15/10/2012

« Va, vends tout ce que tu as (…) puis viens et suis-moi. »

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Dimanche 14 octobre
28e dimanche du temps ordinaire

Chers amis, bonjour !

Il faut relire le Livre des Rois pour bien comprendre l'expérience de Salomon dans ce qu'elle sert d'exemple de confiance et d'humilité de l'homme devant Dieu. Salomon prie et demande à la Sagesse l'intelligence des choses de la vie, y compris dans l'exercice du pouvoir (puisqu'il est appelé à monter sur le trône). A contrario, le jeune homme riche croit se suffire à lui-même dans ce qu'il pense être son observance parfaite de la loi de Moïse. Pourtant, Jésus est bien plus exigeant encore qui pose comme condition nécessaire pour le suivre le détachement des richesses matérielles et le service de sa Parole à travers l'amour de ses frères dans la liberté totale.


PREMIÈRE LECTURE : Sagesse 7, 7-11
(Les trésors de la Sagesse)

7 J'ai prié,
et l'intelligence m'a été donnée.
J'ai supplié,
et l'esprit de la Sagesse est venu en moi.
8 Je l'ai préférée aux trônes et aux sceptres ;
à côté d'elle, j'ai tenu pour rien la richesse ;
9 je ne l'ai pas mise en comparaison
avec les pierres précieuses ;
tout l'or du monde auprès d'elle n'est qu'un peu de sable,
et, en face d'elle, l'argent sera regardé comme de la boue.
10 Je l'ai aimée plus que la santé et que la beauté ;
je l'ai choisie de préférence à la lumière,
parce que sa clarté ne s'éteint pas.
11 Tous les biens me sont venus avec elle,
et par ses mains une richesse incalculable.


Pour bien comprendre le sens de ce texte, il faut se rappeler le contexte de l’arrivée mouvementée du roi Salomon au trône et des premiers moments de règne : intrigues, retournements de toutes sortes, éliminations des concurrents politiques… Or le roi Salomon est jeune, inexpérimenté dans la gestion de la chose sociale et politique, et tous l’attendent au tournant pour profiter de sa moindre faiblesse. C’est alors que dans son sommeil il fait un rêve exceptionnel. Dieu lui apparut et lui dit : « Demande-moi tout ce que tu voudras ». Salomon lui répondit : « Je suis un tout jeune homme, je ne sais pas agir en chef... Je suis au milieu du peuple que tu as choisi, un peuple nombreux, si nombreux qu'on ne peut pas le compter... Donne-moi, je t'en prie, un cœur plein de jugement pour discerner entre le bien et le mal. Car, qui pourrait gouverner ton peuple qui est si grand ? » Nous savons tous la réponse de Yahvé au jeune homme : « Puisque tu as demandé cela et que tu n'as pas demandé pour toi une longue vie, que tu n'as pas demandé pour toi la richesse, que tu n'as pas demandé la mort de tes ennemis, mais que tu as demandé le discernement pour gouverner avec droiture, voici, j'agis selon tes paroles : je te donne un cœur sage et perspicace, de telle sorte qu'il n'y a eu personne comme toi avant toi et qu'après toi, il n'y aura personne comme toi. Et même ce que tu n'as pas demandé, je te le donne : et la richesse et la gloire, de telle sorte que durant toute ta vie, il n'y aura personne comme toi parmi les rois. » (1 R 3, 4-13 ; 2 Ch 1, 7-13)
Plusieurs de ceux qui dirigent ce monde devraient s’inspirer du message de ce texte, ceux d’entre eux qui, en tout cas, pensent détenir la vérité, la sagesse et ainsi s’affranchir de toute humilité en s’acharnant à imposer leurs points de vue, leur seule volonté. Non ! L’exemple du roi Salomon est là pour rappeler que la sagesse n’est pas une qualité innée et transmissible par quelque gène : « J'ai prié, et l'intelligence m'a été donnée. J'ai supplié, et l'esprit de la Sagesse est venu en moi ». En effet, la Sagesse nous est toujours donnée comme une intelligence, une lumière qui nous permet de nous poser en collectivité ou d’accompagner et de stimuler la puissance créatrice enfouie ou inhibée en nous. Cette capacité d’agir dans la clairvoyance du bien et du mal est le signe particulier de la Sagesse. L’homme dans finitude ne peut prétendre à la maîtrise de l’infinie diversité de la puissance créatrice de ses semblables. Cette sagesse qui est Esprit vivant anime celui qui, en toute humilité, la demande à Dieu dans la prière. Elle est donnée gratuitement car justement « … tout l'or du monde auprès d'elle n'est qu'un peu de sable, et, en face d'elle, l'argent sera regardé comme de la boue ».

Pour Salomon, la Sagesse personnifiée, c’est la figure anticipée du Christ lui-même. Empruntant à la philosophie grecque souplesse et rigueur, l’auteur du Livre de la Sagesse nous instruit des attributs spécifiquement divins de celle-ci : toute-puissance, sainteté et immutabilité. Cette Sagesse a une mission auprès de hommes : « pénétrer tous les esprits » et « se répandre dans toutes les âmes saintes » parce qu’ « elle renouvelle toute chose ». Aimée de Dieu comme une épouse, la Sagesse a part à la création du monde, à sa gouvernance et à son destin. Saint Paul et surtout saint Jean reprendront cette représentation de la Sagesse pour caractériser les attributs caractéristiques du Messie de Dieu : « Verbe incarné », « Sagesse de Dieu », « Parole vivante ». Paul se saisira de cette doctrine de la Sagesse pour nourrir une théologie du Verbe, de l’Esprit inspirateur et sanctificateur des prophètes et des artisans de la Bonne Nouvelle de Dieu : « Ah ! Qu’ils sont beaux sur la montagne, les pas de ceux qui portent la Bonne Nouvelle, qui annoncent le salut et la Paix » (chantera le RP Deiss).

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PSAUME 89 (90), 12-17

12 Apprends-nous la vraie mesure de nos jours :
que nos cœurs pénètrent la sagesse.
13 Reviens, SEIGNEUR, pourquoi tarder ?
Ravise-toi par égard pour tes serviteurs.

14 Rassasie-nous de ton amour au matin,
que nous passions nos jours dans la joie et les chants.
15 Rends-nous en joies tes jours de châtiment
et les années où nous connaissions le malheur.

16 Fais connaître ton œuvre à tes serviteurs
et ta splendeur à leurs fils.
17 Consolide pour nous l'ouvrage de nos mains ;
oui, consolide l'ouvrage de nos mains.


Nous retrouvons dans le psaume 89 (90), cette prière de Moïse, homme de Dieu, cette méditation sur la brièveté de la vie humaine, écourtée par le péché et donc l’absence de sagesse. En effet, ici également le psalmiste implore de Dieu cette intelligence, lumière dans la vie, pour sans cesse maîtriser sa vie en pensées, en paroles et en actes. Dominer respectivement le monde et le peuple de Dieu non pas à l’image d’Adam mais de Salomon. Le premier a voulu défier Dieu en se coupant de lui, en sortant de sa condition d’être créé pour s’identifier au Créateur dans un accès d’orgueil… le second est conscient de sa finitude et, dans l’humilité et la simplicité, il a prié Dieu, lui a demandé sa sagesse et s’est laissé habiter par elle pour conduire les hommes et le monde. L’homme qui se place sous l’égide de Dieu demande à chaque instant de sa vie d’agir en et par lui et de « consolider l’ouvrage de ses mains ». Car c’est Dieu qui lui donne d‘agir avec force et intelligence. Ainsi, l’œuvre de ce dernier devient exaltation de la puissance de Dieu cependant que celle d’Adam était devenue labeur pénible, une entreprise de souffrance à la sueur de son front.
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DEUXIÈME LECTURE - Hébreux 4, 12 - 13
(Elle est vivante, la parole de Dieu »

12 Elle est vivante, la parole de Dieu,
énergique et plus coupante qu'une épée à deux tranchants ;
elle pénètre au plus profond de l'âme,
jusqu'aux jointures et jusqu'aux moelles ;
elle juge des intentions et des pensées du cœur.
Pas une créature n'échappe à ses yeux,
13 tout est nu devant elle, dominé par son regard ;
nous aurons à lui rendre des comptes


Déjà dans le Deutéronome fleurissent de belles pages à propos de cette parole vivante que Moïse et ses assesseurs ne cessaient de porter à la connaissance des fils d’Israël, la comparant souvent à la vie même, c’est-à-dire comme une source nécessaire d’épanouissement : « La Parole est toute proche de toi, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, pour que tu la mettes en pratique. Vois : je mets aujourd'hui devant toi la vie et le bonheur, la mort et le malheur, moi qui te commande aujourd'hui d'aimer le SEIGNEUR ton Dieu, de suivre ses chemins, de garder ses commandements, ses lois et ses coutumes... Si tu n'écoutes pas, si tu te laisses entraîner à te prosterner devant d'autres dieux et à les servir, je vous le déclare aujourd'hui : vous disparaîtrez totalement... Tu choisiras la vie, pour que tu vives, toi et ta descendance, en aimant le SEIGNEUR ton Dieu, en écoutant sa voix, et en t'attachant à lui. » (Dt 30, 14 - 20). Car en effet, si Dieu créa le monde et tout ce qui y vit par la puissance de sa Parole, c’est également par la force de celle-ci que grandit et prospère quiconque l’accueille en lui, dans son âme et à chaque instant de sa vie. C’est en cela qu’elle est juge et qu’elle tranche dans le vif pour séparer la ténèbre  de la lumière, le bien du mal… en réalité non pas pour sévir mais pour nous convier à servir DIEU,  PAROLE D’AMOUR. Écouter la Parole de Dieu, la laisser pénétrer en nous pour la vivre et la porter à nos frères tous les jours, telle est la mission prophétique de chacun de nous. La Parole de Dieu nous appelle donc à devenir des prêtres à l’image et à la suite du Christ, Verbe de Dieu fait chair et envers lequel seul nous avons à rendre compte.
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ÉVANGILE - Marc 10, 17 - 30
(Tout abandonner pour suivre Jésus)

17 Jésus se mettait en route
quand un homme accourut vers lui,
se mit à genoux et lui demanda :
« Bon Maître, que dois-je faire
pour avoir en héritage la vie éternelle ? »
18 Jésus lui dit :
« Pourquoi m'appelles-tu bon ?
Personne n'est bon, sinon Dieu seul.
19 Tu connais les commandements :
Ne commets pas de meurtre,
ne commets pas d'adultère,
ne commets pas de vol,
ne porte pas de faux témoignage,
ne fais de tort à personne,
honore ton père et ta mère. »
20 L'homme répondit :
« Maître, j'ai observé tous ces commandements
depuis ma jeunesse. »
21 Posant alors son regard sur lui,
Jésus se mit à l'aimer.
Il lui dit :
« Une seule chose te manque :
va, vends tout ce que tu as,
donne-le aux pauvres
et tu auras un trésor au ciel ;
puis viens et suis-moi. »
22 Mais lui, à ces mots, devint sombre
et s'en alla tout triste,
car il avait de grands biens.
23 Alors Jésus regarde tout autour de lui
et dit à ses disciples :
« Comme il sera difficile
à ceux qui possèdent des richesses
d'entrer dans le royaume de Dieu ! »
24 Les disciples étaient stupéfaits de ces paroles.
Mais Jésus reprend :
« Mes enfants, comme il est difficile
d'entrer dans le royaume de Dieu !
25 Il est plus facile à un chameau
de passer par le trou d'une aiguille
qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu. »
26 De plus en plus déconcertés,
les disciples se demandaient entre eux :
« Mais alors, qui peut être sauvé ? »
27 Jésus les regarde et répond :
« Pour les hommes, cela est impossible,
mais pas pour Dieu ;
car tout est possible à Dieu. »
28 Pierre se mit à dire à Jésus :
« Voilà que nous avons tout quitté
pour te suivre. »
29 Jésus déclara :
« Amen, je vous le dis :
personne n'aura quitté,
à cause de moi et de l'Évangile,
une maison, des frères, des sœurs,
une mère, un père, des enfants
ou une terre,
30 sans qu'il reçoive, en ce temps déjà, le centuple :
maisons, frères, sœurs, mères, enfants et terres,
avec des persécutions
et, dans le monde à venir,
la vie éternelle. »

Dans cet extrait de l’Évangile de Jésus Christ selon saint Marc, tout part d’une question simple voire sincère de la part d’un jeune homme qui a vu cet homme, Jésus de Nazareth, parlant aux foules avec autorité ; il a certainement eu écho des miracles extraordinaires qu’il accomplit à son passage. Il veut suivre cet homme, faire partie de « son équipe » : « Bon Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle? ».
Jésus le renvoie d’abord à l’observance de la loi (« Tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne tromperas pas, tu ne feras de tort à personne, tu honoreras ton père et ta mère »), ce à quoi il répond : « Maître, j'ai observé tous ces commandements depuis ma jeunesse. » On pourrait penser que cela suffit, mais non ! Cela est certes nécessaire mais pas suffisant. Le jeune homme  espère être récompensé, primé pour ses bonnes actions ; il pense que la vie éternelle est une promesse qui tient à ces choses-là. Alors Jésus, qui lit dans la vie du jeune homme comme dans un livre ouvert va toucher à quelque chose de fondamental : ses biens matériels, ses richesses avec lesquels il assure son train de vie : « Une seule chose te manque, va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor au ciel ; puis viens et suis-moi. » Cela, le jeune homme ne peut le réaliser tellement il est accroché à ses biens matériels.
On sait qu’auparavant richesse et prospérité passaient pour des signes de la bénédiction divine. En ce sens, le jeune homme croyait avoir fait tout le chemin pour mériter de faire partie de la « Christ Team ». Hélas ! … que non ! Jésus vient renverser l’ordre des choses et des valeurs : « Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous ». La pauvreté dont il est question ici n’est pas exaltation du dénuement ou incitation à la disette. La pauvreté dont parle Jésus est avant tout « pauvreté de cœur », c’est-à-dire humilité et conversion totale à Dieu qui est la source des vraies richesses, celles qui procèdent de l’AMOUR, celles dont il n’a eu de cesse d’instruire les foules par son enseignement et son propre exemple. La pauvreté dont parle Jésus est celle qui est partie liée avec le détachement, c’est-à-dire la liberté. Le jeune homme n’a pas la foi de Salomon qui est foncièrement convaincu de l’inestimable valeur de la Sagesse de Dieu face à tout l’or, à tout l’argent et à tous les biens matériels et immatériels qui constituent le socle du pouvoir des hommes, le ferment de la convoitise des uns envers les autres, et parfois la justification des actes les plus barbares de domination, de mise sous tutelle, d’embrigadement, de corsetage des personnes et des peuples. Les richesses du jeune homme sont érigées en idoles qu’il sert corps et âme et dont il ne peut se détacher : « Leurs idoles, or et argent, une œuvre de main d’homme », criait déjà le psalmiste (Ps 115 (113 B).
Cet extrait de l’Évangile de Jésus Christ selon saint Marc met en lumière trois particularités essentielles de la relation de l’homme à Dieu :
1)- Dieu laisse l’homme libre dans sa relation avec lui : libre de penser, libre d’agir et de s’engager. Dieu n’impose rien, il ne s’impose pas non plus. Par contre, il rend accessible et ouvert le chemin des valeurs nouvelles jaillies de sa Parole d’amour et de son propre exemple de vie. Son engagement jusqu’à la mort sur la croix est le gage de son amour total et gratuit pour les hommes de toutes races et de tous horizons.
2)-  Le chemin que Dieu et dans lequel il convie l’homme à marcher à sa suite exige un détachement total et sincère de la domination de richesses matérielles pour se mettre au service de sa Parole vivante et de ses frères. En cela, le détachement est un acte permanent de conversion pour se laisser habiter par ses valeurs nouvelles synthétisées dans l’AMOUR de Dieu et de ses frères.
3)-  Le projet de Dieu pour l’homme est un élan qui rassemble les croyants et les non-croyants, les craignant-Dieu et les païens, les bons et les méchants, car tous conviés à un même festin que le Seigneur lui-même a préparé dans son infinie bonté. Car le royaume de liberté et de paix qu’il annonce est déjà commencé ; ce n’est pas une lubie, une hypothétique promesse, une chimère… non ! Le Royaume des Cieux est là au cœur de notre monde, il nous est proposé à travers l’accueil et la mise en pratique de sa Parole vivante. Seule cette Parole nous jugera à chaque instant de notre vie, chaque fois que nous nous serons réconciliés avec le Christ en nous détachant de l’emprise des richesses matérielles, des prisons idéologiques et de la brutalité de nos ambitions de pouvoir et de domination. Le Royaume des Cieux est accessible avec l’humilité et la sagesse : « Il y aura plus de joie pour un pécheur qui demande pardon que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de changer leur cœur ». Oui, en effet, l’AMOUR est l’énergie même de notre vie, il est aussi la mesure du jugement que Dieu portera sur nous. Mais Dieu est bon, infiniment bon… au point d’en choquer plus d’un lorsque, avant de rendre son âme, il promet au « bon larron » (« Jésus, souviens-toi de moi, quand tu viendras dans ton royaume ») : « En vérité, je te le dis, dès aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis » (Lc 23, 39-43).



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