29/10/2012

« Va, ta foi t'a sauvé. »


Dimanche 28 octobre
30e dimanche du temps ordinaire
(Année liturgique B)



Chers amis, bonjour !

Les trois textes que la liturgie de ce dimanche nous donne de méditer parlent de libération. Mais cette libération est donnée par le Seigneur Dieu une fois la demande formulée et exprimée par le prophète Jérémie (« Seigneur, sauve ton peuple, le reste d’Israël », par le psalmiste (« Ramène, Seigneur, nos captifs comme les torrents au déserts »), et par l’aveugle Bartimée (« Jésus, Fils de David, aie pitié de moi »). Dieu est interpellé par des personnes qui ont déjà en eux la conviction du salut par sa grâce et sa miséricorde. Lui qui sait lire dans le secret de nos cœurs avant même que nous fassions connaître nos désirs, nous laisse cependant le liberté de faire le bout de chemin qui mène des ténèbres à la lumière pour devenir ses disciples et marcher à sa suite y compris vers des destins apparemment périlleux. Mais justement, parce qu’il est au cœur de notre foi, parce qu’il en est l’énergie même, nous y allons avec confiance et lucidité.



• PREMIÈRE LECTURE - Jérémie 31, 7-9
7 Ainsi parle le SEIGNEUR :
Poussez des cris de joie pour Jacob,
acclamez la première des nations !
Faites résonner vos louanges et criez tous :
« SEIGNEUR, sauve ton peuple,
le reste d'Israël ! »
8 Voici que je les fais revenir du pays du Nord,
et que je les rassemble des extrémités du monde.
Il y a même parmi eux l'aveugle et le boiteux,
la femme enceinte et la jeune accouchée ;
c'est une grande assemblée qui revient.
9 Ils étaient partis dans les larmes,
dans les consolations je les ramène ;
je vais les conduire aux eaux courantes
par un bon chemin où ils ne trébucheront pas.
Car je suis un père pour Israël,
Ephraïm est mon fils aîné.

• PSAUME 125 (126) - « Chant des montées »
1 Quand le SEIGNEUR ramena les captifs à Sion,
nous étions comme en rêve !
2 Alors notre bouche était pleine de rires,
nous poussions des cris de joie.

Alors on disait parmi les nations :
« Quelles merveilles fait pour eux le SEIGNEUR ! »
3 Quelles merveilles le SEIGNEUR fit pour nous :
nous étions en grande fête !

4 Ramène, SEIGNEUR, nos captifs,
comme les torrents au désert.
5 Qui sème dans les larmes
moissonne dans la joie.

6 Il s'en va, il s'en va en pleurant,
il jette la semence ;
il s'en vient, il s'en vient dans la joie,
il rapporte les gerbes.

• DEUXIÈME LECTURE - Lettre aux Hébreux 5, 1 - 6
Le grand prêtre est toujours pris parmi les hommes,
et chargé d'intervenir en faveur des hommes
dans leurs relations avec Dieu ;
il doit offrir des dons et des sacrifices pour les péchés.
2 Il est en mesure de comprendre
ceux qui pèchent par ignorance ou par égarement,
car il est, lui aussi, rempli de faiblesse ;
3 et, à cause de cette faiblesse,
il doit offrir des sacrifices pour ses propres péchés
comme pour ceux du peuple.
4 On ne s'attribue pas cet honneur à soi-même,
on le reçoit par appel de Dieu,
comme Aaron.
5 Il en est bien ainsi pour le Christ :
quand il est devenu grand prêtre,
ce n'est pas lui-même qui s'est donné cette gloire ;
il l'a reçue de Dieu, qui lui a dit :
Tu es mon Fils,
moi, aujourd'hui, je t'ai engendré,
6 et qui déclare dans un autre psaume :
Tu es prêtre pour toujours
selon le sacerdoce de Melkisédek.


ÉVANGILE - Marc 10, 46b - 52
46 Tandis que Jésus sortait de Jéricho
avec ses disciples et une foule nombreuse,
un mendiant aveugle, Bartimée, le fils de Timée,
était assis au bord de la route.
47 Apprenant que c'était Jésus de Nazareth,
il se mit à crier :
« Jésus, fils de David, aie pitié de moi ! »
48 Beaucoup de gens l'interpellaient vivement pour le faire taire,
mais il criait de plus belle :
« Fils de David, aie pitié de moi ! »
49 Jésus s'arrête et dit :
« Appelez-le. »
On appelle donc l'aveugle, et on lui dit :
« Confiance, lève-toi ;
il t'appelle. »
50 L'aveugle jeta son manteau,
bondit et courut vers Jésus.
51 Jésus lui dit :
« Que veux-tu que je fasse pour toi ?
- Rabbouni, que je voie. »
52 Et Jésus lui dit :
« Va, ta foi t'a sauvé. »
Aussitôt l'homme se mit à voir,
et il suivait Jésus sur la route.

Ce samedi et ce dimanche, j’ai été frappé par la force de l’homélie du RP Yves MUS aux différents offices, d’abord par le caractère concret de la lecture qu’il nous a proposée et ensuite par le souci pédagogique d’en marquer le fil conducteur par des formules-clés. Lesquelles ne sont pas du tout de simples gadgets, de purs effets de communication… mais de véritables points de repère qui peuvent nous permettre d’ancrer nos propres vies.
Je remercie donc le RP Yves MUS, prêtre du diocèse de LYON, d’avoir bien voulu accepter de nous remettre LES GRANDES LIGNES DE SON HOMÉLIE en ce 30e dimanche de l’année liturgique B 2012 et de le publier pour le plus grand bien spirituel de tous.


AU DÉBUT DE CHAQUE CÉLÉBRATION, nous invoquons la pitié du Seigneur. Nous reformulons le cri de l’aveugle Bartimée aux portes de Jéricho. Celui qui appelle est un homme de foi comme nous-mêmes en nous rendant à cette célébration où nous en appelons à la miséricorde de Dieu pour qu’il entende nos peines, nos misères que nous côtoyons chaque jour…
Beaucoup de Bartimée sont aussi aux bords de nos cités, avec leurs multiples handicaps. Comme les apôtres, parfois notre gêne nous démunit devant eux ; nous les réduisons au silence, et en même temps, poussé par un esprit humain et solidaire, des mains se tendent, s’organisent en associations et font des démarches pour que tous les Bartimée du 21e siècle retrouvent une place, leur place dans la société…

Le cri de cet aveugle n’est pas seulement un SOS mais une foi qui s’exprime ouvertement et qui nomme son objet : « Fils de David… » ; il reconnaît en Jésus ce qu’il  a entendu parler de lui : un sauveur… le seul vrai sauveur.

« Va, ta foi t’a sauvé »
Sa foi était déjà en lui, comme notre foi propre foi, déjà inscrite en nous par le baptême. Il a fallu cet événement à la sortie de Jéricho pour que celui qui était sans voix se mette à crier sa supplique et sa foi. Cet aveugle s’est sauvé par lui-même. En quelque sorte, Jésus n’a fait que lui certifier ce qu’il possédait déjà en lui ; il lui rend ce qu’il lui appartient : son cri n’est que la manifestation de ce qu’il croit en l’intérieur de lui-même. Trop souvent nous en restons aux cris de ceux qui demandent une aide sans voir tout ce que cela révèle d’aspiration, de dignité… à prendre en compte.

Faire entendre sa voix, dire sa foi
-      Saint Paul : ne pas rougir de son appartenance chrétienne…
-      Reconnaître Jésus comme Sauveur… en témoigner…
-      Bartimée suit Jésus comme un nouveau disciple
-   Dire ce à quoi et en qui nous croyons et s’engager… on ne peut plus rester là assis à attendre que quelqu’un vienne nous chercher…

26/10/2012

Le Fils de l’homme est venu pour servir…


Dimanche 21 octobre
29e dimanche du temps ordinaire
(Année liturgique B)


Chers amis, bonjour !


« (…) Car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude ». Par ces paroles qui concluent l’extrait de l’évangile de ce dimanche, Jésus veut nous indiquer la figure du véritable prêtre de Dieu qui doit s’inscrire dans une posture d’humilité et d’obéissance, d’amour au service des autres. Peuple de prêtres, nous le sommes parce que le Christ lui-même nous en a rendus dignes : i nous invite à mettre nos pas dans les siens pour le suivre sur les chemins de la vie nouvelle qu’il trace pour l’humanité tout entière.


Liturgie de la Parole
Lecture du livre d’Isaïe (53, 10-11)

« Mon serviteur justifiera les multitudes. »

BROYÉ par la souffrance, le Serviteur a plu au Seigneur.
Mais s’il fait de sa vie un sacrifice d’expiation, il verra sa
descendance, il prolongera ses jours : par lui s’accomplira
la volonté du Seigneur. À cause de ses souffrances, il verra la
lumière, il sera comblé. Parce qu’il a connu la souffrance, le juste,
mon serviteur, justifiera les multitudes, il se chargera de leurs
péchés.


PSAUME 32 (33)

Seigneur, ton amour soit sur nous, comme notre espoir est en toi !

Oui, elle est droite, la parole du Seigneur ;
il est fidèle en tout ce qu’il fait.
Il aime le bon droit et la justice ;
la terre est remplie de son amour.

Dieu veille sur ceux qui le craignent,
qui mettent leur espoir en son amour,
pour les délivrer de la mort,
les garder en vie aux jours de famine.

Nous attendons notre vie du Seigneur :
il est pour nous un appui, un bouclier.
Que ton amour, Seigneur, soit sur nous,
comme notre espoir est en toi !

LECTURE DE LA LETTRE AUX HÉBREUX (4, 14-16)
Le grand prêtre compatissant

FRÈRES, en Jésus, le Fils de Dieu, nous avons le grand prêtre
par excellence, celui qui a pénétré au-delà des cieux ; tenons
donc ferme dans l’affirmation de notre foi.
En effet, le grand prêtre que nous avons n’est pas incapable, lui,
de partager nos faiblesses ; en toutes choses, il a connu l’épreuve
comme nous, et il n’a pas péché.
Avançons-nous donc avec pleine assurance vers le Dieu tout-puissant
qui fait grâce, pour obtenir miséricorde et recevoir, en
temps voulu, la grâce de son secours.


ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST selon saint Marc (10, 35-45)
Le Fils de l’homme est venu pour servir

JACQUES ET JEAN, les fils de Zébédée, s’approchent de Jésus
et lui disent : « Maître, nous voudrions que tu exauces notre
demande. » Il leur dit : « Que voudriez-vous que je fasse pour
vous ? » Ils lui répondent : « Accorde-nous de siéger,
l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ta gloire. » Jésus leur dit :
« Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire à
la coupe que je vais boire, recevoir le baptême dans lequel je vais
être plongé ? » Ils lui disaient : « Nous le pouvons. »
Il répond : « La coupe que je vais boire, vous y boirez ; et le
baptême dans lequel je vais être plongé, vous le recevrez. Quant
à siéger à ma droite ou à ma gauche, il ne m’appartient pas de
l’accorder, il y a ceux pour qui ces places sont préparées. »
Les dix autres avaient entendu, et ils s’indignaient contre Jacques
et Jean. Jésus les appelle et leur dit :
« Vous le savez : ceux que l’on regarde comme chefs des nations
païennes commandent en maîtres ; les grands font sentir leur
pouvoir. Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut
devenir grand sera votre serviteur. Celui qui veut être le premier
sera l’esclave de tous : car le Fils de l’homme n’est pas venu pour
être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la
multitude. »


À la lecture de l’extrait du quatrième chant du « Serviteur souffrant » d’Isaïe, on est surpris voire troublé par le statut de ce serviteur de Dieu, voué à la souffrance et offrant sa vie en expiation. Pire encore – pourrait-on se dire -, «  par ses souffrance (ce) serviteur justifiera des multitudes ». Or, ce n’est pas avec  l’éclairage de la raison qu’il convient de lire de texte « révoltant », mais avec la lumière de la foi qui, seule, nous permet de lire dans ces lignes les traits fondamentaux du parfait disciple de Yahvé, qui prêche la vraie foi, souffre pour expier les fautes de son peuple et est en cela glorifié par dieu lui-même. Car en effet telle est sa récompense. Même si l’Église reconnaîtra dans ce chant l’annonce mystérieuse de la vie et de la mort rédemptrice de Jésus, le vrai Serviteur de Dieu, il n’en demeure pas moins que cette même figure nous est donnée en exemple, à la mesure de chacun de nous.
Comme le proclame saint Paul dans sa Lettre aux Hébreux, le Christ, Parole vivante et Grand prêtre, a été parmi nous, humain parmi les humains, compatissant à nos misères et les partageant jusqu’à sa mort sur la croix. Cette humanité de chair attestée par sa vie terrestre a fait de lui le plus grand prêtre, le seul à même de nous représenter devant son Père. En effet, dans sa passion, il n’aura jamais été soustrait ni à la souffrance ni à la mort pour laquelle Dieu l’avait envoyé dans le monde. Par contre, Dieu l’a arraché au pouvoir de cette mort et transformé celle-ci en une exaltation de gloire. Ainsi que nous le lisions chez Isaïe, la finalité du projet de Dieu pour l’homme à travers son Fils n’est pas la souffrance pour elle-même mais plutôt le salut de la multitude des hommes pécheurs.
Avouons-le, cette mission n’est pas chose facile. Comment peut-on accepter d’être serviteur de Dieu et endosser coûte que coûte les habits du souffrant ? Et pourtant tel est le fond de la Parole de Dieu dont le Christ lui-même donnera l’exemple sa vie durant. On peut comprendre la demande des fils de Zébédée. Depuis trois ils suivent Jésus, écoutent ses enseignements, sont donc témoins des miracles qu’il opère, des tribulations dont il fait de plus en plus l’objet, de la jalousie qu’il suscite auprès des Pharisiens et des Scribes, tant sa connaissance des Écritures est parfaite (ils n’arrivent pas à le prendre en défaut)… Et pourtant, avec les autres disciples, ils n’ont pas encore compris la mission première de leur Maître qui, pour la troisième fois, vient de leur annoncer sa passion avec une description froide des tribulations qu’il vivra [comme la coupe à boire, le baptême à recevoir est une image de la passion prochaine (en grec, le sens premier de « baptiser » es : « plonger dans un abîme de souffrance »]. Mais rien n’y fait : les apôtres se refusent (ou plutôt ils en sont incapables) de comprendre que le projet de Dieu pour les hommes à travers son Fils n’a rien d’une prise de pouvoir politique : quand ils lui demandent de leur accorder de siéger l’un à sa droite, l’autre à sa gauche, dans sa gloire, Jacques et Jean (les fils de Zébédée) veulent dire : « quand tu triompheras comme roi messianique », celui qu’attendent les Fils d’Israël depuis des siècles. Peut-être que les autres disciples se sont sentis frustrés par les deux frères qui leur ont grillé la politesse… ils espéraient peut-être faire part de la même demande en temps opportun !
Que les apôtres ne comprennent pas encore la vraie mission de Jésus, c’est dire à quel point ils étaient sur un plan fondamentalement politique. Quand on construit un parti politique ou qu’on y adhère, c’est bien en vue de conquérir le pouvoir politique dans le but de changer les choses, en tout cas selon les valeurs que l’on défend. Cette aspiration « aux premières places », « aux places les plus élevées » est somme toute légitime. Cependant, le pouvoir de Jésus n’est pas de ce registre-là : il leur décrit portant un avenir prochain dur, sombre… une fresque qui devrait les faire réfléchir ou du moins réagir plus énergiquement ! Il n’en est rien, et il faudra d’autres moments, d’autres expériences à Jésus pour faire œuvre de pédagogie : le vrai pouvoir ne se fait pas sentir, il n’oppresse pas, il n’écrase pas, il ne place pas les autres dans des situations où ils vous seraient redevables. Le vrai pouvoir, celui de l’amour, est grâce et liberté. Oui, la figure de Jésus, Grand-Prêtre, est celle d’un pasteur aimant, à tel point qu’il accepte de souffrir pour le salut de la multitude, il accepte de porter le fardeau de ceux qui ploient sous le poids du péché. Cette figure, c’est celle du serviteur souffrant et aimant : « (…) le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude.»

15/10/2012

« Va, vends tout ce que tu as (…) puis viens et suis-moi. »

-->


Dimanche 14 octobre
28e dimanche du temps ordinaire

Chers amis, bonjour !

Il faut relire le Livre des Rois pour bien comprendre l'expérience de Salomon dans ce qu'elle sert d'exemple de confiance et d'humilité de l'homme devant Dieu. Salomon prie et demande à la Sagesse l'intelligence des choses de la vie, y compris dans l'exercice du pouvoir (puisqu'il est appelé à monter sur le trône). A contrario, le jeune homme riche croit se suffire à lui-même dans ce qu'il pense être son observance parfaite de la loi de Moïse. Pourtant, Jésus est bien plus exigeant encore qui pose comme condition nécessaire pour le suivre le détachement des richesses matérielles et le service de sa Parole à travers l'amour de ses frères dans la liberté totale.


PREMIÈRE LECTURE : Sagesse 7, 7-11
(Les trésors de la Sagesse)

7 J'ai prié,
et l'intelligence m'a été donnée.
J'ai supplié,
et l'esprit de la Sagesse est venu en moi.
8 Je l'ai préférée aux trônes et aux sceptres ;
à côté d'elle, j'ai tenu pour rien la richesse ;
9 je ne l'ai pas mise en comparaison
avec les pierres précieuses ;
tout l'or du monde auprès d'elle n'est qu'un peu de sable,
et, en face d'elle, l'argent sera regardé comme de la boue.
10 Je l'ai aimée plus que la santé et que la beauté ;
je l'ai choisie de préférence à la lumière,
parce que sa clarté ne s'éteint pas.
11 Tous les biens me sont venus avec elle,
et par ses mains une richesse incalculable.


Pour bien comprendre le sens de ce texte, il faut se rappeler le contexte de l’arrivée mouvementée du roi Salomon au trône et des premiers moments de règne : intrigues, retournements de toutes sortes, éliminations des concurrents politiques… Or le roi Salomon est jeune, inexpérimenté dans la gestion de la chose sociale et politique, et tous l’attendent au tournant pour profiter de sa moindre faiblesse. C’est alors que dans son sommeil il fait un rêve exceptionnel. Dieu lui apparut et lui dit : « Demande-moi tout ce que tu voudras ». Salomon lui répondit : « Je suis un tout jeune homme, je ne sais pas agir en chef... Je suis au milieu du peuple que tu as choisi, un peuple nombreux, si nombreux qu'on ne peut pas le compter... Donne-moi, je t'en prie, un cœur plein de jugement pour discerner entre le bien et le mal. Car, qui pourrait gouverner ton peuple qui est si grand ? » Nous savons tous la réponse de Yahvé au jeune homme : « Puisque tu as demandé cela et que tu n'as pas demandé pour toi une longue vie, que tu n'as pas demandé pour toi la richesse, que tu n'as pas demandé la mort de tes ennemis, mais que tu as demandé le discernement pour gouverner avec droiture, voici, j'agis selon tes paroles : je te donne un cœur sage et perspicace, de telle sorte qu'il n'y a eu personne comme toi avant toi et qu'après toi, il n'y aura personne comme toi. Et même ce que tu n'as pas demandé, je te le donne : et la richesse et la gloire, de telle sorte que durant toute ta vie, il n'y aura personne comme toi parmi les rois. » (1 R 3, 4-13 ; 2 Ch 1, 7-13)
Plusieurs de ceux qui dirigent ce monde devraient s’inspirer du message de ce texte, ceux d’entre eux qui, en tout cas, pensent détenir la vérité, la sagesse et ainsi s’affranchir de toute humilité en s’acharnant à imposer leurs points de vue, leur seule volonté. Non ! L’exemple du roi Salomon est là pour rappeler que la sagesse n’est pas une qualité innée et transmissible par quelque gène : « J'ai prié, et l'intelligence m'a été donnée. J'ai supplié, et l'esprit de la Sagesse est venu en moi ». En effet, la Sagesse nous est toujours donnée comme une intelligence, une lumière qui nous permet de nous poser en collectivité ou d’accompagner et de stimuler la puissance créatrice enfouie ou inhibée en nous. Cette capacité d’agir dans la clairvoyance du bien et du mal est le signe particulier de la Sagesse. L’homme dans finitude ne peut prétendre à la maîtrise de l’infinie diversité de la puissance créatrice de ses semblables. Cette sagesse qui est Esprit vivant anime celui qui, en toute humilité, la demande à Dieu dans la prière. Elle est donnée gratuitement car justement « … tout l'or du monde auprès d'elle n'est qu'un peu de sable, et, en face d'elle, l'argent sera regardé comme de la boue ».

Pour Salomon, la Sagesse personnifiée, c’est la figure anticipée du Christ lui-même. Empruntant à la philosophie grecque souplesse et rigueur, l’auteur du Livre de la Sagesse nous instruit des attributs spécifiquement divins de celle-ci : toute-puissance, sainteté et immutabilité. Cette Sagesse a une mission auprès de hommes : « pénétrer tous les esprits » et « se répandre dans toutes les âmes saintes » parce qu’ « elle renouvelle toute chose ». Aimée de Dieu comme une épouse, la Sagesse a part à la création du monde, à sa gouvernance et à son destin. Saint Paul et surtout saint Jean reprendront cette représentation de la Sagesse pour caractériser les attributs caractéristiques du Messie de Dieu : « Verbe incarné », « Sagesse de Dieu », « Parole vivante ». Paul se saisira de cette doctrine de la Sagesse pour nourrir une théologie du Verbe, de l’Esprit inspirateur et sanctificateur des prophètes et des artisans de la Bonne Nouvelle de Dieu : « Ah ! Qu’ils sont beaux sur la montagne, les pas de ceux qui portent la Bonne Nouvelle, qui annoncent le salut et la Paix » (chantera le RP Deiss).

__________________________________________________


PSAUME 89 (90), 12-17

12 Apprends-nous la vraie mesure de nos jours :
que nos cœurs pénètrent la sagesse.
13 Reviens, SEIGNEUR, pourquoi tarder ?
Ravise-toi par égard pour tes serviteurs.

14 Rassasie-nous de ton amour au matin,
que nous passions nos jours dans la joie et les chants.
15 Rends-nous en joies tes jours de châtiment
et les années où nous connaissions le malheur.

16 Fais connaître ton œuvre à tes serviteurs
et ta splendeur à leurs fils.
17 Consolide pour nous l'ouvrage de nos mains ;
oui, consolide l'ouvrage de nos mains.


Nous retrouvons dans le psaume 89 (90), cette prière de Moïse, homme de Dieu, cette méditation sur la brièveté de la vie humaine, écourtée par le péché et donc l’absence de sagesse. En effet, ici également le psalmiste implore de Dieu cette intelligence, lumière dans la vie, pour sans cesse maîtriser sa vie en pensées, en paroles et en actes. Dominer respectivement le monde et le peuple de Dieu non pas à l’image d’Adam mais de Salomon. Le premier a voulu défier Dieu en se coupant de lui, en sortant de sa condition d’être créé pour s’identifier au Créateur dans un accès d’orgueil… le second est conscient de sa finitude et, dans l’humilité et la simplicité, il a prié Dieu, lui a demandé sa sagesse et s’est laissé habiter par elle pour conduire les hommes et le monde. L’homme qui se place sous l’égide de Dieu demande à chaque instant de sa vie d’agir en et par lui et de « consolider l’ouvrage de ses mains ». Car c’est Dieu qui lui donne d‘agir avec force et intelligence. Ainsi, l’œuvre de ce dernier devient exaltation de la puissance de Dieu cependant que celle d’Adam était devenue labeur pénible, une entreprise de souffrance à la sueur de son front.
__________________________________________________


DEUXIÈME LECTURE - Hébreux 4, 12 - 13
(Elle est vivante, la parole de Dieu »

12 Elle est vivante, la parole de Dieu,
énergique et plus coupante qu'une épée à deux tranchants ;
elle pénètre au plus profond de l'âme,
jusqu'aux jointures et jusqu'aux moelles ;
elle juge des intentions et des pensées du cœur.
Pas une créature n'échappe à ses yeux,
13 tout est nu devant elle, dominé par son regard ;
nous aurons à lui rendre des comptes


Déjà dans le Deutéronome fleurissent de belles pages à propos de cette parole vivante que Moïse et ses assesseurs ne cessaient de porter à la connaissance des fils d’Israël, la comparant souvent à la vie même, c’est-à-dire comme une source nécessaire d’épanouissement : « La Parole est toute proche de toi, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, pour que tu la mettes en pratique. Vois : je mets aujourd'hui devant toi la vie et le bonheur, la mort et le malheur, moi qui te commande aujourd'hui d'aimer le SEIGNEUR ton Dieu, de suivre ses chemins, de garder ses commandements, ses lois et ses coutumes... Si tu n'écoutes pas, si tu te laisses entraîner à te prosterner devant d'autres dieux et à les servir, je vous le déclare aujourd'hui : vous disparaîtrez totalement... Tu choisiras la vie, pour que tu vives, toi et ta descendance, en aimant le SEIGNEUR ton Dieu, en écoutant sa voix, et en t'attachant à lui. » (Dt 30, 14 - 20). Car en effet, si Dieu créa le monde et tout ce qui y vit par la puissance de sa Parole, c’est également par la force de celle-ci que grandit et prospère quiconque l’accueille en lui, dans son âme et à chaque instant de sa vie. C’est en cela qu’elle est juge et qu’elle tranche dans le vif pour séparer la ténèbre  de la lumière, le bien du mal… en réalité non pas pour sévir mais pour nous convier à servir DIEU,  PAROLE D’AMOUR. Écouter la Parole de Dieu, la laisser pénétrer en nous pour la vivre et la porter à nos frères tous les jours, telle est la mission prophétique de chacun de nous. La Parole de Dieu nous appelle donc à devenir des prêtres à l’image et à la suite du Christ, Verbe de Dieu fait chair et envers lequel seul nous avons à rendre compte.
__________________________________________________


ÉVANGILE - Marc 10, 17 - 30
(Tout abandonner pour suivre Jésus)

17 Jésus se mettait en route
quand un homme accourut vers lui,
se mit à genoux et lui demanda :
« Bon Maître, que dois-je faire
pour avoir en héritage la vie éternelle ? »
18 Jésus lui dit :
« Pourquoi m'appelles-tu bon ?
Personne n'est bon, sinon Dieu seul.
19 Tu connais les commandements :
Ne commets pas de meurtre,
ne commets pas d'adultère,
ne commets pas de vol,
ne porte pas de faux témoignage,
ne fais de tort à personne,
honore ton père et ta mère. »
20 L'homme répondit :
« Maître, j'ai observé tous ces commandements
depuis ma jeunesse. »
21 Posant alors son regard sur lui,
Jésus se mit à l'aimer.
Il lui dit :
« Une seule chose te manque :
va, vends tout ce que tu as,
donne-le aux pauvres
et tu auras un trésor au ciel ;
puis viens et suis-moi. »
22 Mais lui, à ces mots, devint sombre
et s'en alla tout triste,
car il avait de grands biens.
23 Alors Jésus regarde tout autour de lui
et dit à ses disciples :
« Comme il sera difficile
à ceux qui possèdent des richesses
d'entrer dans le royaume de Dieu ! »
24 Les disciples étaient stupéfaits de ces paroles.
Mais Jésus reprend :
« Mes enfants, comme il est difficile
d'entrer dans le royaume de Dieu !
25 Il est plus facile à un chameau
de passer par le trou d'une aiguille
qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu. »
26 De plus en plus déconcertés,
les disciples se demandaient entre eux :
« Mais alors, qui peut être sauvé ? »
27 Jésus les regarde et répond :
« Pour les hommes, cela est impossible,
mais pas pour Dieu ;
car tout est possible à Dieu. »
28 Pierre se mit à dire à Jésus :
« Voilà que nous avons tout quitté
pour te suivre. »
29 Jésus déclara :
« Amen, je vous le dis :
personne n'aura quitté,
à cause de moi et de l'Évangile,
une maison, des frères, des sœurs,
une mère, un père, des enfants
ou une terre,
30 sans qu'il reçoive, en ce temps déjà, le centuple :
maisons, frères, sœurs, mères, enfants et terres,
avec des persécutions
et, dans le monde à venir,
la vie éternelle. »

Dans cet extrait de l’Évangile de Jésus Christ selon saint Marc, tout part d’une question simple voire sincère de la part d’un jeune homme qui a vu cet homme, Jésus de Nazareth, parlant aux foules avec autorité ; il a certainement eu écho des miracles extraordinaires qu’il accomplit à son passage. Il veut suivre cet homme, faire partie de « son équipe » : « Bon Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle? ».
Jésus le renvoie d’abord à l’observance de la loi (« Tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne tromperas pas, tu ne feras de tort à personne, tu honoreras ton père et ta mère »), ce à quoi il répond : « Maître, j'ai observé tous ces commandements depuis ma jeunesse. » On pourrait penser que cela suffit, mais non ! Cela est certes nécessaire mais pas suffisant. Le jeune homme  espère être récompensé, primé pour ses bonnes actions ; il pense que la vie éternelle est une promesse qui tient à ces choses-là. Alors Jésus, qui lit dans la vie du jeune homme comme dans un livre ouvert va toucher à quelque chose de fondamental : ses biens matériels, ses richesses avec lesquels il assure son train de vie : « Une seule chose te manque, va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor au ciel ; puis viens et suis-moi. » Cela, le jeune homme ne peut le réaliser tellement il est accroché à ses biens matériels.
On sait qu’auparavant richesse et prospérité passaient pour des signes de la bénédiction divine. En ce sens, le jeune homme croyait avoir fait tout le chemin pour mériter de faire partie de la « Christ Team ». Hélas ! … que non ! Jésus vient renverser l’ordre des choses et des valeurs : « Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous ». La pauvreté dont il est question ici n’est pas exaltation du dénuement ou incitation à la disette. La pauvreté dont parle Jésus est avant tout « pauvreté de cœur », c’est-à-dire humilité et conversion totale à Dieu qui est la source des vraies richesses, celles qui procèdent de l’AMOUR, celles dont il n’a eu de cesse d’instruire les foules par son enseignement et son propre exemple. La pauvreté dont parle Jésus est celle qui est partie liée avec le détachement, c’est-à-dire la liberté. Le jeune homme n’a pas la foi de Salomon qui est foncièrement convaincu de l’inestimable valeur de la Sagesse de Dieu face à tout l’or, à tout l’argent et à tous les biens matériels et immatériels qui constituent le socle du pouvoir des hommes, le ferment de la convoitise des uns envers les autres, et parfois la justification des actes les plus barbares de domination, de mise sous tutelle, d’embrigadement, de corsetage des personnes et des peuples. Les richesses du jeune homme sont érigées en idoles qu’il sert corps et âme et dont il ne peut se détacher : « Leurs idoles, or et argent, une œuvre de main d’homme », criait déjà le psalmiste (Ps 115 (113 B).
Cet extrait de l’Évangile de Jésus Christ selon saint Marc met en lumière trois particularités essentielles de la relation de l’homme à Dieu :
1)- Dieu laisse l’homme libre dans sa relation avec lui : libre de penser, libre d’agir et de s’engager. Dieu n’impose rien, il ne s’impose pas non plus. Par contre, il rend accessible et ouvert le chemin des valeurs nouvelles jaillies de sa Parole d’amour et de son propre exemple de vie. Son engagement jusqu’à la mort sur la croix est le gage de son amour total et gratuit pour les hommes de toutes races et de tous horizons.
2)-  Le chemin que Dieu et dans lequel il convie l’homme à marcher à sa suite exige un détachement total et sincère de la domination de richesses matérielles pour se mettre au service de sa Parole vivante et de ses frères. En cela, le détachement est un acte permanent de conversion pour se laisser habiter par ses valeurs nouvelles synthétisées dans l’AMOUR de Dieu et de ses frères.
3)-  Le projet de Dieu pour l’homme est un élan qui rassemble les croyants et les non-croyants, les craignant-Dieu et les païens, les bons et les méchants, car tous conviés à un même festin que le Seigneur lui-même a préparé dans son infinie bonté. Car le royaume de liberté et de paix qu’il annonce est déjà commencé ; ce n’est pas une lubie, une hypothétique promesse, une chimère… non ! Le Royaume des Cieux est là au cœur de notre monde, il nous est proposé à travers l’accueil et la mise en pratique de sa Parole vivante. Seule cette Parole nous jugera à chaque instant de notre vie, chaque fois que nous nous serons réconciliés avec le Christ en nous détachant de l’emprise des richesses matérielles, des prisons idéologiques et de la brutalité de nos ambitions de pouvoir et de domination. Le Royaume des Cieux est accessible avec l’humilité et la sagesse : « Il y aura plus de joie pour un pécheur qui demande pardon que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de changer leur cœur ». Oui, en effet, l’AMOUR est l’énergie même de notre vie, il est aussi la mesure du jugement que Dieu portera sur nous. Mais Dieu est bon, infiniment bon… au point d’en choquer plus d’un lorsque, avant de rendre son âme, il promet au « bon larron » (« Jésus, souviens-toi de moi, quand tu viendras dans ton royaume ») : « En vérité, je te le dis, dès aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis » (Lc 23, 39-43).



12/10/2012

« (…) au commencement de la création, il les fit homme et femme ».


Dimanche 7 octobre
 

Chers amis, bonjour !

Les trois textes que la liturgie de ce dimanche 7 octobre nous a proposé de méditer portent tous sur la vie à deux, l’union de l’homme et de la femme créés originellement comme êtres égaux et complémentaires. Dans le récit de la Genèse, Dieu comble le bonheur de l’homme en lui donnant une compagne. Et comme pour souligner cette identité différenciée par le sexe, il endort l’homme et, de son flanc lui retire une cote à partir de laquelle il crée, c’est-à-dire façonne la femme. D’ailleurs, en hébreu, c’est le même mot (disons la même racine) « ish » qui désigne l’homme et la femme « ishshah ». Ainsi l’Adam, c’est-à-dire le « terrien » voit son bonheur accompli par la présence de la femme au milieu du paradis. Le psalmiste exprime bien cette joie ultime dans ce psaume 127 (128) appelé « cantique des montées », et qui clamait cette bénédiction sur le fidèle. On peut même affirmer que ce psaume célèbre le bonheur domestique que Dieu accorde au juste (selon la doctrine des sages sur la rétribution temporelle). Adam est béni dans Ève. Dieu l’endort et à son réveil il savoure les délices de la vie à deux. Dans sa solitude, Adam est prisonnier de sa finitude, il tourne en rond… Avec Ève, l’existence revêt une autre dimension qui les réunit dans une communion de destin, de projet. Différents mais égaux, uniques mais complémentaires… ainsi se caractérise la vie de « couple », tension permanente de l’un vers l’autre dans une unité différenciée qui ne trouve sens que dans la mystère de la création.
Dans le Deutéronome, il n’est nulle part question d’un corpus juridique qui définirait les modalités d’exercice du divorce. L’une des rares références identifiées (« Lorsqu'un homme prend une femme et l'épouse, puis trouvant en elle quelque chose qui lui fait honte, cesse de la regarder avec faveur, et qu'il rédige pour elle un acte de répudiation et le lui remet en la renvoyant de chez lui... » (Dt 24, 1)) laisse plutôt entendre que le divorce était un fait établi dans les communautés de cette époque. Les pharisiens sont très vicieux qui tendent là un piège à Jésus comme pour tester sa parfaite connaissance de la loi de Moïse. Or justement, Jésus ne se laisse pas enfermer dans ce piège : il dépasse la loi de Moïse en réintégrant la réalité du couple ainsi que sa vérité et sa finalité dans l’amour même de Dieu. Créé à l’image de Dieu, le couple humain est donc indivisible comme Dieu lui-même : « Ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare pas », c'est-à-dire « Ce que Dieu a conçu dans l'unité, que l'homme ne le sépare pas ». Oui, la seule loi qui vaille pour Jésus, c’est celle de l’amour en Dieu. La vie de couple s’inscrit donc dans la projet de Dieu pour les hommes et participe du mystère de la création, le mystère de l’amour.
Union indivisible de l’homme et de la femme, union indivisible des frères en communautés, union indivisible du Christ lui-même à son Église. C’est le même mystère qui se décline et se déploie dans toutes ces formes de vie et de destin partagés. La seule loi valable, c’est celle de l’Amour, c’est-à-dire de Dieu, puisque tel est son autre nom.

________________________________________________________________________


PREMIÈRE LECTURE - Genèse 2, 18 - 24
Au commencement,
lorsque le SEIGNEUR Dieu fit la terre et le ciel,
18 il dit :
« Il n'est pas bon que l'homme soit seul.
Je vais lui faire une aide qui lui correspondra. »
19 Avec de la terre, le SEIGNEUR Dieu façonna
toutes les bêtes des champs et tous les oiseaux du ciel,
et il les amena vers l'homme
pour voir quels noms il leur donnerait.
C'étaient des êtres vivants,
et l'homme donna un nom à chacun.
20 L'homme donna donc leurs noms
à tous les animaux,
aux oiseaux du ciel et à toutes les bêtes des champs.
Mais il ne trouva aucune aide qui lui corresponde.
21 Alors le SEIGNEUR Dieu fit tomber sur lui un sommeil mystérieux,
et l'homme s'endormit.
Le SEIGNEUR Dieu prit de la chair dans son côté, puis il referma.
22 Avec ce qu'il avait pris à l'homme,
il forma une femme
et il l'amena vers l'homme.
23 L'homme dit alors :
« Cette fois-ci, voilà l'os de mes os
et la chair de ma chair !
On l'appellera : femme. »
24 A cause de cela,
l'homme quittera son père et sa mère,
il s'attachera à sa femme,
et tous deux ne feront plus qu'un.
__________________________________________

PSAUME 127 (128)
1 Heureux qui craint le SEIGNEUR
et marche selon ses voies !
2 Tu te nourriras du travail de tes mains :
Heureux es-tu ! A toi, le bonheur !

3 Ta femme sera dans ta maison
comme une vigne généreuse,
et tes fils, autour de la table,
comme des plants d'olivier.

4 Voilà comment sera béni
l'homme qui craint le SEIGNEUR.
5 Que le SEIGNEUR te bénisse tous les jours de ta vie,
6 et tu verras les fils de tes fils.
__________________________________________

 
DEUXIÈME LECTURE - Hébreux 2, 9-11
9 Jésus avait été abaissé un peu au-dessous des anges,
et maintenant nous le voyons couronné de gloire et d'honneur
à cause de sa passion et de sa mort.
Si donc il a fait l'expérience de la mort,
c'est, par grâce de Dieu, pour le salut de tous.
10 En effet, puisque le créateur et maître de tout
voulait avoir une multitude de fils
à conduire jusqu'à la gloire,
il était normal qu'il mène à sa perfection, par la souffrance,
celui qui est à l'origine du salut de tous.
11 Car Jésus, qui sanctifie,
et les hommes qui sont sanctifiés,
sont de la même race ;
et, pour cette raison,
il n'a pas honte de les appeler ses frères.
__________________________________________


ÉVANGILE - Marc 10, 2-16
Un jour,
2 des pharisiens abordèrent Jésus
et pour le mettre à l'épreuve, ils lui demandaient :
« Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? »
3 Jésus dit :
« Que vous a prescrit Moïse ? »
4 Ils lui répondirent :
« Moïse a permis de renvoyer sa femme
à condition d'établir un acte de répudiation. »
5 Jésus répliqua :
« C'est en raison de votre endurcissement
qu'il a formulé cette loi.
6 Mais, au commencement de la création,
il les fit homme et femme.
7 A cause de cela,
l'homme quittera son père et sa mère,
8 il s'attachera à sa femme,
et tous deux ne feront plus qu'un.
Ainsi, ils ne sont plus deux, mais ils ne font qu'un.
9 Donc, ce que Dieu a uni,
que l'homme ne le sépare pas ! »
10 De retour à la maison,
les disciples l'interrogeaient de nouveau sur cette question.
11 Il leur répond :
« Celui qui renvoie sa femme pour en épouser une autre
est coupable d'adultère envers elle.
12 Si une femme a renvoyé son mari et en épouse un autre,
elle est coupable d'adultère. »
13 On présentait à Jésus des enfants
pour les lui faire toucher ;
mais les disciples les écartaient vivement.
14 Voyant cela, Jésus se fâcha et leur dit :
« Laissez les enfants venir à moi
Ne les empêchez pas,
car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent.
15 Amen, je vous le dis :
Celui qui n'accueille pas le royaume de Dieu
à la manière d'un enfant,
n'y entrera pas. »
16 Il les embrassait
et les bénissait en leur imposant les mains.


02/09/2012

Ce peuple m’honore des lèvres,
mais son cœur est loin de moi.


Dimanche 2 septembre 2012, 22e dimanche après Pâques 

 


Chers amis, bonjour !

Une idée commune aux trois textes que la liturgie nous donne de méditer en ce 22e dimanche après Pâques : L’essentiel de la foi en Dieu ne réside pas dans l’apparence ni dans la seule observance de règles édictées par la morale ou le « savoir-vivre-ensemble », il est dans l’accueil de sa Parole dans nos cœurs et dans le partage de cette lumière avec les autres, indistinctement. Jésus lui-même nous en donne l’exemple ; il est venu dans notre monde rencontrer et vivre avec des hommes de tous horizons (nationalité, race, religion, etc.). S’élevant contre la dictature de l’apparence et de l’hypocrisie, il prône le règne de l’amour des hommes et des femmes entre eux à la mesure de l’amour que Dieu lui-même porte pour tous les hommes.


Lecture du livre du Deutéronome (4, 1-2. 6-8)
Valeur incomparable de la loi du Seigneur

Moïse disait au peuple : « Maintenant, Israël, écoute les commandements et les décrets que je vous enseigne pour que vous les mettiez en pratique. Ainsi vous vivrez, et vous entre­rez en possession du pays que vous donne le Seigneur, le Dieu de vos pères. Vous n’ajouterez rien à ce que je vous ordonne, et vous n’y enlèverez rien, mais vous garderez les ordres du Seigneur votre Dieu tels que je vous les prescris. « Vous les garderez, vous les mettrez en pratique ; ils seront votre sagesse et votre intelligence aux yeux de tous les peuples. Quand ceux-ci entendront parler de tous ces commandements, ils s’écrieront : “Il n’y a pas un peuple sage et intelligent comme cette grande nation !” Quelle est en effet la grande nation dont les dieux soient aussi proches que le Seigneur notre Dieu est proche de nous chaque fois que nous l’invoquons ? Et quelle est la grande nation dont les commandements et les décrets soient aussi justes que toute cette Loi que je vous présente aujourd’hui ? »

_____________________________________________________


Psaume 14 (15)
Tu es proche, Seigneur : fais-nous vivre avec toi.

Seigneur, qui séjournera sous ta tente ?
Celui qui se conduit parfaitement,
qui agit avec justice
et dit la vérité selon son cœur.

Il ne fait pas de tort à son frère
et n’outrage pas son prochain.
À ses yeux, le réprouvé est méprisable
mais il honore les fidèles du Seigneur.

Il prête son argent sans intérêt,
n’accepte rien qui nuise à l’innocent.
L’homme qui fait ainsi
demeure inébranlable.


_____________________________________________________



Lecture de la lettre de saint Jacques (1, 17-18. 21b-22. 27)
La parole de Dieu, semence de la vie chrétienne

Frères bien-aimés, les dons les meilleurs, les présents mer­veilleux, viennent d’en haut, ils descendent tous d’auprès du Père de toutes les lumières, lui qui n’est pas, comme les astres, sujet au mouvement périodique ni aux éclipses passagères. Il a voulu nous donner la vie par sa parole de vérité, pour faire de nous les premiers appelés de toutes ses créatures. Accueillez donc humblement la parole de Dieu semée en vous ; elle est capable de vous sauver. Mettez la Parole en application, ne vous contentez pas de l’écouter ; ce serait vous faire illusion. Devant Dieu notre Père, la manière pure et irréprochable de pratiquer la religion, c’est de venir en aide aux orphelins et aux veuves dans leur malheur, et de se garder propre au milieu du monde.


L’apôtre Jacques s’adresse aux Juifs de la diaspora, émigrés de Palestine ; il s’agit de chrétiens d’origine juive immergés dans la société gréco-romaine. Dans cet extrait, nous retrouvons un trait particulier du judaïsme comme de l’apôtre Jacques : la foi est fondamentalement pratique ; il ne s’agit pas que d’écouter la Parole de Dieu, il importe de la mettre en pratique au quotidien et plus spécialement dans des actes de solidarité envers les moins nantis, ceux et celles qui vivent seul(e)s, les veuves et les orphelins. Il y en avait certainement beaucoup dans cette diaspora. Déjà Pierre et Paul insistent régulièrement sur la charité fraternelle comme le signe manifeste de l’amour de Dieu entre chrétiens. Vivre sa foi dans les actes, c’est ainsi s’humilier devant Dieu et les hommes.
Dieu, Créateur des luminaires célestes et source de toute lumière spirituelle est depuis toujours. Commencement et fin de tous les univers, il est présence intemporelle dont tout existant procède. Et sa Parole de vérité, c’est l’ensemble de la révélation de son amour aux hommes avec la patience et la détermination que nous lisons dans l’histoire de sa relation au  peuple d’Israël. Sa Parole est Loi de liberté par excellence. Quiconque met en pratique cette Parole s’inscrit dans une phénoménologie de la liberté. L’observance de la Loi divine est l’assurance de ma propre liberté et de celle de mes frères. Notons que l’apôtre Jacques amplifie là une sensibilité juive et traditionnelle qu’il adapte au message qu’il délivre. Saint Paul, particulièrement dans sa Lettre aux Romains (6, 15 et 7, 1), développe sur ce sujet une théologie différente du chrétien affranchi du péché pour servir la justice divine : en nous rachetant au prix de son sang, le Christ nous a affranchis et appelés à la liberté, c’est-à-dire à l’obéissance de la foi pour la justice et la sainteté. Élevés au rang de fils de Dieu, nous sommes conviés à vivre désormais par la loi de l’Esprit. En ce sens, la libération du chrétien devient une véritable rédemption, une renaissance qui ressemble à une véritable délivrance de la mort. Unis par la foi et le baptême au Christ mort et ressuscité, les chrétiens sont morts au péché pour vivre sous le régime nouveau de la grâce et de l’Esprit. Mais comme chez Jacques, cela n’est pas qu’une affaire de bonnes paroles, de bonnes résolutions sans aucun effet : la foi se vit dans les actes et c’est dans nos actes que nous rendons gloire à Dieu. Au bout du compte, toute la vie de chaque chrétien est appelée à être une action de grâce permanente.


_____________________________________________________



Évangile de Jésus Christ selon saint Marc (7, 1-8. 14-15. 21-23)
Loi divine et traditions humaines

Les pharisiens et quelques scribes étaient venus de Jérusalem. Ils se réunissent autour de Jésus et voient quelques-uns de ses disciples prendre leur repas avec des mains impures, c’est-à-dire non lavées. – Les pharisiens en effet, comme tous les Juifs, se lavent toujours soigneusement les mains avant de manger, fidèles à la tradition des anciens ; et au retour du marché ils ne mangent pas avant de s’être aspergés d’eau, et ils sont attachés encore par tradition à beaucoup d’autres pra­tiques : lavage de coupes, de cruches et de plats. – Alors les pharisiens et les scribes demandent à Jésus : « Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens ? Ils prennent leur repas sans s’être lavé les mains. » Jésus leur répond : « Isaïe a fait une bonne prophétie sur vous, hypocrites, dans ce passage de l’Écriture : Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. Il est inutile, le culte qu’ils me rendent ; les doctrines qu’ils enseignent ne sont que des pré­ceptes humains. Vous laissez de côté le commandement de Dieu pour vous attacher à la tradition des hommes. » Puis Jésus appela de nouveau la foule : « Écoutez-moi tous, et comprenez bien. Rien de ce qui est extérieur à l’homme et qui pénètre en lui ne peut le rendre impur. Mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur. » Il disait encore à ses disciples, à l’écart de la foule : « C’est du dedans, du cœur de l’homme que sortent les pensées perverses : inconduite, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure. Tout ce mal vient du dedans, et rend l’homme impur. »



Surprenante, cette conversation entre Jésus et les pharisiens. Cela part de remarques dont on pourrait mettre la bonne foi au compte de l’hygiène. En effet, chaque parent ne se lasse de répéter à ses enfants de toujours se laver les mains avant de manipuler de la nourriture, surtout à l’occasion des repas. De même, personne (en tout cas chez les Juifs) ne rentre dans sa maison au retour de la place publique sans asperger d’eau ce qu’il en rapporte, en signe de purification… Les pharisiens mettent « un grain sous la sandale de Jésus » car ils attendent ce qu’il dira de la tradition des anciens et des pratiques et préceptes que les rabbins avaient ajoutés à la Loi de Moïse [Dans le Deutéronome et le Lévitique, un nombre inimaginable de préceptes définissant ce que, à travers l’histoire, les prêtres ont estimé dégradant pour la création]… Décidément, ce ministère de Jésus en Galilée n’était pas une sinécure : partout, il suscite à la fois de l’intérêt et de la méfiance ; certains se réjouissent et s’instruisent de son enseignement complètement nouveau, d’autres au contraire ne voient pas d’un bon œil l’audience sans cesse grandissante de ce Nazaréen qui se prend pour Dieu, ose faire des guérisons spectaculaires et, surtout, que le peuple assimile à un libérateur politique. Par tous les moyens donc, les pharisiens cherchaient à « piéger » cet homme et lui trouver des motifs de condamnation publique.

Or Jésus qui  connaît parfaitement les Écritures rétorque avec véhémence : « Vous mettez de côté le commandement de Dieu pour vous attacher à la tradition des hommes » (7, 8). Plus loin, il reprécisera à l’attention de la foule : « Il n’est rien d’extérieur à l’homme qui, pénétrant en lui, puisse le rendre impur, mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur. Si quelqu’un a des oreilles pour entendre, qu’il entende ! » (7, 14). En effet, dans l’extrait du Deutéronome comme dans la Lettre de Saint Jacques, Jésus met en garde son assistance, particulièrement les Pharisiens et certains Scribes, contre des pratiques religieuses essentiellement fondées sur les apparences, sur ce qui est extérieur au détriment de ce qui naît de l’intérieur. Le cœur de la foi que Jésus fonde est l’amour de son Père et du prochain. L’Ancien Testament est donc à lire aussi de manière pédagogique au sens de l’histoire de la rencontre entre le Dieu fidèle et miséricordieux avec les hommes infidèles et capricieux d’un peuple qu’il s’est choisi pour se manifester dans le monde. Les Dix Commandements qui sont la matérialisation de cette rencontre entre Dieu et Moïse constituent une base pour l’éducation de ce peuple. En grande partie faite d’interdits (Tu de tueras point, tu ne voleras point, etc., des préceptes qui seront déclinées en autant de règles et coutumes pour l’organisation de la vie courante sociale et morale du peuple hébreu…), la Loi de Moïse recèle pourtant le seul commandement positif, le cinquième (« Honore ton père et ta mère, comme te l’a commande Yahvé ton Dieu, afin d’avoir longue vie et bonheur sur la terre que Yahvé ton Dieu te donne ») que Jésus reprendra dans son enseignement : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de toutes tes forces et de toute ton âme et tu aimeras ton prochain comme toi-même ». C’est dire que l’essentiel de la foi n’est pas dans ce que nous ritualisons sans cesse de l’extérieur, mais dans ce qui se nourrit de la Parole de Dieu et qui jaillit de notre cœur pour embraser le monde des hommes. Il ne s’agit pas de aire table rase de notre liturgie, de nos groupes d’animation spirituelle, etc. Tout cela est certes utile, mais le véritable signe de la présence de Dieu dans notre monde est dans la transformation et la conversion de nos cœurs.
L’Église ne pèsera pas sur les grandes orientations de notre monde avec les seules apparences en dessous desquelles il n’y aurait que du vide, de la mise en scène, du faire-voir ou même que du faire-valoir. Riche de ses traditions, l’Église doit être capable de ramener sans cesse à leur place et à leur fonction pour inciter les chrétiens à être en pensée, en parole et par action les véritables témoins de la Parole du Dieu amour, d’inlassables acteurs de son Évangile au sein des communautés d’hommes et femmes de toutes races et de tous rangs sociaux. Y compris ceux et celles d’autres religions (pour la plupart récentes) qui appauvrissent la richesse de l’Évangile du Christ dans le clinquant, l’image, le paraître, l’audience ou, pour certaines, le chiffre d’affaires. Non ! Dieu ne se monnaye pas car son sang versé pour le salut des hommes n’a d’égal que son infini amour pour les hommes. « Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi », dit le Seigneur aux Pharisiens. Et si, par notre témoignage sincère, le Christ pouvait enfin nous dire, à nous chrétiens d’aujourd’hui : « Ce peuple m’honore des lèvres parce que son cœur est rempli de mon amour » !


Le mouvement religieux « Pharisien » est né vers 135 av. J.-C. d'un désir de conversion ; son nom qui signifie « séparé » traduit un choix : le refus de toute compromission politique, de tout laisser-aller dans la pratique religieuse ; deux problèmes qui étaient à l'ordre du jour en 135. Le Pharisianisme (en tant que mouvement) est donc tout à fait respectable. Et Jésus ne l'attaque jamais. Il ne refuse pas non plus de leur parler (Nicodème, Jn 3 ; Simon, Lc 7). Mais le plus bel idéal religieux peut avoir ses écueils : la rigueur d'observance peut engendrer une trop bonne conscience et rendre méprisant pour ceux qui n'en font pas autant. Plus profondément, vouloir être « séparé » n'est pas sans ambiguïté ; quand on sait que le dessein de Dieu est un projet de rassemblement dans l'amour. Ces déviances ont inspiré quelques paroles dures de Jésus : elles visent ce que l'on appelle le « Pharisaïsme » ; de cela tous les mouvements religieux de tous les temps sont capables. (Marie-Noëlle THABUT)