25/02/2010

« Celui-ci est mon Fils, celui que j'ai choisi, écoutez-le. »

Chers amis, bonjour !

L'Evangile de ce deuxième dimanche de carême est extrait de Luc 9, 28-36 :

Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il alla sur la montagne pour prier. Pendant qu'il priait, son visage apparut tout autre, ses vêtements devinrent d'une blancheur éclatante.

Et deux hommes s'entretenaient avec lui: c'étaient Moïse et Élie,

apparus dans la gloire. Ils parlaient de son départ qui allait se réaliser à Jérusalem.

Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ; mais, se réveillant, ils virent la gloire de Jésus, et les deux hommes à ses côtés.

Ces derniers s'en allaient, quand Pierre dit à Jésus: «Maître, il est heureux que nous soyons ici! Dressons donc trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie.» Il ne savait pas ce qu'il disait.

Pierre n'avait pas fini de parler, qu'une nuée survint et les couvrit de son ombre; ils furent saisis de frayeur lorsqu'ils y pénétrèrent.

Et, de la nuée, une voix se fit entendre: «Celui-ci est mon Fils, celui que j'ai choisi, écoutez-le.»

Quand la voix eut retenti, on ne vit plus que Jésus seul. Les disciples gardèrent le silence et, de ce qu'ils avaient vu, ils ne dirent rien à personne à ce moment-là.


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Les places avaient un prix inestimable pour ce spectacle unique et exceptionnel. Surtout lorsque l’on sait que les deux rares justes qui ont été invités à rencontrer le Seigneur sur la Montagne ont sont tous redescendu complètement transformés, non seulement par l’éclat de leur visage et leur peau, mais surtout par la grâce qui les illuminait de l’intérieur. Nous pensons bien sûr à Moïse (Ex 34, 29-30) et Elie (1 R 19, 8... 14). Quelques jours auparavant, répondant aux scribes, Jésus annonçait sa mort et sa résurrection, sa gloire surgissant de sa croix. Mais les disciples eux aussi déroutés par ce discours de plus en plus décalé de leur propre capacités de compréhension et de leurs traditionnelles attentes (un pouvoir, un royaume puissant pour bouter hors du territoire l’occupant romain) commencent à perdre patience. Et Jésus de lever pour trois d’entre eux - Pierre, Jean et Jacques - un coin du voile pour leur faire voir de leur propre yeux cette gloire dont il parle sans cesse, cette récompense qu’il promet à ceux qui croient en lui et font la volonté de son Père. Mais il faut noter qu’il ne s’agit pas d’un spectacle direct. Non! Jésus les invite à aller sur la montagne pour prier. Or nous savons que chaque fois que Jésus se retire, c’est pour prier, pour entrer dans une relation intime avec son Père. C’est donc la prière qui transfigure, renouvelle…


«Et, de la nuée, une voix se fit entendre : “Celui-ci est mon Fils, celui que j'ai choisi, écoutez-le“». Pierre, Jean et Jacques ne voient pas Dieu le Père «de visu» ; son éclat est si éblouissant qu’ils de peuvent le fixer… mais ils voient une nuée et entendent une voix leur dire le mystère de l’alliance scellée avec les hommes. Jésus est son Fils, c’est lui qui l’a choisi et il nous supplie en quelque sorte de l’écouter et de lui faire confiance. Face à la cécité de l’homme devant le projet divin, le rappel vient du «sommet» puisque Dieu le Père lui-même s’implique à travers cette manifestation. Alors, la réaction primaire de Pierre ne nous étonne pas ; il en oublie même ses amis qui sont restés dans la vallée à attendre le retour du Maître : «Maître, il est heureux que nous soyons ici! Dressons donc trois tentes: une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie.» Il n’a pas compris que le projet de Dieu ne se limite pas à quelques privilégiés, mais qu’il est ouvert à l’universalité, qu’il est porter et annoncer à tous les hommes de par le monde… Il ne s’agit pas non plus de s’installer, car la foi doit rester agissante et ne pas se laisser scléroser dans quelque confort que ce soit. «Citoyen des cieux», il nous demandé de «bouger», de nous mettre en route, de marcher sur les traces du Christ et de porter auprès de nos frères de toutes races et de toutes nations cette alerte du Père… en quelque sorte des pèlerins annonciateurs de la Bonne Nouvelle: “Celui-ci est mon Fils, celui que j'ai choisi, écoutez-le“».

Nous sommes des « citoyens des cieux »
et le Christ nous transfigurera…

Bonjour,


La seconde lecture de ce deuxième dimanche de carême est extraite de la lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens (Ph 3, 17-21; 4, 1)

Frères, prenez-moi tous pour modèle, et regardez bien ceux qui vivent selon l'exemple que nous vous donnons.

Car je vous l'ai souvent dit, et maintenant je le redis en pleurant : beaucoup de gens vivent en ennemis de la croix du Christ.

Ils vont tous à leur perte. Leur dieu, c'est leur ventre, et ils mettent leur gloire dans ce qui fait leur honte ; ils ne tendent que vers les choses de la terre.

Mais nous, nous sommes citoyens des cieux ; c'est à ce titre que nous attendons comme sauveur le Seigneur Jésus Christ,

lui qui transformera nos pauvres corps à l'image de son corps glorieux, avec la puissance qui le rend capable aussi de tout dominer.

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Le Christ, par sa mort et sa résurrection, a édicté une loi nouvelle, celle de l’alliance qu’il a scellée avec l’humanité tout entière. La vraie voie du salut chrétien, l’apôtre Paul en fait une profession de foi en ses termes: «Pour lui (le Christ) j’ai accepté de tout perdre, je regarde tout comme déchets, afin de gagner le Christ, et d’être trouvé en lui, n’ayant plus ma justice à moi, celle qui vient de la Loi, mais la justice par la foi au Christ, celle qui vient de Dieu et s’appuie sur la foi ; le connaître, lui, avec la puissance de sa résurrection et la communion à ses souffrances, lui devenir conformes dans la mort, afin de parvenir si possible à ressusciter d’entre les morts» (Ph 2, 8-11). Dès lors, on saisit la mesure de son exhortation à dépasser le seul cadre l’ancienne loi juive qui ne se réduit qu’aux observances alimentaires si prégnantes dans la religion juive. Pour beaucoup de gens, en effet, c’est-à-dire ceux qui se refusent suivre le Christ, «leur dieu, c’est leur ventre, et ils mettent leur gloire dans ce qui fait leur honte; ils ne tendent que vers les choses de la terre.» Face à cette attitude, Paul répète inlassablement que les vrais chrétiens, les «parfaits» (c’est-à-dire déjà formés) et dont les apôtres et lui-même sont les exemples, sont ceux qui pensent et agissent comme eux à la suite du Christ.


Cet extrait de Paul, replacé dans son contexte, revêt une actualité saisissante dans notre monde d’aujourd’hui: de toute part, en effet, nous sommes inondés d’informations controversées relatives à notre foi chrétienne, à l’existence de Dieu, à la réalité et à l’utilité sociale et politique de l’Eglise, etc. A coup d’arguments prétendument scientifiques (comme si cette seule labellisation suffisait à emporter notre adhésion), on sème en nous le trouble et le doute en opposant à certaines traditions et découvertes techniques et scientifiques la loi de la nouvelle alliance en Jésus-Christ. C’est pourquoi l’Apôtre Paul réaffirme sans aucun détour: «Prenez garde aux chiens ! Prenez garde aux mauvais ouvriers ! Prenez garde aux faux circoncis!» (3,2). Ne vous y trompez pas : Christ a vécu parmi nous, prenant notre condition humaine excepté le péché, il a souffert sa passion, il est mort et ressuscité le troisième jour,il est apparu à ses apôtres dont certains sont encore en vie, il s’est manifesté visiblement à plusieurs personnes qui peuvent en faire le témoignage, et nous attendons qu’il revienne dans sa gloire. C’est cela, le plus important, et toute personne qui professe cela et le met en pratique en plaçant le Christ au centre de sa vie est digne d’être appelée « citoyen des cieux».

La fidélité d'Abraham à la promesse de Dieu

Chers amis, bonjour !


Voici les références bibliques des lectures que la liturgie nous propose en ce deuxième dimanche de carême:

Lecture du livre de la Genèse: 5. 12 à 18: "Le Seigneur parlait à Abraham dans une vision."

Psaume 26: "C'est ta face, Seigneur que je cherche."

Lettre de saint Paul aux Philippiens: 3. 17 à 4. 1: "Nous sommes citoyens des cieux... nous attendons comme sauveur le Seigneur Jésus-Christ."

Évangile selon saint Luc: 9. 28 à 36: "Son visage apparut tout autre, ses vêtements devinrent d'une blancheur éclatante."


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1ère lecture : L'Alliance de Dieu avec Abraham (Gn 15, 5-12.17-18a)


Le Seigneur parlait à Abraham dans une vision. Puis il le fit sortir et lui dit: «Regarde le ciel, et compte les étoiles, si tu le peux.. » Et il déclara: «Vois quelle descendance tu auras!»

Abraham eut foi dans le Seigneur et le Seigneur estima qu'il était juste.

Puis il dit: «Je suis le Seigneur, qui t'ai fait sortir d'Our en Chaldée pour te mettre en possession de ce pays.»

Abraham répondit: «Seigneur mon Dieu, comment vais-je savoir que j'en ai la possession?»

Le Seigneur lui dit: «Prends-moi une génisse de trois ans, une chèvre de trois ans, un bélier de trois ans, une tourterelle et une jeune colombe.»

Abraham prit tous ces animaux, les partagea en deux, et plaça chaque moitié en face de l'autre; mais il ne partagea pas les oiseaux.

Comme les rapaces descendaient sur les morceaux, Abraham les écarta.

Au coucher du soleil, un sommeil mystérieux s'empara d'Abraham, une sombre et profonde frayeur le saisit.

Le Seigneur parlait à Abraham dans une vision. Puis il le fit sortir et lui dit: «Regarde le ciel, et compte les étoiles, si tu le peux... » Et il déclara: «Vois quelle descendance tu auras!»

Après le coucher du soleil, il y eut des ténèbres épaisses. Alors un brasier fumant et une torche enflammée passèrent entre les quartiers d'animaux.

Ce jour-là, le Seigneur conclut une Alliance avec Abraham en ces termes: «A ta descendance je donne le pays que voici.»


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Dimanche dernier, comme autrefois le peuple de Dieu dans le désert éprouvé dans sa marche vers la Terre Promise, comme ce même peuple allant et revenant de ses nombreux exodes, le Christ nous a interpellés pour tenir ferme dans les tentations de consommation excessive, de pouvoirs tyranniques et d’idolâtries de toutes sortes… des tentations de notre temps. Déjà, Abraham nous a été présenté comme la référence de l’homme reconnaissant à l’égard du Dieu qui a libéré son peuple: «…Par la force de sa main et la vigueur de son bras, par des actions terrifiantes, des signes et des prodiges».

Dans la première lecture de ce deuxième dimanche de carême, nous découvrons un autre aspect du cheminement d’Abraham dans sa foi et sa relation à Dieu. Pour la première fois, en effet, Abraham répond à Dieu pour lui exprimer son inquiétude profonde: «Mon Seigneur Yavhé, que me donnerais-tu ? Je m’en vais sans enfant… Voici que tu ne m’as pas donné de descendance et qu’un des gens de ma maison héritera de moi». Le verset 3 de ce texte en donne le sens général, car la réponse de Dieu est claire et nette: «Celui-ci ne sera pas ton héritier, mais bien quelqu’un issu de ton sang». Nous découvrons alors la foi d’Abraham, une foi qui est en réalité une confiance sans limite en une promesse humainement irréalisable. Dieu le récompense de son acte de foi et le compte parmi les «justes», c’est-à-dire de ceux qui sont droits et qui lui sont soumis. Plus tard, l’apôtre Paul stigmatisera cette attitude d’Abraham comme caractéristique du vrai croyant: la justification par la foi et non pas par les œuvres [Nous savons le décalage des positions des apôtres Paul et Jacques sur ce point. Mais sur le fond, tous deux s’accordent à admettre que la foi ne doit pas être «morte», mais qu’elle doit plutôt « être » active et visible dans ses œuvres].

Par ailleurs, Dieu s’inscrit dans une démarche pédagogique qui puise dans les traditions en vigueur. Le rite d’alliance auquel il soumet Abraham emprunte beaucoup à ce qui se faisait à l’époque, rite que le prophète Jérémie reprendra dans «l’affaire de la libération des esclaves» (Jr 34, 18) : les contractants passaient entre les chairs sanglantes et appelaient sur eux-mêmes le sort qui avait été fait aux animaux (chèvre, bélier, tourterelle et pigeonneau) s’ils transgressaient leurs engagements. Or, ici, ce n’est pas Abraham qui passe entre les quartiers d’animaux, mais deux symboles divins: la lumière et le feu (rappelons-nous le «buisson ardent» et la «colonne de feu» sur le Sinaï, signes de la présence de Dieu face à Moïse). Oui, c’est Dieu lui-même qui prend l’initiative de l’alliance avec Abraham qu’il plonge dans un profonds sommeil, comme jadis Adam, pour accomplir un acte si fondamental, un acte dont lui seul a la puissance. C’est toujours ainsi lorsque Dieu fait œuvre de création: c’est lui le Maître de tout. Devant l’inquiétude d’Abraham, Dieu ne demande rien d’autre que la foi, car tout lui donné gratuitement: «Regarde le ciel, et compte les étoiles, si tu le peux... » Et il déclara : « Vois quelle descendance tu auras!» […] :«A ta descendance je donne le pays que voici.» Une terre et une innombrable descendance: non seulement Dieu arrache Abraham de l’errance, mais de plus il lui fait la promesse d’une foi partagée universellement, c’est-à-dire bien au-delà du seul peuple d’Israël. «Abraham eut foi dans le Seigneur et le Seigneur estima qu'il était juste» (celui- qui fait la volonté de Dieu). Autrement dit, la foi qui fait irruption dans l’histoire de l’humanité place l’homme dans une tension (au sens de «tendre») confiance solidement affirmée dans l’instant présent et dans la durée… Croire, c’est tenir ferme quels que soient les embûches, quelles que soient les difficultés du chemin. Mais la joie est là, l’enthousiasme aussi de vivre de cette espérance d’un Dieu désormais présent dans notre vie, un Dieu qui fait œuvre de libération. Moïse rappellera sans cesse le fondement de l’alliance que Dieu avait pris l’initiative de sceller avec son peuple; le fameux «Shema, Israël» rappelle le passé (car l’homme est souvent amnésique) et nourrit le présent tout autant qu’il irrigue l’avenir de l‘humanité tout entière: «…Tu es un peuple consacré au Seigneur ton Dieu : c’est toi qu’il a choisi pour être son peuple particulier, parmi tous les peuples de la terre. C’est par amour pour vous, et par fidélité au serment fait à vos pères, que le Seigneur vous a fait sortir par la force de sa main, et vous a délivrés de la maison d’esclavage et de la main de Pharaon, roi d’Égypte. Vous saurez donc que le Seigneur votre Dieu est le vrai Dieu, le Dieu fidèle qui garde son Alliance et son amour pour mille générations à ceux qui l’aiment et gardent ses commandements» (Dt 7, 6. 8-9). Le cheminement d’Abraham nous est donné en exemple pour nous éveiller à la lumière de la foi par le feu de l’Esprit de Dieu.

Cette confiance absolue dans ce Dieu qui sauve et qui ibère transparaît dans le Psaume 26 qui nous est proposé en méditation: «Le Seigneur est ma lumière et mon salut, de qui aurais-je crainte? Le Seigneur est le rempart de ma vie, devant qui tremblerais-je? … C’est ta face, Seigneur, que je cherche : ne me cache pas ta face… J’en suis sûr, je verrai les bontés du Seigneur sur la terre des vivants».


Aujourd’hui, le GPS permet de localiser toute personne en tout lieu et tout temps (à condition que le lieu soit répertorié dans une base de données régulièrement mise à jour). Avec la webcam, nous apprécions de dialoguer et de visualiser notre interlocuteur à distance. Chose également possible avec certains téléphones portables. Nous savons donc tous combien il est important de localiser la personne avec laquelle on échange. L’entendre seulement ne suffit plus, la voir en plus est hautement appréciable. Il en est de même de notre relation à Dieu dont le psalmiste dit «rechercher la face». Les exemples sont nombreux dans la bible dépeignant Dieu en courroux contre son peuple et détournant de lui sa face comme pour le punir de son infidélité et de son incrédulité. Il en faisait de même, pendant les guerres, lorsqu’il baissait son bras fort et puissant. Mais pouvons-vous concrètement voir Dieu avec nos yeux d’humains ? Nous connaissons tous cette merveilleuse scène où Moïse supplie Dieu de lui faire voir sa face. Le Seigneur lui répondit: «Tu ne peux pas voir ma face, car l'homme ne saurait me voir et vivre... Voici un lieu près de moi. Tu te tiendras sur le rocher. Alors, quand passera ma gloire, je te mettrai dans le creux du rocher et, de ma main, je t'abriterai tant que je passerai. Puis, j'écarterai ma main et tu me verras de dos ; mais ma face, on ne peut la voir» (Ex 33, 18... 23). Oui ! Dieu apparaît dans la nuée et manifeste sa présence par bien d’autres signes. Il nous parle comme à Moïse, mais nous ne pouvons voir sa face. Et pourtant, il est si inaccessible et proche à la fois. Créés à son image, nous sommes le visage de Dieu lorsque nous sommes des hommes justes, c’est-à-dire des croyants qui ont mis en lui leur confiance, des artisans de la foi qui se plaisent à faire sa volonté. C’est alors que tout est possible pour ceux dont l’espérance et le courage permet de clamer: «J’en suis sûr, je verrai les bontés du Seigneur sur la terre des vivants», autrement dit des ressuscités. Car le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob est le Dieu des vivants et non des morts. La mort, vaincue par le Christ ressuscité, nous ouvre les portes de la gloire de Dieu que nous pourrons alors voir face à face…


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Psaume : Ps 26 - 1, 7-8, 9abcd, 13-14


Le Seigneur est ma lumière et mon salut,

de qui aurais-je crainte ?

Le Seigneur est le rempart de ma vie,

devant qui tremblerais-je ?

Écoute, Seigneur, je t’appelle !

Pitié ! Réponds-moi !

Mon cœur m’a redit ta parole :

« Cherchez ma face. »

C’est ta face, Seigneur, que je cherche :

ne me cache pas ta face.

N’écarte pas ton serviteur avec colère,

tu restes mon secours.

J’en suis sûr, je verrai les bontés du Seigneur

sur la terre des vivants.

« Espère le Seigneur, sois fort et prends courage ;

espère le Seigneur. »


19/02/2010

La tentation de Jésus

Chers amis, bonjour !

• Evangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 4, 1-13)


Après son baptême, Jésus, rempli de l"Esprit Saint, quitta les bords du Jourdain ; il fut conduit par l"Esprit à travers le désert où, pendant quarante jours, il fut mis à l'épreuve par le démon. Il ne mangea rien durant ces jours-là, et, quand ce temps fut écoulé, il eut faim.

Le démon lui dit alors: «Si tu es le Fils de Dieu, ordonne à cette pierre de devenir du pain.»

Jésus répondit: «Il est écrit : Ce n'est pas seulement de pain que l'homme doit vivre.»

Le démon l'emmena alors plus haut, et lui fit voir d'un seul regard tous les royaumes de la terre.

Il lui dit: «Je te donnerai tout ce pouvoir, et la gloire de ces royaumes, car cela m'appartient et je le donne à qui je veux.

Toi donc, si tu te prosternes devant moi, tu auras tout cela.»

Jésus lui répondit: «Il est écrit : Tu te prosterneras devant le Seigneur ton Dieu, et c'est lui seul que tu adoreras.»

Puis le démon le conduisit à Jérusalem, il le plaça au sommet du Temple et lui dit: «Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas;

car il est écrit : Il donnera pour toi à ses anges l'ordre de te garder;

et encore: Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre.»

Jésus répondit: «Il est dit : Tu ne mettras pas à l'épreuve le Seigneur ton Dieu.»

Ayant ainsi épuisé toutes les formes de tentations, le démon s'éloigna de Jésus jusqu'au moment fixé.

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Il est très intéressant de rapprocher cet évangile du psaume qui le précède dans la liturgie de ce dimanche : «Quand je me tiens sous l’abri du Très-Haut et repose à l’ombre du Puissant, je dis au Seigneur: mon refuge, mon rempart, mon Dieu dont je suis sûr.» C’est très exactement l’attitude du Christ, au seuil de sa vie publique : il se tient tout simplement à l’ombre du Très-Haut.


Trois tentations du «diabolos» (le diviseur) face auxquelles se manifeste la posture du Christ face à son Père : satisfaire la faim immédiate, adorer Satan pour réaliser tous ses projets et enfin se faire aider par lui en situation de péril.

A la première tentation, Jésus réplique: «Il est écrit: Ce n’est pas seulement de pain que l’homme doit vivre.» Le peuple juif a connu la faim, le dénuement et d’autres épreuves encore dans le désert où Dieu les avait mis à l’épreuve et leur avait manifesté sa miséricorde et sa présence agissante. Il sait que seul Dieu peut véritablement les combler, les rassasier de toutes les faims. Jésus lui-même l’enseignera à ses disciples dans la prière qu’il leur apprendra: «… Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour…», car c’est Dieu qui est la véritable nourriture, le Pain de vie.

La seconde tentation a trait au pouvoir, à la possession, à la volonté de puissance: «Je te donnerai tout ce pouvoir, et la gloire de ces royaumes, car cela m'appartient et je le donne à qui je veux. Toi donc, si tu te prosternes devant moi, tu auras tout cela.» Jésus ne s’exécute pas car son Père qui est dans les cieux a pouvoir sur tout, puisqu’il est le Créateur de tout ce qui existe, que cela appartienne au monde visible ou invisible. Et lui, le Fils de Dieu ne peut se prosterner devant une simple créature: «Il est écrit: Tu te prosterneras devant le Seigneur ton Dieu, et c'est lui seul que tu adoreras.» C’est ce que Moïse rappelle au peuple juif dans l’extrait du Deutéronome que la liturgie de ce dimanche nous propose comme première lecture.

Enfin, la troisième tentation touche à la confiance. «Mets en moi ta confiance et je t’aiderai jusques dans les situations les plus périlleuses», c’est en substance ce que dit Satan à Jésus en le flattant malicieusement: «Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit: Il donnera pour toi à ses anges l’ordre de te garder; et encore: Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre.» Et Jésus de lui répondre: «Il est dit: Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu.»

Au fond, par ces trois tentations, Satan vise uniquement à diviser, à séparer Jésus de son Père. Or il lui reste fidèle contre toute épreuve et les paroles qu’il réplique à Satan sont puisées (justement) dans le Deutéronome, le Livre qui retrace l’expérience de la puissance et de la fidélité de l’amour de Dieu envers son peuple dans son exode vers la terre promise. De plus, Jésus sort de son baptême rempli de l'Esprit-Saint. Et pourtant (on pourrait même dire justement) le démon le tente à ce moment-là… C'est dire que nous aussi, dans notre vie de baptisés, nous nous ne sommes pas à l'abri des tentations de toutes sortes, celles qui sont évidentes et celles qui ne le sont pas parce que enrobées de malices et de perfidie. Il s'agit donc de rester solidement dans la confiance de notre Dieu et sous la protection de ses ailes. Notre salut est à ce prix…


Bonjour !

Voici les références bibliques des textes que la liturgie de ce premier dimanche de carême nous propose:

• Livre du Deutéronome: 26. 4 à 10 : "Mon père était un araméen errant ..."

• Psaume 90: "Mon rempart, c'est mon Dieu dont je suis sûr."

• Lettre de saint Paul aux Romains. 10. 8 à 13 : "Aucun de ceux qui croient n'auront à le regretter."

• Evangile selon saint Luc.4. 1 à 13: "Il fut mis à l'épreuve."


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• 1ère lecture : La profession de foi du peuple d'Israël (Dt 26, 4-10)


Moïse disait au peuple d'Israël : Lorsque tu présenteras les prémices de tes récoltes, le prêtre recevra de tes mains la corbeille et la déposera devant l'autel du Seigneur ton Dieu.

Tu prononceras ces paroles devant le Seigneur ton Dieu: « Mon père était un Araméen vagabond, qui descendit en Égypte : il y vécut en immigré avec son petit clan. C'est là qu'il est devenu une grande nation, puissante et nombreuse.

Les Égyptiens nous ont maltraités, et réduits à la pauvreté ; ils nous ont imposé un dur esclavage.

Nous avons crié vers le Seigneur, le Dieu de nos pères. Il a entendu notre voix, il a vu que nous étions pauvres, malheureux, opprimés.

Le Seigneur nous a fait sortir d'Égypte par la force de sa main et la vigueur de son bras, par des actions terrifiantes, des signes et des prodiges.

Il nous a conduits dans ce lieu et nous a donné ce pays, un pays ruisselant de lait et de miel.

Et voici maintenant que j'apporte les prémices des produits du sol que tu m'as donné, Seigneur. »


Dans le Deutéronome, le cinquième livre de Moïse, la formule introductive « voici la loi » inaugure la section centrale qui regroupe les éléments essentiels du schéma d'alliance. La « loi » que Yavhé donne à son peuple par les mains de Moïse déborde du seul cadre contractuel de l’obéissance ; dans son sens original, la «torah» signifie également «instruction», «enseignement», c’est-à-dire une vérité gardée dans le cœur (devoir de mémoire), mise en pratique et inculquée aux enfants (devoir d’éducation).

Dans l’épisode de l’arche d’alliance et du choix de Lévi (Dt 10, 4-5), Moïse rapporte: «Il (Yavhé) écrivit sur les tables, comme la première fois, les dix Paroles que Yavhé vous avait dites sur la montagne, du milieu du feu, au jour de l’Assemblée. Puis Yavhé me les donna. Je redescendis de la montagne, je mis les tables dans l’arche que j’avais faite et elles y restèrent, comme Yavhé me l’avait demandé.» Et plus loin, ce que Moïse appelle «la circoncision du cœur» n’est autre qu’une exhortation à la crainte de Dieu: «Et maintenant, Israël, que te demande Yavhé ton Dieu ? Sinon de craindre Yavhé ton Dieu , de suivre toutes ses voies, de l’aimer, de servir Yavhé de tout ton cœur et de toute ton âme, de garder les commandements de Yavhé et ses lois que je te prescris aujourd’hui pour ton bonheur…» (Dt 10, 12-13). Cette thématique sera reprise plus tard par Isaïe (66, 1-2) et Jérémie (4, 4 et sq). La circoncision, signe d’appartenance au peuple de Yavhé, est ici poussée jusqu’à atteindre les facultés spirituelles, le cœur.

Oui, la loi du Seigneur est le délice de ceux qui mettent en lui — et en lui seul — leur confiance: «Tu n'auras pas d'autres dieux que moi.» (Ex 20, 2) C’est le message fondamental de ce texte. Ne jamais oublier les œuvres de Yavhé pour son peuple au long de sa marche dans le désert, cet espace dans lequel il n’a cessé de le mettre à l’épreuve, de l’éduquer, de le relever lorsqu’il tombait, de lui redonner vie lorsqu’il perdait espoir… Et, des merveilles, il en a faites pour leur prouver sa puissance, sa grandeur et sa miséricorde. De tout cela, les enfants d’Israël doivent se souvenir face à l’idolâtrie et divers autres cultes païens qu’ils vont affronter à travers leur cohabitation avec les autres peuples restés en Israël. D’où cette exhortation à l’action de grâce, non pas au dieu Baal, mais à Yahé seul, le vrai Dieu. Rappelons-nous que nous sommes dans des terres plutôt désertiques où, pour les connaisseurs, la qualité des premiers fruits de la terre (plantes et céréales) préfigurent celle de l’ensemble des récoltes à venir. Ce sont ces premiers fruits que traditionnellement les populations offraient aux idôles, pour ce qui concerne les autres peuples, et au Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, pour ce qui concerne le peuple d’Israël.

Dans le contexte de l’Alliance, il est rappelé que tout l’univers est appelé à rendre gloire à Dieu qui est le créateur de toutes choses (1). De même que les prémices de l’homme et des animaux appartiennent intégralement à Dieu, celles des produits du sol doivent également lui être consacrées. Cette profession de foi perpétue activement le souvenir de l’élection divine, de la délivrance d’Egypte et du don de la Terre promise. Mais cela suppose de se placer sous la protection du Dieu qui a manifesté sa puissance et sa miséricorde en sortant son peuple des griffes du Pharaon.


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(1) - Il est intéressant de noter l’explication particulière que livre Joseph Auneau (bibliste, spécialiste de l’Ancien Testament) dans un article (« Le Pentateuque : 5. Le Deutéronome et la constitution du Pentateuque « ) : Le Deutéronome, « ce sont les paroles que Moïse a dites à tout le peuple d’Israël, au premier jour du onzième mois de la quarantième année, après la sortie d’Égypte des enfants d’Israël. Ce livre est le cinquième et dernier livre de Moïse. Le chiffre 4 caractérise la terre et la créature, en contraste avec le Créateur ; il implique donc la faiblesse, l’épreuve, l’expérience, ce qui chez l’homme, est toujours lié à la défaillance. Tel est le caractère du quatrième livre de Moïse, le livre des Nombres. Le chiffre 5 est formé de 4+1 : le chiffre de la créature (4), associé au chiffre du Créateur Tout-puissant (1). L’homme, soutenu et contrôlé par le Créateur (1), comme la main d’un homme le présente si nettement : 4 doigts en face du pouce ; l’homme sous le gouvernement de Dieu. Tout ceci est caractéristique du cinquième et dernier livre de Moïse (le Deutéronome».

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• Psaume : Ps 90, 1-2, 10-11, 12-13, 14-15ab


Quand je me tiens sous l'abri du Très Haut

et repose à l'ombre du Puissant

Je dis au Seigneur: " Mon Refuge

mon Rempart, mon Dieu, dont je suis sûr !"

Le malheur ne pourra te toucher

ni le danger approcher de ta demeure

Il donne mission à Ses anges

de te garder sur tous tes chemins

Ils te porteront sur leurs mains

pour que ton pied ne heurte les pierres

tu marcheras sur la vipère et le scorpion

tu écraseras le lion et le dragon

"Puisqu'il s'attache à Moi, Je le délivre

Je le défends car il connaît Mon Nom

il m'appelle et Moi Je lui réponds

Je suis avec lui dans son épreuve "


Dans son intégralité, ce psaume laisse entendre trois voix distinctes : Israël, les prêtres du Temple et Dieu lui-même présentés par ses quatre noms (Le Très-Haut, le Puissant, le Seigneur, puis Dieu). Dieu, présenté ici par le psalmiste comme une forteresse sûre: «L'abri du Très-Haut, l'ombre du Puissant, Mon refuge, mon rempart, mon Dieu, dont je suis sûr!»… Des ailes qui protègent, des ailes dont l’ombre agissante couvre ceux qui se laissent prendre par cette présence divine. Car en effet, non seulement sous la protection du Seigneur la victoire sur le mal est assurée, mais de plus cette victoire est permanente, signe de la fidélité de Dieu à son peuple. Israël en a fait l’expérience dans le désert, il sait que le Seigneur a toujours été à ses côtés dans l’épreuve.

Pour notre entrée en carême, ce psaume tombe à propos: le Seigneur est avec nous dans ce long cheminement vers la lumière pascale, il est avec nous au milieu des tentations de toutes sortes. Avec lui nulle crainte… telle est notre profession de foi, celle de tous ceux, juifs et païens confondus, qui confessent que «Jésus-Christ est Seigneur», que «Dieu l’a ressuscité d’entre les morts». L’apôtre Paul nous le répète dans sa Lettre aux Romains ci-après : L’essentiel, c’est la foi en Jésus-Christ qui unit juifs et païens: «tous ont le même Seigneur, généreux envers tous ceux qui l'invoquent», car le salut est donné gratuitement par Dieu aux hommes qui l’accueillent dans la foi profondément et librement.

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• 2ème lecture : Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains (Rm 10, 8-13)


Frère, nous lisons dans l'Ecriture : La Parole est près de toi, elle est dans ta bouche et dans ton cœur. Cette Parole, c'est le message de la foi que nous proclamons.

Donc, si tu affirmes de ta bouche que Jésus est Seigneur, si tu crois dans ton cœur que Dieu l'a ressuscité d'entre les morts, alors tu seras sauvé.

Celui qui croit du fond de son cœur devient juste ; celui qui, de sa bouche, affirme sa foi parvient au salut.

En effet, l'Écriture dit : Lors du jugement, aucun de ceux qui croient en lui n'aura à le regretter.

Ainsi, entre les Juifs et les païens, il n'y a pas de différence : tous ont le même Seigneur, généreux envers tous ceux qui l'invoquent.

Il est écrit en effet, tous ceux qui invoqueront le nom du Seigneur seront sauvés.

Nous sommes entrés en carême…

Chers amis, bonjour !

Nous voici dans le temps de Carême. Et chaque année, dans les lectures des deux premiers dimanches, la liturgie nous propose deux moments dans cette marche et de pénitence qui nous conduit vers la lumière pascale la Tentation du Christ et sa Transfiguration, c’est-à-dire la glorification de sa véritable personnalité à la fois pleinement humaine et divine. Qu’il nous souvienne que dans la prière qu’il nous a lui-même enseignée, le Christ nous apprend à demander la libération, l’affranchissement à toute tentation contraire à la manifestation de l’amour de Dieu pour les hommes: «… Et ne nous soumets pas à la tentation, mais délivre-nous du mal». Puis ,les trois autres dimanches, nous lisons des textes dont la finalité pédagogique est l’initiation au salut à travers les sacrements, au premier rang desquels le baptême, notre baptême.

Entrer en carême, c’est refaire à notre échelle personnelle, l’expérience du salut et de son histoire. Christ lui-même nous en a montré l’exemple en assumant toute la condition humaine. Mais lui s’est placé solidement et sans compromis sous la protection de son Père en qui il a placé toute sa confiance. D’ailleurs, le Père le lui rendra lorsque, de la nuée, sa voix se fit entendre: «Celui-ci est mon Fils, celui que j'ai choisi, écoutez-le.»

Entrer en carême, c’est regarder devant en se nourrissant de l’exemple de Christ lui-même, mais en traduisant sans cesse dans notre actualité cette formidable expérience du peuple d’Israël dans sa marche dans le désert vers la Terre promise. Les prémices des produits du sol et du travail des hommes sont les fruits de ce monde nouveau auquel le Christ nous a préparés par sa passion et sa résurrection.

Suivre le Christ, c’est donc s’engager dans une expérience de libération: «Je suis le Chemin, la Vérité, la Vie», a-t-il dit (Jean 14. 6). C’est dire que chaque fois que nous traduisons dans notre vie la Parole qu’il nous a laissée, nous demeurons dans la vérité qui donne la vie. C’est alors que nous réaliserons que notre salut passe par une profonde connaissance (au sens de «naître avec») du Christ.


12/02/2010

"Heureux, heureux, heureux…"

Chers amis, bonjour !


En ce sixième dimanche du temps ordinaire, la liturgie nous propose trois lectures tirées du Prophète Jérémie (17, 5-8), de l’apôtre Paul (1 Corinthiens 15, 12-20). Le psaume de méditation est le Ps 1 et l’Evangile extrait de Luc (6, 17-26).


• Première lecture - Jérémie 17 , 5 - 8


5 Parole du Seigneur.

Maudit soit l'homme qui met sa confiance dans un mortel,

qui s'appuie sur un être de chair,

tandis que son cœur se détourne du Seigneur.

6 Il sera comme un buisson sur une terre désolée,

il ne verra pas venir le bonheur.

Il aura pour demeure les lieux arides du désert,

une terre salée et inhabitable.

7 Béni soit l'homme qui met sa confiance dans le Seigneur,

dont le Seigneur est l'espoir.

8 Il sera comme un arbre planté au bord des eaux,

qui étend ses racines vers le courant :

il ne craint pas la chaleur quand elle vient,

et son feuillage reste vert ;

il ne redoute pas une année de sécheresse,

car elle ne l'empêche pas de porter du fruit.

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Comme toujours lorsqu’un prophète veut faire une annonce importante, il emploie la formule «parole du Seigneur». Ceci pour attirer l’attention de ses compatriotes, une sorte de sonnette d’alarme. Ici, dans ce texte, Jérémie oppose crucialement ceux qui mettent leur confiance dans des êtres de chair (mortels) à ceux qui se confient au Seigneur. Malédiction et remontrance pour les premiers et bénédiction et encouragement pour les seconds. Non pas que le prophète interdise de se soutenir les uns les autres… mais plutôt il met en garde ceux qui font alliance avec les hommes perfides qui installent de nouveaux dieux dans le royaume et fondent leur foi dans des choses périssables. Ceux-là s’éloignent de Dieu qui est la source de vie. En pays de sécheresse, l’image est belle de cet arbre planté au bord des eaux et qui garde son feuillage vert parce que ses racines s’étendent vers le courant.

Non seulement l’idolâtrie fait rage dans tout le pays, signe d’un peuple qui s’est éloigné du Dieu de l’Alliance véritable, mais en plus l’oracle de Jérémie est sans ambiguïté: «Ils abandonnent leur source d'eau vive, qui est le Seigneur» (Jr 17, 13). Et déjà au chapitre 2: «Il est double, le méfait commis par mon peuple : ils m'abandonnent, moi, la source d'eau vive, pour se creuser des citernes, des citernes fissurées qui ne retiennent pas l'eau.» (Jr 2, 13). Oui, qui s’éloigne du Seigneur connaîtra la sécheresse et ne connaîtra point le bonheur… Il ne portera pas non plus de fruit, c’est-à-dire qu’il ne pourra se reproduire, personne ne pouvant se nourrir de ses richesses. A plusieurs endroits, nos retrouverons dans l’Evangile cette image de Jésus «source d’eau vive», au sens de l’eau qui donne vie… particulièrement dans ce fabuleux échange avec la samaritaine (Jn 4, 10-15): «Jésus lui répondit (à la samaritaine): ''Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dit: 'Donne-moi à boire', c'est toi qui aurais demandé et il t'aurait donné de l'eau vive.''La femme lui dit: ''Seigneur, tu n'as même pas un seau et le puits est profond; d'où la tiens-tu donc cette eau vive? Serais-tu plus grand, toi, que notre père Jacob qui nous a donné le puits et qui, lui-même, y a bu ainsi que ses fils et ses bêtes?'' Jésus lui répondit: ''Quiconque boit de cette eau-ci aura encore soif; mais celui qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif; au contraire, l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source jaillissant en vie éternelle.'' La femme lui dit: ''Seigneur, donne-moi cette eau pour que je n'aie plus soif et que je n'aie plus à venir puiser ici.''

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Le psaume que la liturgie nous propose pour prolonger la méditation de ce texte de Jérémie est le Psaume 1, c’est-à-dire le premier de tous les psaumes. Un psaume qui n’est pas introductif que pour la forme: ce psaume nous livre la clé de lecture de tous les autres psaumes. Dans le texte de Jérémie, il est fait opposition entre le «maudit» (male-dicere) et le béni (bene-dicere). En effet, maudire signifie dire du mal, et bénir, dire du bien. L’homme du bien est celui qui se ressource en Dieu, celui qui chaque jour «dit le bien» de Dieu, c’est-à-dire sa louange… et c’est cela qui fait son bonheur. Oui, cette exaltation à la félicité est affichée dès la première ligne de notre psaume comme pour signifier qu’elle est inscrite dans le projet de Dieu pour l’homme et l’humanité tout entière. Dieu veut notre bonheur, en dépit de notre chute originelle. Sa loi, c’est celle de l’Amour qui irrigue le chemin des justes.

Mais notons cette précision : il existe deux chemins, celui des justes et celui des méchants. Dieu connaît celui des justes qu’il ressuscitera le jour du jugement. Le psalmiste emploie le verbe «se lever», parce que notre Dieu est un Dieu debout. Par contre le chemin des méchants (non pas les individus mais leurs comportements), de ceux qui ne se plaisent pas dans la loi du Seigneur, ce chemin-là se perdra car il ne mène nulle part. Oui, le chemin du Seigneur est celui du vrai bonheur… le chemin de la vie.


• Psaume 1


1 Heureux est l'homme

qui n'entre pas au conseil des méchants,

qui ne suit pas le chemin des pécheurs,

ne siège pas avec ceux qui ricanent,

2 mais se plaît dans la loi du Seigneur

et murmure sa loi jour et nuit !

3 Il est comme un arbre

planté près d'un ruisseau,

qui donne du fruit en son temps,

et jamais son feuillage ne meurt ;

tout ce qu'il entreprend réussira,

4 tel n'est pas le sort des méchants.


Mais ils sont comme la paille

balayée par le vent :

5 au jugement, les méchants ne se lèveront pas

ni les pécheurs, au rassemblement des justes.

6 Le Seigneur connaît le chemin des justes,

mais le chemin des méchants se perdra.

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• Deuxième lecture- 1 Corinthiens 15, 12.....20


Frères,

12 nous proclamons que le Christ est ressuscité d'entre les morts ;

alors, comment certains d'entre vous peuvent-ils affirmer

qu'il n'y a pas de résurrection des morts ?

16 Si les morts ne ressuscitent pas,

le Christ non plus n'est pas ressuscité.

17 Et si le Christ n'est pas ressuscité, votre foi ne mène à rien,

vous n'êtes pas libérés de vos péchés ;

18 et puis, ceux qui sont morts dans le Christ sont perdus.

19 Si nous avons mis notre espoir dans le Christ

pour cette vie seulement,

nous sommes les plus à plaindre des hommes.

20 Mais non ! Le Christ est ressuscité d'entre les morts,

pour être parmi les morts le premier ressuscité.


Dans sa lettre aux colossiens, Paul - parlant du Christ - écrit: «Il est la tête du corps... Il est le commencement, premier-né d'entre les morts, afin de tenir en tout, lui, le premier rang...» (Col 1, 18). La résurrection du Christ est un fait historique dont plusieurs disciples, parmi eux les apôtres, témoignent encore. Mais si l’apôtre insiste sur qu’il considère comme le fondement et la justification même de notre foi (« …si le Christ n'est pas ressuscité, votre foi ne mène à rien») , c’est bien parce que le public auquel il s’adresse a du mal à croire que nous autres humains, pauvres pécheurs, ressusciterons après notre mort.

Rappelons-nous ces phrases de Jésus respectivement aux sadducéens et à la foule qui le suivait: «Pour ce qui est de la résurrection des morts, n'avez-vous pas lu la parole que Dieu vous a dite? Je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob? Il n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants.» (Mt 22, 31-32) — «"Détruisez ce temple et, en trois jours, je le relèverai." Alors les Juifs lui dirent: "Il a fallu quarante-six ans pour construire ce Temple et toi, tu le relèverais en trois jours?" Mais lui parlait du temple de son corps» (Jn 2, 19-21).


Pour Paul, notre corps est le temple de l’Esprit qui nous libère du péché. Comme tel, il ne peut être voué à la disparition. Christ est «premier-né d’entre les morts ». Sa mort et sa résurrection sont pour nous le gage de notre propre résurrection car Dieu, dans son dessein d’amour, n’a pas voulu rassembler toute l’humanité dans un au-delà de morts mais de vivants. Si donc le Christ a assumé notre condition humaine en prenant corps par Marie sa Mère, ce n’est pas pour faire subir à ce corps un sort de désagrégation, d’anéantissement… Non ! notre corps est appelé à participer au triomphe de la vie sur la mort qui n’est plus qu’un passage et non une fin. C’est dans ce sens qu’en certaines circonstances, le prêtre proclame dans la prière eucharistique: «Souviens-toi de nos frères et de nos sœurs … qui se sont endormis dans la paix du Christ, et de tous les morts dont toi seul connais la foi : donne-leur de contempler la clarté de ton visage et conduis-les, par la résurrection, à la plénitude de la vie. Et lorsque prendra fin notre pèlerinage sur la terre, accueille-nous dans la demeure où nous vivrons près de toi pour toujours. En union avec la Vierge Marie, la bienheureuse Mère de Dieu, avec les Apôtres, les martyrs (saint…) et tous les saints du ciel, nous pourrons alors te louer sans fin et magnifier ton nom par Jésus, le Christ, ton Fils bien-aimé.» C’est là le fondement de notre foi.

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• Evangile - Luc 6, 17......26


17 Jésus descendit de la montagne avec les douze Apôtres

et s'arrêta dans la plaine.

Il y avait là un grand nombre de ses disciples,

et une foule de gens

venus de toute la Judée, de Jérusalem,

et du littoral de Tyr et de Sidon.

20 Regardant ses disciples, Jésus dit :

«Heureux, vous les pauvres :

le royaume de Dieu est à vous !

21 Heureux, vous qui avez faim maintenant :

vous serez rassasiés !

Heureux, vous qui pleurez maintenant :

vous rirez !

22 Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent

et vous repoussent,

quand ils insultent

et rejettent votre nom comme méprisable,

à cause du Fils de l'homme.

23 Ce jour-là, soyez heureux et sautez de joie,

car votre récompense est grande dans le ciel :

c'est ainsi que leurs pères traitaient les prophètes.

24 Mais malheureux, vous les riches :

vous avez votre consolation !

25 Malheureux, vous qui êtes repus maintenant :

vous aurez faim !

Malheureux, vous qui riez maintenant :

vous serez dans le deuil et vous pleurerez.

26 Malheureux êtes-vous

quand tous les hommes disent du bien de vous :

c'est ainsi que leurs pères traitaient les faux prophètes.»


Il n’est pas étonnant d’entendre Jésus dire: «Heureux, vous les pauvres: le royaume de Dieu est à vous!…». Nous retrouvons ici — comme dans le texte de Jérémie en première lecture — la même distinction et opposition entre ces deux termes cités quatre fois chacun: «heureux» et «malheureux». Jésus s’adresse ici à la foule qui le suit, mais plus particulièrement à ses disciples. Il leur dit globalement ceci: vous qui avez tout quitté pour venir à ma suite, vous connaîtrez la faim, le dénuement, le danger, le glaive, l’humiliation et les pires méchancetés des hommes à cause de mon nom, à cause de ma Parole dont vous serez les témoins agissants au milieu du monde… oui, vous connaîtrez tout cela et vous aurez fait le bon choix. Et Jésus décrit en réalité la façon dont Dieu posera sur eux son regard de tendresse et les emplira de son amour… car le véritable bonheur pour l’homme consiste à vivre en présence du Dieu de lumière. A plusieurs reprises, dans les psaumes, il est fait état de la désolation de celui que le Seigneur ne regarde plus parce qu’il aura détourné sa face. Oui, tout est dans le regard comme pour un jeu de miroir. Christ est notre salut et c’est vers lui que tendent nos regards. Souvenons-nous : à Cana, Marie regarde son fils et nous connaissons la suite; au pied de la croix également le fils regarde sa mère et lui dit à elle et à Jean: «Mère, voici ton fils; fils, voici ta mère». On n’accepte pas de suivre Jésus pour le fun ni pour faire «branché». Le ministère de l’Evangile auquel nous sommes tous conviés est une aventure rugueuse, décourageante par certains moments, mais elle est exaltante parce qu’elle nous ouvre non pas au regard de l’homme (souvent porté vers la quiétude, la suffisance et l’orgueil des riches, des repus et des hommes de pouvoir) mais à celui de Dieu.