29/05/2012

… Il reprendra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître


Dimanche 27 mai 2012 : C’est Pentecôte aujourd’hui !


Chers amis, bonjour !


C’est Pentecôte aujourd’hui ! Mais que peut bien encore signifier cet événement fantastique dans nos vies de tous les jours, pour nous, chrétiens ? Peut-être plus grand-chose, tellement ces fêtes chrétiennes ont été galvaudées avec des enrobages commerciaux et sociaux : un bon (et long) week end synonyme d’évasion au bord de la mer pour s’adonner à des activités de toutes sortes, surtout lorsque le temps est favorable.
Pourtant, la fête de Pentecôte, est à replacer dans son contexte d’origine et mis en perspective dans la vie de chacun d’entre nous. Fête du don de l’Esprit Saint de Dieu aux hommes, elle est aussi le gage d’une espérance faite aux hommes de pouvoir communiquer entre eux et de partager le même message d’amour en différentes langues. Pentecôte, c’est tout le contraire de Babel ; c’est la force qui nous est donnée pour enfin cheminer dans la compréhension profonde et totale de la Parole du Christ. L’Esprit Saint, c’est la présence permanente de Dieu au milieu de nous.



• Première Lecture : Actes des Apôtres 2, 1-11

1 Quand arriva la Pentecôte, (le cinquantième jour après Pâques)
ils se trouvaient réunis tous ensemble.
2 Soudain il vint du ciel un bruit pareil à celui d'un violent coup de vent :
toute la maison où ils se tenaient en fut remplie.
3 Ils virent apparaître comme une sorte de feu qui se partageait en langues
et qui se posa sur chacun d'eux.
4 Alors ils furent tous remplis de l'Esprit Saint :
ils se mirent à parler en d'autres langues,
et chacun s'exprimait selon le don de l'Esprit.
5 Or, il y avait, séjournant à Jérusalem, des Juifs fervents,
issus de toutes les nations qui sont sous le ciel.
6 Lorsque les gens entendirent le bruit, ils se rassemblèrent en foule.
Ils étaient dans la stupéfaction
parce que chacun d'eux les entendait parler sa propre langue.
7 Déconcertés, émerveillés, ils disaient :
« Ces hommes qui parlent ne sont-ils pas tous des Galiléens ?
8 Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle ?
9 Parthes, Mèdes et Elamites,
habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce,
des bords de la mer Noire, de la province d'Asie,
10 de la Phrygie, de la Pamphylie,
de l'Egypte et de la Libye proche de Cyrène, Romains résidant ici,
11 Juifs de naissance et convertis, Crétois et Arabes,
tous, nous les entendons proclamer dans nos langues les merveilles de Dieu. »


Première chose à retenir de ce texte : Jérusalem est la ville du don de l'Esprit ! Elle n'est pas seulement la ville où Jésus a institué l'Eucharistie, la ville où il est ressuscité, elle est aussi la ville où l'Esprit a été répandu sur l'humanité.
Pour bien comprendre l’importance de ce texte, il est utile de rappeler certains repères historiques. En effet, le Lévitique définit au chapitre 23 (après les conclusions morales et rituelles des sacrifices formalisées dans les chapitres précédents) le cycle liturgique [« Yahvé parla à Moïse et dit : Parle aux enfants d’Israël et dis-leur : (Les solennités auxquelles vous les convoquerez, ce sont là les saintes convocations » Lv 23, 1-2). Ce sont : le Sabbat, la Pâque et les Azymes, le Première gerbe, la fête des Semaines, le premier jour du septième mois, le jour des Expiations, la fête des Tentes]. Des fêtes déjà consignées longtemps avant dans les Livres du Deutéronome (voir Dt 16, 1-16) et de l’Exode (voir Ex. 12, 1 et sq et 23, 14 et sq). Les trois fêtes principales  restent cependant : a)- au printemps,  la fête des Azymes, qui inclut celle de la Pâque ; b)- la fête de la Moisson, appelée aussi fête des Semaines, qui se célébrait sept semaines soit cinquante jours après la Pâque, d’où l’appellation grecque de « Pentecôte » (voit Tb 2, 1), et qui marquait la fin de la moisson du froment et le souvenir de la promulgation de la Loi au Sinaï ; c)- la fête de la Récolte en automne, autrement appelée « fête des Tentes » parce qu’on utilisait justement des huttes de feuillage comme autrefois les israéliens dans leurs campements dans le désert à la sortie d’Égypte. De ces trois fêtes, la plus grande est bien celle des Tentes (ou de la Récolte), celle que le Roi Salomon appelle « La fête », le jour du transfert de l’arche d’alliance au mois d’Étanim, autrement dit le septième mois du calendrier israélite (voir 1 R 8, 1 et sq).
Dans ces textes de l’Ancien Testament, la Pâque parlait prophétiquement de la « mort » du Christ et la Pentecôte annonçait la venue de l’Esprit Saint. Et cela advint du temps de Jésus. En effet, le jour de son baptême dans le Jourdain, l’Esprit est descendu sur lui sous la forme d’une colombe. Mais Jean le Baptiste proclamera à l’attention de ses propres disciples qui étaient présents ce jour de baptême : « Celui-là... baptise de l’Esprit Saint » (Jean 1:33). Sur ses disciples, ce même  Esprit s’est annoncé comme un souffle impétueux et posé sur chacun des apôtres sous la forme d’une langue de feu, ce que Jésus lui-même avait déjà fait sur eux (« Et il souffla sur eux » Jean 20: 22). Un Esprit bien présent mais sous différentes manifestations, un Esprit qui « emplit tout » ; Car en effet, l’Esprit ne se divise pas en autant de parts sur chacun, il est présent dans son entièreté, dans la totalité de sa puissance et de son expression. Les apôtres reçoivent l’Esprit de Dieu et en sont emplis : ils ont le privilège des deux grâces simultanément (cependant que d’autres le recevront sans pour autant en être remplis).
Un autre fait qu’il faut relever dans ce texte, c’est que les apôtres sont réunis en prière. Cela est fondamental est significatif de ce que sera désormais la vie dans l’Esprit ; au contraire de ce qu’il s’était passé à Babel avec la confusion des langues née de l’orgueil des hommes de s’emparer des puissances célestes afin de dominer le monde, les apôtres sont unis, et s’ils s’expriment et comprennent plusieurs langues, c’est justement parce qu’ils reçoivent d’une seule et même source spirituelle. L’unité à laquelle appellent les apôtres ne peut être une uniformité de la pensée unique en Église, bien au contraire cette diversité des dons reçus de l’Esprit puise leur unité dans cet Esprit de liberté en Christ ressuscité. C’est aussi le début de l’édification de l’Église, présente au milieu des hommes dans le monde (au sens de Jean) et corps spirituel dont Jésus lui-même est le tronc, le cep.
Enfin, la Pentecôte survient à Jérusalem, la ville sainte qui grouille de gens de toutes origines et nationalités ; ils sont Parthes, Mèdes et Élamites, Romains, Juifs convertis, Crétois, Arabes, ils viennent de Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, des bords de la mer Noire, de la province d'Asie, de la Phrygie, de la Pamphylie, de l'Egypte et de la Libye proche de Cyrène. Signe que la Pentecôte est universelle, que l’Esprit de Dieu est donné à tous les hommes, à la seule condition d’accueillir Jésus, de croire en sa Parole et de vivre ses commandements dans l’amour fraternel.


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• Psaume 103 (104), 1.24, 29-30, 31.34

1 Bénis le SEIGNEUR, ô mon âme ;
SEIGNEUR mon Dieu, tu es si grand !
24 Quelle profusion dans tes œuvres, SEIGNEUR !
La terre s'emplit de tes biens.

29 Tu reprends leur souffle, ils expirent
et retournent à leur poussière.
30 Tu envoies ton souffle ; ils sont créés ;
tu renouvelles la face de la terre.

31 Gloire au SEIGNEUR à tout jamais !
Que Dieu se réjouisse en ses œuvres !
34 Que mon poème lui soit agréable ;
moi, je me réjouis dans le SEIGNEUR.

C’est dans ce sens qu’il convient, à l’unisson avec le psalmiste, de clamer l’action de grâce au Dieu Amour pour toutes les splendeurs de sa création. Ce psaume 103 (104), qu’il conviendrait de lire en intégralité peut être caractérisé comme une hymne cosmogonique. En effet, on y retrouve les fondamentaux de la Genèse et toutes les louanges dites par les Prophètes à travers l’histoire. Les œuvres de Dieu sont innombrables, elles remplissent l’univers. Car la création, œuvre de Dieu, ne peut être que bonne ; elle est fondamentalement le lieu de la manifestation de la bonté du Créateur qui ponctua chaque étape de sa création par cette phrase : « Et Dieu vit que cela était bon » (Gn 1). Sous-entendu : le Mal ou péché, qui est son opposé, viendra avec la désobéissance de l’homme (Voir le « maudit sois-tu » scandé par le Créateur à l’occasion de la chute d’Adam et Ève. Le Mal qui sera aussi la signature de l’orgueil des anges rebellés. Le Mal qui est voué à disparaître lorsque l’univers recouvrera sa splendeur originelle : « Que les pécheurs disparaissent de la terre, les impies, qu’il n’en soit jamais plus ! » (v. 35) Oui, l’Esprit ne descend pas qu’au-dessus de la tête de chaque apôtre, il emplit aussi l’univers tout entier. Car l’univers est non pas que création mais aussi le lieu infini de la manifestation de Dieu : « Les cieux racontent la gloire de Dieu, et l’œuvre de ses mains, le firmament l’annonce ; le jour au jour en publie le récit et la nuit à la nuit transmet la connaissance » (Ps 19-18, v. 2 à 3).


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• Deuxième Lecture - Galates 5, 16-25

Frères,
16 je vous le dis :
vivez sous la conduite de l'Esprit de Dieu ;
alors vous n'obéirez pas aux tendances égoïstes de la chair.
17 Car les tendances de la chair s'opposent à l'esprit,
et les tendances de l'esprit s'opposent à la chair.
En effet, il y a là un affrontement
qui vous empêche de faire ce que vous voudriez.
18 Mais en vous laissant conduire par l'Esprit,
vous n'êtes plus sujets de la Loi.
19 On sait bien à quelles actions mène la chair :
débauche, impureté, obscénité,
20 idolâtrie, sorcellerie, haines, querelles,
jalousie, colère, envie, divisions, sectarisme,
21 rivalités, beuveries, gloutonnerie et autres choses du même genre.
Je vous préviens, comme je l'ai déjà fait :
ceux qui agissent de cette manière
ne recevront pas en héritage le royaume de Dieu.
22 Mais voici ce que produit l'Esprit :
amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi,
23 humilité et maîtrise de soi.
Face à tout cela, il n'y a plus de loi qui tienne.
24 Ceux qui sont au Christ Jésus
ont crucifié en eux la chair,
avec ses passions et ses tendances égoïstes
25 Puisque l'Esprit nous fait vivre,
laissons-nous conduire par l'Esprit.
Tout au long de ses Lettres, Paul ne cesse de faire allusion aux tensions permanentes entre la chair et l’esprit. Le propos du texte de ce jour s’inscrit dans un enseignement qui alerte sur les erreurs dans lesquelles peut conduire une fausse recherche de la liberté ou plutôt la recherche d’une fausse liberté.
La liberté chrétienne, selon Paul, se fonde sur l’amour fraternel que tous les apôtres rappellent comme le premier des commandements : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés », qui est le même que : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». En fait, ce précepte  est la face du seul et même commandement : « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu de toute les forces et de toute ton âme ».
Les penchants de la chair sont nombreux : « idolâtrie, sorcellerie, haines, querelles, jalousie, colère, envie, divisions, sectarisme, rivalités, beuveries, gloutonnerie et autres choses du même genre ». Comme autrefois Yahvé avait donné des prescriptions morales et culturelles à son peuple (voir le Lévitique aux chapitres 19 et 20), l’éducation que vise ici l’apôtre s’inscrit dans une recherche permanente de la sainteté en Dieu qui exige celle de son peuple. Car la chair, chez Paul, ne désigne pas que le corps physique, mais l’homme dans son entièreté lorsqu’il se laisse dominer par les forces du mal.

Dans sa Lettre aux Romains, il développe plus longuement cette « doctrine de la chair ». En effet, on ne peut pas comprendre le message de Paul si on ne garde pas à l’esprit ce qu’il a lui-même appelé sa « thèse » : « Car je ne rougis pas de l’Évangile : il est une force de Dieu pour le salut de tout croyant, du Juif d’abord, puis du Grec. Car en lui la justice de Dieu se révèle de la foi à la foi, comme il est écrit : Le juste vivra de la foi » (Rm 1, 16-17). Non pas une justice « distributive » qui récompenserait les œuvres, mais une justice fondamentalement « salvifique », c’est-à-dire dans et par laquelle Dieu accomplit sa promesse de salut par la grâce. Cela ne signifie pas que les œuvres ne servent à rien, au contraire ! Puisque nous avons lu dernièrement que la foi n’est pas une affaire de pures paroles mais d’actes.
L’Esprit de Dieu, parce qu’il est la lumière qui éclaire pour nous le projet divin, ne peut nous apporter que amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance et foi. La vie en Christ est donc foncièrement un appel à la joie, à la liberté.


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• Évangile : Jean 15, 26 - 27 ; 16, 12 - 15

A l'Heure où Jésus passait de ce monde à son Père,
il disait à ses disciples :
15, 26 « Quand viendra le Défenseur,
que je vous enverrai d'auprès du Père,
lui, l'Esprit de vérité qui procède du Père,
il rendra témoignage en ma faveur.
27 Et vous aussi, vous rendrez témoignage,
vous qui êtes avec moi depuis le commencement.

16, 12 J'aurais encore beaucoup de choses à vous dire,
mais pour l'instant vous n'avez pas la force de les porter.
13 Quand il viendra, lui, l'Esprit de vérité,
il vous guidera vers la vérité tout entière.
En effet, ce qu'il dira ne viendra pas de lui-même :
il redira tout ce qu'il aura entendu,
et ce qui va venir, il vous le fera connaître.
14 il me glorifiera,
car il reprendra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître.
15 Tout ce qui appartient au Père est à moi ;
voilà pourquoi je vous ai dit :
il reprend ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. »
 


Avant d’entrer en passion, Jésus parle à ses disciples. Il leur parle même beaucoup, car il savait que la peur, le doute les envahissaient : « Qu’allons-nous donc devenir lorsque nous serons seuls, abandonnés à nous-mêmes ? », se disaient-ils. Mais au cours de ce long épisode du « dernier repas », Jésus est franc avec eux, et puisqu’il sait qu’ils se retrouveront en première ligne, il leur décrit ce qui va se passer et qu’ils ne comprendront pas forcément. De même, ils ne sont pas assez armés pour recoller les multiples bouts du puzzle de paroles et d’actes auquel il les avait invités à prendre part. Le péché du monde, c’est l’incrédulité et le reniement ; ils en subiront les conséquences jusqu’au péril de leur vie.
Mais quelles sont donc les particularités de ce Paraclet qu’il leur promet ? Que veut signifier Jésus lorsqu’il dit à ses disciples : « Quand il viendra, lui, l'Esprit de vérité, il vous guidera vers la vérité tout entière. En effet, ce qu'il dira ne viendra pas de lui-même : il redira tout ce qu'il aura entendu, et ce qui va venir, il vous le fera connaître » ?

- Le Paraclet qu’il leur promet les mettra à l’abri de l’ignorance de la vérité parce qu’il mettra ce péché en pleine lumière.
- Le Paraclet manifestera aux yeux du monde le droit qu’avait Jésus de se déclarer « Fils de Dieu » (son origine et son être), il manifestera également le droit qu’ils auront eux aussi d’être appelés « fils de Dieu » par et en Jésus-Christ.
- Le Paraclet manifestera le sens de la mort de Jésus (défaite et condamnation du prince de ce monde) et sa résurrection d’entre les morts puisque, à ceux qui étaient endormis, il aura redonné la vie.
- Le Paraclet manifestera le nouvel ordre des choses, issu de la mort et de la résurrection du Christ.
- Le Paraclet manifestera et glorifiera les richesses de son mystère et l’unité de la révélation : prenant source dans le Père, celle-ci se réalise par le Fils et s’achève dans l’Esprit, à la gloire su Père et du Fils.

Avec la résurrection et la venue de l’Esprit commencera l’initiation parfaite, celle qui s’achèvera dans la vision de Dieu tel qu’il est, face à face : « « Quand il viendra, lui, l'Esprit de vérité, il vous guidera vers la vérité tout entière ». Tout ce qui était morcelé sera compris (au sens étymologique de « pris ensemble ») grâce à la médiation parfaite du Christ avec qui nous ne ferons qu’un par la foi et l’amour dans l’amour du Père. L’Esprit nous ouvre, nous éveille à la connaissance et à la reconnaissance parfaites de Dieu le Père qui nous glorifiera comme il l’a fait pour son propre Fils. Mais l’Esprit, c’est la force de Dieu qui nous conduit sur les chemins de vérité et de lumière, les chemins qui mènent au Père par la médiation parfaitement accomplie du Fils. A nous d’en témoigner, à nous d’en vivre au quotidien, simplement mais assidument, pour la plus grande gloire du Créateur.


21/05/2012

Consacre-les par la vérité : ta parole est vérité.

Dimanche 20 mai, septième dimanche de Pâques


Chers amis, bonjour !

En ce septième dimanche de Pâques, un seul message: DIEU EST AMOUR; il est fidèle dans son projet de salut pour l’homme; sa fidélité est la marque de sa grandeur infinie pour toute l’humanité. Avant d’entrer dans sa passion, son Fils bien-aimé le prie de garder dans l’unité les quelques hommes qui ont cru en lui et l’ont suivi au long de son séjour sur la terre. Le monde, il le connaît dans toute sa splendeur puisque œuvre de création du Père, mais le monde des hommes peut-être aussi enthousiasmant que violent. Mais Jésus ne demande pas à son Père de les extraire de ce monde: il voudrait pour eux la délivrance du mal et l’unité à travers toutes les épreuves qu’ils auront à vivre au cœur du monde.


• Première Lecture - Actes 1, 15... 26
En ces jours-là,
les frères étaient réunis au nombre d'environ cent vingt.
Pierre se leva au milieu de l'assemblée et dit :
16 « Frères, il fallait que l'Écriture s'accomplisse :
Par la bouche de David,
l'Esprit Saint avait d'avance parlé de Judas,
qui en est venu à servir de guide
aux gens qui ont arrêté Jésus,
17 ce Judas qui pourtant était l'un de nous
et avait reçu sa part de notre ministère.
20 Il est écrit au livre des Psaumes :
Que sa charge passe à un autre.
21 Voici ce qu'il faut faire :
il y a des hommes qui nous ont accompagnés
durant tout le temps où le Seigneur Jésus
a vécu parmi nous,
22 depuis son baptême par Jean
jusqu'au jour où il nous a été enlevé.
Il faut donc que l'un d'entre eux devienne avec nous
témoin de sa résurrection. »
23 On en présenta deux :
Joseph Barsabbas, surnommé Justus, et Matthias.
24 Puis l'assemblée fit cette prière :
« Toi, Seigneur, qui connais le cœur de tous les hommes,
montre-nous lequel des deux tu as choisi
25 pour prendre place dans le ministère des Apôtres,
que Judas a déserté
en partant vers son destin. »
26 On tira au sort, et le sort tomba sur Matthias,
qui fut dès lors associé aux onze Apôtres.


  
Cet épisode se passe certainement entre la résurrection et l’ascension du Christ. Les apôtres ne se laissent pas abattre, d’autant que l’ange de Dieu les avait quelque peu secoués, eux qui étaient restés longtemps hébétés devant le spectacle de l’ascension de Jésus. Hommes de Galilée, pourquoi restez-vous là à admirer le ciel comme si vous espériez quelque signe visible pour vous consoler ? Comme enjoignent les policiers aux passants curieux qui s’attardent devant une scène d’accident sur la voie publique: «Circulez ! Il n’y a rien à voir». En réalité, cette parole de l’ange est un appel à l’éveil, car l’ascension du Christ marque la fin de sa visibilité physique et le début de sa visibilité spirituelle. Seul le mode change : sa présence est toujours réelle. Alors, les apôtres sont (r)éveillés à leur responsabilité. Il faut se bouger, il faut entrer en mission puisque telle a été la volonté du Seigneur.
Mais depuis la trahison et le suicide de Judas, le groupe  des apôtres est réduit à onze. Il s’agit donc de remplacer Judas. Et c’est Pierre qui prend naturellement les choses en main, lui à qui Jésus avait remis la responsabilité de son Église. Les « frères » dont parle Pierre sont au nombre de cent vingt environ: des chrétiens, simples fidèles, distincts des apôtres et des anciens. Le choix du douzième apôtre est assumé par le seul groupe apostolique présenté dans le texte précédent (Ac 1, 13-14).
Pierre s’exprime comme le Christ dans ses derniers moments avec eux ; en effet, parlant de Judas, il affirme: «Il fallait que s’accomplît l’Écriture». En même temps, il fait certainement allusion à diverses références bibliques d’abord de l’Ancien Testament [le verset du Psaume 41 (40): «Même le confident sur qui je faisais fond et qui mangeait mon pain, se hausse de mes dépens» (Jésus a appliqué à Judas l’expression «hausser le talon») ; ou encore le psaume 109 (108):  Que les jours lui soient écourtés, qu’un autre prenne sa charge.» Cette foi en Dieu seul et vrai juge est lisible dans tous les oracles, dans toutes les prières des Prophètes, comme Jérémie: «Mais toi, Yahvé Sabaot, qui juges avec justice, qui scrutes les reins et le cœur…» (Jr 11, 20] et des propres enseignements du Maître [allusion à Jésus instruisant les apôtres et les mettant en garde contre les pharisiens, amis de l’argent: «Vous êtes, vous, ceux qui se donnent pour justes aux yeux des hommes, mais Dieu connaît vos cœurs. Car ce qui est élevé pour les hommes est objet de dégoût aux yeux de Dieu» (Luc 16, 15) Idem chez Matthieu: «Gardez-vous d’afficher votre justice devant les hommes, pour vous faire remarquer d’eux ; ce serait perdre toute récompense auprès de votre Père qui est dans les cieux…» (Mt 6, 1) et chez Jean: «Comment pourriez-vous croire, vous qui tirez les uns des autres votre gloire, et de la gloire qui vient du seul Dieu n’avez seul souci.» (Jn 5, 44).]
«Alors ils firent une prière» de confiance dans laquelle ils s’en remettent à la sagesse de Dieu et à la justesse de son jugement car lui seul connaît le fond de chaque être. Et puis, fondamentalement, c’est Dieu qui choisit, c’est toujours lui qui a le dernier mot. L’homme de foi est celui se met en situation de s’ouvrir à son appel, d’apprendre à s’y préparer et à l’accepter. Jean reformulera cette posture du Christ, seul Juge: «Ainsi, toutes les Églises sauront que c’est moi qui sonde les reins et les cœurs ; et je vous paierai chacun selon vos œuvres» (Ap 2, 23). Le choix de Matthias semble se fonder sur la fidélité au Christ puisque nous découvrons que ce désormais douzième apôtre faisait partie de ceux qui avaient suivi Jésus depuis le début de son baptême, son ministère public, sa passion, sa mort, sa résurrection, son ascension dans le ciel et jusqu’au moment de la Pentecôte. Les conditions du primo choix de Pierre ne sont pas insurmontables. Il n’est pas question d’être intelligent, théologien ou prodige. Non ! Pour Pierre, et en cela restant dans la continuité de la démarche de Jésus à leur égard, la seule qualité requise est la fidélité au Christ et à ses commandements. Mais ce choix inspiré de l’Esprit Saint s’inscrit dans une ouverture de liberté. L’homme, pourtant choisi par Dieu pour le servir, reste encore libre de le trahir à l’instar de Judas, ou de le renier sans retour comme chacun de nous parfois dans les difficultés de nos vies. Mais la mission est urgente et la moisson abondante. Même lorsque nous «désertons notre place» (selon l’expression de Pierre), Dieu suscite toujours une nouvelle vocation du milieu des hommes pour continuer son œuvre d’évangélisation et de salut dans le monde… Un appel aussi à l’humilité de notre part… (Nul n’est indispensable), mais aussi de réconfort [Pour ceux qui auront servi Dieu jusqu’à leur dernier souffle, Dieu fera toujours lever du milieu de ses frères, un nouveau serviteur, une nouvelle servante]. C’est aussi dans ce sens qu’il convient de comprendre le célèbre «Nunc dimitis» du Vieux Siméon que rapporte Luc (2, 29-32): «Maintenant, ô Maître souverain, tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix, selon ta parole. Car mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples : lumière qui se révèle aux nations.»


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• Psaume 102 (103), 1-2. 11-12. 19.22
1 Bénis le SEIGNEUR, ô mon âme,
bénis son nom très saint, tout mon être !
2 Bénis le SEIGNEUR, ô mon âme,
n'oublie aucun de ses bienfaits !

11 Comme le ciel domine la terre,
fort est son amour pour qui le craint :
12 aussi loin qu'est l'Orient de l'Occident,
il met loin de nous nos péchés.

19 Le SEIGNEUR a son trône dans les cieux :
sa royauté s'étend sur l'univers.
22 Toutes les œuvres du SEIGNEUR, bénissez-le,
sur toute l'étendue de son empire !


Ce psaume dans lequel Dieu est magnifié à travers ses œuvres dans l’histoire est écrit sous la forme d’une hymne, cette expression la plus gratuite de la prière adressée au Créateur pour sa providence, sa miséricorde et sa majesté. Il s’ouvre sur une invitation à la louange, signe d’une exaltation devant la grandeur de la création et la constance de la manifestation de Celui qui est le Maître de toute chose. Nous noterons également que, au plan littéraire, tous les faits rattachés à Dieu sont au temps présent, comme pour montrer que son œuvre créatrice se continue dans le temps.
La relation entre Dieu et ses créatures est bien distincte chez les Israéliens par rapport aux païens. Les éléments naturels sont la preuve de la puissance de Dieu, on peut même dire que toute la création chante sa gloire. Seul l’homme doué de langage et de pensée est capable de d’exprimer cette louange du Créateur qui a imprimé, telles des stigmates, son empreinte dans l’histoire individuelle et collective des hommes à travers son projet de salut depuis la «chute» d’Adam et Ève.

Écrit et chanté par David lui-même, ce psaume ressemble, par certains côtés, au merveilleux cantique des trois enfants (Dn 3, 51-90). L’Esprit de Dieu, c’est-à-dire sa puissance créatrice emplit l’univers, l’œuvre de ses mains. Sa fidélité envers l’homme s’écrit dans une histoire qui n’est pas fermée ni limitée dans le temps et l’espace. Avec l’homme, Dieu a ouvert un grand livre pour écrire avec lui l’épopée de cette Alliance offerte à toute l’humanité, depuis l’origine jusqu’au rendez-vous final qu’il a posé au cœur de l’espérance.
Le NOM du Seigneur dont il est question ici n’est autre que sa propre personne. DIEU est son NOM, et son NOM est AMOUR. C’est pourquoi le psalmiste (mais en réalité tout le peuple israélien) rend gloire à ce Dieu fidèle qui est «tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour» (v. 8), ce Dieu dont jamais aucun enfant d’Israël n’oubliera les événements fondateurs de l’Alliance tels l’exode et le don de la terre promise, par exemple.


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• Deuxième Lecture - 1 Jean 4, 11-16
11 Mes bien-aimés,
puisque Dieu nous a tant aimés,
nous devons aussi nous aimer les uns les autres.
12 Dieu, personne ne l'a jamais vu.
Mais, si nous nous aimons les uns les autres,
Dieu demeure en nous,
et son amour atteint en nous sa perfection.
13 Nous reconnaissons
que nous demeurons en lui,
et lui en nous,
à ce qu'il nous donne part à son Esprit.
14 Et nous qui avons vu,
nous attestons
que le Père a envoyé son Fils
comme Sauveur du monde.
15 Celui qui proclame que Jésus est le Fils de Dieu,
Dieu demeure en lui,
et lui en Dieu.
16 Et nous, nous avons reconnu et nous avons cru
que l'amour de Dieu est parmi nous.
Dieu est Amour :
celui qui demeure dans l'amour
demeure en Dieu,
et Dieu en lui.

«DIEU EST AMOUR»: c’est la source de la charité et de la foi, c’est le fondement du témoignage de Jean. Si Dieu est amour, alors celui qui reconnaît en Jésus Christ le visage du Père et croit en lui devient la demeure du Père et du Fils ; de ce fait même, il devient à son tour signe vivant de cet amour au milieu de ses frères. Dieu, qui est le seul vrai Dieu et le seul véritablement connu en ce qu’il s’est révélé au monde et a tenu la promesse du salut faite aux hommes, ce Dieu qui est connu pour ce qu’il est fondamentalement: Vie et Amour.

«Dieu, personne ne l’a jamais contemplé. Mais si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous et son amour atteint en nous sa perfection» (V. 12). Au-delà de la polémique contre les «spiritualistes» (qui se flattaient d’atteindre la vision de Dieu par intuition directe), Jean rappelle ici la centralité de la personne de Jésus. Le VERBE dont il parle dans le prologue de son Évangile s’est fait chair et a habité parmi les hommes ; c’est là un fait historique attesté et indéniable. Or Jésus lui-même dit: «Qui m’a vu a vu mon Père». L’apôtre Paul ne dira pas autre chose non plus : tu as beau parler toutes les langues, faire l’aumône ou battre la coulpe en public… si tu n’as pas l’amour, alors vaine est ta foi et illusoire ton espérance. Car l’espérance qui est nourrie par la lumière de l’Amour divin «ne déçoit point, parce que l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint Esprit qui nous fut donné» (Rm 5, 5). Oui, l’amour dont Dieu nous aime et dont le Saint Esprit est un gage, une présence active en nous, cet amour nous rend légitimes de parler directement à Dieu comme des fils à leur Père. Qui croit en DIEU AMOUR s’installe en son sein car l’amour est réciproque et nous permet ainsi de participer à la vie trinitaire.

L’histoire de l’humanité pécheresse est donc tramée de la présence agissante du DIEU-AMOUR: «Le Père a envoyé son Fils comme Sauveur du monde.» Mais l’homme reste libre de l’accueillir et de le servir. Le cas de Judas est plus que parlant. La proximité, l’intimité par rapport à Dieu ne peuvent être des gages de fidélité à sa Parole si la foi n’est pas vécue en œuvres, si elle n’est pas irriguée par l’amour de Dieu: «Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi, et qu'il boive celui qui croit en moi... De son sein couleront des fleuves d'eau vive... Il désignait ainsi l'Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui.» (Jn 7, 37-38). «Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle. Car Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui.» (Jn 3, 16-17). Finalement, l’œuvre de salut est une entreprise de transformation de l’homme, de l’intérieur, dans son cœur, afin que, rempli de l’Esprit Saint, il rayonne à son tour de sa ressemblance à Dieu.

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• Évangile Jean 17, 11b - 19
A l'heure où Jésus passait de ce monde à son Père,
les yeux levés au ciel, il priait ainsi :
11 « Père saint, garde mes disciples
dans la fidélité à ton nom que tu m'as donné en partage,
pour qu'ils soient un, comme nous-mêmes.
12 Quand j'étais avec eux,
je les gardais dans la fidélité à ton nom que tu m'as donné.
J'ai veillé sur eux, et aucun ne s'est perdu,
sauf celui qui s'en va à sa perte
de sorte que l'écriture soit accomplie.
13 Et maintenant que je viens à toi,
je parle ainsi, en ce monde,
pour qu'ils aient en eux ma joie,
et qu'ils en soient comblés.
14 Je leur ai fait don de ta parole,
et le monde les a pris en haine
parce qu'ils ne sont pas du monde,
de même que moi je ne suis pas du monde.
15 Je ne demande pas que tu les retires du monde,
mais que tu les gardes du Mauvais.
16 Ils ne sont pas du monde,
comme moi je ne suis pas du monde.
17 Consacre-les par la vérité :
ta parole est vérité.
18 De même que tu m'as envoyé dans le monde,
moi aussi, je les ai envoyés dans le monde.
19 Et pour eux je me consacre moi-même,
afin qu'ils soient eux aussi consacrés par la vérité. »

Inutile de chercher dans l’évangile de Jean une quelconque trace ou traduction du «Notre Père» [comme chez Matthieu (6, 7-13) et Luc (11, 1-4)]. Pourtant, à bien lire entre les lignes, on trouve des éléments de cette prière: «Père saint», «fidélité à ton nom», «Écriture accomplie», «que tu les gardes du Mauvais».
«Je les gardais dans la fidélité à ton nom que tu m'as donné.» Le christ fut envoyé pour révéler au monde, aux hommes le nom de Dieu, c’est-à-dire sa personne même du Père. Or le propre du Père, c’est d’aimer. Le nom de Dieu est saint, c’est pourquoi il est exalté dans la louange du psalmiste. C’est aussi pourquoi, en nous rendant dignes d’être appelés «fils de Dieu», nous donne accès et droit à demeurer dans l’unité avec le Père en entre nous: «…Garde mes disciples dans la fidélité à ton nom que tu m'as donné en partage, pour qu'ils soient un, comme nous-mêmes». C’est l’inséparable symbiose de la verticalité (Dieu/Homme) et de l’horizontalité (Homme/Homme) que Jean met en exergue dans cette prière sacerdotale du Christ avant sa passion.

«Pour qu’ils aient en eux ma joie, et qu’ils en soient comblés»: ce vœu du Christ formulé dans sa prière peut paraître « décalé » face à la gravité des événements qu’il annonce à ses disciples. Lui qui leur laisse entrevoir l’horreur de la passion jusqu’à sa mort et son crucifiement, voilà qu’il leur parle de la joie. Mais comme Dieu nous prouve son amour en livrant pour nous son Fils unique, croire que Jésus est le Fils de Dieu est donc absolument nécessaire à cette reconnaissance de l’amour. Jésus, obéissant et fidèle à son Père, s’offre en sacrifice pour notre salut. On sait que ce ne fut pas facile («Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ! Cependant que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne» (Lc 22, 42). Pourtant, la joie qu’il veut pour nous, c’est sa propre joie d’être resté fidèle et obéissant jusqu’à la mort sur la croix, cette même qui explose le jour de sa résurrection. La joie d’être enfants de Dieu n’a aucune commune mesure avec les autres joies que nous pouvons ressentir.


«Et pour eux je me consacre moi-même, afin qu’ils soient eux aussi consacrés par la vérité». Il n’y a pas meilleure preuve de l’engagement du dessein de l’homme dans la vie même de Dieu que cette prière de Jésus à son Prière. Ceux que tu m’as donné de partager ma vie sur terre, dit-il en substance, je ne peux les laisser tomber. C’est comme un chef d’État, un ministre, un tuteur, un frère ou une sœur qui, sentant leur «fin» prochaine ou à l’aube d’un grand changement dans leur vie, d’un départ, plaident auprès de ceux qui vont les avoir à charge de bien veiller sur eux et de les entourer de la même affection qu’il leur portait personnellement. Jésus ne veut pas laisser les apôtres (et plus largement les disciples et tous ceux qui croiront en lui) orphelins et tristes. Signe que la vie en Dieu doit être coûte que coûte joyeuse, en dépit des difficultés et des tribulations liées au témoignage dans nos vies au quotidien et surtout dans nos œuvres. Mais là encore Jésus avait prévenu le groupe des soixante-douze revenant tout joyeux de leur mission: «…ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont soumis ; réjouissez-vous de ce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux» (Lc 10, 20).

Dans le texte précédent immédiatement l’extrait de ce dimanche au chapitre 16, Jésus dit: «En vérité, en vérité, je vous le dis, ce que vous demanderez au Père, il vous le donnera en mon nom. Jusqu’ici vous n’avez rien demandé en mon nom. Demandez et vous recevrez, et votre joie sera parfaite. Tout cela, je vous l’ai dit en figures. L’heure vient où je ne vous parlerai plus en figures ; je vous entretiendrai du Père en toute clarté. Ce jour-là, vous demanderez en mon nom et je ne vous dis pas que je prierai le Père pour vous, car le Père lui-même vous aime, parce que vous m’aimez et que vous croyez que je suis sorti de Dieu» (vv. 23-27). En effet, tant qu’il n’était pas encore glorifié, les apôtres ne pouvaient rien demander au nom de Jésus, Fils de Dieu. Mais avec la résurrection et la venue de l’Esprit Saint (la Pentecôte) qu’il annonce, commencera l’initiation parfaite, celle qui s’achèvera dans la vision de Dieu tel qu’il est. Certes, si Jésus demeure bien le seul et l’unique médiateur, les disciples, ne faisant qu’un avec lui par la foi et l’amour, seront aimés du Père auquel ils pourront parler directement : la médiation de Jésus aura alors atteint son but et son plein effet. C’est en ce sens qu’il convient de saisir l’importance du «Notre Père», la seule prière que Jésus a enseignée à ses disciples, ces mots de demande confiante à celui qui est désormais le Père de tous les hommes. «Je suis le chemin, la vie et la vérité», c’est-à-dire d’autres façons de signifier l’AMOUR. La vérité, c’est le principe vital qui permet de circonscrire le domaine de la lumière et celui des ténèbres ; c’est ce qui permet de marcher y compris dans la nuit parce qu’elle éclaire nos pas et qu’ainsi on ne trébuche pas (Jn 11, 9-10).
 

 

16/05/2012

L’AMOUR est l’autre nom de DIEU

Dimanche 13 mai : sixième dimanche de Pâques

Chers amis, bonjour !

En ce sixième dimanche de Pâques, la liturgie nous propose de méditer sur l’universalité de l’Évangile annoncé à tous les peuples de la terre. Avec un seul leitmotiv, le plus grands des commandements que nous a laissés le Christ : « Ce que je vous demande, c’est de vous aimer les unes les autres », car lui le Seigneur, qui nous a élevés au rang de fils de Dieu se définit intrinsèquement comme « AMOUR ».

• Première Lecture - Actes des Apôtres 10, 25 ... 48

Quand Pierre arriva à Césarée
chez Corneille, centurion de l'armée romaine,
celui-ci vint à sa rencontre,
et se jetant à ses pieds, il se prosterna.
26
Mais Pierre le releva et lui dit :
« Reste debout. Je ne suis qu'un homme, moi aussi. »
34
Puis il s'adressa à ceux qui étaient là :
« En vérité, je le comprends :
Dieu ne fait pas de différence entre les hommes ;
35
mais, quelle que soit leur race,
il accueille les hommes qui l'adorent
et font ce qui est juste. »
44
Pierre parlait encore
quand l'Esprit Saint
s'empara de tous ceux qui écoutaient la parole.
45
Tous les croyants qui accompagnaient Pierre
furent stupéfaits, eux qui étaient Juifs,
de voir que même les païens
avaient reçu à profusion le don de l'Esprit Saint.
46
Car on les entendait dire des paroles mystérieuses
et chanter la grandeur de Dieu.
Pierre dit alors :
47
« Pourrait-on refuser l'eau du baptême
à ces gens qui ont reçu l'Esprit Saint
tout comme nous ? »
48
Et il donna l'ordre de les baptiser au nom de Jésus Christ.
Alors ils lui demandèrent
de rester quelques jours avec eux.

Il est bon de rappeler le contexte dans lequel se déroulent les événements qui se sont relatés ici. Partout en Judée, en Galilée et en Samarie, les Églises (au sens de “communautés“) jouissent d’une paix réelle après une période de persécutions. Pierre se rend partout pour annoncer la Bonne Nouvelle du Christ et, partout il fait des miracles : il guérit à Lydda un paralytique nommé Énée ; il ressuscite à Joppée, une bourgade voisine de Lydda, une dénommée Tabitha qui venait d’être lavée et déposée dans la chambre funéraire. Et tout cela à l’invocation du seul nom de Jésus. Tout cela est extraordinaire et entraîne la conversion de plusieurs personnes… Puis, pierre se rend à Césarée, chez un centurion de l’armée romaine.
Il faut se souvenir que c’est le pouvoir romain qui a organisé la mort de Jésus et qui a traqué les apôtres après la résurrection et l’ascension du Seigneur. Car en effet il craignait, plus que tout, ces disciples dont il ne savait pas trop ce que ce Jésus leur avait légué comme pouvoir. Voici donc que Pierre se rend chez un soldat romain. Or Corneille, puisque c’est de lui qu’il s’agit,  est un craignant Dieu, il a longtemps prié Dieu qui l’a exaucé. Il vient d’avoir une vision au cours de laquelle l’Ange de Dieu lui annonce que ses prières et ses aumônes sont montées devant Dieu, et qu’il s’est souvenu de lui. Et c’est l’Ange qui lui demande de faire venir à lui Pierre qui séjourne non loin de là, à Joppée. A l’apôtre, ses messagers disent : « Le centurion corneille, homme juste et craignant Dieu, à qui toute la nation juive rend bon témoignage, a reçu d’un ange saint l’avis de te faire venir chez lui et d’entendre les paroles que tu as à dire » (Ac 10, 22).
La conversion de Corneille n’est pas un cas individuel et isolé. Plusieurs païens, des non juifs, demandent à se faire baptiser pour intégrer l’Église de Jésus-Christ. De plus, plusieurs païens reçoivent l’Esprit Saint de Dieu. Une « petite pentecôte », en quelque sorte ! Mais le centurion est ici l’image par excellence de celui qui, ayant écouté l’Évangile de Jésus-Christ, y est resté indifférent dans un premier temps, mais par et travers la prière, a trouvé le chemin de Dieu. La grâce dont le Seigneur lui fait don ne peut lui être apportée que par un homme qui est déjà en grâce : l’apôtre Pierre. Ce dernier lui délivre deux messages importants :
1)- Premièrement, le Jésus que les Juifs et les Gentils ont crucifié a été établi de Dieu juge des vivants et des morts. Corneille en sait tous les détails et connaît sûrement certaines personnes qui y avaient participé à l’humiliation et à la crucifixion de Jésus, et lui-même y a  joué un rôle. Or, le Jésus méprisé et supplicié par les hommes apparaîtra, le moment venu, comme le Juge universel. Le destin de tous les hommes est donc entre ses mains !
2)- Cependant, avant la survenue de ce temps du jugement, tous les prophètes rendent témoignage que le pardon est offert en son nom à toute personne qui se repent et croit en lui. Le Juge des derniers temps est devenu le garant des pécheurs de toute race et de toute nation : qui croit en lui reçoit la rémission de ses péchés.

Or Corneille et ses amis crurent. La foi était déjà en eux et dès qu’ils entendent le message de la Bonne Nouvelle, c’est cette foi qui s’en saisit instantanément, cette même foi qui est sanctionnée par Dieu en leur envoyant son Esprit Saint. Eux, les croyants d’entre les Gentils rejoignent la famille des croyants d’entre les Juifs. Et c’est parce qu’ils avaient reçu l’Esprit Saint en eux que le baptême de l’eau ne pouvait pas leur être refusé. Dieu a précédé la démarche des hommes en répandant son Esprit sur les Gentils pour leur ouvrir la porte de la foi, en le exonérant des astreintes de la Loi mosaïque. Autrement dit, Dieu lui-même a montré à Pierre qu’il devait, en surpassant ses propres scrupules (surtout ceux touchant à la pureté légale), accepter l’hospitalité d’un incirconcis. Il lèvre ainsi les barrières qui séparaient les chrétiens issus du judaïsme et ceux issus du paganisme.

• Psaume 97 (98), 1....6

Chantez au SEIGNEUR un chant nouveau,
car il a fait des merveilles ;
par son bras très saint, par sa main puissante,
il s'est assuré la victoire.

2
Le SEIGNEUR a fait connaître sa victoire
et révélé sa justice aux nations ;
3
il s'est rappelé sa fidélité, son amour,
en faveur de la maison d'Israël.

La terre tout entière a vu

la victoire de notre Dieu.
4
Acclamez le SEIGNEUR, terre entière.
6
Acclamez votre roi, le SEIGNEUR !


Rappelons que derrière la première personne du singulier s’exprime le psalmiste, certes ! Mais aussi et surtout tout le peuple d’Israël. C’est pourquoi l’on pourrait traduire ce psaume à la première personne du pluriel : « Chantons au Seigneur un chant nouveau… Acclamons le Seigneur, terre entière, acclamons notre roi, le Seigneur ! ».
Ce psaume est un chant de louange adressé au Juge de la terre, il est clamé « devant Yahvé », comme dans le psaume précédent. Il est en parfaite harmonie avec le texte de la première lecture en ce sens qu’il proclame la merveilleuse actualité de la Pentecôte universelle, cet élan dans lequel l’Esprit de Dieu se répand à travers le monde, dans les cœurs des Juifs et des Païens. On peut y voir également une sorte d’hymne eschatologique que l’on peut lire en symétrie de la fin du Livre d’Isaïe. En effet, le prophète y chante la libération de Jérusalem concomitant avec le réveil de Yahvé lui-même (comme s’il s’était endormi à la suite des nombreuses infidélités de son peuple). Car l’ère nouvelle que le prophète annonce avec force et espérance, c’est le Retour non pas d’un roi terrestre, mais celui de Yahvé lui-même, roi dans Sion et sur toute la terre. Ce règne annoncé par les tout premiers prophètes (Mi 2, 1-3 ; So 3, 15 ; Jr 3, 17  -  8, 19 ; Ez 20, 33, Za 14, 9 etc.) est célébré dans ce qu’on appelle ‘les psaumes du Règne » (Ps 47 ; 93 ; 96 ; 97 ; 98 ; 99) : « Éclatez toutes en cris de joie, ruines de Jérusalem ! Car Yahvé console son peuple, il rachète Jérusalem. Yahvé met à nu son bras de sainteté sous les yeux de toutes les nations, et toutes les extrémités de la terre verront le salut de notre Dieu » (Is 52, 9-10). Le bras du Seigneur, signe de sa puissance, lorsqu’il le déploie pour combattre, comme au temps où à la « force du bras » il arrachait Israël à la servitude du Pharaon en Égypte. Ou encore un peu plus loin (Is 59, 16) : « … Alors son bras devint son soutien, et sa justice, son appui.
Dans ce psaume, il est donc question du Roi véritable, sauveur d’Israël et de tous les peuples de la terre, juifs et païens. Ce roi de l’univers est acclamé et accueilli avec des sonneries réservées en Israël à l’avènement des rois, des sonneries qui accompagnent ici l’intronisation de Yahvé, pour qui elles avaient déjà retenti au Mont Sinaï. Ce Roi, les apôtres et beaucoup d’autres personnes, l’ont vu vivre au milieu d’eux. Mort et ressuscité, c’est de Roi de gloire que tous les chrétiens acclament dans leurs louanges d’action de grâces, par la force de son Esprit Saint, et dans l’attente de sa venue à la fin des temps.

• Deuxième Lecture - 1 Jean 4, 7 - 10

7 Mes bien-aimés,
aimons-nous les uns les autres,
puisque l'amour vient de Dieu.
Tous ceux qui aiment
sont enfants de Dieu,
et ils connaissent Dieu.
8 Celui qui n'aime pas
ne connaît pas Dieu,
car Dieu est amour.
9 Voici comment Dieu a manifesté son amour parmi nous :
Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde
pour que nous vivions par lui.
10 Voici à quoi se reconnaît l'amour :
ce n'est pas nous qui avons aimé Dieu,
c'est lui qui nous a aimés,
et il a envoyé son Fils
qui est la victime offerte pour nos péchés.

Le texte de la deuxième lecture et l'extrait de l'Évangile de Jean proposés en ce dimanche parlent d'une même réalité. En effet, aux sources de la charité et de la foi se trouve l’amour, telle une eau vive qui jaillit des profondeurs mêmes de Dieu : source du salut, source de joie, source d’espérance… Dieu est au cœur de chaque être, à la fois alpha et oméga de toute existence. Nous savons que le thème de l’amour de Dieu pour le peuple d’Israël a inspiré les plus belles pages de l’Ancien Testament, et nous savons que la mission du Fils unique pour sauver le monde a manifesté que le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob s’identifie à l’Amour.
Un chant traduit substantiellement cette identité Dieu – Amour :
« Dieu est Amour, Dieu est Lumière, Dieu nitre Père. En Toi Seigneur point de ténèbres, ton Esprit est vérité. Nous nous aimons les uns les autres, le premier Dieu nous aima. » Cet amour, c’est la sève qui irrigue et nourrit le tronc du cep auquel sont entés les sarments. La condition de cette vie promise en dedans de Dieu, c’est de garder ses commandements, à l’exemple du Christ qui a gardé les commandements de son Père. Demeurer en son amour afin qu’il demeure en nous, tel est le secret de la joie messianique promise par Jésus lui-même, la joie de Fils de Dieu.

Mais de l’amour, Jésus n’a pas fait qu’en parler ; toute sa vie a été un déploiement d’amour. Dans sa grande prière d’oblation et d’intercession (Jn 17) du Sauveur à l’heure de son sacrifice, Jésus demande sa glorification par le Père, non pas une glorification personnelle mais plutôt une glorification dans laquelle il associe tous les hommes qui ont cru en sa Parole. C’est-à-dire tous les hommes qu’il a adoptés pour demeurer avec lui dans le Père tout autant que le Père demeure désormais en eux : « tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi, et je suis glorifié en eux » (Jn 17, 10). Celui qui a été envoyé au milieu des hommes pour leur révéler le nom, la personne même du Père, à savoir AMOUR, c’est Jésus qui s’offre en sacrifice pour les siens. Quiconque accueille sa Parole et la met en pratique se laisse ainsi habiter par son Esprit Saint ; il devient alors demeure de Dieu.

Cet amour fraternel dans le respect des commandements de Dieu est le signe manifeste de la vie de l’Esprit Saint qui est l’Esprit de Vérité menant à la vérité tout entière. Cet amour fraternel nous fait connaître la personnalité mystérieuse du Christ, la manière dont il accomplit les Écritures, le sens de ses paroles, de ses actes et signes, bref toutes ces choses que les apôtres n’avaient pu comprendre auparavant. L’amour fraternel, c’est la preuve matérielle de la présence de l’Esprit de Dieu dans le monde, un témoignage qui confondra toujours l’incrédulité du monde.

 

• Évangile Jean 15, 9 - 17

A l'heure où Jésus passait de ce monde à son Père,
il disait à ses disciples :
9
« Comme le Père m'a aimé,
moi aussi je vous ai aimés.
Demeurez dans mon amour.
10
Si vous êtes fidèles à mes commandements,
vous demeurerez dans mon amour ;
comme moi,
j'ai gardé fidèlement les commandements de mon Père,
et je demeure dans son amour.
11
Je vous ai dit cela
pour que ma joie soit en vous,
et que vous soyez comblés de joie.
12
Mon commandement, le voici :
Aimez-vous les uns les autres
comme je vous ai aimés.
13 Il n'y a pas de plus grand amour
que de donner sa vie pour ses amis.
14
Vous êtes mes amis
si vous faites ce que je vous commande.
15
Je ne vous appelle plus serviteurs,
car le serviteur ignore ce que veut faire son maître ;
maintenant, je vous appelle mes amis,
car tout ce que j'ai appris de mon Père,
je vous l'ai fait connaître.
16
Ce n'est pas vous qui m'avez choisi,
c'est moi qui vous ai choisis et établis
afin que vous partiez,
que vous donniez du fruit,
et que votre fruit demeure.
Alors, tout ce que vous demanderez au Père en mon nom,
il vous l'accordera.
17
Ce que je vous commande,
c'est de vous aimer les uns les autres. »

09/05/2012

Rester fidèle à ses commandements et demeurer en lui…


Dimanche 6 mai 2012

Chers amis, bonjour !

Une Église qui se construit et avance sous l’égide de l’Esprit Saint, des chrétiens appelés à vivre leur foi non pas en paroles mais en actes et en demeurant unis au Christ pour porter du bon fruit, tels des sarments à un cep : tel est le fil conducteur des trois lectures que la liturgie nous propose de méditer en ce cinquième dimanche de Pâques.

-      Première lecture : Actes des Apôtres 9, 26-31
-      Psaume 21 (22), 26-32
-      Deuxième lecture : 1 Jean 3, 18-24
-      Évangile : Jean 15, 1-8


Première Lecture - Actes des Apôtres 9, 26 - 31
Après sa conversion,
26 Paul vint à Jérusalem.
Il cherchait à entrer dans le groupe des disciples,
mais tous avaient peur de lui,
car ils ne pouvaient pas croire
que lui aussi était un disciple du Christ.
27 Alors Barnabé le prit avec lui
et le présenta aux Apôtres ;
il leur raconta ce qui s'était passé :
sur la route, Paul avait vu le Seigneur,
qui lui avait parlé ;
à Damas, il avait prêché avec assurance
au nom de Jésus.
28 Dès lors, Paul allait et venait dans Jérusalem avec les apôtres,
prêchant avec assurance au nom du Seigneur.
29 Il parlait aux Juifs de langue grecque,
et discutait avec eux.
Mais ceux-ci cherchaient à le supprimer.
30 Les frères l'apprirent ;
alors ils l'accompagnèrent jusqu'à Césarée,
et le firent partir pour Tarse.
31 L'Eglise était en paix
dans toute la Judée, la Galilée et la Samarie.
Dans la crainte du Seigneur, elle se construisait et elle avançait ;
elle se multipliait avec l'assistance de l'Esprit Saint.

Avec ce texte, Luc nous décrit cette petite église qui s’était formée après la Pentecôte. Dans un premier temps principalement organisée autour des apôtres « historiques », voilà qu’elle s’ouvre à d’autres missionnaires et entreprend son «élargissement dans d’autres contrées. Le cas de Saul est très emblématique de cette capacité, pour une structure qui se présentait sous un aspect « petit groupe », à s’ouvrir, mieux à dépasser les ressentiments proprement humains pour lire dans ce qui survient la marque de l’Esprit dont désormais eux-mêmes procèdent.
Cependant, la réputation de ce Saul n’est pas bonne : il est celui qui a persécuté les chrétiens, celui qui tenait les vêtements d’Etienne lors de son martyre. Et voilà qu’aujourd’hui il souhaite rejoindre le groupe des apôtres. La réaction de ces derniers ainsi que celle de la communauté chrétienne sont rudes ; certains veulent même le lyncher. Mais il est adoubé par Barnabé, un homme respecté dans la communauté, qui le présente aux apôtres. Ce Saul raconte l’histoire de sa conversion sur la route de Damas et les gens reconnaissent, ainsi que le note Luc lui-même,  qu’il « prêchait avec assurance au nom de Jésus ». Les apôtres l’acceptent : eux qui redoutaient de le voir infiltrer la petite communauté pour la dénoncer et la détruire font confiance à son engagement à contribuer à la bâtir, la consolider et l’élargir. Or lui, le nouveau chrétien, connaîtra les pires persécutions dès les premiers moments de sa conversion, d’abord à Damas (dont il s’échappe avec le concours de ses nouveaux disciples chrétiens qui le descendent de nuit à Tarse, sa ville natale située au sud de l’actuelle Turquie) et même à Jérusalem où les chrétiens lui manifestent leur méfiance. Pourtant, Paul persévère dans la mission que lui a confiée le Seigneur. Symbole manifeste de la radicalité de l’appel de Dieu, Paul sera l’apôtre de la mission difficile au cœur d’un monde en proie à diverses influences au cœur de ce puissant Orient en pleines mutations politiques et sociales.
C’est donc Dieu, et non pas nous les hommes, qui choisit et appelle chacun de nous à le suivre et à le servir. Nous n’avons pas à juger de la qualité ou de l’aptitude de telle ou telle personne à faire partie de son Eglise. Celle-ci doit être solidaire et accueillante à tous ceux que l’Esprit a guidés vers elle comme des brebis égarées vers un bercail sûr et reposant. Oui, en effet, car en dépit du climat de persécution à cette époque-là, comme le note Luc, « l'Eglise était en paix dans toute la Judée, la Galilée et la Samarie. Dans la crainte du Seigneur, elle se construisait et elle avançait ; elle se multipliait avec l'assistance de l’Esprit Saint.


Psaume 21 (22), 26... 32
26 Tu seras ma louange dans la grande assemblée ;
devant ceux qui te craignent, je tiendrai mes promesses.
27 Les pauvres mangeront : ils seront rassasiés ;
ils loueront le SEIGNEUR, ceux qui le cherchent.

28 La terre entière se souviendra et reviendra vers le SEIGNEUR,
chaque famille de nations se prosternera devant lui :
29 « Oui, au SEIGNEUR la royauté,
le pouvoir sur les nations ! »

31
Et moi, je vis pour lui : ma descendance le servira ;
on annoncera le Seigneur aux générations à venir.
32 On proclamera sa justice au peuple qui va naître :
Voilà son œuvre !
 

Les six derniers versets de ce psaume terminent en action de grâce cette prière dans laquelle le psalmiste — en réalité le peuple d’Israël lui-même — rappelle ses souffrances et proclame son espoir. Mais alors que les versets 2 à 25 pourraient être circonscris au seul peuple élu, puisqu’il s’agit de faits liés à son histoire, les deniers versets portent cet souffle universaliste où l’avènement du règne de Dieu dans le monde entier apparaît consécutif aux épreuves du serviteur fidèle. C’est en cela d’ailleurs qu’on peut les rapprocher de la prophétie d’Isaïe dans le quatrième chant du Serviteur de Yahvé : « Voici que mon serviteur prospérera, s’élèvera et grandira beaucoup ! » (Is 52, 13) ou encore : « C’est pourquoi je lui attribuerai des foules, et avec les puissances il partagera les trophées, parce qu’il s’est livré lui-même à la mort et a été compté parmi les pécheurs alors qu’il supportait les fautes des multitudes et qu’il intercédait pour les pécheurs » (Is 53, 12). Le lien avec la première lecture de ce dimanche (le texte des Actes des Apôtres (Ac 9, 26-31) est lisible sur l’image de cette église naissante, corps dont le Christ est le tronc, vigne dont il est le Cep… qui est appelée à grandir et à donner du fruit en abondance.
« La terre entière se souviendra et reviendra vers le SEIGNEUR, chaque famille de nations se prosternera devant lui ». Le peuple d’Israël en a fait l’expérience : malgré ses infidélités, le Seigneur a toujours été fidèle à sa promesse, lent à la colère et plein de miséricorde. A chaque fois qu’il s’est éloigné de lui, le Seigneur a tendu la main et établi des points de passage pour que les égarés reviennent à lui. Son projet est universel, il concerne toutes les nations et tous les peuples de la terre. Car auprès du Seigneur se trouve le pardon et l’abondance d’amour. A ce propos, il a souvent été écrit (surtout dans l’Ancien Testament et les Psaumes) que le Seigneur cachait ou détournait sa face. En réalité, c’est l’homme pécheur qui s’en détournait par ses infidélités, ses manquements, sa désobéissance… et se trouvait dans l’incapacité se supporter le regard permanent du Seigneur : « Les pauvres mangeront et seront rassasiés. Ils loueront le Seigneur, ceux qui le cherchent ». Notons ici qu’il la participation à la royauté céleste est conditionnée à la recherche du Seigneur (thème de la « conversion »). Celui-ci s’offre à l’homme qui est libre de le reconnaître et l’accueillir pour jouir de sa plénitude, pour prendre part au festin messianique qu’une fois de plus Isaïe prophétisera à travers « La nourriture du pauvre » : Vous tous qui êtes altérés, venez vers l’eau ; même si vous n’avez pas d’argent, venez. Achetez du lait et consommez, sans argent, et, sans payer, du vin et du lait. Pourquoi dépenser votre argent pour autre chose que du pain, votre salaire pour ce qui ne rassasie pas ? Écoutez-moi et vous mangerez de bonnes choses, vous vous délecterez de mets succulents. Prêtez l’oreille et venez à moi, écoutez et votre âme vivra. » (Is 55, 1-3). Prophétie qui sera consolidée par Jean dans l’Apocalypse : « … Je suis l’Alpha et l’Oméga, le Principe et la Fin ; celui qui a soif, moi, je lui donnerai de la source de vie, gratuitement. » (Ap 22, 6). Nous savons que l’eau, symbole de vie, qui était dans l’Ancien Testament, une caractéristique des Temps messianiques deviendra, dans le Nouveau Testament symbole de l’Esprit. Et, c’est cet Esprit que le chrétien reçoit par son baptême, ce même Esprit dont il reçoit les multiples dons à la Pentecôte… dans l’attente du retour du Christ qui viendra prendre ses élus dans sa gloire.



Deuxième Lecture - 1 Jean 3, 18 - 24
Mes enfants,
nous devons aimer :
non pas avec des paroles et des discours,
mais par des actes et en vérité.
19 En agissant ainsi,
nous reconnaîtrons que nous appartenons à la vérité,
et devant Dieu nous aurons le cœur en paix ;
20 notre cœur aurait beau nous accuser
Dieu est plus grand que notre cœur,
et il connaît toutes choses.
21 Mes bien-aimés,
si notre cœur ne nous accuse pas,
nous nous tenons avec assurance devant Dieu,
22 et tout ce que nous lui demandons,
il nous l'accorde,
parce que nous sommes fidèles à ses commandements,
et que nous faisons ce qui lui plaît.
23 Or, voici son commandement :
avoir foi en son Fils Jésus Christ,
et nous aimer les uns les autres
comme il nous l'a commandé.
24 Et celui qui est fidèle à ses commandements
demeure en Dieu,
et Dieu en lui ;
et nous reconnaissons qu'il demeure en nous,
puisqu'il nous a donné son Esprit.
 


« Or, voici son commandement : avoir foi en son Fils Jésus Christ, et nous aimer les uns les autres comme il nous l’a commandé ». Les apôtres ont vu Dieu à travers le Fils qu’ils ont suivi et servi durant sa vie sur terre. Mais c’est là une grâce exceptionnelle car certains de leurs compatriotes ne l’ont pas reconnu ; ils l’ont même trahi et fait mourir. Ressuscité, Jésus n’est plus physiquement présent au milieu de ses apôtres auxquels il a promis son Esprit Saint qui leur dévoilera le sens de tout son enseignement. Un enseignement qu’il avait lui-même traduit dans un seul mot : AMOUR.
Cet amour, il en a été à la fois l’expression parfaite et exigeante jusqu’au don de soi, de sa vie sur la croix pour accomplir le dessein de Dieu pour l’humanité entière. C’est que l’Amour ne peut pas être de simples paroles vides sans prise sur le réel. L’amour est un feu qui embrase toutes les sphères de la vie individuelle et collective, il est un principe éminemment actif. Saint Jacques l’exprime clairement dans sa Lettre : « Mettez la Parole en pratique. Ne soyez pas seulement des auditeurs qui s’abusent eux-mêmes ! Qui écoute la Parole sans la mettre en pratique ressemble à un homme qui observe sa physionomie dans un miroir… » (Jc 1, 22) ou encore : « A quoi bon, mes frères, dire qu'on a la foi, si l'on n'a pas d'œuvres. La foi peut-elle sauver dans ce cas ? Si un frère ou une sœur n'ont rien à se mettre et pas de quoi manger tous les jours et que l'un de vous leur dise : Allez en paix, mettez-vous au chaud et bon appétit, sans que vous leur donniez de quoi subsister, à quoi bon ? De même la foi qui n'aurait pas d'œuvres est morte dans son isolement. » (Jc 2, 14-17). Jean reste dans le même registre de la foi et de l’amour par les actes et les œuvres. À ce propos, ce texte regorge de verbes d’action : aimer, croire, avoir foi, agir, faire ce qui lui plaît, reconnaître, demeurer…
Et pour nous éviter des égarements ou des élucubrations interminables, Christ lui-même nous a défini le cadre d’expression de cet amour : la fidélité à ses commandements. Et cet amour est vérité, parce que Dieu lui-même est vie, chemin et vérité. Dans l’Ancien Testament, la « vérité », opposée à l’injustice et au mal, désigne souvent la rectitude de la loi morale, en accord avec la volonté divine ; en ce sens, celui qui marche dans la vérité est fidèle à Dieu. Ce sens est repris par Saint Jean qui met en avant le double commandement de la foi et de l’amour. Qui croit aime et qui aime nécessairement croit. Qui procède de la vérité croit, et qui aime marche dans la vérité, au sens où il fait la vérité (contrairement à celui qui ne marche pas dans la vérité et qui, ainsi, fait le mal).

Un autre mot important à relever dans cet extrait : le cœur. Croire et aimer ne sont pas du ressort de l’intellect, de la raison. Non ! La foi et l’amour parlent au cœur. Dieu parle et agit dans le cœur de chacun d’entre nous parce qu’il attend de nous que nous soyons des hommes de cœur. Demeure de Dieu en nous, c’est au cœur de notre vie que Dieu s’invite et nous interpelle pour essaimer son amour entre et autour de nous. Homme ou femme de cœur veut dire homme ou femme de compassion, c’est-à-dire de prévenance et d’amour confraternels. Jean le dit par ailleurs : « Si quelqu'un possède les biens de ce monde et voit son frère dans le besoin, et qu'il se ferme à toute compassion, comment l'amour de Dieu demeurerait-il en lui ? » (1 Jn 3, 17).




Evangile Jean 15, 1 - 8
A l'heure où Jésus passait de ce monde à son Père,
il disait à ses disciples :
1 « Moi, je suis la vraie vigne,
et mon Père est le vigneron.
2 Tout sarment qui est en moi,
et qui ne porte pas de fruit,
mon Père l'enlève ;
tout sarment qui donne du fruit,
il le nettoie,
pour qu'il en donne davantage.
3 Mais vous, déjà vous voici nets et purifiés
grâce à la parole que je vous ai dite :
4 Demeurez en moi, comme moi en vous.
De même que le sarment ne peut pas
porter du fruit par lui-même
s'il ne demeure pas sur la vigne,
de même vous non plus,
si vous ne demeurez pas en moi.
5 Moi, je suis la vigne,
et vous, les sarments.
Celui qui demeure en moi
et en qui je demeure,
celui-là donne beaucoup de fruit,
car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire.
6 Si quelqu'un ne demeure pas en moi,
il est comme un sarment qu'on a jeté dehors,
et qui se dessèche.
Les sarments secs,
on les ramasse, on les jette au feu, et ils brûlent.
7 Si vous demeurez en moi,
et que mes paroles demeurent en vous,
demandez tout ce que vous voudrez,
et vous l'obtiendrez.
8 Ce qui fait la gloire de mon Père,
c'est que vous donniez beaucoup de fruit :
ainsi, vous serez pour moi des disciples. »

Nous sommes au moment du dernier repas de Jésus avec ses disciples. Il les réunit pour fêter la Pâque juive et, à cette occasion, il leur lave les pieds en signe d’humilité et de service, leur annonce la trahison de l’un d’eux (Judas). Il leur fait ses adieux et les prévient de la haine du monde ; mais au milieu de ses dernières paroles avant sa passion et avant de les rassurer avec le Paraclet qu’il leur enverra après son départ (mort et résurrection) et son prompt retour, Jésus utilise cette parabole de la Vigne pour leur parler du Royaume des Cieux.
Lorsqu’on parcourt un Pays comme la France, on est fasciné par l’immensité des terres agricoles couvertes de vignes à perte de vue ; ces vignes qui donnent vie et variété aux paysages, tantôt vallonnés tantôt à flanc de coteaux. C’est dire l’importance économique et sociale de cette culture, particulièrement à travers le breuvage qu’on en tire. Le vin, produit de la vigne et du savoir-faire du vigneron, a toujours été au cœur de la vie des hommes, de leurs rencontres joyeuses et moins réjouissantes. Du temps de Jésus également, la vigne était une culture précieuse dans son pays où l’eau était chose rare. D’ailleurs, le vin était consommé par ceux qui avaient les moyens de se l’offrir. C’est pourquoi, par l’allégorie du Cep, Jésus veut faire passer un message fondamental en s’appuyant sur une image forte et populaire : « Je suis le cep et mon Père est le vigneron… Je suis le cep : vous êtes les sarments ».
Ceux qui connaissent le travail du vigneron comprennent aisément la relation particulière que celui-ci entretient avec sa vigne. Régulièrement, il doit la nettoyer, l’émonder, la libérer des sarments asséchés et couper courts ceux qui ne présentent pas une bonne croissance afin de les faire repartir. C’est là un travail soutenu et méticuleux. Jésus s’affirme comme le cep, c’est-à-dire le tronc de la vigne sur lequel poussent les sarments. La sève nourrissante coule dans le cep et, irriguée jusque dans les moindres recoins des sarments, c’est elle qui donne vie à toute la vigne. Coupé du cep, du tronc, du principe de vie, tout serment est voué à la mort. Car comme il l’a indiqué lui-même, celui qui demeure en Dieu vivra.
Cette image de la vigne avait déjà été mise en avant par le prophète Jérémie pour caractériser les infidélités du peuple d’Israël face à son Dieu : « Toutefois, sur toute colline élevée et sous tout arbre vert, tu t’es couchée comme une prostituée. Moi pourtant je t’avais plantée, comme un cep de choix, une bouture d’authentique provenance. Comment t’es-tu changée en plant dégénéré, Vigne bâtarde ! » (Jr 2, 21). Le prophète fait allusion aux velléités d’indépendance d’Israël qui, en réalité, s’était assujetti aux faux dieux, la prostitution (dite sacrée) désignant ici l’idolâtrie (comme chez Osée 1, 2 et sq ou dans le Deutéronome 23, 19 et sq). Hors du Seigneur point de salut ! Mais cela ne signifie pas que cet attachement à Jésus nous emprisonne et nous prive de toute initiative personnelle. Dieu qui s’offre à nous comme la sève et le nutriment de toute vie accomplie nous laisse libres de nos choix, libres d’embrasser les voies de notre propre réalisation. Or, la conversion, c’est justement cette capacité à se retourner au-dedans de soi, et à se tourner vers Dieu en accueillant sa Parole et en vivant pleinement ses commandements.
Dans les Évangiles, Jésus emploie l’image de la vigne comme parabole du Royaume des Cieux (cf Mt 20, 1-8 ; 21, 28-31 et 33-41). Mieux, on parlerait d’une allégorie, tant chaque trait du récit a sa signification spécifique : le propriétaire = Dieu | le fils = Jésus, tué hors des murs de Jérusalem | la vigne = le peuple élu, Israël | les serviteurs = les prophètes | les vignerons homicides = les juifs infidèles | l’autre peuple à qui sera confiée la vigne = les païens). Et Jésus fait du fruit de la vigne l’Eucharistie de la Nouvelle Alliance. Dans ce texte, il se présente comme le vrai cep, dont le fruit, le véritable Israël, ne décevra pas l’attente divine. Quant aux fruits de la vigne dont les saveurs varient en fonction de la nature des sols et nous offrent autant de variétés sur nos tables, nous comprendrons qu’ils symbolisent la sainteté d’une vie aux commandements de Dieu, et plus particulièrement à celui de l’amour : « voici mon commandement : aimez-vous les unes les autres comme je vous ai aimés. Il n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande ».