26/10/2009

Le "petit plus" du dimanche :
« Confiance, lèvre-toi ; il t’appelle »…

Chers amis, bonjour !

Ce matin à la messe dominicale (1), le Père Pierre Willermoz, curé de ma paroisse (Notre-Dame des Anges à Gerland – LYON 7°), a relevé un point essentiel de l'Evangile de Marc (10, 46b-52) qui se résume en une simple expression: «faire écran». Assis au bord du chemin, Bartimée est le seul à reconnaître Jésus comme le «Fils de David», c’est-à-dire le Messie. Il crie vers le Seigneur la supplication adressée traditionnellement à Dieu: «Aie pitié de moi!». Il bondit quand Jésus l’appelle, laissant son manteau rempli de piécettes, autrement dit sa fortune journalière. Il formule sa demande que jésus connaît déjà, bien sûr ! et, guéri, il se met à la suite du «Fils de David», il prend le chemin qui mène à la croix et la résurrection. Oui, Jésus sait toutes nos demandes, mais il attend toujours que nous fassions le pas vers lui, que nous frappions à la porte de sa bonté débordante. Le chemin que prend Jésus, c’est celui de l’Amour et de la Vie. De rejeté, l’aveugle réintègre la foule ; de mendiant, il devient disciple. Signe que Jésus est venu pour rassembler en un seul peuple tous les hommes, quelle que soit leur condition sociale; il ne laisse personne au bord du chemin, il tend la main à qui le reconnaît et l’accueille dans son cœur.

Sur le chemin de Jésus, nous sommes souvent de bien piètres témoins : nous faisons écran au Christ, rejetant ceux qui crient vers Lui. Heureusement, l’Esprit de Jésus dépasse toutes les frontières et rejoint ceux que nos systèmes, nos certitudes, nos lois laissent de côté. Nous sommes invités, à l’exemple de Bartimée, à crier avec foi vers le Seigneur. Il connaît bien nos cécités (tout ce qui nous empêche de voir autour de nous, tout ce qui nous empêche de lire les signes de la présence de Dieu dans les faits et gestes de nos frères…), mais il attend de nous une demande pleine de confiance. Que je voie ! Ouvre mes yeux, ouvre mon cœur à ta présence, ouvre mes gestes au service de mes frères. Donne-moi de marcher sur ton chemin pour recevoir la Vie que tu donnes en plénitude et pour trouver les moyens de la partager avec mes frères.


Et cette merveilleuse prière de mon curé :

« Avec les rejetés, je crie vers toi, Seigneur ;

Je me sens trop souvent marchant à ta suite,

Sûr de moi, fermé aux appels de mes frères.

Donne-moi de bondir, lâchant mes « esclavages »

Pour recevoir la lumière de l’Amour !

Je pourrai avec toi renaître de l’Esprit

Pour passer par des croix qui mènent à la Vie »


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(1) Il s'agit de la messe du 25 octobre 2009 (
30ème dimanche du Temps ordinaire).

21/10/2009

«Va, ta foi t'a sauvé»…

Bonjour !

Evangile de jésus-Christ selon saint Marc 10, 46b-52


46 Jésus et ses disciples arrivent à Jéricho. Et tandis que Jésus sortait de Jéricho avec ses disciples et une foule nombreuse, un mendiant aveugle, Bartimée, le fils de Timée, était assis au bord de la route.

47 Apprenant que c'était Jésus de Nazareth, il se mit à crier: «Jésus, fils de David, aie pitié de moi!»

48 Beaucoup de gens l'interpelaient vivement pour le faire taire, mais il criait de plus belle: «Fils de David, aie pitié de moi!»

49 Jésus s'arrête et dit: «Appelez-le.» On appelle donc l'aveugle, et on lui dit: «Confiance, lève-toi; il t'appelle.»

50 L'aveugle jeta son manteau, bondit et courut vers Jésus.

51 Jésus lui dit: «Que veux-tu que je fasse pour toi ? — Rabbouni, que je voie.»

52 Et Jésus lui dit: «Va, ta foi t'a sauvé.» Aussitôt l'homme se mit à voir, et il suivait Jésus sur la route.


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Pour mémoire, dans les textes des dimanches précédents, Jésus ne cesse d’annoncer par petites touches sa passion à ses disciples qui, visiblement, ne comprennent rien à son langage. Ils ne peuvent accepter que celui qu’ils considèrent comme le Roi d’Israël, celui dont ils ont vu les miracles s’avoue vaincu, et surtout de la pire des manières. Et Jésus de leur préciser avec insistante encore : «Voici, nous montons à Jérusalem, et le Fils de l'homme sera livré aux principaux sacrificateurs et aux scribes. Ils le condamneront à mort, et ils le livreront aux païens, qui se moqueront de lui, cracheront sur lui, le battront de verges, et le feront mourir; et, trois jours après, il ressuscitera» (Mc 10, 33-34). Jésus monte vers Jérusalem, la Ville Sainte bâtie sur les hauteurs (géographiquement, il descend vers Jérusalem); et c’est à la sortie de Jéricho, toujours suivi d’une grande foule, que se produit cette scène incroyable. De quoi s’agit-il ?

Un aveugle, c’est-à-dire une personne rejetée par la société et qui, du fait de son infirmité, ne pouvait travailler pour subvenir à ses besoins ni à ceux de sa famille, est contrainte de mendier. Elle n’a pas d’autre choix que de s’exposer au regard des passants dont certains faisaient tout de même montre de générosité à son égard. Or notre aveugle apprend que Jésus de Nazareth passe à côté de lui. Alors, il crie de toutes ses forces pour se faire entendre. Marc nous glisse un petit détail qui vaut son peson d’or: «Beaucoup de gens l'interpelaient vivement pour le faire taire, mais il criait de plus belle: «Fils de David, aie pitié de moi!» (48) Vous vous souvenez de la guérison de la fille de Jaïr (Lc 8, 41-56) ? Ce miracle fut précédé d’un autre, la guérison de la femme hémorroïsse, celle qui, malgré la foule qui se pressait autour de Jésus et malgré le cordon de sécurité que formaient les disciples pour isoler leur Maître, toucha la frange de la tunique de Jésus: «Qui m’a touché ?», avait demandé Jésus, «Quelqu'un m'a touché, car j'ai connu qu'une force était sortie de moi»… la femme, prise d’effroi s’était avancée et, se jetant à ses pieds, avait expliqué devant tout le peuple pourquoi elle l'avait touché, et comment elle avait été guérie à l'instant (8, 48). Jésus lui dit: «Ma fille, ta foi t'a sauvée. Va en paix». Mais nous savons aussi qu’à ce moment-là, Jésus lui-même intimait l’ordre à ses disciples et à toutes les personnes qui bénéficiaient de ses miracles de ne pas en dire un mot, parce qu’il estimait que ceux qui l’écoutaient enseigner n’étaient pas encore prêts pour comprendre la vérité de sa Parole.

Dans cet extrait de Marc, le même cordon de sécurité tente d’isoler Jésus de la foule, avec de bonnes intentions, certes ! mais parce qu’en réalité les disciples ne veulent pas que l’on embête leur Maître, ou plutôt qu’on détourne son attention de leurs attentes (la place de chacun dans le futur gouvernement de Palestine)… Encore une fois, c’est Jésus qui se rend attentif à la détresse d’un homme relégué au banc de la société, un aveugle dont la seule espérance est de guérir de sa cécité. Jésus lui demande: «Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Et lui de répondre: «Rabbouni, que je voie» (51). Et Jésus lui dit: «Va, ta foi t'a sauvé». Aussitôt l'homme se met à voir, et il suivait Jésus sur la route (52). Nous savons aussi qu’à un autre moment Jésus guérit plusieurs personnes de leurs infirmités, mais qu’une seule d’entre elles l’en remercia. A cette personne, Jésus dit la même chose : «Va, ta foi t'a sauvé». Toutes ont été guéries, certes ! mais une seule a été sauvée. Car nous pouvons guérir de nos infirmités et maladies, sans pour autant être sauvés. C’est Dieu qui sauve par pure grâce, mais c’est notre foi qui nous y dispose lorsque nous l'accueillons dans notre vie et que nous proclamons, à l’instar de l’aveugle: «Seigneur, tu es le messie, le Fils de Dieu». Il est à noter que cette fois-ci Jésus n’interdit à personne de parler du miracle qu’il vient d’accomplir. Pour la première fois, il prend conscience de son identité de Messie et accepte qu’elle soit révélée. Le parallèle n’est pas insignifiant entre cette vue recouvrée et cette identité dévoilée au monde. Il n’est pas insignifiant non plus de rapprocher cet épisode de la prophétie de Jérémie que nous avons lue dans la première lecture de ce dimanche: «Le Seigneur sauve son peuple, le reste d'Israël... Il y a même parmi eux l'aveugle et le boiteux». (Jr 31)… ou celles, nombreuses, d’Isaïe dans les chapitres 29 à 46. C’est son dernier miracle au cours de la montée à Jérusalem et il sait désormais ce qui arrivera: la passion, la mort sur la croix et la résurrection.

Mais revenons un instant au miracle lui-même. Comme pour tout miracle, l’évangéliste ne se contente pas de relater les faits comme dans un reportage; en réalité, il les interprète, et c’est jusque dans les moindres détails qu’il nous suggère d’aller trouver le sens profond de ce qu’il décrit. Ici, il est question de la guérison d’un aveugle. Or nous devons noter que ce denier miracle intervient dans un contexte d’aveuglement général. Tout le monde est aveugle aux paroles de Jésus, y compris ses propres disciples. Ceux-ci reçoivent une véritable leçon de foi car c’est de la bouche d’un aveugle de chair que sort le cri de reconnaissance de la messianité de Jésus: «Jésus, fils de David, aie pitié de moi». A cet aveugle qui a accouru de toutes ses forces, Jésus accorde plus et mieux que la vue corporelle : la foi. Et Marc de préciser: «… Aussitôt l'homme se mit à voir, et il suivait Jésus sur la route». Mais qu’est-ce donc que la foi sinon suivre Jésus vers la croix et l’illumination pascale? Que demander à Dieu dans nos aveuglements de tous genres sinon cette foi qui illumine nos cœurs, cette foi qui permet de voir non pas des miracles extraordinaires, mais des choses simples de la vie de tous les jours, ces traces qui sont autant de signes de sa présence active au milieu de nous. Et quelle vivifiante humilité que celle par laquelle nous demandons, dans chaque prière pénitentielle: "Seigneur, prends pitié!"… Quelle belle prière également que celle par laquelle nous lui disons: «ouvre mes yeux, Seigneur, aux merveilles de ton amour!».


Jésus, le grand prêtre désigné par Dieu

Lettre de saint Paul aux Hébreux, chapitre 5, versets 1 à 6.


01 En effet, le grand prêtre est toujours pris parmi les hommes, et chargé d'intervenir en faveur des hommes dans leurs relations avec Dieu; il doit offrir des dons et des sacrifices pour les péchés.

02 Il est en mesure de comprendre ceux qui pèchent par ignorance ou par égarement, car il est, lui aussi, rempli de faiblesse;

03 et, à cause de cette faiblesse, il doit offrir des sacrifices pour ses propres péchés comme pour ceux du peuple.

04 On ne s'attribue pas cet honneur à soi-même, on le reçoit par appel de Dieu, comme Aaron.

05 Il en est bien ainsi pour le Christ: quand il est devenu grand prêtre, ce n'est pas lui-même qui s'est donné cette gloire; il l'a reçue de Dieu, qui lui a dit: Tu es mon Fils, moi, aujourd'hui, je t'ai engendré,

06 et qui déclare dans un autre psaume: Tu es prêtre pour toujours selon le sacerdoce de Melkisédek.


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L’Epître aux Hébreux a fait l’objet de vives polémiques quant à son authenticité comme «écrit de la main de Paul». Mais après maintes vérifications, sa canonicité a été affirmée et, depuis, rarement contestée. Cette lettre s’adresse à un public très informé de l’ancienne Alliance et convertis du judaïsme, peut-être même un public en majorité composé de prêtres, vu l’insistance de Paul sur le culte et la liturgie. Ceux que l’on appelle « les Hébreux » sont donc de nouveaux chrétiens qui ont quitté Jérusalem, la Ville Sainte, pour se réfugier dans des villes du littoral, Césarée, Antioche, par exemple. Mais cet exil leur pèse et les pressions (persécutions) que leur font courir leur récente conversion se font de plus en plus vives. La nostalgie gagne naturellement ceux qui parmi eux sont des anciens prêtres, ministres du culte lévitique. C’est cette foi peu affermie que Paul s’efforce de raviver, de soutenir et d’encourager. Il ne faut pas revenir en arrière, leur clame-t-il sans relâche, comparant leur vie chrétienne à une marche vers la Patrie Céleste avec comme guide le Christ.

En effet, à l’ancien culte lévitique, Paul oppose la personne du Christ qui s’est donnée en offrande vivante et pure pour la rémission des péchés de tous les hommes. Son sacrifice unique par la mort sur la Croix est de loin plus valable que l’aspersion du sang des agneaux par Moïse sur les israëliens dans le désert. Le Christ est ainsi Prêtre selon l’ordre de Melchisédech, suréminent et supérieur à Moïse comme à Aaron.

Dans l’extrait qui nous est proposé en ce dimanche, Paul décrit la personne du prêtre et met l’accent sur son humanité. Le prêtre est une personne qui fait partie d’une communauté d’humains dont il partage la vie, et qui compatit à leurs misères et les partage: il est l’un d’eux. Or, par toute sa vie terrestre et particulièrement son agonie et sa mort, l’humanité du Christ a été attestée. Elle est un fait réel. Mais, à la différence des prêtres lévitiques, lui a été appelé par son Père non pas pour présenter des dons et des sacrifices pour l’expiation des péchés des membres de la communauté et des siens propres, mais plutôt pour s’offrir en sacrifice pour le pardon des péchés de la multitude.


Le Christ est, selon Paul médiateur et grand Prêtre :

- Médiateur de la Nouvelle Alliance (He 8, 6 ; 9, 15 ; 12, 24) de par sa position de Fils envoyé par le Père et donc de pontife entre Dieu et les hommes, un pontife humain et compatissant.

- Grand Prêtre, dans une définition plus élargie d’enseignement et de confession (le Christ est notre confession de foi), c’est-à-dire bien au-delà de la seule offrande de sacrifices pour l’expiation des péchés.


Pour bien comprendre cette fonction sacerdotale du Christ — et l’originalité de la vision paulinienne sur ce point —, il faut faire une lecture comparée du sacrifice par Moïse et les prêtres lévitiques, d’un côté, et de la cène de Jésus, de l’autre. Dans un cas, nous sommes face à une conception rituelle du sacrifice, dans l’autre nous sommes en présence d’une dimension existentielle. C’est sa propre personne que le Christ obéissant offre à son Père, dans sa douloureuse agonie (He 5, 7-10). Par son sacrifice, le Christ ne redonne pas des lettres de noblesse aux rites sacrificiels de l’Ancienne Alliance. Non ! par son oblation, Christ ne restaure pas l’Alliance du Sinaï. A alliance nouvelle, culte nouveau.

Pour aller plus loin dans la comparaison : lorsque Moïse rappelait au peuple d’Israël son Alliance avec Dieu sur le Sinaï, il sacrifiait des animaux et en aspergeait le gens présents en clamant: «Voici le sang de l'alliance» (Exode 24, 8 — Hébreux 9, 18-22). Avec les prêtres lévitiques, les grand prêtre recueillait le sang des victimes sacrificielles et entrait seul dans le sanctuaire où il pratiquait une aspersion de ce sang pour l’expiation des péchés du peuple qui était resté à l’extérieur, et des siens propres. Le jour de la dernière cène s’est accompli quelque chose d’extraordinaire lorsque Jésus, prenant le pain déclare: «prenez et mangez, ceci est mon corps livré pour vous»… puis, prenant la coupe de vin, il poursuit: «ceci est la coupe de mon sang, le sang de l’alliance nouvelle et éternelle qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés: vous ferez cela en mémoire de moi». La Nouvelle Alliance, c’est celle que prophétisait Jérémie : "Voici venir des jours, dit le Seigneur, où je conclurai avec la maison d'Israël une nouvelle alliance; non pas comme l'alliance que j’ai conclue avec leurs pères. Parce que je vais pardonner leurs iniquités et ne plus me souvenir de leurs péchés" (Jérémie 31, 31-34). L’héritage que le Christ laisse ainsi à ses frères humains n’est plus la Terre de Canaan (promise à Moïse et aux israëliens) mais le royaume de Dieu, le royaume de son Père où il nous attend pour boire le vin nouveau (Mt 26, 29 — Lc 22, 29-30).

Par son sacrifice éternellement efficace, «Le sang du Christ purifiera notre conscience des œuvres mortes pour que nous servions le Dieu vivant» (Hébreux 9, 14). Quand Paul proclame la fonction sacerdotale du Christ, il induit le triptyque nouveau prêtre – nouveau sacrifice - nouvelle alliance. Il développera plus loin cette supériorité du nouveau culte, du sanctuaire et de la médiation du Christ Prêtre: "Le Christ, lui, survenu comme grand prêtre des biens à venir [...] non pas avec du sang de boucs et de jeunes taureaux, mais avec son propre sang, entra une fois pour toutes dans le sanctuaire [du ciel], nous procurant ainsi une rédemption éternelle. [...] Le sang du Christ, qui par un Esprit éternel s’est offert lui-même sans tache à Dieu, purifiera notre conscience des œuvres mortes, pour servir le Dieu vivant. Voilà pourquoi il est médiateur d’une nouvelle alliance" (Hébreux 9, 11-15).

Cette offrande personnelle et unique du Christ se situe (et fonde) l’histoire même du salut. En effet, par la mort et la résurrection du Christ, nous sommes morts au péché et ressuscités à la vie nouvelle. Cela est «accompli une fois pour toutes», contrairement aux sacrifices de l’ancienne Alliance indéfiniment répétés et in fine inefficaces à procurer le salut. Ainsi, le ministère du Christ est de loin supérieur à celui des prêtres lévitiques: il officie désormais dans et par son propre corps, sanctuaire éternel et parfait dont les sanctuaires des prêtres n’étaient que de pâles copies “pré-figurantes“. Nous comprenons alors que le Christ est l’intermédiaire unique de la grâce et de la révélation définitive entre Dieu et l’humanité qu’il unit et réconcilie pour l’éternité.


Quand le Seigneur ramena nos captifs…

Psaume 125 (126), 1-6


En écho au texte de Jérémie, le Psaume 125 (126) apparaît comme une véritable célébration de la libération et de la délivrance. Libération et délivrance du peuple d’Israël sorti de la captivité d’abord d’Egypte, puis plus tard de Babylone. Ce psaume vient en écho au texte de Jérémie. Nabuchodonosor est renversé par le nouvel homme fort, Cyrus, qui décide de renvoyer dans leurs pays respectifs les peuples déplacés par l’ancien tyran. C’était là chose inespérée… Qui l’eût cru, qui l’eût imaginé un seul instant ?: «Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion, nous étions comme en rêve!» La joie est si grande que le psalmiste emploie deux mots-clés pour la symboliser : l’eau (comme autrefois des torrents dans le désert) et la semence (et la moisson qui en résulte). Car le retour sur les riches terres des ancêtres est synonyme de liberté et de travail pour faire enfanter lesdites terres des fruits de leur labeur.


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1 Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion,

nous étions comme en rêve!

2 Alors notre bouche était pleine de rires,

nous poussions des cris de joie;

alors on disait parmi les nations :

3 « Quelles merveilles fait pour eux le Seigneur!»

nous étions en grande fête!

4 Ramène, Seigneur, nos captifs,

comme les torrents au désert.

5 Qui sème dans les larmes

moissonne dans la joie :

6 Il s'en va, il s'en va en pleurant,

il jette la semence;

il s'en vient, il s'en vient dans la joie,

il rapporte les gerbes.


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Nous étions comme en rêve


Ce n’est pas tant l’exode en soi, fût-il de retour, qui est mis en valeur ici — car il constitue un mouvement permanent du peuple de Dieu en marche vers le royaume de Dieu — que le fait d’être arrachés de tous les périls qui le menacent. D’ailleurs, chacun de nous peut méditer ce psaume à partir de ses propres expériences de captivités intérieures ou extérieures dans l’appel qu’il lance à Dieu pour le sauver et dans la joie qu’il ressent d’avoir été entendu par le Dieu d’amour et de miséricorde. Car toute vie est parsemée d’épreuves de toutes sortes, de «temps d’exil» que chacun doit «consacrer aux laborieuses semailles de sa purification dans la pénitence, et de sa sanctification
» (RP P. Bougie, PSS). Cela nous éclaire davantage encore dans la compréhension de ces deux paroles, celle de Jésus décrivant sa passion: «Amen, amen, je vous le dis: si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul; mais s’il meurt, il donne beaucoup de fruit. 25 Celui qui aime sa vie la perd; celui qui s’en détache en ce monde la garde pour la vie éternelle. 26 Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive; et là où je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera» (Jn 12, 24-26), et celle du psalmiste: «Qui sème dans les larmes moissonne dans la joie.» En effet, lorsque Jésus parle de grain qui tombe en terre et meurt, il évoque non seulement son propre itinéraire mais également celui qu’il nous invite à suivre : pour donner la vie, il faut qu’il meure… pour connaître la vraie joie, il est bon d’avoir quelque peu souffert. Cela, Israël le sait ; il l’a déjà vécu lors de la sortie d’Egypte : le Seigneur Dieu était toujours à ses côtés, et ce en dépit de leurs infidélités. De Babylone il les délivre encore… Et tous d’espérer une libération, une délivrance définitive. Or, nous savons qu’elle sera réalité avec la venue du Messie, du Fils de Dieu.

Dieu sort son peuple de la souffrance pour lui faire connaître la joie ; mais auparavant, il faut être indéfectiblement confiant dans le Seigneur pour remettre sa souffrance entre ses mains pleines de tendresse. Il faut savoir (et apprendre à ) accepter de mourir parce que l’on veut vivre. Ainsi que le souligne si bien Benoît Gosselin (Diacre permanent au Sanctuaire du Saint-Sacrement et membre des Fraternités de Jérusalem à Montréal): «…Mourir à soi même pour devenir ce que l’on est. Mystère à contre courant de l’esprit du monde, et ce que l’on est vraiment, seul le Seigneur le sait. J’accepte de mourir peu à peu parce que je veux devenir ce que je suis dans le cœur de Dieu. À la suite du Christ , invités à adhérer à nos chemins de descente , à accepter de nous perdre pour accueillir la vie, comme la goutte d’eau se mêlera au vin dans quelques instants, pour le sacrement de l’Alliance».

Cette joie de la délivrance qui se mêle aux larmes de la souffrance puise son sens dans le fait que les Hébreux ont réalisé que Dieu était avec eux jusques dans leurs moments de désespoir et de peine. Oui, notre Dieu qui donne couleur et sens nouveaux à nos larmes, non pas des «larmes de crocodile», mais des larmes de joie nourries de la découverte et de la compréhension de la vérité divine. Jésus ne dira-t-il pas à ses interlocuteurs: «Heureux, vous qui pleurez maintenant, car vous rirez!» (Luc 6, 21).


Dieu ramènera son peuple…

Bonjour !


En ce 30ème dimanche du Temps ordinaire, la liturgie nous propose de méditer sur les textes suivants : Jérémie 31, 7-9 (Dieu ramène son peuple) — Le Psaume 125/126 (Quand le Seigneur ramena nos captifs) — La Lettre aux Hébreux 5, 1-6 (Jésus, le grand prêtre désigné par Dieu) — Evangile selon saint Marc 10, 46b-52 (La guérison d'un aveugle).


Première Lecture : Jr 31, 7-9


07 Car ainsi parle le Seigneur: Poussez des cris de joie pour Jacob, acclamez la première des nations! Faites résonner vos louanges et criez tous: «Seigneur, sauve ton peuple, le reste d'Israël!»

08 Voici que je les fais revenir du pays du Nord, et que je les rassemble des extrémités du monde. Il y a même parmi eux l'aveugle et le boiteux, la femme enceinte et la jeune accouchée; c'est une grande assemblée qui revient.

09 Ils étaient partis dans les larmes, dans les consolations je les ramène; je vais les conduire aux eaux courantes par un bon chemin où ils ne trébucheront pas. Car je suis un père pour Israël, Éphraïm est mon fils aîné. Parole du Seigneur.


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Redonner espoir et rappeler que Dieu est toujours avec son peuple jusque dans les moments de souffrance, telle est l’une des facettes de la double mission de tout prophète qui, par ailleurs, dans les moments de joie, exalte le même peuple à glorifier le Seigneur pour ses bienfaits. Dans le contexte difficile de l’exil (étalé de 587 à 538) et de la mise sous tutelle babylonienne forcée suite à la victoire du roi Nabuchodonosor, Jérémie qui a choisi de rester dans Jérusalem pour résister, s’y emploie avec une telle véhémence qu’il en paraît presque pathétique: annoncer et demander au peuple de crier de joie alors qu’il vit les pires tribulations, proclamer l’unification des enfants d’Israël alors qu’ils ont été persécutés et contraints à l’éparpillement dans le Nord du pays… il faut avoir le courage d’une telle mission, au risque de se faire railler de toutes parts. Jérémie a la vision de la lumière divine en pleine nuit de désespérance, à tel point qu’il ose même qualifier Jacob, c’est-à-dire Israël, de « première des nations ». N’est-ce pas là pure provocation pour un peuple sous occupation et contraint à l’exil ?

On comprend aisément que dans ces conditions brutales et intenables de la déportation des enfants, des jeunes, des femmes enceintes, des malades et des personnes âgées, le cœur ne soit pas à la fête. Mais le retour sur les terres des ancêtres aura une saveur d’autant plus exaltante: «Ils étaient partis dans les larmes, dans les consolations je les ramène; je vais les conduire aux eaux courantes par un bon chemin où ils ne trébucheront pas» (9), parole que Jérémie met dans la bouche du Seigneur, comme pour souligner la fermeté de son espérance. Ce passage n’est pas sans évoquer la proclamation du psalmiste dans le psaume 22 (23): «…Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre | il me conduit par le juste chemin pour l'honneur de son nom | Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car il est avec moi : ton bâton me guide et me rassure». C’est un peuple qui reviendra à la lumière, qui marchera droit et assuré sur les pas de son Dieu et Père que Jérémie annonce, comme si les souffrances de la déportation et de l’exil auront été purificatrices, une sorte de mal nécessaire dont le peuple sortira grandi et transformé.

Ainsi en va-t-il de nos propres exils, ces moments que nous traversons dans notre vie spirituelles, ces "trous d'air", mais aussi au milieu de nos frères, présents mais absents, parce que exclus, marginalisés à tort ou à raison, parfois en y contribuant nous-mêmes consciemment ou inconsciemment par notre orgueil, notre repli sur nous-mêmes, notre fermeture aux autres… Mais, lorsque nous en revenons, savons-nous reconnaître la main bienveillante de Dieu et lui rendre grâce en chantant son saint nom à l'instar des captifs de Babylone?


19/10/2009

La mission au cœur de notre confession de foi…

Chers amis, bonjour !


Ce dimanche 18 octobre était dédié aux missions. Autrefois on parlait de la mission principale de l’Eglise, celle d’annoncer l’Evangile de Jésus-Christ à tous les peuples de toutes les nations. Son étymologie latine dit tout: missio (envoi). Sans cesse dans l’Evangile Jésus rappelle qu’il a été envoyé par son Père à qui il se réfère en permanence, pour justifier tous ses actes et le glorifier par là-même. Fils de l’homme, envoyé du Père, Jésus envoie à son tour ses disciples pour annoncer sa Bonne Nouvelle. Quand bien même il confie à Pierre les clés de son Eglise, c’est indistinctement les douze apôtres qu’il envoie à travers le monde annoncer sa Parole d’amour et de paix. Le chiffre 12, dans la Bible signifiant l’universalité, l’humanité tout entière.

La mission est une dimension constitutive de notre foi chrétienne. Ce n’est pas le cas, par exemple, dans la religion boudhiste qui s’adresse essentiellement à l’individu, et même dans la religion musulmane où cette dimension n’est pas fondatrice de sa doctrine. Cette mission donc est à vivre avec l’âme et le feu des premiers disciples, c’est-à-dire dans le quotidien de nos vies : dans nos familles, sur le lieu de travail ou de loisir, dans la rue… sans en avoir honte. Et sans se décourager, car le Seigneur nous a promis son Esprit-Saint qui nous éclaire et nous accompagne. Nous comprenons alors que la mission n’est pas une affaire de fonctionnaires habilités, accrédités… Chacun de nous est missionnaire: c’est une des façons de proclamer notre foi, car Jésus-Christ en personne est notre vraie confession de foi.


Dans la paroisse de mon quartier (Notre-Dame des Anges), c’est ce message que le RP Daniel a fait passer ce dimanche en insistant en plus sur les formes variées mais complémentaires des missions des hommes d’église, consacrés et laïcs. Et la prière universelle qui a été élaborée par l’équipe d’animation liturgique reflète bien cet esprit de générosité, d’ouverture aux autres pour donner autant que recevoir, d’humilité aussi:

1- Passe les continents, va vers l’Asie en priant, en t’informant, en accueillant son mystère. Elle t’apprendra à aller au plus profond de toi-même pour trouver Dieu et te retrouver toi-même. Elle t’apprendra la valeur du silence, la maîtrise de soi, la patience, la sérénité. Seigneur, nous te prions pour l’Asie.

2- Passe les continents, va vers l’Afrique en priant, en t’informant, en accueillant sa joie de vivre. Elle t’apportera son sens de l’accueil et de l’hospitalité, sa simplicité, son rythme de danse et son sens de la fête, sa confiance en la vie au jour le jour. Seigneur, nous te prions pour l’Afrique.

3- Passe les continents, va vers l’Amérique en priant, en t’informant. Elle te fera comprendre que la vie est un combat et que l’Evangile est l’arme de justice. Elle te communiquera sa foi, son courage et sa volonté tenace pour la libération de tout homme.

4- Passe les continents, va vers l’Océanie en priant, en t’informant. Tu comprendras sa soif de Dieu si présent. Dans ce continent d’îles aux mille couleurs, langues et cultures, tu comprendras son souci d’unité et de réconciliation. Seigneur, nous te prions pour l’Océanie.

5- Passe chez toi en Europe, ce continent en marche, riche de sa diversité dans les domaines politiques, culturels, économiques et religieux. Apprends l’ouverture à l’universel, accueille les diversités et les différences. Seigneur, nous te prions pour l’Europe.

Oui ! Annoncer que Jésus-Christ est l’envoyé de Dieu le Père, qu’il nous envoie à son tour parachever son œuvre de création en semant dans le cœurs des hommes sa Parole, et en réaffirmant à nos frères du monde entier la promesse qu’il nous faite de participer à sa gloire en son Royaume… La mission: une feuille de route certes difficile dans nos sociétés d’aujourd’hui si éprises de technique et de d’efficacité productive et financière, nos sociétés du «toujours plus» et «tout-de-suite», nos sociétés où l’archétype de l’homme est magnifié dans sa toute puissance individuelle… l’évangélisation, une œuvre de chaque instant, si exaltante, si sanctifiante…

15/10/2009

« Voici que j'ai placé mes paroles en ta bouche »

Chers amis, bonjour !


Le dimanche 25 octobre 2009, la liturgie de la parole qui nous est proposée commence par un texte du prophète Jérémie (Jr 31, 7-9). Avant toute immersion dans l’extrait de cette prophétie, et pour vous donner les moyens de bien la situer et la comprendre, il m’a semblé utile, de vous faire partager le contexte politique et social dans lequel le prophète a exercé son ministère (depuis son appel jusqu'à la destruction de Jérusalem). Pour ce faire, j’ai recherché une présentation complète et synthétique à ce sujet, et je l’ai trouvée dans les archives de“ la maison-russie“, un site orthodoxe qui donne à lire et à méditer la vie des saints à travers les siècles. Voici ce qui nous est proposé sur la vie et l’œuvre du prophète Jérémie :


Sanctifié et élu par Dieu avant même sa naissance, le Saint Prophète Jérémie vit le jour au sein d'une famille sacerdotale d'Anatot, dans le pays de Benjamin, vers 650 avant J.C.. Dès son jeune âge, il fut appelé par Dieu au ministère prophétique. Comme il hésitait et alléguait sa jeunesse et son inexpérience, le Seigneur lui toucha la bouche et lui dit: «Voici que j'ai placé mes paroles en ta bouche». Il l'établit comme guetteur, afin d'annoncer au peuple de Juda, endurci dans l'idolâtrie, la menace imminente de l'invasion assyrienne venue du nord. Comme la bouche de Dieu, avec une fermeté et une audace qui ne se démentiront pas tout au long de son ministère, Jérémie reprocha au roi, aux princes, aux prêtres et aux faux-prophètes leur apostasie et leurs recours aux idoles des nations étrangères. Il compare le peuple de Dieu à une épouse infidèle qui a oublié l'amour du temps de ses fiançailles, lorsqu'elle marchait au désert derrière le Seigneur. Puisqu'elle refuse de se repentir, elle sera répudiée et livrée, telle une prostituée, aux Assyriens qui la couvriront de honte. Rempli pourtant de compassion à l'égard de son peuple, le Prophète ressent à l'avance, en sa propre personne, les douleurs à venir, et il s'écrie: «Mes entrailles, mes entrailles ! Que je souffre... Mon cœur s'agite en moi, je ne peux me taire!». En effet, Jérémie n'est pas seulement le messager chargé d'annoncer les décrets divins, mais, préfigurant la mission de Notre Seigneur, il assume en lui-même le sort de son peuple et souffre pour son salut. Sans se lasser, pendant des années, il transmettra les oracles divins, soit par des paroles empreintes d'un lyrisme majestueux, soit par des actions symboliques commandées par Dieu, soit encore par sa propre vie et ses souffrances, annonciatrices de la Passion rédemptrice de Jésus-Christ.

Une fois, Dieu lui montra en vision une marmite bouillante, l'ouverture tournée vers le Nord, en lui disant que c'est du Nord qu'allait déborder le malheur. Une autre fois, Il l'envoya chez un potier qui travaillait au tour et qui, lorsqu'il manquait un vase, le défaisait et remodelait un autre avec l'argile. «Comme l'argile dans la main du potier, ainsi êtes-vous dans Ma main, maison d'Israël», dit le Seigneur. Un Prophète doit être un signe, c'est pourquoi Dieu lui interdit de prendre femme et d'avoir une progéniture dans ce pays voué à l'épée et à la famine. Il lui défendit également d'entrer dans une maison où l'on festoie, car Il allait faire taire les chants d'allégresse et les consolations. Il allait retirer Sa grâce et rejeter son peuple dans un pays lointain. Toute la vie du Prophète sera donc vouée à dénoncer les vains espoirs forgés par le peuple sous l'influence des faux-prophètes et à annoncer la catastrophe, mais il prêchera aussi que, de loin, s'annonce la réconciliation messianique de Dieu avec Son peuple renouvelé.

Dès les premières années de sa mission Jérémie se heurta au mépris et aux moqueries de ces concitoyens, c'est pourquoi il compare le peuple obstiné à une vigne vendangée et désormais inutile. Alors Dieu lui apparut et l'exhorta à tenter encore une fois de trouver ne serait-ce qu'une grappe sur un sarment, c'est-à-dire une âme disposée à la conversion. Mais cette tentative se heurta de nouveau à un échec. Le Prophète est semblable à un forgeron qui aurait éprouvé le métal par le feu de la parole divine, et qui doit finalement constater que la rouille ne s'en détache pas et qu'il le faut mettre au rebut.

En 612, la chute de Ninive et la décomposition de l'empire assyrien semblèrent annoncer la libération des peuples soumis à sa domination. Trois ans plus tard, les armées du pharaon Nékao (609-595) tentèrent de traverser la Palestine pour aller combattre les Mèdes et les Perses. Craignant des conséquences néfastes pour son royaume, le roi Josias (640-609) s'efforça de leur barrer le passage, mais il mourut dans la bataille de Mégiddo, laissant le royaume de Juda soumis à l'Egypte. Peu de temps après sa victoire, le pharaon fut lamentablement vaincu par Nabuchodonosor, à Karkémish sur l'Euphrate (605), et la Palestine tomba cette fois sous le joug babylonien. Cette nouvelle situation semblait ruiner les espoirs de restauration religieuse et morale suscités par la réforme entreprise par le roi Josias après la découverte du Livre de la Loi . Dès la mort du souverain, le peuple retomba dans l'injustice et la perversion des mœurs, il retourna aux cultes païens de Baal et Moloch, en leur ajoutant, de surcroît, d'autres divinités et cultes babyloniens. On ne se contentait plus que d'une pratique extérieure de la Loi, mêlée de superstitions et d'une quantité de pratiques magiques. Devant cette situation critique, Jérémie, après douze ans de silence, reprit la parole en public, dans le parvis du Temple, le jour de la fête de l'intronisation du roi, pour s'élever contre la confiance insensée que le peuple avait pour le Temple devenu "caverne de brigands", et il annonça sa prochaine destruction par la colère de Dieu si les Juifs refusaient de se repent. Dans un commun élan de rage, les prêtres, les faux-prophètes et le peuple s'emparèrent du Prophète et le conduisirent devant le roi, afin qu'il soit puni de mort pour avoir blasphémé contre le Temps.. Il fut relâché, mais il allait désormais être poursuivi par la haine tenace des prêtres et des faux prophètes.

Ne trouvant autour de lui que mensonges et duperies, découragé, Jérémie souhaitait se retirer dans une cabane au désert, loin de ce peuple adultère qui allait de crime en crime et refusait de se convertir. Mais, confirmé par la parole de Dieu, qui était pour lui « on ravissement et l'allégresse de son cœur» , il n'abandonna pas sa mission et annonça envers et contre tous, la destruction prochaine du royaume de Juda et la déportation de ses habitants. Cette prédication suscita une telle opposition que dans sa patrie même, Anatot, les prêtres et certains membres de sa famille tentèrent d'empoisonner le Prophète qui s'était offert à eux « tel un agneau confiant qu'on mène à l'abattoir ». Resté seul, maudit par ses compatriotes et privé de toute consolation, Jérémie éleva alors un cri de détresse vers Dieu, et le Seigneur lui répondit: «Ils lutteront contre toi, mais ne pourront rien contre toi, car Je suis avec toi pour te sauver et te délivrer...» . Sur l'ordre de Dieu, il alla, en présence des prêtres et des anciens du peuple, briser une cruche à la porte des Tessons, annonçant que le siège de la ville était imminent et que la vallée qui s'étendait en contre-bas serait appelée "Vallée du Carnage". Comme il répétait le même message, un jour de fête, dans le parvis du Temple, le prêtre Pashehur, chef de la police du Temple, frappa l'homme de Dieu, puis il le fit mettre au carcan. Délivré au matin, Jérémie reprit de plus belle sa prédication. On lui interdit dès lors l'accès au Temple et des espions furent envoyés partout où il prêchait, afin de surprendre ses paroles.

La victoire des Chaldéens sur l'Egypte, à Karkémish, fut pour le prophète l'occasion de souligner l'imminence du danger et de renouveler ses appels au repentir. Il dicta alors à son secrétaire Baruch l'oracle du Seigneur et l'envoya lire ce rouleau manuscrit dans le Temple devant le peuple rassemblé. Le roi informé se fit lire le rouleau et, au fur et à mesure de la lecture, il le déchirait et le jetait au feu, puis il ordonna d'arrêter Jérémie et Baruch. Mais ceux-ci réussirent à se cacher et échappèrent ainsi aux recherches.

Après quelques années de soumission à Nabuchodonosor le roi Joaquim se révolta (599), entraînant une expédition punitive des Babyloniens qui ravagèrent les campagnes de Juda. L'année suivante, Nabuchodonosor vint lui-même faire le siège de Jérusalem. Au bout de trois mois, la ville tomba aux mains des Chaldéens et le nouveau roi, le jeune Jéchonias (Joakîn), fut exilé à Babylone avec sa mère, les notables et dix mille gens du peuple. Malgré cette catastrophe le peuple resté à Jérusalem ne se corrigea pas de ses mœurs dépravées et les faux-prophètes continuèrent à entretenir l'espoir d'un retour rapide des exilés et d'une révolte triomphante. Alors que des envoyés des peuples voisins s'étaient rendus à Jérusalem pour négocier avec le nouveau roi de Juda, Sédécias, une coalition contre les Chaldéens, Jérémie se présenta en public, chargé d'un joug et lié de cordes, disant au Nom de Dieu : « Toute nation qui ne se soumettra pas au joug du roi de Babylone, c'est par l'épée, la famine et la peste que je la visiterai... ». Quelque temps plus tard, le faux-prophète Hananya vint au Temple, il enleva le joug de dessus la nuque de Jérémie et le brisa, disant qu'après deux années les exilés reviendront et Dieu brisera le joug du roi de Babylone. Mais, sous l'inspiration de Dieu, Jérémie dénonça le mensonge d'Hananya, prédit sa mort prochaine et annonça que le joug de bois qu'il venait de briser serait remplacé par un joug de fer. Convaincu par le vrai prophète de Dieu, Sédécias refusa d'entrer dans la coalition et envoya des émissaires à Babylone pour témoigner de sa loyauté. Ceuxci étaient porteurs d'une lettre de Jérémie aux déportés, leur annonçant qu'à l'issue de leur exil, qui devait durer soixante-dix ans, Dieu allait se réconcilier avec eux et se laisserait trouver par ceux qui le chercheront de tout leur coeur, et que les déportés du royaume d'Israël et du royaume de Juda reviendront vers la Terre Promise avec des cris de joie. Dieu rassemblera alors de nouveau ses brebis dispersées et conclura avec son peuple une Nouvelle Alliance, une alliance spirituelle et éternelle. « Je mettrai Ma loi au fond de leur être et Je l'inscrirai sur leur cœur. Alors Je serai leur Dieu et ils seront Mon peuple ».

A l'issue de cette période de calme, une nouvelle vague d'insurrection commença à agiter le royaume de Juda et les peuples voisins sous l'égide de l'Egypte (588). Confiant dans les promesses des Egyptiens et dans les fortifications de sa capitale, Sédécias refusa d'écouter les conseils de prudence et de soumission de Jérémie. Les évènements vinrent toutefois rapidement confirmer les craintes du Prophète. Les Babyloniens arrivèrent en vue de Jérusalem, ravageant tout sur leur passage. Malgré l'aide des Egyptiens, qui permit une interruption provisoire du siège, les armées babyloniennes revinrent bientôt à l'attaque, pour un siège qui allait entraîner la ruine de Jérusalem. Pendant la trêve, alors que Jérémie sortait de la ville afin d'aller toucher une part d'héritage au pays de Benjamin, il fut arrêté et accusé de vouloir passer à l'ennemi. Frappé par les soldats et sans pouvoir se justifier, il fut jeté dans un souterrain voûté et humide, et soumis aux mauvais traitements. Le roi le fit alors convoquer en secret pour le questionner sur l'issue du siège. Au nom de Dieu, le Prophète lui dit qu'il allait être livré entre les mains du roi de Babylone. Jérémie fut alors enfermé dans la cour de garde du palais, au moment où les Chaldéens reprenaient le siège. Alors que la ville était livrée à la famine et à l'épidémie, les princes annoncèrent au roi que le prophète captif continuait de décourager le peuple en annonçant que seuls ceux qui se rendraient aux Chaldéens auraient la vie sauve. Avec l'accord de Sédécias, ils se saisirent de lui et le descendirent dans une citerne fangeuse, en le vouant à une mort certaine. Mais un Ethiopien servant à la cour, Ebed-Mélek, prit compassion de son sort et obtint du roi qu'il en soit tiré. Jérémie resta dans la cour de garde jusqu'à la prise de la ville.

En juillet 586, une brèche fut ouverte dans la muraille et, à la fin du mois suivant, Jérusalem la fière tomba en proie à la fureur des Chaldéens. Sédécias essaya de s'enfuir, mais il fut rattrapé par l'ennemi et conduit devant Nabuchodonosor qui fit massacrer ses fils sous ses yeux avant de l'aveugler et de l'envoyer en exil à Babylone. La ville et le Temple furent incendiés, la muraille abattue, les trésors pillés et la plus grande partie du peuple envoyée en déportation, accomplissant ainsi les prophéties de Jérémie.

Le vieux Prophète fut délivré de ses liens par les Babyloniens et emmené avec les captifs. C'est en laissant derrière lui la ville en flamme qu'il aurait prononcé, dit-on, ses sublimes Lamentations. Parvenu à Rama, il fut relâché et laissé libre d'aller où il voulait. Refusant d'aller à Babylone, il préféra se rendre à Miçpa auprès de Godolias, auquel avait été remis le gouvernement du petit peuple qui n'avait pas été déporté.

Mais, après deux mois seulement, Godolias fut assassiné. Le peuple, craignant les représailles des Chaldéens, chercha alors à fuir en Egypte, malgré les avertissements de Jérémie qui recommandait de ne pas craindre le roi de Babylone et de se confier en la protection de Dieu. De nouveau, ni les officiers ni le peuple ne voulurent se soumettre à la parole de Dieu, et ils partirent pour l'Egypte. Suivant malgré lui les fuyards qui étaient parvenus à Tahpanhès, à l'est du Delta du Nil, Jérémie leur annonça la prochaine incursion de Nabuchodonosor en Egypte, où il allait servir une nouvelle fois d'instrument à la colère divine contre l'idolâtrie et l'endurcissement du cœur de Son peuple. En 568, Nabuchodonosor entra effectivement en Egypte, brisant tous les monuments du culte égyptien et répandant la mort et la ruine sur son passage. Seuls quelques rares rescapés Juifs purent retourner en Palestine.

Selon une tradition apocryphe, le Prophète Jérémie fut alors lapidé par ses compatriotes à Taphès, en Egypte, scellant par sa mort l'annonce prophétique de Celui qui devait s'offrir à la mort pour le Salut de tous les hommes.


14/10/2009

Servir et non pas être servi…
Donner sa vie en rançon pour la multitude.

Chers amis, bonjour!

L'Evangile de ce 29ème dimanche du temps ordinaire est extrait de Marc 10, 35-45:

35 Jacques et Jean, les fils de Zébédée,
s'approchent de Jésus et lui disent :
« Maître, nous voudrions que tu exauces notre demande. »
36 Il leur dit :
« Que voudriez-vous que je fasse pour vous ? »
37 Ils lui répondent :
« Accorde-nous de siéger,
l'un à ta droite et l'autre à ta gauche,
dans ta gloire. »
38 Jésus leur dit :
« Vous ne savez pas ce que vous demandez.
Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire,
recevoir le baptême dans lequel je vais être plongé ? »
39 Ils lui disaient :
« Nous le pouvons. »
Il répond :
« La coupe que je vais boire, vous y boirez ;
et le baptême dans lequel je vais être plongé, vous le recevrez.
40 Quant à siéger à ma droite ou à ma gauche,
il ne m'appartient pas de l'accorder,
il y a ceux pour qui ces places sont préparées. »
41 Les dix autres avaient entendu,
et ils s'indignaient contre Jacques et Jean.
42 Jésus les appelle et leur dit :
« Vous le savez :
ceux que l'on regarde comme chefs des nations païennes
commandent en maîtres ;
les grands font sentir leur pouvoir.
43 Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi.
Celui qui veut devenir grand
sera votre serviteur.
44 Celui qui veut être le premier
sera l'esclave de tous :
45 car le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi,
mais pour servir,
et donner sa vie en rançon pour la multitude.
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Le Littré définit la «rançon» comme le prix qu'on donne pour la délivrance d'un captif. "Je donne la liberté, sans aucune rançon, à tous les Juifs qui ont été emmenés captifs du pays de Juda". [Sacy, Bible, Machab. I, 10]. Si Jésus déclare que «le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude», cela signifie qu’il met sa vie en échange de la libération et de la délivrance de l’humanité tout entière. Cette image du serviteur est à rapprocher de celle du «serviteur souffrant» qu’Isaïe nous présente dans la première lecture de ce dimanche. Il n’est pas question de prise d’otage ici, ni de marchandage. Il ne s’agit pas non plus de la libération du joug romain mais de libération du peuple d’Israël et de l’humanité de toutes les sortes d’esclavages. Curieusement, cela fait la troisième fois que Jésus annonce sa passion à ses disciples qui, à l’évidence, n’en saisissent pas encore la portée messianique. D’autant plus qu’ils marchent vers Jérusalem… Jésus en tête… Jacques et Jean, fils de Zébédée, sont préoccupés par le protocole, la préséance auprès de Jésus à qui ils demandent ce qu’ils estiment essentiel: «Accorde-nous de siéger, l'un à ta droite et l'autre à ta gauche, dans ta gloire.» Et Jésus de leur décrire le chemin de sa gloire: l’humiliation et la mort sur la croix. C’est là un tableau incompréhensible pour les disciples et l’ensemble de son auditoire. Le chemin de la libération de l’humanité est une véritable œuvre de conversion du cœur de l’homme dans toutes ses valeurs spirituelles et morales: «être l’esclave de tous pour être le premier», «servir et non pas être servi», se faire humble et non pas vouloir «faire sentir son pouvoir», etc.

Rappelons-nous l’épisode de la tentation au désert, lieu privilégié de mise à l’épreuve (Mt 4, 1-11 ou Lc 4, 1-13 et lire la méditation qu’en propose Catherine Lestang). Le diable dit à Jésus: «Si tu es le Fils de Dieu, dis à cette pierre qu’elle devienne du pain». Et lui de répondre: «Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu». Jésus ne veut pas entrer dans la logique du tentateur, celle de la magie, de l’extraordinaire, du prestidigitateur qui en met «plein la vue»… Il n’est pas venu sur terre pour prouver qui il est mais pour révéler qu’il est le Fils de Dieu à travers ce qu’il fait et pour apporter le salut à l’humanité. Il ordonne à Satan de s’éloigner de lui, le Fils de Dieu dont la royauté n’est pas de ce monde, lui qui nest pas venu en son nom, lui qui ne met pas sa puissance au service de son ambition mais au service de son Père et des hommes qu’il a mission de sauver. Son seul pouvoir, c’est d’aimer et de nous révéler le projet de son Père pour l’homme rétabli co-acteur, co-opérateur de cette œuvre de salut.

Jésus, Fils de Dieu et grand prêtre…

Deuxième Lecture : Hébreux 4, 14 - 16


Frères,

14 en Jésus, le Fils de Dieu,

nous avons le grand prêtre par excellence,

celui qui a pénétré au-delà des cieux ;

tenons donc ferme dans l'affirmation de notre foi.

15 En effet, le grand prêtre que nous avons

n'est pas incapable, lui, de partager nos faiblesses ;

en toutes choses, il a connu l'épreuve comme nous,

et il n'a pas péché.

16 Avançons-nous donc avec pleine assurance

vers le Dieu tout-puissant qui fait grâce,

pour obtenir miséricorde

et recevoir, en temps voulu, la grâce de son secours.

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Pour continuer dans le sens de «l’ouverture» et vous faire partager les méditations d’autres personnes, exégètes ou simples témoins laïcs, je vous propose le commentaire de Marie-Noëlle Thabut (1), bibliste et journaliste à Radio Notre-Dame, pour ce texte de saint Paul aux Hébreux, dans une pédagogie limpide destinée à rendre le texte biblique accessible à tous. Voici donc son commentaire:


Tout se passe comme si nous assistions à une discussion sur le thème de la religion: deux théories, ou plutôt deux groupes, sont en présence: d'une part des Juifs, fervents, très attachés au culte du Temple et à l'institution du sacerdoce à Jérusalem: hors de là pas de salut; et, en face, des Chrétiens tout neufs qui ont trouvé en Jésus-Christ, mort et ressuscité, le salut que l'humanité attend. Le dialogue entre ces deux groupes est d'autant plus difficile qu'ils emploient exactement le même vocabulaire, mais en donnant aux mots des sens complètement différents, voire même opposés.

Pour les Juifs, le rôle des prêtres en général, et du grand prêtre en particulier, c'est de faire le pont entre le Dieu inaccessible et le peuple. Quand on dit «Dieu Saint», on pense Dieu séparé, inaccessible; les hommes, eux, appartiennent au monde profane, ce que l'Ancien Testament appelle impur. (Encore un mot qui a changé de sens!); alors, pour transmettre à ce Dieu nos prières, ou même nos actions de grâce, il faut un médiateur, un intermédiaire, quelqu'un qui fasse le pont. (C'est de là que vient le mot «pontife», «pontifex»). Ce quelqu'un ne peut pas être un homme ordinaire, qui appartient au monde profane; d'où tout le rituel de la consécration du grand prêtre; le mot «consécration» signifiant justement séparation, mise à part. Pourtant, nous savons que déjà l'Ancien Testament avait découvert, et merveilleusement, le Dieu tout proche; mais le chemin était à sens unique, si l'on peut dire: Dieu traversait l'abîme qui nous sépare de lui, mais pour l'homme, c'était impossible. D'où la nécessité du prêtre, mis à part pour cela.

Dans cette logique-là, il est évident que Jésus ne remplit aucune des conditions du sacerdoce: premièrement, il n'est pas de la tribu des prêtres (la tribu de Lévi), puisqu'il descend de David, qui est de la tribu de Juda; ses disciples se vantent assez, d'ailleurs, de cette filiation davidique; pire, pour être grand prêtre, il fallait, à l'intérieur de la tribu de Lévi, descendre de la famille d'Aaron, ce qui évidemment n'était pas non plus le cas. Il n'a donc pas non plus reçu la consécration de grand prêtre, et pour cause. Et encore plus grave, il est mort comme un maudit: la mort de Jésus n'est pas un acte du culte, bien au contraire: c'est l'exécution d'un condamné; et pour ceux qui l'ont condamné, il n'était qu'un imposteur, un faux Messie; d'ailleurs la preuve, c'est que Dieu ne lui épargne pas cette mort infâme; il a donc menti en se prétendant fils de Dieu. C'est en le tuant, au contraire, qu'on a accompli un acte religieux, en supprimant un blasphémateur qui ne pouvait que dévoyer le peuple.

Pour les Chrétiens, au contraire, tout repose sur le mystère de l'Incarnation. Dieu s'est fait homme; en Jésus-Christ, homme et Dieu ne font qu'un. Le voilà, celui qui, réellement, efficacement, fait le pont. En lui, Dieu est venu vers l'humanité, Dieu a traversé l'abîme qui nous sépare de lui. Notre texte dit «Il a traversé les cieux». En lui aussi, et en même temps, par sa résurrection, un homme a traversé les cieux: pour rester dans cette image, on pourrait dire que le chemin a été fait dans les deux sens. En lui, l'humanité tient fermement une fois pour toutes la main de Dieu. Et nous, puisque nous sommes son corps, nous avons par lui accès à Dieu. Donc, c'est lui notre médiateur une fois pour toutes. «Tenons ferme dans l'affirmation de notre foi» nous dit l'auteur, c'est-à-dire ne nous laissons plus intimider par une théorie d'un autre âge. Désormais, tout est changé. Ne regardons plus vers le passé; il n'était qu'une étape dans le projet de Dieu. Désormais, « En Jésus, le Fils de Dieu, nous avons le grand prêtre par excellence.»

Nous lisons ici que, au moment où cette lettre a été écrite, déjà la communauté chrétienne donnait à Jésus le titre de Fils de Dieu. Mais, du coup, ces chrétiens avaient la même difficulté que nous. Ce Fils de Dieu pouvait-il en même temps être un homme comme nous? Il est là, le mystère de l'Incarnation, et il faut bien accepter qu'il reste pour nous un mystère: les desseins de Dieu sont trop impénétrables pour nous. Chez nous tous, même si nous récitons fidèlement que Jésus est «vrai homme et vrai Dieu», l'idée que Dieu est irrémédiablement lointain demeure tenace.

C'est probablement pour répondre à ce genre de difficulté que l'auteur ajoute tout de suite après: «Le grand prêtre que nous avons n'est pas incapable, lui, de partager nos faiblesses; en toutes choses, il a connu l'épreuve comme nous, et il n'a pas péché.» Cette épreuve du Christ, recouvre certainement les multiples tentations qui ont jalonné sa vie: celles que nous rapportent les évangiles synoptiques dans ce qu'on appelle les tentations au désert; celle du pouvoir, du succès, du prestige; celle de se faire servir au lieu de se faire serviteur (nous en aurons un écho dans l'évangile de ce même dimanche); celle que lui a occasionnée Pierre en le poussant à éviter la persécution et la mort qui l'attendaient à Jérusalem; celle de Gethsémani... Celle, enfin, de se croire abandonné, au pire moment, c'est-à-dire sur la croix. Toutes ces tentations sont les nôtres, mais lui n'a jamais succombé; pas une fois il ne s'est éloigné de la volonté de son père: «Que ta volonté soit faite et non la mienne». Il est donc bien à la fois notre frère, qui partage notre condition, nos épreuves, nos tentations, et Fils de Dieu vivant parfaitement selon la volonté du Père.

Il ne nous reste plus qu'à marcher à sa suite, nous qui sommes ses membres, comme dit Saint Paul dans la lettre aux Corinthiens. Ce qui est dit ici sous la forme: «Avançons-nous donc avec pleine assurance...» Désormais, l'institution israélite du sacerdoce n'a plus de raison d'être. Mais alors, tout de suite se pose la question: pourquoi y a-t-il encore des prêtres parmi nous? Soyons francs, quand l'auteur de la lettre aux Hébreux écrivait, personne dans aucune communauté chrétienne ne portait le titre de prêtre; et si ce titre est revenu en usage par la suite, c'est avec un sens tout différent. Le prêtre chrétien ne prétend pas «faire le pont» entre Dieu et les fidèles. Mais, par sa présence, il rappelle sans cesse à ses frères, que Jésus-Christ, le seul grand prêtre, le seul pontife, est au milieu d'eux.

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(1) Marie-Noëlle Thabut anime principalement deux émissions sur Radio Notre-Dame:
- En marche vers dimanche, du mardi au vendredi à 11h45,
le samedi à 2h43 (rediffusion du mardi au vendredi 13h17 et 17h02),
- Parole du dimanche, le dimanche à 8h00.

Vous pouvez la contacter à l'adresse: mn.thabut@radionotredame.com