24/10/2008

« Celui qui aime son prochain
a pleinement accompli la loi » (Rm 13, 8).

Bonjour !

30ème dimanche du temps ordinaire

L'Evangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu (Mt 22, 34-40)

22
34i Les pharisiens, apprenant que Jésus avait fermé la bouche aux sadducéens, se réunirent,
35 et l'un d'entre eux, un docteur de la Loi, posa une question à Jésus pour le mettre à l'épreuve :
36 «Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ?»
37 Jésus lui répondit : «Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit.
38 Voilà le grand, le premier commandement.
39 Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
40 Tout ce qu'il y a dans l'Écriture - dans la Loi et les Prophètes - dépend de ces deux commandements.»
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Quelques pistes pour notre méditation

L’épisode de ce récit situe Jésus dans sa montée à Jérusalem, le lieu, le ville où il va affronter so heure. Des foules nombreuses sont là qui l’acclament; mais en même temps, l’opposition s’organise, la conspiration gronde et, de polémiques en controverses, des questions pièges sont posées à Jésus. Pharisiens et Hérodiens partant sur l’impôt dû à César veulent le coincer sur la délicate question de l’autorité de l’occupant romain. Les Sadducéens, préoccupés par des questions religieuses, discutent avec lui à propos de la résurrection des morts. Voilà maintenant qu’un docteur de la loi veut rivaliser avec lui quant à la connaissance de la loi: «Maître, dans la loi, quel est le grand commandement?»
C’est une nouvelle épreuve que les contradicteurs de Jésus croient pouvoir dresser sur son chemin. A travers ce débat d’époque qui divisait les différentes écoles théologiques, il s’agissait de savoir quel précepte, parmi les 613 édictés par Moïse, prenait le pas sur tous les autres. Interrogation toute théorique, car il ne faisait aucun doute pour tous qu’aimer Dieu était le commandement suprême. Chaque jour, du lever au coucher, tout juif pieux prie avec le passage des Écritures qui le lui rappelle: «Écoute, Ô Israël ! Ton Dieu est l’Unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton esprit et de toutes tes forces» (Dt 6, 4). Le piège visait plutôt l’enseignement et l’action de Jésus. Ses adversaires le voyaient accomplir des œuvres de miséricorde empreintes d’amour profond pour les êtres blessés, les malades et les égarés. Ils l’accusaient cependant d’agir en contradiction avec la légalité religieuse, concernant notamment l’observance du Sabbat. Ils le soupçonnaient d’en faire trop pour l’homme au détriment de la loi de Dieu. Ils voulaient ainsi lui faire dire que le grand commandement n’était pas dans la loi, mais dans le cœur.
On interroge donc Jésus sur la loi, lui répond sur un autre registre. Respectueux de la loi, il est venu «non pas l’abolir mais l’accomplir» (Mt 5, 7). D’une part, il est venu lui-même mettre en pratique le Décalogue (la loi de Moïse), mais d’autre part, de cette loi donnée par Moïse au peuple de l’ancienne Alliance, Jésus en propose la forme d’accomplissement la plus élaborée, la plus parfaite: «Tu aimeras», dit-il. Loin des joutes intellectuelles des docteurs de son époque, il indique un esprit en même temps qu’une pratique concrète. La loi de Dieu, si tranchante soit-elle, n’a pas de sens si elle n’est pas comprise comme l’expression de son amour. L’Évangile n’invite pas le chrétien à une attitude légaliste entre le permis et l’interdit (ou le défendu) pour une pratique minimaliste et sécurisante. Quand on agit par amour, on n’est jamais au bout du compte. Aimer pousse le vrai disciple du Christ à se dépasser sans cesse et à dépasser ses limites bien loin des cadres légaux et des calculs juridiques de nos pratiques religieuses. «Aime et fais ce que tu veux», disait malicieusement saint Augustin d’Hippone. Loin d’encourager le libertinage, ce grand docteur de l’Église voulait simplement dire que celui qui aime en vérité n’est plus sous la contrainte d’une loi, si exigeante soit-elle, ou du moins, la loi elle-même est aimée parce qu’elle est accomplie avec amour. Dans cette liberté-là, le champ du don de soi est ouvert sur l’infini, donc sur Dieu.

Chrétiens, donc disciples du Christ, quelle perception avons-nous de la loi de Dieu, telle que l’
Église nous la propose ? Est-elle pour nous un garde-fou, un corset, un boulet que l’on traîne, une gêne pour notre liberté ?
Il nous est déjà arrivé d’entendre dire : Les incroyants ont de la chance, car ils font ce qu’ils veulent…“. A cette réflexion qui n’est pas l’indice d’une foi authentique, on peut répondre d’une part, que les incroyants ont eux aussi une conscience, et que d’autre part, il ne leur est pas forcément facile, sans la lumière de la foi, de tracer leur chemin de vie… N’est-ce donc pas plutôt nous, les croyants, qui avons la chance d’être guidés par quelqu’un qui nous aime : Jésus ?
A l’instar des pharisiens, scribes et autres docteurs de la loi, ne nous arrive-t-il pas de disserter sur la religion et ses règles de bonne conduite en oubliant l’essentiel? c’est-à-dire d’en vivre vraiment ? Il ne s’agit donc pas seulement de bien parler des commandements et de l’Evangile ; l’essentiel est de les vivre, de les mettre en pratique dans un réel amour de Dieu et du prochain. Ne soyons pas trop vite des chrétiens satisfaits de leur pratique religieuse et des responsabilités qu’ils peuvent avoir dans la communauté. En agissant ainsi, nous risquons d’être étrangers à l’esprit de la loi du Christ et de «négliger ce qu’il y a de plus grave dans la loi : la justice, la miséricorde et la fidélité».
En déclarant le commandement de l’amour du prochain semblable à celui de l’amour de Dieu, Jésus n’est pas en train de nous dire que l’homme est l’égal de Dieu. Aimer Dieu ne peut pas être au même niveau qu’aimer l’homme, le prochain. Cependant, puisque Dieu, en Jésus son Fils, s’est fait homme, l’humanité, en lui et par lui, a été élevée à la dignité divine. Ainsi, depuis que Dieu s’est fait proche de l’homme, tout être humain est, de ce fait, devenu le prochain de Dieu et, par conséquent le nôtre. Désormais, le plus court chemin pour aller à Dieu, c’est de se faire proche de ses frères et sœurs en humanité. Et la meilleur manière de «faire du bien» à Dieu est d’en faire aux hommes et aux femmes qu’il place sur notre chemin: «Tout ce que vous avez fait aux plus petits des miens, c’est à moi que vous l’avez fait», nous dit Jésus (Mt 25, 40). Aimer tout homme, surtout s’il est dans le besoin, lui ouvrir son cœur est «la preuve de l’amour de Dieu» (1 Jn 3, 17), car «celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, comment peut-il prétendre aimer Dieu qu’il ne voit pas?» (1 Jn 3, 20).
On peut se faire des illusions sur l’amour réel que l’on porte à Dieu. Pas d’instrument de mesure pour le vérifier, sinon l’amour concret que l’on porte à celui ou celle dont on se fait le prochain. On peut également se tromper sur l’amour que l’on porte à autrui, s’il n’est finalement que intérêt, satisfaction personnelle, voire domination déguisée. Aimer Dieu et apprendre de lui à aimer comme il nous aime garantit nos comportements et nos actes de charité. Saint Paul disait: «Imitez Dieu, puisque vous êtes des enfants qu’il aime» (Ep 5, 1) et encore: «Celui qui aime son prochain a pleinement accompli la loi» (Rm 13, 8).

Au milieu de bien des épreuves,
accueillir la Parole avec la joie de l'Esprit Saint…

La seconde lecture de ce 30ème dimanche du temps ordinaire est extraite de la Première lettre de saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens (1Th 1, 5-10)

1
05 En effet, notre annonce de l'Évangile chez vous n'a pas été simple parole, mais puissance, action de l'Esprit Saint, certitude absolue : vous savez comment nous nous sommes comportés chez vous pour votre bien.
06 Et vous, vous avez commencé à nous imiter, nous et le Seigneur, en accueillant la Parole au milieu de bien des épreuves avec la joie de l'Esprit Saint.
07 Ainsi vous êtes devenus un modèle pour tous les croyants de Macédoine et de toute la Grèce.
08 Et ce n'est pas seulement en Macédoine et dans toute la Grèce qu'à partir de chez vous la parole du Seigneur a retenti, mais la nouvelle de votre foi en Dieu s'est si bien répandue partout que nous n'avons plus rien à en dire.
09 En effet, quand les gens parlent de nous, ils racontent l'accueil que vous nous avez fait ; ils disent comment vous vous êtes convertis à Dieu en vous détournant des idoles, afin de servir le Dieu vivant et véritable,
10 et afin d'attendre des cieux son Fils qu'il a ressuscité d'entre les morts, Jésus, qui nous délivre de la colère qui vient.
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L'Apôtre Paul rapporte partout les bons résultats de leur évangélisation en Thessalonie. Les membres de ces jeunes communautés chrétiennes se sont vraiment «convertis» à Dieu, au vrai Dieu. Dans une société multicuturelle livrée à l’idolâtrie et dans laquelle le culte du Dieu vivant d’Israël côtoyait celui des divinités païennes, cette conversion a l’éclat d’un réel retournement de vie pour les nouveaux chrétiens. Paul se réjouit de ce qu’ils se soient laissés habiter par le Saint-Esprit de Dieu pour accueillir et vivre (en dépit de toutes les pressions politiques) cet Evangile de Jésus le Christ. Oui, ils sont cités en exemple à travers toutes les contrées voisines et lointaines. L’Esprit Saint a donc opéré dans les cœurs des Thessaloniciens, ils se sont laissés séduire par la Parole et, telle une boule de neige, ils la répandent partout. Puisant en elle leur force, ils sont désormais armés pour affronter, à l’instar de Paul, Sylvain et Timothée, les pires épreuves à venir. Alors, le jugement de l’homme n’a plus de légitimité, et celui de Dieu lui-même est attendu et espéré parce qu’il est un acte de foi, de délivrance et de libération: «Qui croit en lui n'est pas jugé» (Jn 3, 17). Celui qui croit en Christ ne craint pas le jour du jugement dernier. Parce qu’il croit en Dieu et qu’il vit dans l'amour, celui-là triomphe du mal et de la mort à son tour. Saint Jean dit par ailleurs: «En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole et croit en Celui qui m'a envoyé, a la vie éternelle ; il ne vient pas en jugement, mais il est passé de la mort à la vie.» (Jn 5, 24).

Le Seigneur est ma forteresse,
sa fidélité est de toujours !

Psaume (17, 2-3, 4.20, 47.51ab)

02 Je t'aime, Seigneur, ma force :
Seigneur, mon roc, ma forteresse,
03 Dieu mon libérateur, le rocher qui m'abrite,
mon bouclier, mon fort, mon arme de victoire !

04 Louange à Dieu !
Quand je fais appel au Seigneur,
je suis sauvé de tous mes ennemis.
20 Et lui m'a dégagé, mis au large,
il m'a libéré, car il m'aime.

47 Vive le Seigneur ! Béni soit mon Rocher !
Qu'il triomphe, le Dieu de ma victoire,
51a Il donne à son roi de grandes victoires,
51b il se montre fidèle à son messie…
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Lorsque l’on connaît l’attitude de Saül, le premier roi d’Israël, incompétent et jaloux du jeune David qui lui succèdera plus tard au trône, David son populaire rival qu’il pourchassera dans sa haine et qui sera contraint de se réfugier dans une grotte pour échapper à sa furie… lorsque l’on se souvient de la fantastique scène du petit David affrontant le géant Goliath, le premier armé d’une simple fronde et le second carapaçonné de la tête aux pieds et armé d’une lance et d’une épée (« …Toi, tu viens à moi armé d'une épée, d'une lance et d'un javelot ; moi, je viens à toi, armé au nom du Seigneur le Tout-Puissant, le Dieu des lignes (armées) d'Israël que tu as défié…» I S 17, 40), alors on comprend aisément la fierté du futur roi qui clame dans ce psaume: «Dieu mon libérateur, le rocher qui m'abrite... Quand je fais appel au Seigneur, je suis sauvé de tous mes ennemis… Dieu, mon bouclier, mon fort, mon arme de victoire !... Qu'il triomphe, le Dieu de ma victoire. Il donne à son roi de grandes victoires…».
Car David avait réalisé qu’il pouvait compter sur la protection de Dieu le Rocher, c’est-à-dire celui (et le lieu) qui assure notre sécurité. Et ce rocher n’est pas comme ceux des autres peuples. Rocher qui éloigne de l’ennemi, rocher qui abreuve de son eau fraîche, rocher qui sert d’asile et de lieu de repos: autant d’images pour décrire la force de son (notre) Dieu, et sa fidélité envers l’homme au long de son chemin sur la terre…

Dieu est concerné par la souffrance humaine,
il entend le cri du faible, de l'opprimé…

Bonjour!
Nous sommes au 30ème dimanche du temps ordinaire et la liturgie nous propose de méditer sur le plus beau et le plus grand des commandements de Dieu : “aimer Dieu et son prochain“. Mais dans ce texte extrait du Livre de l'Exode (Ex 22, 20-26), il est question d'une catégorie de la population
qui est au cœur des politiques sociales des pays nantis, mais pas seulement…
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22

20 «Tu ne maltraiteras point l'immigré qui réside chez toi, tu ne l'opprimeras point, car vous étiez vous-mêmes des immigrés en Égypte.
21 Vous n'accablerez pas la veuve et l'orphelin.
22 Si tu les accables et qu'ils crient vers moi, j'écouterai leur cri.
23 Ma colère s'enflammera et je vous ferai périr par l'épée : vos femmes deviendront veuves, et vos fils, orphelins.
24 Si tu prêtes de l'argent à quelqu'un de mon peuple, à un pauvre parmi tes frères, tu n'agiras pas envers lui comme un usurier : tu ne lui imposeras pas d'intérêts.
25 Si tu prends en gage le manteau de ton prochain, tu le lui rendras avant le coucher du soleil.
26 C'est tout ce qu'il a pour se couvrir ; c'est le manteau dont il s'enveloppe, la seule couverture qu'il ait pour dormir. S'il crie vers moi, je l'écouterai, car moi, je suis compatissant!»
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Il est intéressant de noter la valeur sociologique de cet extrait, au sens où il laisse entrevoir un contexte social nouveau et sans cesse modifié. C’est que l’Exode a situé régulièrement le peuple juif dans des conditions de vie et des situations politiques chaque fois différentes du fait de multiples contacts avec d’autres peuples, à la suite d’affrontements, de guerres (avec ce que cela implique comme contraintes, souffrances…) ou simplement de nécessités vitales. Les lois ont donc évolué avec ces contextes changeants. L’épisode du texte se situe à l’époque où le peuple juif vient d’entrer en Palestine et de «prendre possession» de ce qu’il peut désormais considérer comme sa Terre. Or des étrangers, des immigrés (pour reprendre le mot même du texte) viennent aussi y vivre. Se pose alors le problème de cohabitation ou d’intégration de ces peuples.
Le peuple juif se souvient bien des affres de l’esclavage et de la joie de la délivrance, de la libération par son Dieu. Cela explique le ton ferme et intransigeant des lois qui sont ici édictées, comme des contextualisations de celles du Décalogue. «Ne méprisez pas l’immigré, ne le maltraitez pas!», pourrait-on traduire, car Dieu est proche de toute souffrance humaine et il entend toujours le cri de l’opprimé, du faible, du laissé-pour-compte. Ici : la veuve et l'orphelin, l'immigré (non pas le touriste, le passant, mais la personne qui vient dans un pays — dont il n’est donc pas originaire — et qui y réside, y s’installe durablement.
Les problèmes de migration et d’immigration ne datent donc pas d’aujourd’hui ! Depuis toujours, des peuples et des individus se sont brassés au long de l’histoire humaine, et des échanges de toutes natures ont façonné notre terre des hommes. On est tous "immigré" quelque part et c'est ce qui fait la beauté et la richesse de l'arc-en-ciel social et humain. Les législations actuelles des pays nantis ou des “empires fermés“ sur l’immigration devraient s’inspirer de ce passage : la loi de Dieu est une loi d’amour et de pardon. Israël s’en souvient, et nous, peuple de Dieu, avons pour mission de l’annoncer à tous nos frères, y compris à ceux qui ont la lourde tâche d’élaborer et de promulguer des lois.

17/10/2008

« Rendez à César ce qui est à César
et à Dieu ce qui est à Dieu ».

Bonjour !
L'Evangile que la liturgie nus propose en ce 29ème dimanche du temps ordinaire est extrait de saint Matthieu (Mt 22, 15-21).

22
15i Les pharisiens se concertèrent pour voir comment prendre en faute Jésus en le faisant parler.
16 Ils lui envoient leurs disciples, accompagnés des partisans d'Hérode: «Maître, lui disent-ils, nous le savons : tu es toujours vrai et tu enseignes le vrai chemin de Dieu ; tu ne te laisses influencer par personne, car tu ne fais pas de différence entre les gens.
17 Donne-nous ton avis : Est-il permis, oui ou non, de payer l'impôt à l'empereur?»
18 Mais Jésus, connaissant leur perversité, riposta : «Hypocrites ! pourquoi voulez-vous me mettre à l'épreuve ?
19 Montrez-moi la monnaie de l'impôt.» Ils lui présentèrent une pièce d'argent.
20 Il leur dit : «Cette effigie et cette légende, de qui sont-elles ? —
21 De l'empereur César», répondirent-ils. Alors il leur dit : «Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu.»
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Quelques pistes pour notre réflexion

L’impôt prélevé par les Etats sur les citoyens a toujours suscité des débats passionnés tant au sujet de sa perception qu’à l’utilisation qui en est fait. Comme chacun sait, surtout en ces temps de crise financière, le porte-monnaie est une réalité particulièrement sensible : trop d’impôts, impôts injustices ou mal répartis, fraudes fiscales, etc. ces propos alimentent régulièrement les conversations et sont l’enjeu de luttes politiques et sociales.
C’est donc sur ce terrain délicat que les pharisiens vont tendre à Jésus un piège dont ils pensent qu’il ne s’en sortira pas. D’autant plus que, pour l’occasion, ils se sont alliés à leurs pires ennemis, les partisans d’Hérode Antipas. Ceux-ci composent opportunément avec l’occupant romain et en prennent à leur aise avec les préceptes de la loi de Moïse.
«Est-il permis ou non de payer l’impôt à l’empereur?», demandent-ils à Jésus après quelques compliments flatteurs. Si Jésus répond “oui“, il s’oppose aux pharisiens et se discrédite auprès du peuple. Si sa réponse est “non“, il devient suspect vis-à-vis des hérodiens ; et il risque alors de passer pour un séditieux et d’être dénoncé comme tel aux autorités romaines.
Ce piège que ses adversaires croyaient implacable, Jésus le déjoue avec une autorité et une vérité étonnantes. «Hypocrites!», leur lance-t-il, nullement dupe de leur duplicité. La question qu’ils posent à Jésus, ils l’ont déjà résolue pour eux-mêmes, car eux, ils paient tous l’impôt. Et du reste ils ne peuvent pas faire autrement : le fisc romain était en effet intransigeant et pointilleux dans la mise en œuvre de son recouvrement. A la demande de Jésus, ils sortent de leur poche une pièce de monnaie romaine frappée avec l’inscription “Tibère, divin César“ [Depuis Jules César divinisé à mort, et depuis Auguste, les Césars romains prenaient le titre de “dieux“. A la fin du premier siècle de notre ère, Domitien se fera même rendre un culte de son vivant ; les chrétiens ont été persécutés, ont souffert et sont morts pour avoir justement refusé de l’adorer…]

On perçoit dès lors l’impact de la réponse de Jésus qui est loin de ressembler à une échappatoire. Le sens véritable de cette réponse “ Rendez à César ce qui est à César“, c’est “Rendez à César ce qui lui appartient, c’est-à-dire son argent, mais le culte qui revient à Dieu seul. On avait posé à Jésus une question piège sur l’impôt, et lui se place sur un tout autre registre, celui du rapport entre le pouvoir et la religion. Les contradicteurs de Jésus ont ont voulu le pousser à ce qu’il se situe par rapport au pouvoir romain, mais lui a annoncé l’Evangile et les droits de Dieu qui est au-dessus de tout.
Aujourd’hui, l’Eglise, où qu’elle soit et quelles que soient ses légitimes préférences, peut être tentée de choisir et de favoriser un système (politique, économique et social) contre un autre au motif qu’il lui paraîtrait plus «juste». Mais, mis à part le cas où elle doit dénoncer fermement un système foncièrement pervers, elle court le grand risque de s’inféoder en prenant parti. Car une telle situation pourrait se retourner contre elle [cela s’est déjà vu au cours de l’histoire lorsque l’Eglise (ou les église) ont eu partie liée avec un quelconque régime politique].
Mais, attention ! «Rendez à césar ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu» n’est pas à interpréter comme: «la religion à la sacristie et la politique partout ailleurs». Naturellement, aucun système politique, aucun projet de société ne peut se permettre ni prétendre annexer l’Evangile, et aucun pouvoir ne peut s’approprier l’éthique évangélique. Cependant, le rôle de l’Eglise, fidèle à la Parole du Christ, est de rappeler sans cesse les valeurs de foi et d’humanité sur lesquelles elle est fondée. Sa mission est de défendre les droits de Dieu et, à la lumière de ceux-ci, les droits de l’homme dans toutes ses dimensions, y compris religieuse. L’Eglise doit être une force qui interpelle, une force qui conteste aussi ce qui opprime l’homme. Elle propose d’incarner les valeurs chrétiennes dans les relations humaines. Tel est son rôle de «sel de la Terre». Dans sa réponse, Jésus a donc affirmé l’autonomie du culte rendu à Dieu, par rapport au pouvoir temporel. Il a désacralisé l’Etat en reconnaissant cependant l’autorité et la légitimité des pouvoirs terrestres dans domaines propres. Aujourd’hui comme hier on constate l’aberration que constitue la collusion du religieux et du politique dans les républiques islamistes, par exemple, où Dieu est censé tout décider et tout gouverner. Cela conduit fatalement à la sacralisation de la guerre, du terrorisme et de l’arbitraire du leader au pouvoir. Et nous-mêmes, dans notre histoire chrétienne bimillénaire, nous avons connu par moments cette confusion des pouvoirs où la religion se posait en référence et en soutien de l’Etat. On parlait alors de “religion d’Etat“ ou “d’Etat religieux“ !
En ce sens, une laïcité bien comprise (à ne pas confondre avec le laïcisme niant la religion) est garante d’une autonomie des pouvoirs et garante aussi de la liberté religieuse. La réponse de Jésus nous éclaire également sur nos responsabilités dans la société en tant que croyants et chrétiens. Nous avons à respecter l’autorité publique légitime (certes !). L’Apôtre Pierre définissait ainsi nos relations dans ce domaine : «Honorez tous les hommes, aimez vos frères, craignez Dieu, honorez celui qui gouverne…» (I P 2, 17). En démocratie, nous disposons d’un droit de contrôle : notre bulletin de vote. Ne pas voter sans raison valable est une démission. Et nous-mêmes, à notre niveau, si nous détenons une parcelle d’autorité, nous devons l’exercer selon le droit et avec amour et justice ; en nous souvenant que toute autorité vient de Dieu qui nous la confie comme une mission.
Et, quelles que soient la nature et l’étendue de notre pouvoir, ne nous prenons pas pour Dieu. Ne prenons personne pour Dieu non plus. N’abusons pas de notre autorité, qu’elle soit politique, économique, sociale ou ecclésiale ; nous aurons des comptes à rendre à Celui qui nous avertit: «Je suis le Seigneur et il n’y en a pas d’autre que moi…» . Retenons cette recommandation de saint Paul dans sa lettre aux Corinthiens : «Tout est à vous : le monde, la vie, la mort, le présent, l’avenir. Tout est à vous, mais vous, vous êtes à Christ, et Christ est à vous» (1 Co 3, 22).

L'annonce de l'Evangile,
une puissance, une action de l'Esprit Saint.

29ème dimanche du temps ordinaire

Première lettre de saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens (1Th 1, 1-5)

1
01 Nous, Paul, Silvain et Timothée, nous nous adressons à vous, l'Église de Thessalonique qui est en Dieu le Père et en Jésus Christ le Seigneur. Que la grâce et la paix soient avec vous.
02 A tout instant, nous rendons grâce à Dieu à cause de vous tous, en faisant mention de vous dans nos prières.
03 Sans cesse, nous nous souvenons que votre foi est active, que votre charité se donne de la peine, que votre espérance tient bon en notre Seigneur Jésus Christ, en présence de Dieu notre Père.
04 Nous le savons, frères bien-aimés de Dieu, vous avez été choisis par lui.
05 En effet, notre annonce de l'Évangile chez vous n'a pas été simple parole, mais puissance, action de l'Esprit Saint, certitude absolue : vous savez comment nous nous sommes comportés chez vous pour votre bien.
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Pour mémoire, nous sommes à peine 50 ans après la résurrection du Christ, et Paul et ces condisciples ont déjà fondé des communautés chrétiennes à l’occasion de son premier voyage à travers des contrées diverses depuis la Cappadoce jusqu’à la Thessalie, au sud de la Macédoine. Cette première adresse est donc très importante pour ces églises naissantes ; elle rappelle aux diacres l’essence de l’engagement pastoral dans le témoignage de la foi, la charité et l’espérance : l’Evangile n’est pas seulement une affaire de prédication, de paroles creuses ; il est toute l’économie du salut et, en cela, «il s’accompagne d’œuvres de puissance, de l’action de l’Esprit Saint et d’une assurance absolue». La prédication même de l’Evangile, à travers l’engagement des hommes et des femmes est l’œuvre de notre Seigneur. De plus, le rappel est fondamental de ce que c’est le Seigneur qui nous choisit et nous appelle à son service et non pas le contraire.

16/10/2008

Au Seigneur la gloire et la louange!

29ème dimanche du temps ordinaire

Bonjour !

Psaume (95, 1a.3, 4.5b, 7-8a, 9a.10ac)

1a Chantez au Seigneur un chant nouveau,
03 racontez à tous les peuples sa gloire,
à toutes les nations ses merveilles !

04 Il est grand, le Seigneur, hautement loué,
redoutable au-dessus de tous les dieux :
5b Lui, le Seigneur, a fait les cieux :

07 Rendez au Seigneur, familles des peuples,
rendez au Seigneur la gloire et la puissance,
8a rendez au Seigneur la gloire de son nom.

9a adorez le Seigneur, éblouissant de sainteté :
10a Allez dire aux nations : « Le Seigneur est roi ! »
10c Il gouverne les peuples avec droiture.
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Une pure merveille que ce psaume qui ouvre à l’universel l’appel à la louange du Dieu au-dessus de tous les dieux. En proclamant que «le Seigneur est roi!», le psalmiste lance un appel à la piété et à l’obéissance, il nous adresse une invitation à louer l’Eternel en tant que créateur et sauveur de son peuple. Non seulement Israël, mais aussi tous les peuples de la terre, toute la création.
L’insistance du psalmiste à faire vibrer son peuple avec cette foi inébranlable est à lire dans les expressions laudatives qu’il utilise pour parler à Dieu. Car c’est à Jérusalem que monte une telle acclamation vers Dieu, comme dans une préfiguration des derniers temps. Mais c’est aussi pour rappeler aux juifs, souvent désespérés et facilement influençables avec des idôles de toutes sortes, que «l'Eternel est le seul Dieu, est le Dieu UN». C’est d’ailleurs ainsi qu’ils professent leur foi depuis le Déteuronome (cf le «shema Israël…»: «Ecoute Israël…»).

15/10/2008

“Je suis le Seigneur, il n'y en a pas d'autre…“

Bonjour !
Voici les références bibliques des lectures que la liturgie nous propose en ce 28ème dimanche du temps ordinaire :
• Du livre du prophète Isaïe (45.1 à 6): ”Je t’ai rendu puissant ... Je suis le Seigneur, il n’y en a point d’autre.”
• Psaume 95: ”Rendez au Seigneur la gloire et la puissance.”
• Lettre de saint Paul aux Thessaloniciens (1 Th. 1. 1 à 5): ” à l’Eglise de Thessalonique qui est en Dieu le Père et en Jésus-Christ le Seigneur.”
• Evangile selon saint Matthieu (22. 15 à 21): ”Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu.”
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Livre d'Isaïe (Is 45, 1.4-6a)

45
01 Parole du Seigneur au roi Cyrus,
qu'il a consacré, qu'il a pris par la main,
pour lui soumettre les nations et désarmer les rois,
pour lui ouvrir les portes à deux battants,
car aucune porte ne restera fermée :
04 A cause de mon serviteur Jacob et d'Israël mon élu,
je t'ai appelé par ton nom,
je t'ai décerné un titre,
alors que tu ne me connaissais pas.
05 Je suis le Seigneur, il n'y en a pas d'autre :
en dehors de moi, il n'y a pas de Dieu.
Je t'ai rendu puissant,
alors que tu ne me connaissais pas,
6a pour que l'on sache, de l'orient à l'occident,
qu'il n'y a rien en dehors de moi.
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On pourrait croire que ce texte est une déclaration à la gloire de Cyrus, roi de Perse. Car en effet, cet empereur dont la réputation couvre tout l’orient grâce à ses conquêtes successives, a l’habitude de réserver un traitement «humain» aux sujets des nouvelles contrées qu’il conquiert : pas de pillage ni de sac, pas de déportation, pas de massacre… Bonne nouvelle pour le peuple juif, en quelque sorte, car l’espoir est réel pour lui de retrouver son pays qu’il espère ainsi reconstruire. Mais ne nous y trompons pas ! Le peuple juif est en exil et les perspectives d’un retour sur les terres natales sont presque nulles. Le prophète parle donc pour redonner espoir à ceux qui ont perdu toute espérance.


Deux idées fondamentales et complémentaires se dégagent :
- «A cause de mon serviteur Jacob et d'Israël mon élu», c’est-à-dire que la fidélité de Dieu à l’Alliance qu’il avait conclue avec son peuple est inébranlable. Israël est toujours le peuple élu.
- Cyrus est appelé «oint de Yavhé», titre primitivement réservé au roi d’Israël [et devenu un titre messianique : Oint (en français) = messie (en hébreu) = Christ (en grec)], et il est «appelé par son nom» par Yavhé qu’il ne connaît même pas ; autrement dit, il reçoit un appel de même nature que celui que Dieu réservait aux prophètes et aux rois. Appelé “messie“ parce qu’il a été choisi par Dieu pour sauver son peuple. En effet, la conquête de la Babylonie par Cyrus fut suivie par la libération des juifs, la restitution de toutes leurs richesses confisquées par le roi Nabuchodonosor et leur retour à Jérusalem. Mais ici encore, c’est Dieu qui a le contrôle de tout, c’est lui qui a l’initiative de tout, y compris sur Cyrus.

Cet oracle en faveur de Cyrus est donc aussi une profession de foi personnelle du prophète. Alors que les siens sont persuadés que Dieu les a totalement abandonnés, qu’il a détourné d’eux sa face, lui le médiateur proclame à temps et à contre-temps qu’Israël occupe toujours une place privilégiée dans le dessein de Dieu, car (dira plus tard saint Paul) «Dieu ne peut se renier lui-même».

12/10/2008

« Venez, Dieu vous invite, Il vous attend ! »

28ème dimanche du temps ordinaire.
La liturgie nous propose une double parabole dans l'Evangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu (Mt 22, 1-14)


22
01i Jésus disait en paraboles :
02 « Le Royaume des cieux est comparable à un roi qui célébrait les noces de son fils.
03 Il envoya ses serviteurs pour appeler à la noce les invités, mais ceux-ci ne voulaient pas venir.
04 Il envoya encore d'autres serviteurs dire aux invités : 'Voilà : mon repas est prêt, mes bœufs et mes bêtes grasses sont égorgés ; tout est prêt : venez au repas de noce.'
05 Mais ils n'en tinrent aucun compte et s'en allèrent, l'un à son champ, l'autre à son commerce ;
06 les autres empoignèrent les serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent.
07 Le roi se mit en colère, il envoya ses troupes, fit périr les meurtriers et brûla leur ville.
08 Alors il dit à ses serviteurs : 'Le repas de noce est prêt, mais les invités n'en étaient pas dignes.
09 Allez donc aux croisées des chemins : tous ceux que vous rencontrerez, invitez-les au repas de noce.'
10 Les serviteurs allèrent sur les chemins, rassemblèrent tous ceux qu'ils rencontrèrent, les mauvais comme les bons, et la salle de noce fut remplie de convives.
11 Le roi entra pour voir les convives. Il vit un homme qui ne portait pas le vêtement de noce,
12 et lui dit : 'Mon ami, comment es-tu entré ici, sans avoir le vêtement de noce ?' L'autre garda le silence.
13 Alors le roi dit aux serviteurs : 'Jetez-le, pieds et poings liés, dehors dans les ténèbres ; là il y aura des pleurs et des grincements de dents.'
14 Certes, la multitude des hommes est appelée, mais les élus sont peu nombreux. »
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Quelques repères pour notre méditation

Je voudrais relire cette double parabole (Celle de l'invitation au repas de noce et celle du renvoi de l'homme qui ne portait pas la robe de noce) dans le contexte de notre vie vie moderne si fébrile et si agitée. On est toujours pressé, on court, on n’a jamais le temps… au point que l’on ne prend plus son temps pour vivre. Curieuse société où l’on dispose pourtant d’une immensité de possibilités jamais éprouvées avant nous et même autour de nous. En effet, jamais on n’a disposé d’une si grande quantité de machines diverses pour notre confort, justement pour économiser et libérer du temps. Cependant, jamais on n’a constaté autant de stress, voire de déprime qu’à notre époque dite moderne.
Cette double parabole pourrait bien s’intituler: «Les débordés ne vont pas à la noce». Dans cet Evangile, c’est comme si Dieu se mariait et invitait les hommes à ses noces. Une invitation à un banquet de noces, cela ne se refuse pas ! Décliner l’invitation, sans raison valable, peut être blessant. On est donc surpris devant l’attitude désinvolte des invités de la parabole qui se défilent pour vaquer à leurs occupations quotidiennes. Pire, ils se retournent contre les messagers du Maître des noces et les maltraitent sauvagement.
Visiblement, cette parabole sort du registre ordinaire des faits divers pour mettre en évidence l’alliance entre Dieu et l’humanité. La Bible décrit souvent les liens entre Dieu et les hommes comme une Alliance, c’est-à-dire comme une relation d’amour nuptial: «Je te fiancerai à moi pour toujours», peut-on lire dans Osée (2, 21). Et Jésus lui-même ne présente pas le Royaume autrement. Il est l’époux, et l’Eglise (c’est-à-dire nous), l’épouse. L’envoi répété des serviteurs évoque exactement l’histoire biblique de l’Alliance, histoire durant laquelle le Seigneur n’a cessé de convier les hommes au bonheur. Les prophètes et les messagers de toutes sortes ont été souvent rejetés, persécutés, méprisés et martyrisés. Par leur refus parfois brutal, les premiers invités, premiers élus, se sont montrés indignes. Mais attention ! nous aurions tort de croire aujourd’hui que cette parabole désigne seulement ceux qui, historiquement, avaient reçu la première Alliance et n’ont pas reconnu le Christ.
Nous sommes nous aussi des premiers invités dans la mesure où nous avons bénéficié de tant de facilités pour connaître le Seigneur, alors que d’autres étaient loin d’avoir la même chance. En Jésus-Christ, la porte du Royaume est ouverte à tous. L’Evangile nous livre une certitude : la salle des noces sera comble. Le dessein de Dieu se réalisera, même avec des invités que nous estimons imprévus. Il n’y a pas d’a priori avec Dieu. Tous, même les pécheurs et les étrangers à notre religion catholique ou chrétienne sont attendus et accueillis dans son Royaume. Son invitation est gratuite, mais elle est aussi exigeante. Pour y répondre, il faut le «vêtement des noces» (symbole de la foi et de la joie censées animer celles et ceux qui rencontrent Dieu)… il s’agit de se laisser habiller le cœur. Dieu lui-même fournit l’habit de fête.
Souvenons-nous de la parabole de l’enfant prodigue: «Vite ! Apportez la plus belle robe et habillez-le !», dit le père en accueillant son fils cadet revenu de sa déchéance. Dans le même sens, le psalmiste laisse éclater sa joie d’avoir été repêché dans sa détresse: «Tu as changé mon deuil en une danse et remplacé mon sac par des habits de fête» (Ps 30, v. 12). Dieu nous enveloppe de sa tendresse, à nous d’accueillir sa Parole et de répondre à son appel.

L’Eucharistie de ce dimanche est elle-même une célébration de Noces. Le Christ se donne à son Eglise: «Il a aimé son Eglise et s’est livré pour elle», nous dit Saint Paul (Ep 5, 28). Le repas du Seigneur est la fête de son amour pour nous. Nos processions, nos prières, nos chants et nos musiques doivent traduire notre joie d’y participer. Avons-nous seulement cette expression de joie quand nous célébrons les noces de l’Agneau ? Nos assemblées du dimanche ne ressemblent-elles pas souvent à des rencontres routinières et monotones qu’il faut vite expédier pour vaquer à autre chose ? C’est Dieu lui-même qui nous convie dans nos églises pour faire Eucharistie. Mais tous les invités ne sont pas venus: «pas le temps!», «pas envie!», «croyants pas pratiquant», «pratiquant mais peu croyant», «occupé à ses propres “champs“, à son commerce, à ses loisirs»…

«Heureux les invités au repas du Seigneur», nous dira Jésus-Christ tout à l’heure. Savourons-nous assez ce bonheur? Certes, il est exigeant de foi, de charité, de réconciliation et de don de soi. Mais sachons-le! L’Eucharistie, c’est notre force et notre joie. Alors, pourquoi faudrait-il faire de la messe dominicale une obligation? On n’amène pas quelqu’un de force à une fête ! Celui qui a compris ce don gratuit de Dieu l’accueille en toute liberté. Le bonheur est liberté.

Cette parabole des invités à la noce fait donc de nous des invités et des invitants à la fois. Malgré l’indifférence générale de nos concitoyens en matière de pratique religieuse et malgré leur hostilité, nous sommes appelés à leur proposer la foi. C’est là notre mission de baptisés. Parents, catéchistes, chrétiens engagés, responsables de communautés d’Eglise… c’est par nous que passe l’invitation du Seigneur. Il ne s’agit pas pour nous de contraindre ou d’embrigader à la manière des sectes et de leurs gourous ; il s’agit plutôt (et simplement) de vivre et de témoigner de notre bonheur d’être chrétiens, c’est-à-dire enfants de Dieu. Le Seigneur a besoin de notre voix, de nos mains, de notre joie de croire et de notre espérance pour offrir en cadeau l’invitation de Dieu à ceux qui sont plus ou moins égarés sur les routes de l’existence.

Les invités de la dernière heure, ce n’est pas dans nos églises ni dans les circuits de nos cercles d’amitié que nous les trouverons. Ils sont dehors, parfois loin voire même très loin. Il faut donc aller les chercher à la croisée des chemins de nos quartiers, de notre ville, de nos lieux de travail et de loisirs, de nos rencontres fortuites aussi. Risquons-nous de leur dire: «Venez, dieu vous invite, Il vous attend!» .

Ma lumière et mon salut, c’est le Seigneur…

La seconde lecture de ce 28ème dimanche du temps ordinaire est tirée de la Lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens (Ph 4, 12-14.19-20) :

4

12i Frères, je sais vivre de peu, je sais aussi avoir tout ce qu’il me faut. Être rassasié et avoir faim, avoir tout ce qu’il me faut et manquer de tout, j’ai appris cela de toutes les façons.
13 Je peux tout supporter avec celui qui me donne la force.
14 Cependant, vous avez bien fait de m'aider tous ensemble quand j'étais dans la gêne.
19 Et mon Dieu subviendra magnifiquement à tous vos besoins selon sa richesse, dans le Christ Jésus.
20 Gloire à Dieu notre Père pour les siècles des siècles. Amen.
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Paul est en prison, probablement à Ephèse (vers l’an 50), il remercie les membres de la communauté chrétienne de Philippie pour les secours qu’ils lui ont apportés quand il était dans la gêne, c’est-à-dire dans des difficultés passagères. L’abondance et le dénuement, Paul les a connus fréquemment, et cela ne l’a pas fragilisé ni ébranlé dans sa mission parce qu'il a placé sa foi indéfectible en Jésus Christ «qui lui donne la force». Dans sa Lettre aux Hébreux, il exhortera les chrétiens: «Que votre conduite soit exempte d’avarice, vous contentant de ce que vous avez présentement ; car Dieu lui-même a dit : “Je ne te laisserai ni ne t’abandonnerai“ ; de sorte que nous pouvons dire avec hardiesse : “Le Seigneur est mon secours ; je ne craindrai pas. Que peut me faire l’homme ?“» (13, 5). On comprend également la détermination de Paul lorsqu’il proclame: «… Et c’est bien pour cette cause que je me fatigue à lutter, avec son énergie (du Christ) qui agit en moi avec sa puissance» (Col 1, 29). Cette leçon de détachement des richesses matérielles n’est pas sans rappeler cet autre exemple du Roi Salomon qui avait demandé à Dieu non pas l’or, la longévité, le pouvoir administratif et militaire… mais la Sagesse de Dieu, c’est-à-dire son Esprit-Saint. Or nous savons que Dieu apprécia son détachement des richesses matérielles : il lui accorda la Sagesse, et tout le reste de surcroît…

10/10/2008

Le Seigneur est mon berger…
avec lui, je ne manque de rien

Psaume (22, 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6)

01 Le Seigneur est mon berger :
je ne manque de rien.
2a Sur des prés d'herbe fraîche,
2b il me fait reposer.

2c Il me mène vers les eaux tranquilles
03 et me fait revivre ;
il me conduit par le juste chemin
pour l'honneur de son nom.

04 Si je traverse les ravins de la mort,
je ne crains aucun mal,
car tu es avec moi :
ton bâton me guide et me rassure.

05 Tu prépares la table pour moi
devant mes ennemis ;
tu répands le parfum sur ma tête,
ma coupe est débordante.

06 Grâce et bonheur m'accompagnent
tous les jours de ma vie ;
j'habiterai la maison du Seigneur
pour la durée de mes jours.
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Il convient de lire ce psaume en parallèle avec le précédent extrait de l’Apocalypse d’Isaïe (25, 6-9). Pour nous croyants, tout éloignement avec Dieu est un péché, et toute rupture avec lui est une mort. La vraie vie, c’est donc celle que donne Dieu lui-même, parce qu'il en est la source.
Ce psaume qui, par certains côtés nous ferait imaginer des scènes de la symphonie pastorale de Beethoven n’a rien de champêtre ni de bucolique. Le souvenir des années de famine et de peur permanente de l’ennemi est là, encore vivant dans la mémoire collective des enfants d’Israël. Heureusement, le même Dieu qui châtiait en raison des infidélités répétées, ce même Dieu est plein de tendresse et de pitié ; dans sa miséricorde infinie, il nous invite à son festin. «La Sagesse a bâti sa maison, elle a dressé la table et mélangé son vin, elle appelle ses enfants : venez, mangez de mon pain et boire le vin que j’ai préparés pour vous».
Il est donc question (dans ce psaume) de confiance absolue en Dieu: «Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien», car il guide mon âme vers les prés du repos, et ce en dépit de tous les obstacles de la vie. Saint Paul déclamera plus tard : ni la persécution, ni l’angoisse, ni le dénuement, ni la peur, ni même la mort… non ! rien ne nous séparera de l’amour du Christ.

09/10/2008

Allons ! Rassemblons-nous
aux noces de l'Agneau…

Bonjour !
En ce 28ème dimanche du temps ordinaire, nous sommes à la noce, à la fête. Dans les textes qui nous sont proposés, il est question de repas festif. Nous y sommes tous conviés, les bons et les méchants, les riches et les pauvres, le juif, le chrétien et le païen… A travers et au-delà du peuple d'Israël, Dieu annonce la réconciliation de l'humanité tout entière dans la paix et la fraternité.
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Livre d'Isaïe (Is 25, 6-9)

25

06i Ce jour-là, le Seigneur, Dieu de l'univers, préparera pour tous les peuples, sur sa montagne, un festin de viandes grasses et de vins capiteux, un festin de viandes succulentes et de vins décantés.
07 Il enlèvera le voile de deuil qui enveloppait tous les peuples
et le linceul qui couvrait toutes les nations.
08 Il détruira la mort pour toujours.
Le Seigneur essuiera les larmes sur tous les visages,
et par toute la terre il effacera l'humiliation de son peuple ;
c'est lui qui l'a promis.
09 Et ce jour-là, on dira :
« Voici notre Dieu,
en lui nous espérions, et il nous a sauvés ;
c'est lui le Seigneur,
en lui nous espérions ;
exultons, réjouissons-nous :
il nous a sauvés ! »
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Dans le Livre d’Isaïe, les chapitres 24 à 27 visent, au-delà des évènements proches, un jugement final de Dieu dont il donne une description particulièrement poétique, entrecoupée de psaumes de supplication et d’action de grâces. C’est pourquoi ils forment ce qu’on appelle «l’Apocalypse d’Isaïe».
Cette description du festin messianique nous dévoile le contexte de la fin de l’histoire, celle-ci se manifestant à travers une humanité pacifiée et unifiée en Dieu. Mais, à l’échelle du peuple d’Israël, elle magnifie également la fin de l’exil et le recouvrement de la liberté. Aux pleurs succèdent la joie et la fraternité, à la guerre la paix, à la famine l’opulence. Ce poème constitue en réalité l’aspect favorable de ce denier jugement, après l’annonce de la destruction de la ville. Le salut et le festin sont annoncés ici à «tous les peuples»; de même, le Seigneur Dieu enlèvera «le suaire qui ensevelissait toutes les nations», et «il fera disparaître la mort».
Difficile [cependant !] de comprendre cette dernière prophétie 6 siècles avant la résurrection de Jésus-Christ. Elle sera d’ailleurs reprise par d’autres prophètes, Osée par exemple: «Et je les délivrerais de la puissance du shéol! Je les sauverais de la mort!» (13, 14) — ou Ezéchiel dans la prophétie des “Ossements desséchés“ dans laquelle Dieu annonce la restauration messianique d’Israël: «Je mettrai en vous mon esprit, et vous vivrez, et je vous installerai sur votre sol, et vous saurez que moi, Yavhé, j’ai dit et je fais» (37, 14). Saint Jean décrira la même vision: «…Car l’Agneau qui se tient au milieu du trône sera leur pasteur et les conduira aux sources des eaux de la vie. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux» (Jn Ap 7, 17). C’est cette même allégresse que décrira saint Matthieu dans la parabole du festin (voir Mt 22, 2-10p).

05/10/2008

Lequel des deux compte le plus :
le vigneron ou le raisin ?

Bonjour!

Evangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu (Mt 21, 33-43)

21

33i Jésus disait aux chefs des prêtres et aux pharisiens : « Écoutez cette parabole : Un homme était propriétaire d’un domaine ; il planta une vigne, l’entoura d’une clôture, y creusa un pressoir et y bâtit une tour de garde. Puis il la donna en fermage à des vignerons, et partit en voyage
34 Quand arriva le moment de la vendange, il envoya ses serviteurs auprès des vignerons pour se faire remettre le produit de la vigne.
35 Mais les vignerons se saisirent des serviteurs, frappèrent l'un, tuèrent l'autre, lapidèrent le troisième.
36 De nouveau, le propriétaire envoya d'autres serviteurs plus nombreux que les premiers ; mais ils furent traités de la même façon.
37 Finalement, il leur envoya son fils, en se disant : 'Ils respecteront mon fils.'
38 Mais, voyant le fils, les vignerons se dirent entre eux : 'Voici l'héritier : allons-y ! tuons-le, nous aurons l'héritage !'
39 Ils se saisirent de lui, le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent.
40 Eh bien, quand le maître de la vigne viendra, que fera-t-il à ces vignerons ? »
41 On lui répond : « Ces misérables, il les fera périr misérablement. Il donnera la vigne en fermage à d'autres vignerons, qui en remettront le produit en temps voulu. »
42 Jésus leur dit : « N'avez-vous jamais lu dans les Écritures :
La pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs
est devenue la pierre angulaire.
C'est là l'œuvre du Seigneur,
une merveille sous nos yeux !
43 Aussi, je vous le dis : Le royaume de Dieu vous sera enlevé pour être donné à un peuple qui lui fera produire son fruit.
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Quelques repères pour notre méditation

Lorsqu’on lit cette “allégorie des vignerons rebelles “, on ne peut s’empêcher de rappeler la prophétie d’Ezéchiel (Jr 7, 22 - 28), particulièrement avec ce terrible avertissement de Jésus à son peuple: «Aussi, je vous le dis : Le royaume de Dieu vous sera enlevé pour être donné à un peuple qui lui fera produire son fruit» (verset 43)*. En effet, plutôt “allégorie“ que “parabole“, car chaque trait du récit a sa signification : le propriétaire, c’est Dieu ; la vigne Israël le peuple élu (cf Is 5, 1+) ; les serviteurs, les prophètes ; le fils, Jésus tué hors des murs de Jérusalem ; les vignerons homicides, les juifs infidèles ; et l’autre peuple à qui sera confiée la vigne, les païens.
Le fils est bien l’image de l’envoyé de Dieu lui-même qui sera mal accueilli par les siens. Jésus, la pierre rejetée par les maçons et devenue pierre angulaire, annonce ici non seulement sa statut de clé de voûte de l’Eglise, Corps mystique, mais aussi sa propre résurrection (n'oublions pas que nous sommes à la veille de sa passion). Le nouveau peuple (auquel il confiera sa vigne), ce sont tous ceux qui se rassembleront autour de lui, sans distinction aucune. Même les vignerons homicides et le peuple de la rue sont invités à la gloire du Royaume, pour peu qu’ils se convertissent, qu'ils œuvrent à l'annonce de son Evangile, et qu’ils reconnaissent que Jésus-Christ est Seigneur, pour les siècles des siècles.

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* Il semble que cette sentence se rapporte plus à la première partie de d’allégorie (versets 42 et 43). Il ne s’agit pas des élus en général, mais des juifs, les premiers invités. Paul écrira: «Or je vous le dis à vous, les païens (i.e les chrétiens venus des “nations“, les païens convertis), je suis bien l’apôtre des païens et j’honore mon ministère, mais c’est avec l’espoir d’exciter la jalousie de ceux de mon sang et d’en sauver quelques-uns…» (Rm 11, 13). Autrement dit, l’allégorie n’exclut pas que peu d’entre les juifs ont répondu et sont élus.


… le Dieu de la paix sera avec vous !

Bonjour !
La Lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens (Ph 4, 6-9) est le second texte que la liturgie nous propose en ce 27ème dimanche du temps ordinaire.
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4

06i Frères, ne soyez inquiets de rien, mais, en toute circonstance, dans l’action de grâce priez et suppliez pour faire connaître à Dieu vos demandes.
07 Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce qu'on peut imaginer, gardera votre cœur et votre intelligence dans le Christ Jésus.
08 Enfin, mes frères, tout ce qui est vrai et noble, tout ce qui est juste et pur, tout ce qui est digne d'être aimé et honoré, tout ce qui s'appelle vertu et qui mérite des éloges, tout cela, prenez-le à votre compte.
09 Ce que vous avez appris et reçu, ce que vous avez vu et entendu de moi, mettez-le en pratique. Et le Dieu de la paix sera avec vous.
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« Ne soyez inquiets de rien » ! Déroutante recommandation que celle de saint Paul… Quel manager, quel pédagogue, quels père ou mère pourraient prodiguer de tels conseils, surtout de nos jours où sévissent chômage, exclusion et autres aléas de la vie? Or justement, à l’époque où saint Paul promulgue ses derniers conseils aux membres des communautés ecclésiales (ici, celle des Philippiens), les chrétiens ne sont pas à la joie. Le pouvoir politique, le pouvoir social et même le pouvoir religieux ne sont pas tendres avec les disciples de Jésus.
Cette exhortation est donc à comprendre plutôt comme un appel au courage. Saint Paul montre la vrai voie du salut chrétien : «… Tirons notre gloire du Christ Jésus, au lieu de placer notre confiance dans la chair» (3, 3). «Réjouissez-vous sans cesse dans le Seigneur… Le Seigneur est proche» (4, 4). «Maran atha!», clamera-t-il dans la première Epître aux Corinthiens (16, 22), c’est-à-dire «Le Seigneur vient» ou également «Viens, Seigneur!». Le même cri sera lancé par Jean comme un appel au détachement, un véritable acte de foi: «… Oui, mon retour est proche ! Oh oui, viens, Seigneur Jésus !» (Ap 22, 20).

Car, en effet, si l’homme a besoin d’être rassuré, saint Paul ne le pousse pas à l’hyper-consommation matérialiste, ni d’ailleurs à l’oisiveté. Non ! La confiance en Christ et l’attente de son retour doivent se nourrir de la lutte pour l’Evangile. Annoncer la Parole de Dieu et vivre dans la joie, rien de tel pour revigorer ceux qui doutent ou qui flanchent, et pour convaincre tous ceux qui hésitent à faire le pas de la conversion. Cette Parole qui est, selon saint Paul, d’abord “reçue“ (c’est-à-dire entendue), puis, pénétrant jusqu’au cœur, elle y est “accueillie“ (c’est-à-dire que l’auditeur reconnaît que Dieu parle par son envoyé): «… et cette parole reste (est rendue) active en vous les croyants» par la grâce de Dieu agissant en vous: «… de nuit comme de jour nous étions au travail, dans le labeur et la fatigue, pour n’être à la charge d’aucun de vous: non pas que nous n’en ayons le pouvoir, mais nous entendions vous proposer en nous un modèle à imiter» (2 Th 3, 8-9).
Oui, le Seigneur est proche, mais attendons-le dans le travail et la joie, dans la confiance et l’amour fraternel…

03/10/2008

Le Seigneur n'abandonne jamais
l'œuvre de ses mains…

Bonjour !
Parfait exemple que ce psaume 79 pour illustrer encore plus ce thème de la vigne. Israël, cette vigne que le Seigneur a plantée, entretenue avec le plus grand soin, et dont il attendait «de beaux raisins» (Is 5, 1-2), cette vigne a donné du fruit de mauvaise qualité. Au regard des efforts et de la sollicitude dont il a fait montre, le vigneron se fâche : il espérait le droit et la justice, il récolte le reniement et l’infidélité. Cette transgression répétée de l’Alliance [«ce que le Seigneur attend de toi : rien d'autre que de respecter le droit, aimer la fidélité et marcher humblement avec ton Dieu» (Michée 6, 8)] a déplu au Seigneur qui a mis sa sentence à exécution : il a ouvert une brèche dans la clôture et l’a livrée au vandalisme des passants et des bêtes sauvages.
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Psaume (79, 9-10, 13-14, 15-16a, 19-20)

09 La vigne que tu as prise à l'Égypte,
tu la replantes en chassant des nations.
10 Tu déblaies le sol devant elle,
tu l'enracines pour qu'elle emplisse le pays.

13 Pourquoi as-tu percé sa clôture ?
Tous les passants y grappillent en chemin ;
14 le sanglier des forêts la ravage
et les bêtes des champs la broutent.

15 [R / ] Dieu de l'univers reviens !
Du haut des cieux, regarde et vois :
visite cette vigne, protège-la,
16a celle qu'a plantée ta main puissante,

19 Jamais plus nous n'irons loin de toi :
fais-nous vivre et invoquer ton nom !
20 R /Seigneur, Dieu de l'univers,
fais-nous revenir ;
que ton visage s'éclaire,
et nous serons sauvés.
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Ce psaume dont la complainte parle bien au peuple d’Israël vivant sous occupation étrangère sonne comme un cri d’appel au Seigneur pour qu’il revienne sur sa colère et éclaire son visage (qu’il rende sa face visible) et surtout qu’il «fasse revenir» les enfants d’Israël, c’est-à-dire qu’il les convertisse par la puissance de son Esprit. Notons la particularité de la structure de ce psaume ponctué par deux refrains [R1-Dieu de l'univers reviens! et R2-Seigneur, Dieu de l'univers,fais-nous revenir] complémentaires. Car, on comprend bien que s’ils adoptent une telle posture devant Dieu, c’est aussi parce que cette conversion n’est pas subie, imposée, mais qu’ils y participent. Dieu n’est pas manipulateur, ni calculateur : il offre à l’homme son infinie miséricorde, et c’est à lui de «se laisser séduire» (Ezéchiel) et de s’ouvrir à sa grâce… librement ! C’est en cela que l’on peut comprendre la phrase de saint Paul «Le Seigneur est proche», autrement dit : il n’est jamais loin, il ne s’est jamais vraiment éloigné de nos vies et de notre histoire ; il est proche parce qu’il nous aime, et c’est pourquoi nous pouvons lui parler à tout moment…

01/10/2008

Dieu n'est jamais en colère !

Bonjour !
En ce 27ème dimanche du temps ordinaire, la liturgie nous propose trois textes sur le thème de la vigne (depuis bientôt deux dimanches, d'aileurs !), cependant que la Lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens nous exhorte à mettre en pratique les enseignements que nous recevons pour obtenir la paix de Dieu. La parabole des métayers extraite de l'Evangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu (Mt 21, 33-43) nous invite particulièrement à méditer le sens de l'histoire du salut.
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Livre d'Isaïe (Is 5, 1-7)
5
01 Je chanterai pour mon ami
le chant du bien-aimé à sa vigne.
Mon ami avait une vigne
sur un coteau plantureux.
02 Il en retourna la terre et en retira les pierres,
pour y mettre un plant de qualité.
Au milieu, il bâtit une tour de garde
et creusa aussi un pressoir.
Il en attendait de beaux raisins,
mais elle en donna de mauvais.
03 Et maintenant, habitants de Jérusalem, hommes de Juda,
soyez donc juges entre moi et ma vigne !
04 Pouvais-je faire pour ma vigne
plus que je n'ai fait ?
J'attendais de beaux raisins,
pourquoi en a-t-elle donné de mauvais ?
05 Eh bien, je vais vous apprendre
ce que je vais faire de ma vigne :
enlever sa clôture
pour qu'elle soit dévorée par les animaux,
ouvrir une brèche dans son mur
pour qu'elle soit piétinée.
06 J'en ferai une pente désolée ;
elle ne sera ni taillée ni sarclée,
il y poussera des épines et des ronces ;
j'interdirai aux nuages
d'y faire tomber la pluie.
07 La vigne du Seigneur de l'univers,
c'est la maison d'Israël.
Le plant qu'il chérissait,
ce sont les hommes de Juda.
Il en attendait le droit,
et voici l'iniquité ;
il en attendait la justice,
et voici les cris de détresse.
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Ce texte d’Isaïe a été probablement écrit, au tout début de son ministère, à l’occasion de la fête des vendanges. Le thème de la vigne (c’est-à-dire d’Israël), que l’on aperçoit déjà dans le Livre du Deutéronome (32, 32-33) et dans celui de la Sagesse (24, 17) avait ré-émergé chez Osée (10, 1) ; il sera repris par Jérémie (2, 21 ; 5, 10 ; 6, 9 ; 12, 10), puis par Ezéchiel (15, 1-8 ; 17, 3-10 ; 19, 10-14). Plus tard, Jésus lui-même le reprendra et le transposera dans la parabole des “vignerons rebelles et homicides“ [l’Evangile de ce dimanche] et celle du “figuier asséché“. En Jean (15, 1-2), Jésus révèlera le mystère de la “vraie vigne“, [«Je suis le vrai cep et mon Père est le vigneron»] image du Royaume des Cieux, faisant alors du “fruit de la vigne“ l’Eucharistie de la nouvelle Alliance. Ce fruit est bien la sainteté d’une vie fidèle aux commandements de Dieu, particulièrement celui de l’amour.

Pour bien comprendre ce texte d'Isaïe, que l'on nomme à dessein “ Le chant de la vigne“, il est important de le re-situer dans le cadre global de la pensée et de la mission du prophète. Cette page de
"bible-service" que je vous recommande est tout à fait concise et pédagogique à cette fin.