12/02/2010

"Heureux, heureux, heureux…"

Chers amis, bonjour !


En ce sixième dimanche du temps ordinaire, la liturgie nous propose trois lectures tirées du Prophète Jérémie (17, 5-8), de l’apôtre Paul (1 Corinthiens 15, 12-20). Le psaume de méditation est le Ps 1 et l’Evangile extrait de Luc (6, 17-26).


• Première lecture - Jérémie 17 , 5 - 8


5 Parole du Seigneur.

Maudit soit l'homme qui met sa confiance dans un mortel,

qui s'appuie sur un être de chair,

tandis que son cœur se détourne du Seigneur.

6 Il sera comme un buisson sur une terre désolée,

il ne verra pas venir le bonheur.

Il aura pour demeure les lieux arides du désert,

une terre salée et inhabitable.

7 Béni soit l'homme qui met sa confiance dans le Seigneur,

dont le Seigneur est l'espoir.

8 Il sera comme un arbre planté au bord des eaux,

qui étend ses racines vers le courant :

il ne craint pas la chaleur quand elle vient,

et son feuillage reste vert ;

il ne redoute pas une année de sécheresse,

car elle ne l'empêche pas de porter du fruit.

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Comme toujours lorsqu’un prophète veut faire une annonce importante, il emploie la formule «parole du Seigneur». Ceci pour attirer l’attention de ses compatriotes, une sorte de sonnette d’alarme. Ici, dans ce texte, Jérémie oppose crucialement ceux qui mettent leur confiance dans des êtres de chair (mortels) à ceux qui se confient au Seigneur. Malédiction et remontrance pour les premiers et bénédiction et encouragement pour les seconds. Non pas que le prophète interdise de se soutenir les uns les autres… mais plutôt il met en garde ceux qui font alliance avec les hommes perfides qui installent de nouveaux dieux dans le royaume et fondent leur foi dans des choses périssables. Ceux-là s’éloignent de Dieu qui est la source de vie. En pays de sécheresse, l’image est belle de cet arbre planté au bord des eaux et qui garde son feuillage vert parce que ses racines s’étendent vers le courant.

Non seulement l’idolâtrie fait rage dans tout le pays, signe d’un peuple qui s’est éloigné du Dieu de l’Alliance véritable, mais en plus l’oracle de Jérémie est sans ambiguïté: «Ils abandonnent leur source d'eau vive, qui est le Seigneur» (Jr 17, 13). Et déjà au chapitre 2: «Il est double, le méfait commis par mon peuple : ils m'abandonnent, moi, la source d'eau vive, pour se creuser des citernes, des citernes fissurées qui ne retiennent pas l'eau.» (Jr 2, 13). Oui, qui s’éloigne du Seigneur connaîtra la sécheresse et ne connaîtra point le bonheur… Il ne portera pas non plus de fruit, c’est-à-dire qu’il ne pourra se reproduire, personne ne pouvant se nourrir de ses richesses. A plusieurs endroits, nos retrouverons dans l’Evangile cette image de Jésus «source d’eau vive», au sens de l’eau qui donne vie… particulièrement dans ce fabuleux échange avec la samaritaine (Jn 4, 10-15): «Jésus lui répondit (à la samaritaine): ''Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dit: 'Donne-moi à boire', c'est toi qui aurais demandé et il t'aurait donné de l'eau vive.''La femme lui dit: ''Seigneur, tu n'as même pas un seau et le puits est profond; d'où la tiens-tu donc cette eau vive? Serais-tu plus grand, toi, que notre père Jacob qui nous a donné le puits et qui, lui-même, y a bu ainsi que ses fils et ses bêtes?'' Jésus lui répondit: ''Quiconque boit de cette eau-ci aura encore soif; mais celui qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif; au contraire, l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source jaillissant en vie éternelle.'' La femme lui dit: ''Seigneur, donne-moi cette eau pour que je n'aie plus soif et que je n'aie plus à venir puiser ici.''

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Le psaume que la liturgie nous propose pour prolonger la méditation de ce texte de Jérémie est le Psaume 1, c’est-à-dire le premier de tous les psaumes. Un psaume qui n’est pas introductif que pour la forme: ce psaume nous livre la clé de lecture de tous les autres psaumes. Dans le texte de Jérémie, il est fait opposition entre le «maudit» (male-dicere) et le béni (bene-dicere). En effet, maudire signifie dire du mal, et bénir, dire du bien. L’homme du bien est celui qui se ressource en Dieu, celui qui chaque jour «dit le bien» de Dieu, c’est-à-dire sa louange… et c’est cela qui fait son bonheur. Oui, cette exaltation à la félicité est affichée dès la première ligne de notre psaume comme pour signifier qu’elle est inscrite dans le projet de Dieu pour l’homme et l’humanité tout entière. Dieu veut notre bonheur, en dépit de notre chute originelle. Sa loi, c’est celle de l’Amour qui irrigue le chemin des justes.

Mais notons cette précision : il existe deux chemins, celui des justes et celui des méchants. Dieu connaît celui des justes qu’il ressuscitera le jour du jugement. Le psalmiste emploie le verbe «se lever», parce que notre Dieu est un Dieu debout. Par contre le chemin des méchants (non pas les individus mais leurs comportements), de ceux qui ne se plaisent pas dans la loi du Seigneur, ce chemin-là se perdra car il ne mène nulle part. Oui, le chemin du Seigneur est celui du vrai bonheur… le chemin de la vie.


• Psaume 1


1 Heureux est l'homme

qui n'entre pas au conseil des méchants,

qui ne suit pas le chemin des pécheurs,

ne siège pas avec ceux qui ricanent,

2 mais se plaît dans la loi du Seigneur

et murmure sa loi jour et nuit !

3 Il est comme un arbre

planté près d'un ruisseau,

qui donne du fruit en son temps,

et jamais son feuillage ne meurt ;

tout ce qu'il entreprend réussira,

4 tel n'est pas le sort des méchants.


Mais ils sont comme la paille

balayée par le vent :

5 au jugement, les méchants ne se lèveront pas

ni les pécheurs, au rassemblement des justes.

6 Le Seigneur connaît le chemin des justes,

mais le chemin des méchants se perdra.

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• Deuxième lecture- 1 Corinthiens 15, 12.....20


Frères,

12 nous proclamons que le Christ est ressuscité d'entre les morts ;

alors, comment certains d'entre vous peuvent-ils affirmer

qu'il n'y a pas de résurrection des morts ?

16 Si les morts ne ressuscitent pas,

le Christ non plus n'est pas ressuscité.

17 Et si le Christ n'est pas ressuscité, votre foi ne mène à rien,

vous n'êtes pas libérés de vos péchés ;

18 et puis, ceux qui sont morts dans le Christ sont perdus.

19 Si nous avons mis notre espoir dans le Christ

pour cette vie seulement,

nous sommes les plus à plaindre des hommes.

20 Mais non ! Le Christ est ressuscité d'entre les morts,

pour être parmi les morts le premier ressuscité.


Dans sa lettre aux colossiens, Paul - parlant du Christ - écrit: «Il est la tête du corps... Il est le commencement, premier-né d'entre les morts, afin de tenir en tout, lui, le premier rang...» (Col 1, 18). La résurrection du Christ est un fait historique dont plusieurs disciples, parmi eux les apôtres, témoignent encore. Mais si l’apôtre insiste sur qu’il considère comme le fondement et la justification même de notre foi (« …si le Christ n'est pas ressuscité, votre foi ne mène à rien») , c’est bien parce que le public auquel il s’adresse a du mal à croire que nous autres humains, pauvres pécheurs, ressusciterons après notre mort.

Rappelons-nous ces phrases de Jésus respectivement aux sadducéens et à la foule qui le suivait: «Pour ce qui est de la résurrection des morts, n'avez-vous pas lu la parole que Dieu vous a dite? Je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob? Il n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants.» (Mt 22, 31-32) — «"Détruisez ce temple et, en trois jours, je le relèverai." Alors les Juifs lui dirent: "Il a fallu quarante-six ans pour construire ce Temple et toi, tu le relèverais en trois jours?" Mais lui parlait du temple de son corps» (Jn 2, 19-21).


Pour Paul, notre corps est le temple de l’Esprit qui nous libère du péché. Comme tel, il ne peut être voué à la disparition. Christ est «premier-né d’entre les morts ». Sa mort et sa résurrection sont pour nous le gage de notre propre résurrection car Dieu, dans son dessein d’amour, n’a pas voulu rassembler toute l’humanité dans un au-delà de morts mais de vivants. Si donc le Christ a assumé notre condition humaine en prenant corps par Marie sa Mère, ce n’est pas pour faire subir à ce corps un sort de désagrégation, d’anéantissement… Non ! notre corps est appelé à participer au triomphe de la vie sur la mort qui n’est plus qu’un passage et non une fin. C’est dans ce sens qu’en certaines circonstances, le prêtre proclame dans la prière eucharistique: «Souviens-toi de nos frères et de nos sœurs … qui se sont endormis dans la paix du Christ, et de tous les morts dont toi seul connais la foi : donne-leur de contempler la clarté de ton visage et conduis-les, par la résurrection, à la plénitude de la vie. Et lorsque prendra fin notre pèlerinage sur la terre, accueille-nous dans la demeure où nous vivrons près de toi pour toujours. En union avec la Vierge Marie, la bienheureuse Mère de Dieu, avec les Apôtres, les martyrs (saint…) et tous les saints du ciel, nous pourrons alors te louer sans fin et magnifier ton nom par Jésus, le Christ, ton Fils bien-aimé.» C’est là le fondement de notre foi.

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• Evangile - Luc 6, 17......26


17 Jésus descendit de la montagne avec les douze Apôtres

et s'arrêta dans la plaine.

Il y avait là un grand nombre de ses disciples,

et une foule de gens

venus de toute la Judée, de Jérusalem,

et du littoral de Tyr et de Sidon.

20 Regardant ses disciples, Jésus dit :

«Heureux, vous les pauvres :

le royaume de Dieu est à vous !

21 Heureux, vous qui avez faim maintenant :

vous serez rassasiés !

Heureux, vous qui pleurez maintenant :

vous rirez !

22 Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent

et vous repoussent,

quand ils insultent

et rejettent votre nom comme méprisable,

à cause du Fils de l'homme.

23 Ce jour-là, soyez heureux et sautez de joie,

car votre récompense est grande dans le ciel :

c'est ainsi que leurs pères traitaient les prophètes.

24 Mais malheureux, vous les riches :

vous avez votre consolation !

25 Malheureux, vous qui êtes repus maintenant :

vous aurez faim !

Malheureux, vous qui riez maintenant :

vous serez dans le deuil et vous pleurerez.

26 Malheureux êtes-vous

quand tous les hommes disent du bien de vous :

c'est ainsi que leurs pères traitaient les faux prophètes.»


Il n’est pas étonnant d’entendre Jésus dire: «Heureux, vous les pauvres: le royaume de Dieu est à vous!…». Nous retrouvons ici — comme dans le texte de Jérémie en première lecture — la même distinction et opposition entre ces deux termes cités quatre fois chacun: «heureux» et «malheureux». Jésus s’adresse ici à la foule qui le suit, mais plus particulièrement à ses disciples. Il leur dit globalement ceci: vous qui avez tout quitté pour venir à ma suite, vous connaîtrez la faim, le dénuement, le danger, le glaive, l’humiliation et les pires méchancetés des hommes à cause de mon nom, à cause de ma Parole dont vous serez les témoins agissants au milieu du monde… oui, vous connaîtrez tout cela et vous aurez fait le bon choix. Et Jésus décrit en réalité la façon dont Dieu posera sur eux son regard de tendresse et les emplira de son amour… car le véritable bonheur pour l’homme consiste à vivre en présence du Dieu de lumière. A plusieurs reprises, dans les psaumes, il est fait état de la désolation de celui que le Seigneur ne regarde plus parce qu’il aura détourné sa face. Oui, tout est dans le regard comme pour un jeu de miroir. Christ est notre salut et c’est vers lui que tendent nos regards. Souvenons-nous : à Cana, Marie regarde son fils et nous connaissons la suite; au pied de la croix également le fils regarde sa mère et lui dit à elle et à Jean: «Mère, voici ton fils; fils, voici ta mère». On n’accepte pas de suivre Jésus pour le fun ni pour faire «branché». Le ministère de l’Evangile auquel nous sommes tous conviés est une aventure rugueuse, décourageante par certains moments, mais elle est exaltante parce qu’elle nous ouvre non pas au regard de l’homme (souvent porté vers la quiétude, la suffisance et l’orgueil des riches, des repus et des hommes de pouvoir) mais à celui de Dieu.


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