28/02/2012

Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle !


Chers amis, bonjour !

Premier dimanche de Carême

Première Lecture - Genèse 9, 8 - 15
Après le déluge,
8 Dieu dit à Noé et à ses fils :
9 « Voici que moi, j'établis mon alliance avec vous,
avec tous vos descendants,
10 et avec tous les êtres vivants qui sont autour de vous :
les oiseaux, les animaux domestiques, toutes les bêtes sauvages,
tout ce qui est sorti de l'arche pour repeupler la terre.
11 Oui, j'établis mon alliance avec vous :
aucun être vivant ne sera plus détruit par les eaux du déluge,
il n'y aura plus de déluge pour ravager la terre. »
12 Dieu dit encore :
« Voici le signe de l'alliance que j'établis entre moi et vous,
et avec tous les êtres vivants qui sont autour de vous,
pour toutes les générations à venir :
13 Je mets mon arc au milieu des nuages,
pour qu'il soit le signe de l'alliance entre moi et la terre.
14 Lorsque je rassemblerai les nuages au-dessus de la terre,
et que l'arc-en-ciel paraîtra au milieu des nuages,
15 je me souviendrai de mon alliance avec vous
et avec tous les êtres vivants,
et les eaux ne produiront plus le déluge,
qui détruit tout être vivant. »

L’Ancien Testament est jalonné de récits qui trouvent leurs origines dans les différentes cultures des peuples de Mésopotamie, c’est-à-dire vers 1600 av. J.C., bien avant l’écriture de la Genèse. Réinterprété dans le contexte de l’histoire des descendants d’Abraham, le récit du déluge met en scène Dieu en relation avec des hommes qu’il a sauvés de la déperdition.
Plus avant dans ce même extrait, « Dieu bénit Noé et ses fils et il leur dit : Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre » (9, 1) et il remet toute la création sous la responsabilité des hommes. Puis, Dieu ajoute : « voici que je conclu mon alliance avec vous et avec vos descendants après vous, et avec tous les êtres animés qui sont avec vous (…) bref tout ce qui est sorti de l’arche, tous les animaux de la terre ». Et le signe de cette alliance sera à chaque fois l’arc-en-ciel au milieu de la nuée… ». Dieu n’est pas aveugle, il ne punit pas indistinctement, il est plein d’amour et de miséricorde pour ceux qui croient en Lui et vivent selon la Loi d’amour. Bien avant le peuple hébreu, Dieu scelle une alliance avec l’humanité entière. Mais aussi Noé à l’abri dans une barque qui a été épargnée du déluge. L’arche pouvant être assimilée au baptême par lequel l’homme, purifié, entre en alliance avec Dieu. Mais Pierre précisera : « Etre baptisé, ce n'est pas être purifié de souillures extérieures, mais s'engager envers Dieu avec une conscience droite, et participer ainsi à la résurrection de Jésus Christ. » Une invite à nous « engager envers Dieu avec une conscience droite ».

Notons ici une évolution de cette alliance de Dieu avec les hommes : avec Abraham, cette alliance était symbolisée par la circoncision, mais ce signe-là ne concerne plus finalement que le seuls descendants du Patriarche. Avec Noé, elle prend une tout autre nature : elle s’étend à toute la création. Nous savons qu’avec Moïse, Yahvé n’aura de cesse de se rappeler à la mémoire  de ce petit peuple qu’il a choisi, un peuple en proie à la révolte, au découragement et au désespoir : « Vous avez vu comment je vous ai portés comme sur les ailes d’un aigle pour vous amener jusqu’à moi. Et maintenant, si vous entendez ma voix et gardez mon Alliance, vous serez mon domaine particulier parmi tous les peuples – car toute la terre m’appartient – et vous serez pour moi un royaume de prêtres, une nation sainte » (Ex 19, 4-6a). Avec Moïse, cette Alliance sera donc circonscrite à Israël dans une démarche pédagogique et morale d’obéissance à la Loi que Yahvé promulguera sur le Mont Horeb ; l’observance du sabbat en sera le signe social et religieux le plus évident, parce qu’il fonde l’organisation même de la société israélienne. Or toutes ces formes d’alliance relèvent de ce qu’il est convenu d’appeler « l’Ancienne Alliance ». En effet, avec le Messie de Dieu annoncé par les prophètes Isaïe, Jérémie, Ézéchiel et bien d’autres, s’instaure l’ère de la « Nouvelle Alliance » qui se manifestera par la vie au milieu des hommes de l’Envoyé de Dieu, Jésus-Christ qui donnera sa vie pour le salut de tous les hommes. Cette « Nouvelle Alliance » trouvera sa justification dans la mort et la résurrection de Jésus de Nazareth.

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Yahvé vient au secours de Noé dans la bouche duquel on peut mettre cette humble et confiante prière du psalmiste. Dans ce psaume, nous retrouvons les caractéristiques de la pénitence : le chemin dont  on s’est égaré et pour lequel on sollicite la gouverne du Seigneur (« diriger dans le droit chemin »), un chemin de justice dans lequel il dirige les humbles de cœur.


Psaume 24 (25), 4-5ab, 6-7, 8-9
4 SEIGNEUR, enseigne-moi tes voies,
fais-moi connaître ta route.
5 Dirige-moi par ta vérité, enseigne-moi,
car tu es le Dieu qui me sauve.

6 Rappelle-toi, SEIGNEUR, ta tendresse,
ton amour qui est de toujours.
7 Oublie les révoltes, les péchés de ma jeunesse,
dans ton amour, ne m'oublie pas.

8 Il est droit, il est bon, le SEIGNEUR,
lui qui montre aux pécheurs le chemin.
9 Sa justice dirige les humbles,
il enseigne aux humbles son chemin.
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 Deuxième Lecture - 1 Pierre 3, 18 - 22
Frères,
18 le Christ est mort pour les péchés,
une fois pour toutes ;
lui, le juste, il est mort pour les coupables
afin de vous introduire devant Dieu.
Dans sa chair, il a été mis à mort,
dans l'esprit, il a été rendu à la vie.
19 C'est ainsi qu'il est allé proclamer son message
à ceux qui étaient prisonniers de la mort.
20 Ceux-ci, jadis, s'étaient révoltés
au temps où se prolongeait la patience de Dieu,
quand Noé construisit l'arche,
dans laquelle un petit nombre de personnes, huit en tout,
furent sauvées à travers l'eau.
21 C'était une image du Baptême
qui vous sauve maintenant :
être baptisé, ce n'est pas être purifié de souillures extérieures,
mais s'engager envers Dieu avec une conscience droite,
et participer ainsi à la résurrection de Jésus Christ
22 qui est monté au ciel,
au-dessus des anges et de toutes les puissances invisibles,
à la droite de Dieu.
 
Péchés, Baptême et Résurrection : ces trois mots ne sont pas là par hasard. Dans l’histoire de Noé, Dieu sauve à travers les eaux diluviennes les hommes et leurs bêtes. L’eau fait périr, elle fait également vivre. Comme le Christ qui est le roc solide de ceux qui croient en lui et la pierre d’achoppement de ceux s’éloigne de son chemin, de sa Parole. Oui ! Qui s’éloigne du Christ s’assèche tel le figuier qui ne donne plus de fruit.
Dans le psaume 24 (25), l’homme, pécheur de naissance, demande à Dieu de le protéger, de le guider sur le chemin, le « bon chemin », car il s’est égaré. Le Seigneur est plein de tendresse, « lui qui montre aux pécheurs le chemin » et leur fait connaître ses voies (de justice, de sagesse, de droiture.
Et Pierre explique bien cela : Noé dans son arche et sauvé par Dieu, c’est « une image du Baptême qui vous sauve maintenant : être baptisé, ce n'est pas être purifié de souillures extérieures, mais s'engager envers Dieu avec une conscience droite, et participer ainsi à la résurrection de Jésus Christ… », c’est-à-dire sa propre re-création et celle de tout l’univers.

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Évangile - Marc 1, 12 - 15
Jésus venait d'être baptisé
12 Aussitôt l'Esprit le pousse au désert.
13 Et dans le désert
il resta quarante jours,
tenté par Satan.
Il vivait parmi les bêtes sauvages,
et les anges le servaient.
14 Après l'arrestation de Jean Baptiste,
Jésus partit pour la Galilée
proclamer la Bonne Nouvelle de Dieu ; il disait :
15 « Les temps sont accomplis :
le règne de Dieu est tout proche.
Convertissez-vous
et croyez à la Bonne Nouvelle. »

En ce temps de carême, l’appel à la conversion est à comprendre comme un appel à la re-naissance, à la re-création, à la résurrection. Jésus se retire dans le désert pour entrer en prière avec son Père. Il y reste pendant quarante jours, en souvenir des quarante années de séjour de son peuple à la sortie d’Égypte. Mais dans la mémoire du peuple d’Israël, le désert est un lieu ambivalent : lieu de sécurité et de privation à la fois, c’est là que le Seigneur a éprouvé la fidélité à son peuple ; mais c’est dans le désert que le Seigneur lui-même donne rendez-vous à ce même peuple pour lui parler, le former, l’éduquer et le chérir telle une fiancée : « Je la conduirai au désert et je lui parlerai sur le cœur « (Osée 2, 15).

Jésus est tenté, c’est-à-dire mis à l’épreuve par Satan. Une tentation à la fis messianique et proprement humaine. Mais c’est l’Esprit qui le conduit au désert où il ne lui épargne pas cette expérience. Chez Luc (4, 1-13) Jésus se retrouve face à trois tentations : devant la faim, le pouvoir et l’assurance de signes prodigieux. A chaque tentation de Satan, Jésus réplique par une citation des Écritures. Que retenir cependant de cet épisode de la tentation ? 1)- que Jésus n’est pas un Messie tout-puissant devant la condition humaine, qu’il n’est pas un Messie dominateur face au monde, qu’il n’est pas une Messie prodigieux face à la contestation. Bref, Jésus est parfaitement des nôtres, il vit au milieu et avec nous la condition humaine dans toute sa complexité individuelle et socio-politique. Jésus est au cœur du monde celui qui, quelle que soit la nuit de l’épreuve, réalise à la perfection l’image de Dieu.
Grâce à Jésus qui repousse Satan avec force et autorité, nous savons désormais que le péché est vaincu. Dans les déserts de nos propres vies, Jésus nous assure de sa présence agissante : il est notre bouclier, qui nous protège des assauts du Mal ; il est la Parole qui nous donne la force de surmonter les obstacles de la vie. Mais savons-nous nous réconcilier avec le Père dans la prière pour qu’à notre tour nous ne soyons pas des obstacles ou des scandales insurmontables pour nos frères ? C’est tout l’enjeu du Carême !

22/02/2012

Chantez au Seigneur un chant nouveau…


Chers amis, bonjour !
Dans l’attente de la grande fête de Pâques, j’ai le plaisir de vous faire découvrir cette réalisation : deux enregistrements dans un style moderne et afro-gospel pleins de vie et de rythme: «Chantez au Seigneur un chant nouveau» et «Réjouissons-nous, mes frères». Foudrine, la soliste de cette performance, nous dévoile ici une partie de son talent avec une voix et une présence qui régalent pour leur fraîcheur. Au bout du Carême, une invite à célébrer Pâques avec éclat et profonde spiritualité. Mais écoutez et regardez plutôt… en cliquant sur le lien ci-dessous : 


Visuel de la pochette du CD réalisé par Axel Banimba

Changez vos cœurs, croyez à la Bonne Nouvelle


Chers amis, bonjour !

C'est le Mercredi des Cendres aujourd'hui. Plus qu'un simple rituel, c'est d'une interpellation qu'il s'agit. En effet, Jésus en personne nous invite à la conversion. Nous avons rompu volontairement ou par omission le Pacte d'Alliance que Dieu a scellé avec nous, et nous nous sommes éloignés de Lui, égarés telles des brebis qui ont suivi un imposteur. Pendant quarante jours, Dieu nous appelle à faire pénitence dans le silence et l'humilité, à changer nos cœurs de pierre et de laisser l'Esprit Saint les changer en de véritables cœurs de chair.


1ère lecture : Appel à la pénitence (Jl 2, 12-18)

• Lecture du livre de Joël
Parole du Seigneur : «Revenez à moi de tout votre cœur, dans le jeûne, les larmes et le deuil !»
Déchirez vos cœurs et non pas vos vêtements, et revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d'amour, renonçant au châtiment.
Qui sait ? Il pourrait revenir, il pourrait renoncer au châtiment, et vous combler de ses bienfaits : ainsi vous pourrez offrir un sacrifice au Seigneur votre Dieu.
Sonnez de la trompette dans Jérusalem : prescrivez un jeûne sacré, annoncez une solennité, réunissez le peuple, tenez une assemblée sainte, rassemblez les anciens, réunissez petits enfants et nourrissons ! Que le jeune époux sorte de sa maison, que la jeune mariée quitte sa chambre !
Entre le portail et l'autel, les prêtres, ministres du Seigneur, iront pleurer et diront : «Pitié, Seigneur, pour ton peuple, n'expose pas ceux qui t'appartiennent à l'insulte et aux moqueries des païens ! Faudra-t-il qu'on dise : 'Où donc est leur Dieu ?'»
Et le Seigneur s'est ému en faveur de son pays, il a eu pitié de son peuple.


L
e livre de Joël est composée de deux parties : la première construite autour de l’épisode de l’«invasion des sauterelles» qui ravage Juda est à l’origine d’une liturgie du deuil, de la contrition et de la supplication. La seconde partie, que l’on pourrait qualifier d’«apocalyptique» décrit le jugement des nations et la victoire de Yahvé qui s’accomplira par l’effusion de l’Esprit (à la Pentecôte). C’est d’ailleurs le thème du Jour du Seigneur qui assure le lien entre ces deux parties. C’est justement dans l’attente de ce Jour que le prophète Joël nous invite au jeûne et à la prière.

Ce texte fait écho à plusieurs idées que l’on retrouve principalement dans le Livre de l’Exode, le Deutéronome, les psaumes et même chez certains « petits prophètes ». La «vision du Jour de Yahvé» est terrifiante : la terre frémit, les cieux tremblent, le soleil et la lune s’assombrissent, les étoiles perdent leur éclat ; et au milieu de ce chambardement, le Seigneur fait entendre sa voix … D’où l’appel à la pénitence que lance Joël. Moïse dans l’une de ses méditations avait déjà exprimé le souhait de Yahvé devant la désobéissance du peuple d’Israël: «Ah ! si leur cœur pouvait toujours être ainsi, pour me craindre et garder mes commandements en sorte qu’ils soient heureux à jamais, eux et leurs fils…» (Dt 4, 29). Le prophète Amos a lui aussi annoncé le Jour du Seigneur et appelé au repentir. Non pas par des effusions démonstratives mais par un jeûne intérieur qui vient du cœur: «Quand vous m’offrez des holocaustes, vos oblations je n’en veux pas, vos sacrifices de bêtes grasses, je ne les regarde pas». Joël comme Amos se placent dans la même attitude que le psalmiste. Au peuple d’Israël endurci dans le péché, les prophètes en appellent aux sentiments intérieurs qui doivent inspirer la contrition,  le sacrifice, l’obéissance et l’action de grâces. C’est un cœur blessé que Dieu prend en pitié, c’est un cœur humilié qu’il sauve dans son infinie miséricorde. Le Psaume 50 qui nous est proposé en méditation est bien dans le prolongement de ce texte du prophète Joël.

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• Psaume : Ps 50, 3-4, 5-6ab, 12-13, 14.17

Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour,
selon ta grande miséricorde, efface mon péché.
Lave-moi tout entier de ma faute,
purifie-moi de mon offense.

Oui, je connais mon péché,
ma faute est toujours devant moi.
Contre toi, et toi seul, j'ai péché,
ce qui est mal à tes yeux, je l'ai fait.

Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu,
renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit.
Ne me chasse pas loin de ta face,
ne me reprends pas ton esprit saint.

Rends-moi la joie d'être sauvé ;
que l'esprit généreux me soutienne.
Seigneur, ouvre mes lèvres,
et ma bouche annoncera ta louange.


T
out homme naît impur et donc porté au mal. Dieu tient compte de cette circonstance originelle. Paul explicitera la purification de l’homme renouvelé par le Baptême de l’Esprit qui nous lave mieux que l’hysope en Christ ressuscité. Pour bien comprendre ce psaume, nous pouvons utilement lire Isaïe (1, 18 ; 59, 2 ; 59, 12 ; 57, 15) et Ezéchiel (6, 9 ; 11, 19 ; 18, 23 ; 36, 25).

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2ème lecture : “Laissez-vous réconcilier avec Dieu” (2Co 5, 20-21; 6, 1-2)

• Lecture de la seconde lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens
Frères,
nous sommes les ambassadeurs du Christ, et par nous c'est Dieu lui-même qui, en fait, vous adresse un appel. Au nom du Christ, nous vous le demandons, laissez-vous réconcilier avec Dieu.
Celui qui n'a pas connu le péché, Dieu l'a pour nous identifié au péché des hommes, afin que, grâce à lui, nous soyons identifiés à la justice de Dieu.
Et puisque nous travaillons avec lui, nous vous invitons encore à ne pas laisser sans effet la grâce reçue de Dieu.
Car il dit dans l'Écriture : Au moment favorable je t'ai exaucé, au jour du salut je suis venu à ton secours. Or, c'est maintenant le moment favorable, c'est maintenant le jour du salut.


Nous connaissons tous l’histoire de Ninive, cette immense ville de la débauche et de la dépravation. Il fallait trois jours pour la traverser d’Est en Ouest. Jonas reçut de Dieu la mission d’aller exhorter les habitants au repentir: «Lève-toi (…), va à Ninive la grande ville non juive et annonce-leur ce que je te dirai » (3,  et 4). Le prophète ne traversa la ville qu’en une journée de marche, proclamant : «Encore quarante jours, et Ninive sera détruite». Tiens ! Les quarante jours qui rappellent les quarante jours du Déluge ou de l’Exode. «Les gens de Ninive crurent en Dieu ; ils publièrent un jeûne et se revêtirent de sacs, depuis le plus grand jusqu’au plus petit» (3, 5). Cette conversion est bien plus rapide que l’incrédulité juive. Preuve que la miséricorde divine est universelle. D’ailleurs, tout le Livre de Jonas prépare la révélation évangélique du DIEU-AMOUR.

Dans le Quatrième chant du Serviteur de Yahvé, Isaïe nous dresse le portrait du Dieu souffrant et accablé par les péchés des hommes. Méprisé et déconsidéré, il est le Serviteur qui prend sur lui tous les péchés, tous les crimes et toutes les plaies des hommes de toute races. Et comme un agneau conduit à la boucherie, il n’ouvre pas la bouche devant ses persécuteurs. Il sauve l’humanité en toute humilité, en silence… (Is 53, 1-13).

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Évangile : L'aumône, la prière et le jeûne comme Dieu les aime (Mt 6,1-6.16-18)

• Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
Comme les disciples s'étaient rassemblés autour de Jésus, sur la montagne, il leur disait : « Si vous voulez vivre comme des justes, évitez d'agir devant les hommes pour vous faire remarquer. Autrement, il n'y a pas de récompense pour vous auprès de votre Père qui est aux cieux.

Ainsi, quand tu fais l'aumône, ne fais pas sonner de la trompette devant toi, comme ceux qui se donnent en spectacle dans les synagogues et dans les rues, pour obtenir la gloire qui vient des hommes. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont touché leur récompense.
Mais toi, quand tu fais l'aumône, que ta main gauche ignore ce que donne ta main droite, afin que ton aumône reste dans le secret ; ton Père voit ce que tu fais dans le secret : il te le revaudra.
Et quand vous priez, ne soyez pas comme ceux qui se donnent en spectacle : quand ils font leurs prières, ils aiment à se tenir debout dans les synagogues et les carrefours pour bien se montrer aux hommes. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont touché leur récompense.
Mais toi, quand tu pries, retire-toi au fond de ta maison, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père voit ce que tu fais dans le secret : il te le revaudra.

Et quand vous jeûnez, ne prenez pas un air abattu, comme ceux qui se donnent en spectacle : ils se composent une mine défaite pour bien montrer aux hommes qu'ils jeûnent. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont touché leur récompense.
Mais toi, quand tu jeûnes, parfume-toi la tête et lave-toi le visage ; ainsi, ton jeûne ne sera pas connu des hommes, mais seulement de ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père voit ce que tu fais dans le secret : il te le revaudra.


J
ésus appelle aussi au jeûne, au repentir mais tout ceci dans la discrétion, sans publicité ni arrogance, l’exact opposé de l’exubérance des Pharisiens. «Evitez d’afficher votre justice», dit-il d’emblée. «Faire sa justice», cela signifie pratiquer les bonnes œuvres qui rendent un homme digne et juste devant Dieu. Aux yeux des Juifs, les principales bonnes œuvres sont : l’aumône, la prière et le jeûne. Et contrairement aux Ninivites, à l’opposé des compatriotes de Jérémie et d’Ezéchiel, il ne s’agit pas de se couvrir de poudre, de cendres ou de vêtir des guenilles. Le jeûne doit venir et s’enraciner dans le cœur. Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est un cœur brisé… et c’est ce cœur que Dieu scrute. Il n’est pas surprenant de voir que Jésus termine avec la même phrase dans cet extrait intitulé «Faire l’aumône en secret» et dans le suivant intitulé « Prier en secret»: «…Pour toi, quand tu pries, retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte, et prie ton Père qui est là, dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra » (Mt 6, 6).
Mais que peut donc être notre jeûne ? Des privations ? Certes ! Mais ce peut bien être aussi de demander à Dieu qu’il mette en nous le désir de le suivre, qu’il nous apprenne à ouvrir les prisons et à nourrir les affamés, qu’il nous apprenne à donner sans compter et sans retour ce que nous sommes et ce que nous sommes, qu’il nous donne de marcher dans la voie de pauvreté où il avait conduit Marie, son humble Servante… Oui ! Un jeûne fait de petites choses qui viennent du cœur, chargées d’amour pour notre prochain… Car pour Dieu, point de détresse que son regard ne soulage, point de blessure que sa main ne guérisse, point de ténèbres sans espoir de lumière. Pour Dieu, rien n’est jamais fini, et dans tout cœur endurci ou égaré, il met son Esprit qui renouvelle la face des hommes et de la Terre. Mais Dieu ne nous sauve pas sans nous : point de miséricorde sans le pardon qui le cherche dès l’aurore.
Le Carême : un temps de germination pour éclore et se libérer au matin de Pâques : la vie jaillit de la grâce comme une flamme jaillit des cendres. Depuis la sortie d’Égypte, Moïse l’a sans cesse rappelé aux enfants d’Israël: «…Tu es un peuple consacré au Seigneur ton Dieu : c’est toi qu’il a choisi pour être son peuple particulier, parmi tous les peuples de la terre. C’est par amour pour vous, et par fidélité au serment fait à vos pères, que le Seigneur vous a fait sortir par la force de sa main, et vous a délivrés de la maison d’esclavage et de la main de Pharaon, roi d’Égypte. Vous saurez donc que le Seigneur votre Dieu est le vrai Dieu, le Dieu fidèle qui garde son Alliance et son amour pour mille générations à ceux qui l’aiment et gardent ses commandements» (Dt 7, 6. 8-9). Plus tard, Paul dira aux Philippiens: «Travaillez à votre salut dans la crainte de Dieu et en tremblant. Car c’est l’action de Dieu qui produit en vous la volonté et l’action, parce qu’il veut votre bien. Faites tout sans récriminer et sans discuter ; ainsi vous serez irréprochables et purs, vous qui êtes des enfants de Dieu sans tache» (Ph 2, 12b-15a).


20/02/2012

Lève-toi et marche…



Chers amis, bonjour !


En ce dimanche 19 février 2012, la liturgie nous a proposé trois textes dont le message transversal peut être le suivant : Jésus, le Messie de Dieu vient inaugurer un monde nouveau dans lequel il redonne espoir au pauvre, le malheureux. Un monde dans lequel l'homme n'est plus irrémédiablement prisonnier de la loi et du péché grâce à la miséricorde du DIEU-AMOUR. Un monde dans lequel l'homme est relevé, redressé, debout par la puissance d'un DIEU qui lui tend la main et l'appelle à partager sa gloire.


Première Lecture - Isaïe 43, 18... 25
18 Parole du SEIGNEUR : « Ne vous souvenez plus d'autrefois,
ne songez plus au passé.
19 Voici que je fais un monde nouveau :
il germe déjà, ne le voyez-vous pas ?
Oui, je vais faire passer une route dans le désert,
des fleuves dans les lieux arides.
21 Ce peuple que j'ai formé pour moi
redira ma louange.
22 Toi, Jacob, tu ne m'avais pas appelé,
tu ne t'étais pas fatigué pour moi, Israël !
24c Par tes péchés tu m'as traité comme un esclave,
par tes fautes tu m'as fatigué.
25 Mais moi, oui, moi, je pardonne tes révoltes,
à cause de moi-même,
et je ne veux plus me souvenir de tes péchés. »
«Moïse étendit sa main sur la mer. Yahvé refoula la mer toute la nuit par un fort vent d’est et il la mit à sec. Les eaux se fendirent et les enfants d’Israël s’engagèrent dans le lit asséché de la mer, avec une muraille d’eau à leur droite et à leur gauche…» … et l’on connaît la suite de cet épisode fantastique du passage de la mer Rouge : le Seigneur Dieu suave son peuple de la dictature du Pharaon, il le libère de l’esclavage. La traversée de la mer Rouge est sans conteste, dans la Tradition de l’Ancien Testament, l’une des manifestations les plus éclatantes du secours de Yahvé envers son peuple. C’est le fait historique qui sera sans cesse rappelé dans les moments de joie et de souffrance durant la longue marche dans le désert.
Mais voilà ! Le Prophète Isaïe jette un pavé de la marre en clamant: «Ne vous souvenez plus d'autrefois, ne songez plus au passé. Voici que je fais un monde nouveau : il germe déjà, ne le voyez-vous pas?» Lui qui n’a eu de cesse d’annoncer et de déplorer guerres, conflits, oppressions, calamités, fautes, trahisons… lui qui se référait au passé d’Israël pour réveiller la mémoire des enfants d’Israël, il annonce dorénavant l’avenir, il exhorte à regarder vers l’avant, il rassure à propos du dieu qui sauve et qui pardonne.
Isaïe rappelle ici la gratuité de l’élection du peuple d’Israël et, malgré ses interminables reniements, la miséricorde permanente de Dieu à son égard. Le psalmiste le dira plus tard (Ps 94) :

Aujourd'hui écouterez-vous sa parole ? +
8« Ne fermez pas votre cœur comme au désert,
comme au jour de tentation et de défi,
9où vos pères m'ont tenté et provoqué,
et pourtant ils avaient vu mon exploit.

10« Quarante ans leur génération m'a déçu, +
et j'ai dit : Ce peuple a le cœur égaré,
il n'a pas connu mes chemins.
11Dans ma colère, j'en ai fait le serment :
Jamais ils n'entreront dans mon repos. »
 
C’est là une sentence terrible pour Israël que cette posture du SEIGNEUR qui détourne sa face, qui lui ferme son cœur. Mais nous savons tous que cette situation ne sera pas irrémédiable. Dans son infinie bonté, il a pardonné, il a effacé le péché d’Israël qu’il a rétabli dans son cœur. Isaïe exalte ici le Dieu fidèle à lui-même, fidèle à l’Alliance. Plus tard, Paul rappellera aux Romains cette figure du pardon christique: «Tous les hommes sont pécheurs, ils sont tous privés de la gloire de Dieu, lui qui leur donne d’être des justes par sa seule grâce, en vertu de la rédemption accomplie dans le Christ Jésus. Car Dieu a exposé le Christ sur la croix afin que, par l’offrande de son sang, il soit le pardon pour ceux qui croient en lui. Ainsi Dieu voulait manifester sa justice» (Rm 3, 23-25a).


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Psaume 40 (41), 2-4. 5-6. 11-13
2 Heureux qui pense au pauvre et au faible :
le SEIGNEUR le sauve au jour du malheur.
3 Il le protège et le garde en vie ;
4 il le soutient sur son lit de souffrance.

5 J'avais dit : « Pitié pour moi, SEIGNEUR,
guéris-moi, car j'ai péché contre toi ! »
6 Mes ennemis me condamnent déjà :
« Quand sera-t-il mort ? Son nom, effacé ? »

11 Mais toi, SEIGNEUR, prends pitié de moi ;
12 et je saurai que tu m'aimes.
13 Dans mon innocence tu m'as soutenu
et rétabli pour toujours devant ta face.

Ce Psaume est intitulé  « Prière du malade abandonné ». Un malade qui se sent abandonné de tout le monde et, pense-t-il, de Dieu aussi. Parlant de la maladie, le psalmiste en évoque les conséquences : le malheur, la souffrance, le péché, la mort, l’effacement. Et face à cette douleur, la lueur vient du SEIGNEUR qui seul est capable de prendre en pitié, de soutenir et de pardonner, c’est-à-dire d’effacer le péché qui est dans le cœur de l’homme.
Mais derrière la personnalisation du psaume, il s’agit bien du peuple d’Israël. Le désert qui a été son lit de souffrance, le lieu de ses reniements et de ses voltes faces, le théâtre de ses idolâtries quand il n’espérait plus en son Dieu. Le «lit de souffrance» qui représente aussi  l’exil de Babylone, loin de Jérusalem, vécu comme un juste châtiment contre les ruptures de l’Alliance de Dieu avec ce peuple qu’il a choisi. Vivre en exil, c’est vivre éloigné du sanctuaire où Dieu réside et des fêtes qui y rassemblent le peuple.

L’appel à la pitié est un aveu de péché qui libère de ce péché même: «Heureux qui est absous de son péché, acquitté de sa faute» (Ps 33 /31, 1). Car dans l’exil, les dominants se moquaient des enfants d’Israël abandonnés, selon eux, à leur triste sort, sans aucun secours de leur Dieu. Certains fils d’Israël, c’est-à-dire ceux lesquels ils partageaient le pain, les peines, les confidences, les joies et les malheurs… certains fils d’Israël se retournaient contre eux et se moquaient de leur fidélité à un dieu dont ils ne percevaient la manifestation d’aucune aide. Il n’y a rien de pire que d’être trahi pas les siens. Plus concrètement, l’ennemi-type est représenté par les Edomites, un peuple voisin et frère, descendant d'Esaü ; un peuple qui, à de la chute de Jérusalem, en 587, sous les brutalités du roi Nabuchodonosor, n’a pas volé au secours du peuple d'Israël, mais s’est joint aux envahisseurs pour piller et profaner.
Pourtant, c’est avec une foi ancrée dans l’Alliance scellée sur le Mont Horeb, dans le buisson ardent, que ce peuple surpasse toutes ces tribulations ; car le Dieu d’Israël est fidèle et jamais il ne refuse son pardon à celui qui s’humilie et met en lui toute son espérance. Le peuple d’Israël, à l’image de son Dieu, est lui-même appelé à pardonner tous les peuples qui l’ont offensé en le réduisant en esclavage et en profanant son Dieu ainsi que le la Ville et le Saint Temple dans lequel il réside.


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Deuxième Lecture - Deuxième Lettre de Paul aux Corinthiens 1, 18 - 22
Frères,
18 J'en prends à témoin le Dieu fidèle :
Le langage que nous parlons
n'est pas à la fois « oui » et « non ».
19 Le Fils de Dieu, le Christ Jésus,
que nous avons annoncé parmi vous,
Sylvain, Timothée et moi,
n'a pas été à la fois « oui » et « non » ;
il n'a jamais été que « oui ».
20 Et toutes les promesses de Dieu
ont trouvé leur « oui » dans sa personne.
Aussi est-ce par le Christ
que nous disons « Amen »,
notre « oui » pour la gloire de Dieu.
21 Celui qui nous rend solides pour le Christ,
dans nos relations avec vous,
celui qui nous a consacrés,
c'est Dieu ;
22 il a mis sa marque sur nous,
et il nous a fait une première avance sur ses dons :
l'Esprit qui habite nos cœurs.

Paul et ses amis viennent d’Asie où ils ont subi les pires persécutions et l’ont échappé belle !  Mais entre temps, il y a comme un flottement dans son emploi du temps originel : Éphèse, Corinthe, Macédoine puis Corinthe. Mais, modifiant l’itinéraire de son voyage, il va directement en Macédoine puis seulement à Corinthe. C’est ce bouleversement qui explique la tension entre lui et les chrétiens de l’Église de Corinthe qui se sent quelque peu fouée, comme reléguée au second plan comme si les problèmes qu’ils vivaient ne méritaient pas la sollicitude de l’apôtre.
Paul s’en explique comme il peut. D’ailleurs, dans le préambule à la Seconde Lettre aux Corinthiens, il se dégage comme un sentiment de soulagement : Paul se retrouve parmi ses frères dont il est sûr de la consolation et du soutien dans la prière. Il réalise la difficulté et l’enthousiasme d’annoncer la Bonne Nouvelle. Difficulté d’annoncer une Parole qui bouscule et dérange en terres païennes encore sous le voile de l’idolâtrie, ou gouvernées par des tyrans qui craignent l’affaiblissement de leur pouvoir… Mais aussi enthousiasme avec cette assurance que, lui et ses condisciples, ont «devant Dieu et par le Christ» (2 Co 3, 4) au point de proclamer et témoigner: «C’est quand on se convertit au Seigneur que le voile tombe. Car le Seigneur, c’est l’esprit, et où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté. Et nous tous qui, le visage découvert, réfléchissons comme en un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en cette même image, toujours plus glorieuse, comme il convient à l’action du Seigneur, qui est Esprit.» (2 Co 3, 16-18). La comparaison est belle et l’affirmation fondamentale pour notre engagement dans le ministère apostolique. L’apôtre, l’envoyé de Dieu dont l’autorité peut être contestée, mise à l’épreuve.
Cette référence permanente à l’Esprit souligne la solidité de la promesse de partager la gloire du Seigneur à son retour : «Celui qui nous rend solides pour le Christ, dans nos relations avec vous, celui qui nous a consacrés, c'est Dieu ; il a mis sa marque sur nous, et il nous a fait une première avance sur ses dons : l'Esprit qui habite nos cœurs.» Une allusion franche au baptême qui ne s’oppose pas  à la foi mais l’accompagne et l’exprime dans son rite symbolique. C’est par le baptême, immersion et résurrection, que nous recevons l’Esprit de Dieu. Et cette résurrection qui ne sera totale et définitive qu’à la fin des Temps, lorsque le Seigneur lui-même viendra nous prendre dans gloire, se réalise dès à présent dans la vie nouvelle selon l’Esprit: «Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle» (Rm 6, 4). Paul l’annoncera partout dans toutes les communautés chrétiennes, par exemple chez les Galates: «Vous tous en effet, baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ: il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme ; car tous, vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus. Mais si vous appartenez au Christ, vous êtes donc la descendance d’Abraham, héritiers selon la promesse.» (Ga 3, 27).
On peut dire que Paul se tire bien d’affaire. D’un climat qui était plus que tendu et suspicieux au premier abord, il a su recentré son message sur ce qui est le fondement de la foi chrétienne et qui nourrit le lien entre tous les chrétiens de par le monde. Assurément, Paul « toutes les promesses de Dieu ont trouvé leur « oui » en sa personne » (2 Co 1, 20), c’est-à-dire celle du Christ.

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Évangile - Marc 2, 1 - 12
1 Jésus était de retour à Capharnaüm,
et la nouvelle se répandit qu'il était à la maison.
2 Tant de monde s'y rassembla
qu'il n'y avait plus de place, même devant la porte.
Jésus leur annonçait la Parole.
3 Arrivent des gens
qui lui amènent un paralysé,
porté par quatre hommes.
4 Comme ils ne peuvent l'approcher à cause de la foule,
ils découvrent le toit au-dessus de Jésus,
font une ouverture,
et descendent le brancard sur lequel était couché le paralysé.
5 Voyant leur foi,
Jésus dit au paralysé :
« Mon fils, tes péchés sont pardonnés. »
6 Or, il y avait dans l'assistance quelques scribes
qui raisonnaient en eux-mêmes :
7 « Pourquoi cet homme parle-t-il ainsi ?
Il blasphème.
Qui donc peut pardonner les péchés,
sinon Dieu seul ? »
8 Saisissant aussitôt dans son esprit
les raisonnements qu'ils faisaient,
Jésus leur dit :
« Pourquoi tenir de tels raisonnements ?
9 Qu'est-ce qui est le plus facile ?
De dire au paralysé : Tes péchés sont pardonnés,
ou bien de dire :
Lève-toi, prends ton brancard et marche ?
10 Eh bien ! Pour que vous sachiez que le Fils de l'homme
a le pouvoir de pardonner les péchés sur la terre,
11 Je te l'ordonne,
(dit-il au paralysé),
lève-toi,
prends ton brancard et rentre chez toi. »
12 L'homme se leva, prit aussitôt son brancard,
et sortit devant tout le monde.
Tous étaient stupéfaits
et rendaient gloire à Dieu, en disant :
« Nous n'avons jamais rien vu de pareil. »
 

Seul le Fils de l’homme a le pouvoir de guérir et de pardonner les péchés sur la terre. Isaïe a appelé ses compatriotes à oublier l’ancien monde, celui de Moïse pour se préparer à la venue du monde nouveau, celui du Messie de Dieu.
Dans cet extrait de l’Évangile de Marc, deux mots reviennent par huit fois, deux mots qui sont à chaque fois associés, comme si l’on ne pouvait entendre l’un sans l’autre : péché et pardonner. Et entre ces deux mots, Dieu « ordonne », c’est-à-dire fait advenir les choses ou les situations par la seule puissance de sa parole. Ce qui dérange voire choque les scribes qui sont présent dans l’assistance : « Pourquoi cet homme parle-t-il ainsi ? Il blasphème. Qui donc peut pardonner les péchés, sinon Dieu seul ? » Ils ne savent pas que c’est lui Messie de Dieu. Mais revenons à ce texte de la guérison du paralytique.
Imaginons ces quatre hommes qui jouent des coudes pour essayer de se frayer un chemin d’accès à Jésus, tellement il y a de monde dans la maison où il est en train d’enseigner la Bonne Nouvelle. Ils sont si déterminés que rien ne peut les dissuader ; ils passent par le toit le brancard de leur ami ou frère. Jésus est non seulement pris de pitié mais il reconnaît la foi des brancardiers et du paralytique: «Mon fils, tes péchés sont pardonnés.» Une adresse qui pourrait laisser penser que Jésus ne se départit pas de la conception traditionnelle selon laquelle toute maladie est signe de péché et donc manifestation d’un châtiment de Dieu. On peut plutôt penser qu’il parle ainsi à dessein, à cause des scribes qui sont là à l’affût du moindre écart. Mais en réalité, Jésus se révèle comme celui qui a le pouvoir divin de pardonner son (ses) péché(s) à tout être humain. Il se manifeste comme égal à Dieu, comme Dieu lui-même. Et encore une fois, toues affaires cessantes, il s’intéresse au  malade, au pauvre, au malheureux pour le soulager de sa peine. Jésus réaffirme de la sorte que le pouvoir du Messie de Dieu ne sera pas « politique » mais spirituel au sens où il s’emploiera essentiellement à restaurer dans une Alliance nouvelle l’histoire du genre humain : Dieu parmi les hommes, cela signifie que le Messie est venu diviniser le monde des hommes, d’où son attachement à le convertir des ténèbres à la lumière. Le monde des ténèbres est celui du péché, et le monde de la lumière est celui du salut et de la participation à la gloire de Dieu.
Le paralytique atterrit aux pieds de Jésus dans une position d’horizontalité dépendante et, lorsque Jésus le lui ordonne, il se relève dans une verticalité agissante. C’est à l’image de ce que sera la résurrection du Christ couché dans le tombeau puis libéré des bandelettes qui emprisonnaient son corps pour revivre debout au milieu des hommes. Au fond, cette guérison signifie que la foi de celui qui croit et met en Jésus sa confiance et son espérance est récompensée par la grâce du Dieu-qui-sauve, du Dieu-qui-relève, du Dieu-qui-libère, du Dieu-qui-pardonne. Mais ce brancard sur lequel le paralytique a passé des jours et des nuits, il ne l’abandonne pas dans la maison. Jésus lui dit: «Prends ton brancard et rentre chez toi.» Nos difficultés, nos peines sont de toujours. Simplement, comme il le dira ailleurs: «Venez à moi vous tous qui ployez sous le poids du fardeau…». Nos croix jalonneront nos vies et celles-ci nous sembleront parfois aussi arides et inhospitalières qu’un désert… mais Jésus nous fait signe ; il vient nous tendre la main pour nous relever et marcher à sa suite. Le texte de Paul trouve ici un écho merveilleux: «Celui qui nous a consacrés, c'est Dieu ; il a mis sa marque sur nous, et il nous a fait une première avance sur ses dons : l'Esprit qui habite nos cœurs.» (2 Co 1, 21-22).



13/02/2012

Le seigneur écoute toujours le cri du malheureux


Chers amis, bonjour !

En ce 6ème dimanche du Temps ordinaire, la liturgie nous a proposé les trois lectures suivantes : 
Première Lecture - Lévitique 13, 1-2. 45-46
Méditation : Psaume 101 (102) 2-3. 4-5.6-13. 20-21
Deuxième Lecture - Première Lettre de Paul aux Corinthiens 10, 31. 11, 1
Évangile - Marc  1, 40-45

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Première Lecture - Lévitique 13, 1-2. 45-46
1 Le SEIGNEUR dit à Moïse et à son frère Aaron :
2 « Quand un homme aura sur la peau
une tumeur, une inflammation ou une tache,
qui soit une marque de lèpre,
on l'amènera au prêtre Aaron
ou à l'un des prêtres ses fils.
45 Le lépreux atteint de cette plaie
portera des vêtements déchirés et les cheveux en désordre,
il se couvrira le haut du visage jusqu'aux lèvres,
et il criera : Impur ! Impur !
46 Tant qu'il gardera cette plaie, il sera impur.
C'est pourquoi il habitera à l'écart,
sa demeure sera hors du camp. »

Le livre du Lévitique présente par certains côtés des allures de code général de la vie individuelle et collective des Hébreux. En effet, sont décrits jusque dans les moindres détails et de façon réglementaire les différentes modalités du déploiement de la vie, c’est-à-dire ce qui la rend possible et soutenable pour l’homme dans sa relation verticale à Dieu et horizontale aux autres hommes. Dans l’extrait que la liturgie nous propose à la méditation en ce sixième dimanche du Temps ordinaire, il est question de la lèpre.
Pour les Hébreux à cette époque déjà, la notion de lèpre recouvrait diverses affections cutanées ou superficielles, y compris les moisissures qui peuvent naître sur les vêtements et même les murs. On peut citer : les tumeurs, la dartre et les taches, la lèpre invétérée, les furoncles, les brûlures, les affections du cuir chevelu, les exanthèmes, les calvities. Traditionnellement, le diagnostic et les précautions individuelles et collectives à prendre pour prévenir toute contagion relèvent de la compétence du lévite, du prêtre (il faut noter que contrairement au Livre du Deutéronome qui met en exergue les prophètes comme porte-parole de Dieu auprès des hommes, le Lévitique consacre l’intermédiation de la fonction sacerdotale). Le lévite fait fonction entre autres de responsable de l’hygiène et des membres de sa communauté et, pour le cas d’espèce, de leur sécurité sanitaire. C’est lui qui prend la décision de d’éloigner, de mettre en quarantaine les lépreux afin d’éviter toute propagation de la maladie et du péché dont il est le signe manifeste.
C’est donc cette conception archaïque qui, intégrée dans le yahvisme, réinterprète la lèpre comme un marqueur religieux de l’impur, du péché. Par conséquent, il est logique que toute réintégration d’un lépreux soit soumise à des rituels de purification parce que la lèpre, une maladie irrémédiablement contagieuse et presque incurable à l’époque, était assimilée à un péché, c’est-à-dire une atteinte à la vertu vivifiante de Dieu. C’est la raison pour laquelle le lépreux était tenu à l’écart, contraint de se vêtir de haillons, les cheveux en bataille, le haut du visage couvert  jusqu'aux lèvres, et « condamné » à crier « Impur ! Impur ! » et ce, tant que son corps  gardera les plaies et autres signes visibles de cette affection.  A tel point que les rares cas de guérison ou de rémission étaient considérés comme des miracles et la réinsertion du miraculé entourée de plusieurs rites mêlés de purification (aspersions, bains, sacrifices, incantations, etc.).

Cette conception peut étonner voire choquer tant elle témoigne d’un archaïsme des us et coutumes de ce petit peuple que le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob a choisi pour sceller une éternelle Alliance Nouvelle avec les hommes et les peuples du monde entier. La multitude des règles, préceptes, recommandations… exposées dans ce Livre montrent combien il était vital pour le peuple hébreux d’être pur, c’est-à-dire sans péché devant Dieu ; telle était la condition du salut qui était donné à ceux qui étaient « aptes » au culte, dignes de se tenir devant le Dieu saint et de faire partie du peuple de l’Alliance.

En tout cas ce texte nous décrit dans le détail le contexte culturel dans lequel Jésus va commencer son ministère. Le lépreux qu’il guérit dans le récit de Marc (1, 40-45) vivait dans les mêmes conditions drastiques que celles décrites dans le Lévitique ; et lorsqu’il vient trouver Jésus, le lépreux brave un interdit séculaire : il offense la tradition. Jésus sait, dans la gravité du moment qui se présente, que l’homme souffre de lèpres bien plus odieuses et que le péché au cœur de l’homme, signe de la rupture ou de la souillure de la relation de l’homme avec Dieu… est un mal bien plus contagieux encore. C’est ce mal dont il est venu libéré, lavé, purifié tous les hommes.


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Psaume 101 (102), 2-3. 4-5. 6.13. 20-21
2 SEIGNEUR, entends ma prière :
que mon cri parvienne jusqu'à toi !
3 Ne me cache pas ton visage
le jour où je suis en détresse !
4 Mes jours s'en vont en fumée,
mes os comme un brasier sont en feu ;
5 mon cœur se dessèche comme l'herbe fauchée,
j'oublie de manger mon pain.
6 A force de crier ma plainte,
ma peau colle à mes os.
13 Mais toi, SEIGNEUR, tu es là pour toujours ;
d'âge en âge on fera mémoire de toi.
20 Des hauteurs, son sanctuaire, le SEIGNEUR s'est penché ;
du ciel, il regarde la terre
21 pour entendre la plainte des captifs
et libérer ceux qui devaient mourir.

On comprend aisément la tonalité du Psaume 101 (102) qui nous est proposé en méditation. Son intitulé exact est «  Prière pour un malheureux qui dans son accablement répand sa plainte devant Yahvé ». Un long psaume de pénitence, donc, mais dont nous ne lisons que quelques versets. Job dimanche dernier, le lépreux aujourd’hui sont tous les deux frappés dans leur chair par le mal. Mais ils ne désespèrent pas… au contraire ! C’est parce qu’ils croient en l’Amour infini de Dieu qu’ils le prie d’entendre leur prière. Jamais, même au plus profond de leur peine si bien décrite avec des mots et des images touchantes, ils ne doutent de la miséricorde divine: «Mais toi, SEIGNEUR, tu es là pour toujours ; d'âge en âge on fera mémoire de toi». (13)  Car, si depuis la révélation du buisson ardent Dieu s’est tenu silencieux, jamais il n’est resté sourd aux appels, aux plaintes des fils d’Israël.  « N’oublie pas, Seigneur, le cri des malheureux »… Il ne s’agit pas là de l’appel du seul psalmiste mais de tout un peuple pris dans les tenailles de la détresse, de l’angoisse et de l’amertume.


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Deuxième Lecture - Première Lettre de Paul aux Corinthiens 10, 31 - 11, 1
Frères,
10, 31 tout ce que vous faites :
manger, boire, ou n'importe quoi d'autre,
faites-le pour la gloire de Dieu.
32 Ne soyez un obstacle pour personne,
ni pour les Juifs, ni pour les païens,
ni pour l'Eglise de Dieu.
33 Faites comme moi :
en toutes circonstances je tâche de m'adapter à tout le monde ;
je ne cherche pas mon intérêt personnel,
mais celui de la multitude des hommes,
pour qu'ils soient sauvés.
11, 1 Prenez-moi pour modèle ;
mon modèle à moi, c'est le Christ.

Dans l’extrait de la Première Lettre de Paul aux Corinthiens (10, 31 - 11,1), l’Apôtre est amené à trancher sur les pratiques contradictoires des premiers chrétiens de ces contrées du sud de la Grèce.
Un petit rappel : les premières communautés converties au christianisme sont de tradition païenne, le contact avec la Bonne Nouvelle de l’Évangile ne se fait pas sans heurts, sans divisions et scandales. Cela génère des groupuscules, des partis dans cette jeune Église dont les membres sont chaque jour confrontés à un dilemme existentiel entre la Sagesse du monde et la Sagesse chrétienne. Plusieurs situations sont portées à la connaissance de Paul : des cas d’inceste [« Enlevez le pervers du milieu de vous », (5, 13)], la fornication, etc. A ces problématiques sociales, Paul doit apporter des réponses qui permettent à la fois un mieux-vivre-ensemble des chrétiens entre eux et avec les autres et une posture spirituelle au regard du message et de l’exemple du Christ lui-même. Qu’il faille faire appel à des tribunaux païens, Paul n’en disconvient pas et il en définit les conditions. Mais il rappelle avec force que le Christ, par sa mort et sa résurrection, a transcendé l’ancien monde : « … Purifiez-vous du vieux levain pour être une pâte nouvelle, puisque vous êtes des azymes. Car notre pâque, le Christ, a été immolé. Célébrons donc la fête, non pas avec du vieux levain de malice et de perversité, mais avec des azymes de pureté et de vérité » (5, 6-8). Ainsi, le chrétien est uni au Christ immolé et ressuscité dans une Pâque qui ne finit pas. Il est donc appelé à expurger de sa vie le vieux levain et le remplacer par les azymes de pureté et de vérité.
Le texte de Paul reprend cette attitude nouvelle au sujet de ce qu’on nomme «les idolothytes», c’est-à-dire les viandes immolées et consommées à l’occasion de pratiques traditionnelles, vestiges des cérémonies sacrificielles. A la fin de ces rites, les dieux païens (en réalité des êtres fictifs de l’Olympe), les prêtres et les donateurs recevaient en premier leur part de viandes immolées (les idolothytes) ; le reste était consommé à l’occasion de repas dits « sacrés » ou vendu à petits prix sur les marchés. Et la question ici posée à Paul est celle de savoir si les chrétiens avaient le droit de prendre part de tels repas «sacrés». L’Apôtre va se donner en exemple : comme il a laissé le message du Christ imprégner densément sa propre vie, il demande aux chrétiens de Corinthe de laisser agir la charité fraternelle. Ainsi, autant le chrétien a le devoir de ne pas juger les préjugés de leur paganisme d’hier, ni de scandaliser les autres frères par un comportement hautain à leur égard. Comme Paul est imitateur du Christ, tout chrétien est appelé à l’être pour servir d’exemple aux autres, pour la plus grande gloire de Dieu : « «Et quoi que vous puissiez dire ou faire, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus, rendant par lui grâces au Dieu Père ! » (Col. 3, 17). C’est seulement ainsi, c’est-à-dire dans l’instruction réciproque, que chacun peut «parvenir à la connaissance de la vérité» (2 Th 3, 7). Face aux différents problèmes qui surgissent au sein des nouvelles communautés chrétiennes, que ce soit des conflits de comportement individuel et collectif ou des interrogations théologiques, l’Apôtre Paul ramène toujours son discours à ce qui est le socle, le fondement de la foi en Christ : Christ est venu prendre chair au cœur de notre humanité et, par sa mort et sa résurrection, il nous a rendus dignes d’être appelés « enfants de Dieu » et de prendre part à sa gloire. A tous, Corinthiens, Colossiens, Éphésiens, Romains, Thessaloniciens, Galates, Philipiens, Hébreux… à Tite, Timothée, Philémon… il ne se lasse de répéter: «Nous devons continuellement rendre grâce à Dieu pour vous, frères aimés du Seigneur, car Dieu vous a choisis dès le commencement, pour être sauvés par l’Esprit qui sanctifie et par la foi en la vérité. C’est à cela qu’il vous a appelés par notre Évangile, à posséder la gloire de notre Seigneur Jésus Christ». (2 Th 2, 13-14)

Au fond, nous sommes en présence de situations qui nous interpellent encore aujourd’hui. Pris dans nos peurs, nos interrogations fondées ou non, n’avons-nous pas tendance à nous réfugier dans le giron de toutes sortes de dieux, jouant sur des tableaux aussi contradictoires que l’hyper technologie et l’occultisme… comme si nous voudrions nous fermer à cette semence transfiguratrice qu’est l’Évangile de Jésus-Christ ! Le combat pour notre liberté se justifie dans le Christ qui, durant toute sa vie, n’a jamais été un obstacle pour ses contemporains, n’a jamais cherché à choquer ni à nuire. Au contraire, il a accueilli sans exclure, il a compris sans juger, il a pardonné jusqu’à son dernier souffle donnant ainsi mission à tous ses disciples de transcender le monde de la loi pour s’investir dans celui de l’amour et de la grâce.

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Évangile - Marc 1, 40 - 45
40 Un lépreux vient trouver Jésus ;
il tombe à ses genoux et le supplie :
« Si tu le veux, tu peux me purifier. »
41 Pris de pitié devant cet homme,
Jésus étendit la main,
le toucha et lui dit :
« Je le veux, sois purifié. »
42 A l'instant même,
sa lèpre le quitta
et il fut purifié.
43 Aussitôt Jésus le renvoya
avec cet avertissement sévère :
44 « Attention, ne dis rien à personne,
mais va te montrer au prêtre.
Et donne pour ta purification
ce que Moïse prescrit dans la Loi :
ta guérison sera pour les gens un témoignage. »
45 Une fois parti,
cet homme se mit à proclamer et à répandre la nouvelle,
de sorte qu'il n'était plus possible à Jésus
d'entrer ouvertement dans une ville.
Il était obligé d'éviter les lieux habités,
mais de partout on venait à lui.

Dans l’Évangile de dimanche dernier, sentant que les habitants de Capharnaüm commençaient à ébruiter ses faits et gestes, Jésus dit à ses disciples : «Allons ailleurs dans les bourgs voisins, pour que j'y proclame aussi l'évangile. Et ils se rendirent en Galilée. Et c’est là qu’un lépreux, bravant toutes ses peurs, se présente à lui pour le supplier de le guérir de sa maladie. Nous savons désormais combien, dans la tradition hébraïque, cette affection de la peau était le signe visible et indélébile de l’impureté, du péché ; il implore Jésus de le purifier de cette horrible souillure car il sait que sa réintégration dans la société est à ce prix. Mais reprenons le déroulé de ce récit de Marc.

Tout d’abord, ce lépreux a été informé des miracles qu’accomplissait Jésus de Nazareth : il prêche et chasse les démons partout où il est passé. Il est clair que sa réputation l’a précédé puisque c’est le lépreux qui vient s’agenouiller devant lui et lui dire : «Si tu le veux, tu peux me purifier.» L’homme est conscient de la puissance de la parole de ce nazaréen. Jésus, qui est aussi homme, est ému par la démarche et la foi de cet homme: «Je le veux, sois purifié.  A l'instant même, sa lèpre le quitta et il fut purifié.» Jésus touche par la parole et le geste joints. En le touchant du regard et de la main, il prend sur lui la souffrance du lépreux, il porte sur lui son péché. Ce Jésus dont Jean le Baptiste avait dit: «Voici l’Agneau de Dieu», autrement dit l’envoyé de Dieu au milieu des hommes pour porter le péché du monde par infinie miséricorde… D’ailleurs, pendant la messe et avant la communion, le prêtre invite les fidèles à proclamer cette vérité de la foi : : «Voici l’Agneau de Dieu, voici celui qui enlève le péché du monde». Et l’assistance de répondre: «Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir mais dis seulement une parole et je serai guéri». La puissance de la parole du Christ est invoquée pour son effectivité immédiate ; il n’y a pas de délai du genre: «oui, j’ai enregistré ta doléance et je la traiterai dès je serai disponible…». Non ! Ce que Jésus dit se réalise avec la même instantanéité que lors de la Création : «Dieu dit» puis «et Dieu vit que cela était bon»…
Mais Jésus est au début de son ministère et surtout il ne voudrait pas ameuter les foules ou provoquer des cohues, du désordre public. Voilà pourquoi il intime au lépreux l’ordre de ne rien dire à personne de ce qui lui était arrivé, mais d’aller se présenter au prêtre pour faire constater et valider sa guérison, et de s’affranchir des obligations de la loi. Le lien est fait ici avec la première lecture de ce dimanche (Lévitique 13, 1-2. 45-46).

En effet, du temps de Jésus encore les lépreux sont exclus de la société, contraints de vivre à l’écart des villes et villages dans les décharges publiques afin d’éviter toute contamination non seulement de la maladie mais aussi du péché dont l’impureté est le signe physique. Cet homme a donc bravé plusieurs interdits : sortir de son lieu de confinement, traverser le village pour venir rencontrer Jésus et le supplier de le guérir… Il s’agit là d’un parcours d’espérance et de foi, tellement il est dangereux de s’aventurer si loin de son réduit au risque d’en revenir encore lépreux. Imaginons qu’il n’ait pas rencontré Jésus, ou que celui-ci soit parti vers d’autres lieux ! Mais il est bien guéri. Et quant à la consigne du silence donnée par Jésus, le lépreux ne l’entend même pas, il s’en fout. Oui, ce qui vient de lui arriver est tellement énorme qu’il est comme pris de folie : il se « mit à proclamer et à répandre la nouvelle, de sorte qu'il n'était plus possible à Jésus d'entrer ouvertement dans une ville ». Il faut dire que pour un secret qu’il fallait garder, cela n’a pas fait long feu… En réalité, pour Jésus, l’heure n’était pas encore arrivée.

Avec ces nombreux miracles qu’il réalise, Jésus est vite installé dans son statut du Messie. Non pas un messie politique qui serait venu pour libérer le peuple juif de la domination romaine mais un Messie qui est venu libéré tous les hommes du règne et de la dictature du péché, de l’exclusion des malheureux, des captifs, des affligés dont les lépreux. Il se soucie en priorité du bien-vivre des pauvres, de ceux qui souffrent dans leur corps et leur esprit. D’ailleurs, c’est pourquoi il dira plus tard à ses disciples: «Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez : les aveugles retrouvent la vue et les boiteux marchent droit, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres.» (Mt 11, 4-5). Et, à cela, Jean qui n’en avait pas vraiment besoin, sera rassuré. Tout le monde commence à réaliser que cet homme qui ordonne même aux esprits impurs de quitter un corps dont ils avaient pris possession, est venu pour rassembler les peuples, les hommes de toutes races, de tout rang. Cet homme vient d’accomplir son premier grand geste contre l’exclusion, les prémices d’un loi nouvelle : l’AMOUR. Oui, Jésus vient de poser la première pierre d’un édifice dont les Apôtres et ceux qui sont témoins de la guérison du lépreux ne saisissent pas encore la pleine signification.
Mais au-delà, c’est d’une autre purification que Jésus jette les fondations, la purification du cœur de l’homme, ainsi que déjà le prophétisait le prophète Ezéchiel: Je verserai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés. De toutes vos souillures, de toutes vos idoles, je vous purifierai. Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J’enlèverai votre cœur de pierre, et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai en vous mon esprit : alors vous suivrez mes lois, vous observerez mes commandements et vous y serez fidèles (Ez 36, 25-27). Par le monde nouveau dont il ouvre les portes et dont il trace le chemin, Jésus annonce un nouveau règne auquel il appelle tous les hommes. Quiconque le rencontre et accueille sa Parole ne peut s’empêcher de crier au monde sa joie d’être sauvé.

Jésus accomplira de nombreux autres miracles. Mais à la différence des simples prodiges merveilleux des religieux grecs et des rabbins, les miracles de Jésus manifestent son amour pour les hommes, mais aussi son pouvoir sur la nature ; ils revêtent une signification spirituelle et symbolique en ce qu’ils annoncent parallèlement les châtiments et les innombrables dons de l’ère messianique qu’il inaugure : triomphe de l’Esprit sur l’empire de Satan et des forces du Mal. Accomplis par pitié, on pourrait même dire par compassion, ils sont là pour confirmer la foi. Ce ne sont donc pas des faits publicitaires, raison pour laquelle il réclame toujours le silence de celui qui en bénéficie, lui recommandant par contre d’aller faire constater sa guérison auprès d’un prêtre. Plus tard, il confirmera la foi des croyants par le miracle de sa propre résurrection. Ce pouvoir de guérison, il l’a communiqué à ses apôtres lorsqu’il les a envoyés annoncer son Évangile à tous les peuples.