24/10/2008

« Celui qui aime son prochain
a pleinement accompli la loi » (Rm 13, 8).

Bonjour !

30ème dimanche du temps ordinaire

L'Evangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu (Mt 22, 34-40)

22
34i Les pharisiens, apprenant que Jésus avait fermé la bouche aux sadducéens, se réunirent,
35 et l'un d'entre eux, un docteur de la Loi, posa une question à Jésus pour le mettre à l'épreuve :
36 «Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ?»
37 Jésus lui répondit : «Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit.
38 Voilà le grand, le premier commandement.
39 Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
40 Tout ce qu'il y a dans l'Écriture - dans la Loi et les Prophètes - dépend de ces deux commandements.»
__________________________________________________________________

Quelques pistes pour notre méditation

L’épisode de ce récit situe Jésus dans sa montée à Jérusalem, le lieu, le ville où il va affronter so heure. Des foules nombreuses sont là qui l’acclament; mais en même temps, l’opposition s’organise, la conspiration gronde et, de polémiques en controverses, des questions pièges sont posées à Jésus. Pharisiens et Hérodiens partant sur l’impôt dû à César veulent le coincer sur la délicate question de l’autorité de l’occupant romain. Les Sadducéens, préoccupés par des questions religieuses, discutent avec lui à propos de la résurrection des morts. Voilà maintenant qu’un docteur de la loi veut rivaliser avec lui quant à la connaissance de la loi: «Maître, dans la loi, quel est le grand commandement?»
C’est une nouvelle épreuve que les contradicteurs de Jésus croient pouvoir dresser sur son chemin. A travers ce débat d’époque qui divisait les différentes écoles théologiques, il s’agissait de savoir quel précepte, parmi les 613 édictés par Moïse, prenait le pas sur tous les autres. Interrogation toute théorique, car il ne faisait aucun doute pour tous qu’aimer Dieu était le commandement suprême. Chaque jour, du lever au coucher, tout juif pieux prie avec le passage des Écritures qui le lui rappelle: «Écoute, Ô Israël ! Ton Dieu est l’Unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton esprit et de toutes tes forces» (Dt 6, 4). Le piège visait plutôt l’enseignement et l’action de Jésus. Ses adversaires le voyaient accomplir des œuvres de miséricorde empreintes d’amour profond pour les êtres blessés, les malades et les égarés. Ils l’accusaient cependant d’agir en contradiction avec la légalité religieuse, concernant notamment l’observance du Sabbat. Ils le soupçonnaient d’en faire trop pour l’homme au détriment de la loi de Dieu. Ils voulaient ainsi lui faire dire que le grand commandement n’était pas dans la loi, mais dans le cœur.
On interroge donc Jésus sur la loi, lui répond sur un autre registre. Respectueux de la loi, il est venu «non pas l’abolir mais l’accomplir» (Mt 5, 7). D’une part, il est venu lui-même mettre en pratique le Décalogue (la loi de Moïse), mais d’autre part, de cette loi donnée par Moïse au peuple de l’ancienne Alliance, Jésus en propose la forme d’accomplissement la plus élaborée, la plus parfaite: «Tu aimeras», dit-il. Loin des joutes intellectuelles des docteurs de son époque, il indique un esprit en même temps qu’une pratique concrète. La loi de Dieu, si tranchante soit-elle, n’a pas de sens si elle n’est pas comprise comme l’expression de son amour. L’Évangile n’invite pas le chrétien à une attitude légaliste entre le permis et l’interdit (ou le défendu) pour une pratique minimaliste et sécurisante. Quand on agit par amour, on n’est jamais au bout du compte. Aimer pousse le vrai disciple du Christ à se dépasser sans cesse et à dépasser ses limites bien loin des cadres légaux et des calculs juridiques de nos pratiques religieuses. «Aime et fais ce que tu veux», disait malicieusement saint Augustin d’Hippone. Loin d’encourager le libertinage, ce grand docteur de l’Église voulait simplement dire que celui qui aime en vérité n’est plus sous la contrainte d’une loi, si exigeante soit-elle, ou du moins, la loi elle-même est aimée parce qu’elle est accomplie avec amour. Dans cette liberté-là, le champ du don de soi est ouvert sur l’infini, donc sur Dieu.

Chrétiens, donc disciples du Christ, quelle perception avons-nous de la loi de Dieu, telle que l’
Église nous la propose ? Est-elle pour nous un garde-fou, un corset, un boulet que l’on traîne, une gêne pour notre liberté ?
Il nous est déjà arrivé d’entendre dire : Les incroyants ont de la chance, car ils font ce qu’ils veulent…“. A cette réflexion qui n’est pas l’indice d’une foi authentique, on peut répondre d’une part, que les incroyants ont eux aussi une conscience, et que d’autre part, il ne leur est pas forcément facile, sans la lumière de la foi, de tracer leur chemin de vie… N’est-ce donc pas plutôt nous, les croyants, qui avons la chance d’être guidés par quelqu’un qui nous aime : Jésus ?
A l’instar des pharisiens, scribes et autres docteurs de la loi, ne nous arrive-t-il pas de disserter sur la religion et ses règles de bonne conduite en oubliant l’essentiel? c’est-à-dire d’en vivre vraiment ? Il ne s’agit donc pas seulement de bien parler des commandements et de l’Evangile ; l’essentiel est de les vivre, de les mettre en pratique dans un réel amour de Dieu et du prochain. Ne soyons pas trop vite des chrétiens satisfaits de leur pratique religieuse et des responsabilités qu’ils peuvent avoir dans la communauté. En agissant ainsi, nous risquons d’être étrangers à l’esprit de la loi du Christ et de «négliger ce qu’il y a de plus grave dans la loi : la justice, la miséricorde et la fidélité».
En déclarant le commandement de l’amour du prochain semblable à celui de l’amour de Dieu, Jésus n’est pas en train de nous dire que l’homme est l’égal de Dieu. Aimer Dieu ne peut pas être au même niveau qu’aimer l’homme, le prochain. Cependant, puisque Dieu, en Jésus son Fils, s’est fait homme, l’humanité, en lui et par lui, a été élevée à la dignité divine. Ainsi, depuis que Dieu s’est fait proche de l’homme, tout être humain est, de ce fait, devenu le prochain de Dieu et, par conséquent le nôtre. Désormais, le plus court chemin pour aller à Dieu, c’est de se faire proche de ses frères et sœurs en humanité. Et la meilleur manière de «faire du bien» à Dieu est d’en faire aux hommes et aux femmes qu’il place sur notre chemin: «Tout ce que vous avez fait aux plus petits des miens, c’est à moi que vous l’avez fait», nous dit Jésus (Mt 25, 40). Aimer tout homme, surtout s’il est dans le besoin, lui ouvrir son cœur est «la preuve de l’amour de Dieu» (1 Jn 3, 17), car «celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, comment peut-il prétendre aimer Dieu qu’il ne voit pas?» (1 Jn 3, 20).
On peut se faire des illusions sur l’amour réel que l’on porte à Dieu. Pas d’instrument de mesure pour le vérifier, sinon l’amour concret que l’on porte à celui ou celle dont on se fait le prochain. On peut également se tromper sur l’amour que l’on porte à autrui, s’il n’est finalement que intérêt, satisfaction personnelle, voire domination déguisée. Aimer Dieu et apprendre de lui à aimer comme il nous aime garantit nos comportements et nos actes de charité. Saint Paul disait: «Imitez Dieu, puisque vous êtes des enfants qu’il aime» (Ep 5, 1) et encore: «Celui qui aime son prochain a pleinement accompli la loi» (Rm 13, 8).

Aucun commentaire: