07/12/2009

“… et tout homme verra le salut de Dieu“.

Chers amis, bonjour!

L'EVANGILE de ce deuxième dimanche de l'Avent est extrait de Luc 3, 1-6

1 L'an quinze du règne de l'empereur Tibère,
Ponce Pilate étant gouverneur de la Judée,
Hérode, prince de Galilée,
son frère Philippe, prince du pays d'Iturée et de Traconitide,
Lysanias, prince d'Abilène,
2 les grands prêtres étant Anne et Caïphe,
la parole de Dieu fut adressée dans le désert
à Jean, fils de Zacharie.
3 Il parcourut toute la région du Jourdain ;
il proclamait un baptême de conversion
pour le pardon des péchés,
4 comme il est écrit dans le livre du prophète Isaïe :
A travers le désert, une voix crie :
Préparez le chemin du Seigneur,
aplanissez sa route.
5 Tout ravin sera comblé,
toute montagne et toute colline seront abaissées ;
les passages tortueux deviendront droits,
les routes déformées seront aplaties ;
6 et tout homme verra le salut de Dieu.
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Ce texte est intéressant à plusieurs titres. Nous n’allons pas rentrer dans une exégèse de datation fine du tableau que dresse Luc; mais une chose est sûre: par les repères historiques que l’évangéliste prend la peine d’annoncer dans son préambule, nous notons — et c’est la chose la plus importante — que Jésus est de Galilée et qu’il est bien entré dans la temporalité humaine par sa naissance en un lieu et à un moment précis, et que sa contemporanéité avec ceux-là mêmes qui seront les acteurs de sa passion et de sa mort est posée:
- Ponce Pilate, le fonctionnaire romain qui, plus tard, sera muté pour irresponsabilité;
- Hérode, le tétrarque. fils d’Hérode le Grand. C’est lui qui fera mourir Jean le Baptiste, et c’est devant lui que comparaîtra Jésus. En réalité, il n’est qu’un jouet entre les mains du pouvoir romain ;
- Philippe, l’autre fils d’Hérode le Grand, régent des terres païennes qui s’étendent au nord du Lac de Tibériade;
- Anne et Caïphe, les deux grands prêtres que l’on retrouvera également lors du procès de Jésus.

Tels sont donc les hommes de pouvoir qui pisteront Jésus durant toute sa vie et particulièrement durant son ministère. Convenons-en: il pouvait espérer un meilleur cadre politique, mais telle a été la volonté de son Père de le faire naître en ces temps et en ces lieux.
Puis, Luc fait démarrer son Evangile avec Jean Le Baptiste. Et ce n’est pas anodin: Jean Le Baptiste rappelle et amplifie le ministère de la Parole, la puissance du Verbe. Celui dont il annonce la venue sera le «Verbe fait chair», et «il habitera parmi les hommes», c’est-à-dire dans un pays rongé par des pouvoirs politiques et religieux, morcelé en tribus de toutes origines. Le peuple dans lequel il choisit de naître est en proie au désespoir et à la crise de la foi. Plus que jamais il se demande comment il peut encore être possible de croire aux prédictions et aux oracles des prophètes, comment se sortir de ce pouvoir romain qui met toutes les contrées au pas et les presse comme dans un étau?
Comme dans le texte de Baruch, les expériences de déportation et d’exil sont évoquées, la présence et la fidélité de Dieu aux côtés de son peuple glorifiées: Dieu est puissant et prévenant à l’égard de ceux qui l’accueillent; les arbres poussent dans le désert, les montagnes et les collines sont aplanies, les passages tortueux redressés… La conversion à laquelle exhorte Jean Le Baptiste est bien celle du cœur: les yeux tournés vers le Seigneur, il s’agit de se laisser prendre dans un regard qui renouvelle de l’intérieur.
Mais au-delà du peuple juif dont les expériences sont ici rappelées, il s’agit d’une véritable universalité qui advient avec le Messie: «…et tout homme verra le salut de Dieu.» Un salut décrit comme une libération de tous les hommes par Celui qui vient. Oui, autrefois, c’étaient des cohortes de déportés qui allaient et revenaient d’exil, errant sans repères à travers le désert; aujourd’hui, c’est Dieu lui-même qui vient tracer sa route dans le désert de nos vies individuelles et collectives, avec une différence de taille: désormais, c’est lui qui est le chemin qu’il montre à l’humanité, c’est lui qui dorénavant éclaire notre monde qui vivait dans les ténèbres. Le messie nous introduit dans un monde de lumière et de justice-paix… tel est d’ailleurs entre autres la signification de son nom.

” Que votre amour vous fasse progresser
de plus en plus dans la connaissance vraie
et la parfaite clairvoyance.”

DEUXIEME LECTURE - Philippiens 1, 4-6. 8-11

(du deuxième dimanche de l'Avent)


Frères,

4 chaque fois que je prie pour vous tous,

c'est toujours avec joie,

5 à cause de ce que vous avez fait pour l'Evangile

en communion avec moi,

depuis le premier jour jusqu'à maintenant.

6 Et puisque Dieu a si bien commencé chez vous son travail,

je suis persuadé qu'il le continuera

jusqu'à son achèvement au jour où viendra le Christ Jésus.

8 Dieu est témoin de mon attachement pour vous tous

dans la tendresse du Christ Jésus.

9 Et, dans ma prière,

je demande que votre amour vous fasse progresser de plus en plus

dans la connaissance vraie et la parfaite clairvoyance

10 qui vous feront discerner ce qui est plus important.

Ainsi, dans la droiture,

vous marcherez sans trébucher

vers le jour du Christ ;

11 et vous aurez en plénitude la justice

obtenue grâce à Jésus-Christ

pour la gloire et la louange de Dieu.


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S’il est un caractère que l’on peut lire dans cette lettre de Paul, c’est celui de la joie de l’action de grâce et de la prière. L’Apôtre vient d’être incarcéré pour — soi-disant — trouble à l’ordre public. Notons qu’il devient coutumier du fait, car le pouvoir romain n’apprécie pas trop la ferveur chrétienne des communautés qu’ils fondent à travers tout le pays. Or, c’est donc en prison qu’il décrit cette expression de joie chaque fois qu’il prie pour les chrétiens de Philippes «à cause de ce (qu’ils ont ) fait pour l’Evangile en communion avec (lui), depuis le premier jour jusqu’à maintenant».

Même si les contextes sociopolitiques ne peuvent être comparés point pour point, il est cependant intéressant de noter la similitude de ton entre les deux messages de Baruch et de Paul: le premier prophétise que «… la terre sera aplanie, afin qu'Israël chemine en sécurité dans la gloire de Dieu», le second rassure que «dans la droiture, vous marcherez sans trébucher vers le jour du Christ; (11) et vous aurez en plénitude la justice obtenue grâce à Jésus-Christ pour la gloire et la louange de Dieu» ou encore «à la lumière de sa gloire».


Or, à bien regarder les faits, il n’y a pas de grande différences avec ce que nous vivons aujourd’hui au 21e siècle, et ces paroles de Paul sont d’une actualité frappante: des peuples entiers, dans le monde, n’ont pas encore reçu la Parole de Dieu, ou en sont privés. Informations filtrées et contrôlées, voire même censurées, rassemblements strictement encadrés, manifestations vivantes de la foi interdites ou sèchement réprimées… comme chez les israéliens en exil, ou les jeunes communautés chrétiennes depuis Jérusalem en Palestine jusqu’à Rome en Italie. Oui, sous d’autres formes (certes !) le témoignage de sa foi n’est pas toujours chose facile dans notre monde fait de stéréotypes de «modernité». Cela fait ringard d’aller à la messe, cela fait «has been» de se déclarer chrétien, sous prétexte de laïcité dominante. Les chrétiens sont devenus en quelque sorte des Jérémie du monde moderne ; la crainte gagne, de peur d’être l’objet de la risée des collègues, des voisins… Paul insiste sur la force de la prière, celle qui nous fait communier au projet de Dieu pour les hommes, celle qui nous ancre dans cette espérance active nourrie des promesses du Christ lui-même (pensons aux Béatitudes): «Et, dans ma prière, je demande que votre amour vous fasse progresser de plus en plus dans la connaissance vraie et la parfaite clairvoyance (10) qui vous feront discerner ce qui est plus important».

“Dieu conduira Israël dans la joie, à la lumière de sa gloire“

Chers amis, bonjour !


Voici les références bibliques des textes que la liturgie nous propose en ce deuxième dimanche de l’Avent:

Première lecture : Livre de Baruch 5. 1 à 9: “Dieu conduira Israël dans la joie, à la lumière de sa gloire, lui donnant comme escorte sa miséricorde et sa justice.”

Psaume 125: “Il s’en va, il s’en va en pleurant. Il s’en vient, il s’en vient en chantant“.

Deuxième lecture : Lettre de Saint Paul aux Philippiens 1, 4-6. 8-11:”Que votre amour vous fasse progresser de plus en plus dans la connaissance vraie et la parfaite clairvoyance.”

Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc : 3. 1 à 6: “Tout homme verra le salut de Dieu.”


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• PREMIERE LECTURE - Baruch 5, 1 - 9


1 Jérusalem, quitte ta robe de tristesse et de misère,

et revêts la parure de la gloire de Dieu pour toujours,

2 enveloppe-toi dans le manteau de la justice de Dieu,

mets sur ta tête le diadème de la gloire de l'Eternel.

3 Dieu va déployer ta splendeur partout sous le ciel,

4 car Dieu pour toujours te donnera ces noms :

« Paix-de-la-justice » et « Gloire-de-la-piété-envers-Dieu ».

5 Debout, Jérusalem ! Tiens-toi sur la hauteur,

et regarde vers l'Orient :

vois tes enfants rassemblés du Levant au Couchant

par la parole du Dieu Saint ;

ils se réjouissent parce que Dieu se souvient.

6 Tu les avais vus partir à pied, emmenés par les ennemis,

et Dieu te les ramène, portés en triomphe,

comme sur un trône royal.

7 Car Dieu a décidé

que les hautes montagnes

et les collines éternelles seraient abaissées,

et que les vallées seraient comblées :

ainsi la terre sera aplanie,

afin qu'Israël chemine en sécurité dans la gloire de Dieu.

8 Sur l'ordre de Dieu,

les forêts et leurs arbres odoriférants

donneront à Israël leur ombrage ;

9 car Dieu conduira Israël dans la joie,

à la lumière de sa gloire,

lui donnant comme escorte

sa miséricorde et sa justice.



Avant toute chose, il serait utile de rappeler brièvement la particularité de ce Livre de Baruch. D’après son introduction, il aurait été écrit par son auteur pendant l’exil à Babylone et envoyé aux communautés de Jérusalem pour être lu dans les assemblées liturgiques. D’où son ton d’encouragement ferme et son rappel des espoirs messianiques. Rapportée dans le chapitre 6 de ce Livre, la «Lettre de Jérémie» — ainsi titrée pour ce qu’elle montre la filiation spirituelle de Baruch au Prophète chantre de l’espérance —est une cinglante condamnation de l’idolâtrie qu’il conclut avec cette parole de sagesse et de foi: «… mieux vaut l’homme juste, qui n’a pas d’idoles; c’est lui qui échappe au déshonneur» (6, 72).

Le texte qui nous est proposé en première lecture de ce deuxième dimanche de l’avent est de contrastes tout fait: une Jérusalem dont les effets du climat politique depuis Nabuchodonosor ne se sont jamais déteints ni améliorés pour le peuple juif subissant, les yeux baissés, les affres des injustices du pouvoir politique étranger. Et pourtant, c’est cette Jérusalem (ville de la paix) qui se déploie sur les hauteurs du pays que Baruch exhorte au sursaut: «Debout, Jérusalem! Tiens-toi sur la hauteur, et regarde vers l'Orient: vois tes enfants rassemblés du Levant au Couchant par la parole du Dieu Saint ; ils se réjouissent parce que Dieu se souvient.» Autrement dit: Enfants d’Israël, relevez la tête, ne baissez pas les bras, car Dieu s’est souvenu et a décidé de vous prendre dans sa gloire. Alors, vous tous qui êtes partis au loin, captifs ou exilés, mettez-vous en marche pour converger de partout vers la terre de nos pères, vers le lieu que Dieu s’est choisi; Dieu aplanira le chemin et vous cheminerez en sécurité dans sa gloire.

Une telle exhortation, si vigoureuse et si pleine d’espérance, peut surprendre quand on sait que l’auteur fait référence à des faits qui se sont déroulés il y a bien longtemps. Elle vient même des années après les prophéties d’Isaïe. Et pourtant, c’est là son actualité non seulement pour les juifs de la «diaspora» auxquels elle était adressée en priorité, mais aussi pour nous aujourd’hui. Se relever, c’est ce à quoi nous invitaient les textes de dimanche dernier. Puis, marcher, cheminer sur les routes avec désormais Dieu lui-même en tête du cortège. Le rassemblement des enfants d’Israël indique déjà combien Dieu est au centre d’un projet universel de justice et de paix.

Avec une importance fondamentale de Jérusalem, dont Baruch développe les autre noms messianiques: «Paix-de-la-justice» et «Gloire-de-la-piété-envers-Dieu». Mais Jérusalem, c’est en réalité la ville que Dieu lui-même a choisie comme lieu de ralliement de tous les enfants d’Israël, le lieu qu’il a choisi d’habiter, et c’est là qu’il a ordonné au prophète Gad de demander à David d’y ériger son autel sacré . C’est à Jérusalem que plus tard se jouera le sort de l’humanité… Nous avons ici en écho la prophétie d’Isaïe: «Il arrivera dans l'avenir que la montagne de la Maison du Seigneur sera établie au sommet des montagnes et dominera sur les collines. Toutes les nations y afflueront. Des peuples nombreux se mettront en marche et diront: Venez, montons à la Montagne du Seigneur, à la Maison du Dieu de Jacob...» (Is 2, 2 - 3). Cette vision du peuple libéré n’est pas pur rêve ni pure élucubration mentale. Elle est inscrite dans la chair et dans l’histoire d’un peuple qui a laissé mûrir en son sein, souvent à travers des drames insoupçonnés, cette foi en un Dieu-qui-sauve l’humanité tout entière. C’est en somme ce que nous exprime ce Psaume 125 (126) proposé en méditation:



• PSAUME 125 ( 126 )


1 Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion,

nous étions comme en rêve !

2 Alors notre bouche était pleine de rires,

nous poussions des cris de joie.

Alors on disait parmi les nations :

« Quelles merveilles fait pour eux le Seigneur ! »

3 Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous :

nous étions en grande fête !

4 Ramène, Seigneur, nos captifs,

comme les torrents au désert.

5 Qui sème dans les larmes

moissonne dans la joie.

6 Il s'en va, il s'en va en pleurant,

il jette la semence ;

il s'en vient, il s'en vient dans la joie,

il rapporte les gerbes.