut de Dieu» (Evangile du 2ème dimanche). Il ne s’agit donc pas d’une attente passive. Non ! Dieu sollicite l’effort des hommes, il l’accompagne dans cette espérance d’un monde transformé par la justice et la paix.

«Lève-toi, Jérusalem, tiens-toi sur la hauteur et contemple la joie qui te vient de ton Dieu» (Ba 5, 5)… Temps de pénitence purificatrice et de joie, temps de veilleurs et des artisans de l’aube nouvelle, l’Avent est aussi profondément marial (à partir du 17 décembre). En effet, la venue du Messie est indissociable de l’histoire de cette jeune fille pure qui accueillit le message de l’Ange Gabriel avec une foi inébranlable, en se faisant «servante du Seigneur»: «…qu’il me soit fait selon ta parole». Et elle portera l’enfant béni en son sein jusqu’à cette nuit où elle l’offrit au monde pour qu’il lui rende gloire. Car, dans cette Nouvelle Alliance que Dieu scelle ainsi par sa présence au milieu des hommes dont il assume totalement la condition, tout désormais part du Christ et aboutit à lui. En prenant chair dans le sein de Marie, Dieu glorifie notre corps humain. C’est là le premier acte de salut qui culminera dans la mort et la résurrection du Christ Sauveur. Saint Paul dira à bon escient: «Vous ne vous appartenez pas, vous avez été rachetés pour un prix», sous-entendu au prix du sacrifice de Jésus-Christ; il ajoutera cette exhortation: «Glorifiez donc Dieu dans votre corps» ( 1Cor. 6, 19-20 ).

20/11/2009

"Alors, es-tu roi?": "C'est toi qui dis que je suis roi"…

Bonjour !


L'Evangile de ce dimanche, fête solennelle du Christ-Roi, est extrait de Jean 18, 33b-37


33 Alors Pilate rentra dans son palais,
appela Jésus et lui dit: «Es-tu le roi des Juifs?»

34 Jésus lui demanda: «Dis-tu cela de toi-même,
ou bien parce que d'autres te l'ont dit?

35 Pilate répondit: «Est-ce que je suis Juif, moi ?
Ta nation et les chefs des prêtres t'ont livré à moi : qu'as-tu donc fait?»

36 Jésus déclara: «Ma royauté ne vient pas de ce monde ;
si ma royauté venait de ce monde,
j'aurais des gardes qui se seraient battus
pour que je ne sois pas livré aux Juifs.
Non, ma royauté ne vient pas d'ici.»

37 Pilate lui dit: «Alors, tu es roi?»
Jésus répondit: «C'est toi qui dis que je suis roi. Je suis né,
je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité.
Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix.»


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En lisant cet extrait, on ne peut s’empêcher de dire: comment Jésus, qui à maintes reprises vient d’annoncer sa passion, peut-il continuer à développer un discours aussi décalé des attentes immédiates de ses disciples et, de plus, dans un langage à faire pâlir les plus fidèles d’entre eux? Comment, alors qu’il vient d’être arrêté et conduit devant Pilate, s’emploie-t-il à s’affirmer comme un roi, alors qu’il va être fait prisonnier. Il est plus que vraisemblable que le pouvoir romain avait mis sous surveillance étroite le nazaréen, et qu’il avait connaissance de tous ses actes et de tous ses enseignements. Pilate le sait qui hésite à lui porter une quelconque charge. En langage moderne, on dirait que le dossier de l’accusation est vide: aucun fait probant passible de la moindre condamnation. Mais tout de même, lorsque Jésus rétorque: «C'est toi qui dis que je suis roi. Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix», Pilate réalise se sent piqué au vif. «Ma royauté ne vient pas de ce monde…», s’entend-t-il répondre.

En ramenant ces paroles à l’ensemble de son enseignement, la démarche de Jésus est plus qu’explicite; elle est dans la droite ligne de ce qu’il ne cesse de répéter à ses disciples: «…si quelqu’un veut être le premier parmi vous, qu’il soit l’esclave de tous. Car le Fils de l’homme est venu non pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude» (Mc 10, 42-45). Ce sont ces textes-là que l’Eglise nous a proposés ces derniers dimanches : le royaume dont parle Jésus n’a rien de comparable avec ceux des hommes sur la terre. Il s’origine en Dieu dont il tire sa légitimité, sa vérité, c’est-à-dire son inébranlable fidélité: «Je suis le chemin, la vérité et la vie». Ainsi, quiconque se laisse habiter et instruire par cette vérité-là — et qui donc écoute la voix du Seigneur — appartient à Dieu qui est la Vérité en personne: «Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix.» Cet appel à l’écoute, que les juifs connaissent bien depuis Moïse («Ecoute, Israël…») jusqu’à Jean le Baptiste, a été marqué par Dieu lui-même à l’occasion du baptême de son Fils ou de sa transfiguration sur le mont Thabor: «Celui-ci est mon Fils Bien-Aimé, en lui j’ai placé ma confiance… Ecoutez-le!» (Mc 9, 2-10 ou Lc 9, 28-36). Ne lisons-nous pas ailleurs, dans les Evangiles: «Que celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende»? Mais entendre quoi ? C’est ce que Pilate ne saisit pas. La vérité qu’il veut se faire expliquer n’est pas une chose du discours, elle est Dieu en personne et elle doit nous interpeler en paroles et actions, elle une force qui transforme, une puissance qui renouvelle tout homme qui se laisse toucher par elle.


… je suis celui qui est, qui était et qui vient…

Deuxième lecture: Ap 1, 5-8


05 de la part de Jésus Christ, le témoin fidèle, le premier-né d'entre les morts, le souverain des rois de la terre. A lui qui nous aime, qui nous a délivrés de nos péchés par son sang,

06 qui a fait de nous le royaume et les prêtres de Dieu son Père, à lui gloire et puissance pour les siècles des siècles. Amen.

07 Voici qu'il vient parmi les nuées, et tous les hommes le verront, même ceux qui l'ont transpercé; et, en le voyant, toutes les tribus de la terre se lamenteront. Oui, vraiment! Amen!

08 Je suis l'alpha et l'oméga, dit le Seigneur Dieu, je suis celui qui est, qui était et qui vient, le Tout-Puissant.

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Il est intéressant de souligner que ce extrait débute par ce que l’on pourrait considérer comme la signification du nom de Dieu: «Il est, Il était et Il vient». Comme jadis Moïse en reçut la révélation de Yavhé lui-même sur la Montagne (Ex 3, 14): «Je suis Celui qui suis». Puis, Jean énonce les attributs de Jésus Christ: «Témoin fidèle, le Premier-né d’entre les morts, le Prince des rois de la terre»:


- Christ est la parole efficace, réalisation de la promesse faite à David et dont il est le Témoin dans sa personne et par ses œuvres: «Je concluerai avec vous une alliance éternelle, faite des grâces à David promises. Voici, j’ai fait de toi un témoin pour les peuples, un chef et un maître pour les nations.» (Is 55, 3-4) Cette Nouvelle Alliance (voir Is 59, 21 et 61, 8), Jérémie en a aussi prophétisé la pérennité (Jr 31, 31).

- Par sa résurrection, Christ a été constitué «Premier-né d’entre les morts». C’est Paul qui fait de cet attribut le fondement de sa dogmatique, particulièrement explicitée dans la Lettre aux Colossiens: le Seigneur Jésus-Christ est «l’Image du dieu invisible, Premier-Né de toute créature, car c’est en lui qu’ont été créées toutes choses, dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles, Trônes, Seigneuries, Principautés, Puissances; tout a été créé par lui et pour lui. Il est avant toute chose et tout subsiste en lui. Et il est aussi la Tête du Corps, c’est-à-dire de l’Eglise: Il est le Principe, Premier-Né d’entre les morts, (il fallait qu’il obtienne en tout la primauté), car Dieu s’est plu à faire habiter en lui toute la Plénitude» (Col 1, 15-19).

- Christ est Prince des rois de la terre car par la destruction de tous ses ennemis dont il fera le marchepied de son trône, il recevra la domination éternelle: «Un nom est inscrit sur son manteau et sur son étendard: Roi des rois et Seigneur des seigneurs» (Ap 19, 16).


Jean (comme Paul) réaffirment cette primauté du Seigneur Jésus-Christ tant dans l’ordre de la création naturelle que dans celui de la re-création surnaturelle, c’est-à-dire de sa résurrection. C’est pourquoi la puissance et la gloire lui sont destinées, et cette glorification s’élève vers lui de toute la création, de tout l’univers, comme l’exalte si bien le Cantique des trois Enfants (Daniel 3). Le Seigneur Dieu est un Roi vêtu de majesté: «Voici qu'il vient parmi les nuées, et tous les hommes le verront, même ceux qui l'ont transpercé; et, en le voyant, toutes les tribus de la terre se lamenteront. Oui, vraiment! Amen». Mais la royauté à laquelle il nous destine en tant que fils de Dieu ne sera effective que si nous transformons nos cœurs de pierre en cœurs de chair… Telle est notre profonde espérance, avec la grâce de son Esprit-Saint.


Ecce homo : « voici l’Homme »…

Chers amis, bonjour !

Ce dimanche, l'Eglise fête la royauté du Fils de l'homme. C'est la solennité du Christ, Roi de l'Univers (instituée par le Pape Pie XI en 1925 par son Encyclique Quas primas du 11/12/1925). A cette occasion, la liturgie dominicale nous propose des textes suivants:

Daniel 7, 13-14 La royauté du Fils de l’Homme

Psaume 92, 1-2.5 Le Seigneur est roi

Apocalypse 1, 5-8 Un peuple de prêtres

Jean 18,33b-37 Je suis roi


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Première lecture : Dn 7, 13-14


13 Je regardais, au cours des visions de la nuit, et je voyais venir, avec les nuées du ciel, comme un Fils d'homme; il parvint jusqu'au Vieillard, et on le fit avancer devant lui.

14 Et il lui fut donné domination, gloire et royauté ; tous les peuples, toutes les nations et toutes les langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite.


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Regarder et voir… ce dernier mot est employé deux fois. Un Vieillard, c’est-à-dire Dieu, sans que le prophète le nomme précisément, mais on devine de qui il parle. Un Fils d’homme, autrement dit un homme que l’on fit avancer devant le trône de ce Viellard, et qui reçoit de celui-ci domination, gloire et royauté éternelles. Il faut bien noter que ce Fils d’homme ne conquiert ni ne s’approprie rien: tout lui est donné.

Voilà ! En quelques mots, le tableau est dressé par Daniel qui , cependant, précisera plus loin dans vision que ce Fils d’homme qu’il voyait n’était pas en réalité un individu, mais un «peuple des Saints du Très-Haut», c’est-à-dire le peuple d’Israël ou du moins ceux de ses enfants qui étaient restés fidèles au Dieu de l’Alliance en dépit des persécutions (nous sommes vers 165 av. J.-C., sous le règne du tyran Antiochus!). Certes, pour les juifs, cette prophétie de Daniel constitue un encouragement à garder espérance en Yavhé — d’ailleurs, la paix reviendra quelques temps après leur révolte contre ce souverain —, mais elle fut gardée en mémoire par tout le peuple au-delà des situations du moment pour la projeter dans l’attente du Messie, ce Fils d’homme véritable qui rassemblera en un seul corps l’humanité tout entière alors lavée du péché. Lavée eu sens de libérée dans ses yeux, se mains, sa bouche, ses oreilles, son odorat… dans tous ses sens en quelque sorte pour enfin regarder, entendre et voir les signes de la présence du Fils d’homme dans le monde.

Le peuple d’Israël est donc, dans cette vision comme dans d’autres de Daniel et des différents prophètes, le pont, le creuset du projet universel de Dieu pour les hommes. Dieu a un seul dessein: libérer l’humanité tout entière des chaînes du Mal et nous faire participer à la royauté de son sacerdoce: «Peuple de prêtres, peuple de rois, assemblée des saints, peuple de Dieu, chante ton Seigneur»… Qu’il est beau ce refrain composé par le RP Lucien Deiss.

Dans le psaume [Ps 92, 1-2, 5 (a)] qui nous est proposé en méditation, la stabilité et l’éternité du règne du Seigneur sont proclamées avec force. Pour mémoire, ce psaume introduit une très riche collection de neuf psaume célébrant également la royauté du Seigneur: Dieu règne, peuples criez d’allégresse! La royauté dont parle le psalmiste est celle manifestée par les lois qu’il impose au monde physique, et également par la Loi qu’il donne aux hommes. Une Loi qui est justice et amour. Mais, ce psaume qui, faisant référence aux premiers moments de la terre habitée par le vivant et surtout par l’homme que Dieu créa à son image, était récité avec ferveur la veille du sabbat, fut tourné vers l’avenir, dans l’attente d’un Roi-Messie. C’est dans ce sens qu’Isaïe, au moment du Retour d’Exil qui marquera une ère nouvelle, envisagera moins le règne d’un roi terrestre que celui de Yavhé lui-même. Le réveil de Yavhé dans Sion préfigurant sa royauté universelle, c’est-à-dire de Sion jusqu’aux extrémités de la terre: «Qu’ils sont beaux sur les montagnes, les pieds du porteur de bonnes nouvelles qui annonce la paix, qui apporte le bonheur, qui annonce le salut, et qui dit à Sion: “Ton Dieu règne“» (Is 52, 7).


Ps 92, 1-2, 5 (a)


01 Le Seigneur est roi ; il s'est vêtu de magnificence, le Seigneur a revêtu sa force. Et la terre tient bon, inébranlable;

02 dès l'origine ton trône tient bon, depuis toujours, tu es.

05 Tes volontés sont vraiment immuables: la sainteté emplit ta maison, Seigneur, pour la suite des temps.


12/11/2009

Le Seigneur est un abri pour son peuple…

Evangile de Marc 13, 24-32

Jésus parlait à ses disciples de sa venue :

24 « En ces temps-là,

après une terrible détresse,

le soleil s'obscurcira

et la lune perdra son éclat.

25 Les étoiles tomberont du ciel

et les puissances célestes seront ébranlées.

26 Alors on verra le Fils de l'homme venir sur les nuées

avec grande puissance et grande gloire.

27 Il enverra les anges

pour rassembler les élus des quatre coins du monde,

de l'extrémité de la terre à l'extrémité du ciel.

28 Que la comparaison du figuier vous instruise :

dès que ses branches deviennent tendres

et que sortent les feuilles,

vous savez que l'été est proche.

29 De même, vous aussi,

lorsque vous verrez arriver cela,

sachez que le Fils de l'homme est proche, à votre porte.

30 Amen, je vous le dis :

cette génération ne passera pas

avant que tout cela n'arrive.

31 Le ciel et la terre passeront,

mes paroles ne passeront pas.

32 Quant au jour et à l'heure,

nul ne les connaît,

pas même les anges dans le ciel,

pas même le Fils,

mais seulement le Père. »

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La fin d’un monde et l’avènement d’un autre monde complètement nouveau, tel est le renversement qu’annonce en filigrane Jésus dans cet évangile. Le style est soudain dramatique, cataclysmique… mais l’évangéliste le fait à dessein: il décrit l’obscurité et le Mal pour présager de la lumière et du Bien. Avant d’entrer dans sa passion, il fallait bien que Jésus donne sa vision de cette fin du monde. Il la prédit comme un moment de manifestation de sa gloire, celle du Fils de l’homme qui «…enverra les anges pour rassembler les élus des quatre coins du monde, de l'extrémité de la terre à l'extrémité du ciel», c’est-à-dire tous ceux dont le nom a été inscrit dans le Livre de Vie. Car lui seul a le pouvoir d’en ouvrir les sceaux et de juger chacun selon ses œuvres.


Deux idées principales retiennent particulièrement mon attention dans ce texte: l’universalité du salut et sa «nuncité» (si je puis me permettre ce néologisme pour signifier que ce dont parle Jésus n’est pas à venir dans x temps, mais que cela est en cours dès maintenant). L’universalité du salut, nous la voyons à travers tous ces élus «des quatre coins du monde» et de l’humanité tout entière dans et avec le cosmos. En effet, Dieu créa l’univers dans lequel il plaça l’homme… et sa gloire embrasera aussi tout l’univers, visible et invisible, matériel et spirituel. Car c’est ainsi que le Père glorifiera le Fils.


Dans l’Evangile de Jean, Jésus déclare (chap. 16, 13-15): «Quand il viendra, lui, l'Esprit de vérité, il vous guidera vers la vérité tout entière. En effet, ce qu'il dira ne viendra pas de lui-même : il redira tout ce qu'il aura entendu ; et ce qui va venir, il vous le fera connaître | Il me glorifiera, car il reprendra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître | Tout ce qui appartient au Père est à moi ; voilà pourquoi je vous ai dit: Il reprend ce qui vient de moi pour vous le faire connaître». Et plus loin, dans cette merveilleuse prière (chap. 17, 1-8 et sq): «Ainsi parla Jésus. Puis il leva les yeux au ciel et pria ainsi: «Père, l'heure est venue. Glorifie ton Fils, afin que le Fils te glorifie.|Ainsi, comme tu lui as donné autorité sur tout être vivant, il donnera la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés.|Or, la vie éternelle, c'est de te connaître, toi, le seul Dieu, le vrai Dieu, et de connaître celui que tu as envoyé, Jésus Christ.|Moi, je t'ai glorifié sur la terre en accomplissant l'œuvre que tu m'avais confiée.|Toi, Père, glorifie-moi maintenant auprès de toi: donne-moi la gloire que j'avais auprès de toi avant le commencement du monde.|J'ai fait connaître ton nom aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner. Ils étaient à toi, tu me les as donnés, et ils ont gardé fidèlement ta parole. | Maintenant, ils ont reconnu que tout ce que tu m'as donné vient de toi, | car je leur ai donné les paroles que tu m'avais données : ils les ont reçues, ils ont vraiment reconnu que je suis venu d'auprès de toi, et ils ont cru que c'était toi qui m'avais envoyé, etc. »… Nous le voyons, il ne s’agit donc pas de moments de terreur. Où donc a-t-on déjà vu un printemps être annoncé par des feuilles mortes ou jaunies? Si Jésus utilise le symbole du figuier dont les branches deviennent tendres et les feuilles belles de verdure, c’est pour dire que sa venue est un véritable été, un moment de fête, de joie, d’apocalypse au vrai sens du terme, c’est-à-dire de révélation et de dévoilement de son royaume aux hommes.


Cependant, alors que dans l’Ancien Testament, cette «fin du monde» était annoncée plus des temps lointains, avec Jésus-Christ se produit un renversement radical de perspective que déjà Jean le Baptiste proclamait dans le désert: «convertissez-vous, car le royaume de Dieu est tout proche!» (Mt 3, 2). En clair, «il n’est pas pour dans mille ans, il est déjà là parmi vous». Et, la seule présence du Fils de l’homme au milieu des siens signe l’acte de victoire du Dieu sur les forces du Mal. La Parole du Christ en nous est donc un germe de printemps dont l’éclat doit illuminer le monde, y compris celui du mal, de l’injustice, de la corruption, de la haine, de la méchanceté, de la concupiscence, de l’égoïsme, de la mort… Dieu est plus fort que tout cela. Que nous proclamions qu’il est notre seul refuge ou le lot de notre héritage, cela n’est que pure logique, puisque à ses côtés nous vivrons une éternité de délices! Jésus-Christ est le gage, l’étendard de notre salut: c’est cette vérité-là qui a changé la donne dans la perception des pouvoirs. Dieu a le dernier mot. Ici, avant sa passion, il annonce qu’il vaincra ce monde-là. Alors, fini les conceptions anciennes selon lesquelles le monde aurait une fin absolue: avec le Christ, le monde est transformé comme dans un passage de l’hiver à l’été, régénéré comme ce figuier solidement planté en terre. Aujourd’hui, c’est son Esprit-Saint qui continue en nous et dans le monde cette œuvre de renouvellement qui nous prépare à partager sa gloire au jour de son retour: «Ô Seigneur, envoie ton Esprit, qu’il renouvelle la face de la terre des hommes» .

Le Christ, sacrifice unique et parfait…

Deuxième Lecture - Hébreux 10, 11-14, 18

Dans l'Ancienne Alliance,

11 les prêtres étaient debout dans le Temple

pour célébrer une liturgie quotidienne,

et pour offrir à plusieurs reprises les mêmes sacrifices,

qui n'ont jamais pu enlever les péchés.

12 Jésus Christ, au contraire,

après avoir offert pour les péchés un unique sacrifice,

s'est assis pour toujours à la droite de Dieu.

13 Il attend désormais que :

« Ses ennemis soient mis sous ses pieds. »

14 Par son sacrifice unique,

il a mené pour toujours à leur perfection

ceux qui reçoivent de lui la sainteté.

18 Quand le pardon est accordé,

on n'offre plus le sacrifice pour le péché.


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On peut affirmer que l’objectif premier de Paul à travers La Lettre aux Hébreux était de leur faire comprendre que, avec le Christ mort et ressuscité pour laver par le sacrifice de son corps et de son sang le péché des hommes, nous étions passés de l’ancienne à la nouvelle Alliance. Et que le Christ était bien le Messie annoncé par les prophètes, que Dieu l’a investi d’une fonction sacerdotale totalement renouvelée. Si donc dans l’ancienne Alliance les anciens prêtres étaient nombreux à avoir accompli leur mission telle qu’elle avait été instituée depuis les temps anciens, dans la nouvelle Alliance, le Christ est désormais le seul prêtre, le messie-prêtre dont le sacrifice de son propre corps par la mort sur la croix a «mené pour toujours à leur perfection ceux qui reçoivent de lui la sainteté» (14). Le fait que les anciens prêtres recommençaient jour après jour le rituel d’offrandes et de sacrifices de sang d’animaux est la preuve évidente que l’effacement du péché, but de leur démarche quotidienne, n’était jamais atteint (réalisé). Le Christ s’est offert en personne en sacrifice pour les siens: «Comme tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde. Et pour eux je me consacre moi-même, afin qu’ils soient eux aussi consacrés en vérité» (Jn 17, 18-19).

C’est le Christ qui, par l’Esprit qu’il a répandu sur le monde, a enlevé du cœur des hommes cette fatalité du péché. C’est le Christ qui nous a menés à notre plein accomplissement, non seulement en nous libérant des chaînes du mal, mais aussi en nous rendant dignes d’espérer la gloire en son royaume. Cela, il l’a fait une fois pour toutes; il n’y a pas de «Mort et résurrection du Christ, 10ème… on tourne!». Non, «là où les péchés sont remis, il n’y a plus d’oblation pour le péché»(18), conclut saint Paul. Le Christ siège désormais à la droite du Père, sur son trône de sainteté, foulant à ses pieds les ennemis du royaume, les forces du mal… symbole de l’avènement d’un monde nouveau. C’est aussi l’affirmation du sacerdoce et la royauté du Messie dont les prérogatives – universalité et perpétuité – ne découlent d’aucune investiture terrestre: «Oracle de Yavhé à mon Seigneur: Siège à ma droite; tes ennemis, j’en ferai ton marchepied» (Ps 100).

Les premiers chrétiens avaient vu les merveilles de Jésus-Christ à travers les miracles qu’il accomplissait, et surtout sa mort, sa résurrection et son ascension dans le ciel vécue par les apôtres qui en ont rendu témoignage… Aujourd’hui, en même temps que nous redisons notre foi et que nous réaffirmons dans le Credo qu’il est assis à la droite De Dieu le Père tout-puissant, son Esprit-Saint se répand dans les cœurs des hommes, cet Esprit qui est la source qui vivifie son Eglise. Souvenons-nous: sur la route de Jéricho, l’aveugle cria au passage du Seigneur: «Jésus, fils de David, aie pitié de moi!». Ce que nous continuons à clamer au début de toute célébration eucharistique… «Seigneur (ô Christ), prends pitié!». Puis, avant le partage de son Corps et de son Sang, nous redisons encore: «Agneau de Dieu qui enlèves le péché du monde, prends pitié de nous (donne-nous la paix)». Si donc nous pouvons le dire désormais, c'est que par son sacrifice unique, il nous rendus libres dans son amour…


Tu es, Seigneur, le lot de mon cœur…
car tu ne peux m'abandonner à la mort…

Psaume 15 (16), 5-8, 9-10, 1b.11


5 Seigneur, mon partage et ma coupe :

de toi dépend mon sort.

8 Je garde le Seigneur devant moi sans relâche ;

il est à ma droite, je suis inébranlable.

9 Mon cœur exulte, mon âme est en fête,

ma chair elle-même repose en confiance :

10 tu ne peux m'abandonner à la mort

ni laisser ton ami voir la corruption.

1 Mon Dieu, j'ai fait de toi mon refuge.

11 Tu m'apprends le chemin de la vie :

devant ta face, débordement de joie !

A ta droite, éternité de délices !

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Ce psaume vient bien à propos pour soutenir notre méditation du texte de Daniel. Ici aussi, le psalmiste s’insurge contre ceux qui prétendaient unir à l’adoration de Yavhé, Dieu suprême, le culte de dieux locaux, un syncrétisme qui fut depuis longtemps la grande tentation d’Israël. Il sonne comme une cri de fidélité de ceux qui craignant le Dieu de l’Alliance: «Yavhé, ma part d’héritage», Yavhé le seul et vrai gardien d’Israël (voir le Ps 12). Véritable hymne à la résurrection corps et âme («Mon cœur exulte, mon âme est en fête, ma chair elle-même repose en confiance(9): tu ne peux m'abandonner à la mort ni laisser ton ami voir la corruption (10)»), ce psaume présente le peuple d’Israël dans sa globalité comme un lévite, c’est-à-dire un prêtre dont l’existence est entièrement vouée à la célébration du culte de louange et d’action de grâce à l’égard du Dieu Unique et exclusif, le Dieu de l’Alliance. Comme chez Daniel, il est également question du salut de tout le peuple d’Israël (y compris ceux de ses enfants qui constituaient le fameux «reste», égarés et finalement convertis de retour d'exil) en tant que choisi, élu par Dieu. Un peuple assuré de sa résurrection collective, en quelque sorte… Mais le texte de Daniel a permis d’ouvrir la foi à la résurrection individuelle, et donc au-delà de l’appartenance au peuple juif, à la résurrection de tout homme. Ce qui sera scellé par Jésus-Christ lui-même dont la mort et la résurrection seront l’héritage de toute l’humanité.

Plus tard et à la lumière de l’Esprit-Saint, les Apôtres referont reliront l’acte de foi du roi David: «Je voyais sans cesse le Seigneur devant moi, car il est à ma droite, pour que je ne vacille pas. Aussi mon cœur s’est-il réjoui et ma langue a-t-elle jubilé; ma chair elle-même reposera dans l’espérance que tu n’abandonneras pas mon âme à l’Hadès et ne laisseras pas ton saint voir la corruption. Tu m’as fait connaître des chemins de vie, tu me rempliras de joie en ta présence.» (Ac. 2, 25-28). Ce long témoignage de Pierre (Ac. 2, 14-36) portant sur la mort et la résurrection du Christ, et son exaltation à la droite du Père réaffirme une donnée fondamentale depuis les prophètes: en effet, le don de l’Esprit était annoncé par ces derniers pour les temps messianiques ; et c’est par cet Esprit répandu par le Christ mort et ressuscité, que nous devons nous saisir aujourd’hui de cette vérité de foi, le socle et la raison mêmes de notre espérance, selon l’expression de saint Paul. Alors, sans retenue aucune et avec la plus grande ferveur, nous pouvons chanter: «Tu es Seigneur le lot de mon cœur, tu es mon héritage; en toi Seigneur j’ai mis mon bonheur, toi mon seul partage».