21/10/2009

Jésus, le grand prêtre désigné par Dieu

Lettre de saint Paul aux Hébreux, chapitre 5, versets 1 à 6.


01 En effet, le grand prêtre est toujours pris parmi les hommes, et chargé d'intervenir en faveur des hommes dans leurs relations avec Dieu; il doit offrir des dons et des sacrifices pour les péchés.

02 Il est en mesure de comprendre ceux qui pèchent par ignorance ou par égarement, car il est, lui aussi, rempli de faiblesse;

03 et, à cause de cette faiblesse, il doit offrir des sacrifices pour ses propres péchés comme pour ceux du peuple.

04 On ne s'attribue pas cet honneur à soi-même, on le reçoit par appel de Dieu, comme Aaron.

05 Il en est bien ainsi pour le Christ: quand il est devenu grand prêtre, ce n'est pas lui-même qui s'est donné cette gloire; il l'a reçue de Dieu, qui lui a dit: Tu es mon Fils, moi, aujourd'hui, je t'ai engendré,

06 et qui déclare dans un autre psaume: Tu es prêtre pour toujours selon le sacerdoce de Melkisédek.


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L’Epître aux Hébreux a fait l’objet de vives polémiques quant à son authenticité comme «écrit de la main de Paul». Mais après maintes vérifications, sa canonicité a été affirmée et, depuis, rarement contestée. Cette lettre s’adresse à un public très informé de l’ancienne Alliance et convertis du judaïsme, peut-être même un public en majorité composé de prêtres, vu l’insistance de Paul sur le culte et la liturgie. Ceux que l’on appelle « les Hébreux » sont donc de nouveaux chrétiens qui ont quitté Jérusalem, la Ville Sainte, pour se réfugier dans des villes du littoral, Césarée, Antioche, par exemple. Mais cet exil leur pèse et les pressions (persécutions) que leur font courir leur récente conversion se font de plus en plus vives. La nostalgie gagne naturellement ceux qui parmi eux sont des anciens prêtres, ministres du culte lévitique. C’est cette foi peu affermie que Paul s’efforce de raviver, de soutenir et d’encourager. Il ne faut pas revenir en arrière, leur clame-t-il sans relâche, comparant leur vie chrétienne à une marche vers la Patrie Céleste avec comme guide le Christ.

En effet, à l’ancien culte lévitique, Paul oppose la personne du Christ qui s’est donnée en offrande vivante et pure pour la rémission des péchés de tous les hommes. Son sacrifice unique par la mort sur la Croix est de loin plus valable que l’aspersion du sang des agneaux par Moïse sur les israëliens dans le désert. Le Christ est ainsi Prêtre selon l’ordre de Melchisédech, suréminent et supérieur à Moïse comme à Aaron.

Dans l’extrait qui nous est proposé en ce dimanche, Paul décrit la personne du prêtre et met l’accent sur son humanité. Le prêtre est une personne qui fait partie d’une communauté d’humains dont il partage la vie, et qui compatit à leurs misères et les partage: il est l’un d’eux. Or, par toute sa vie terrestre et particulièrement son agonie et sa mort, l’humanité du Christ a été attestée. Elle est un fait réel. Mais, à la différence des prêtres lévitiques, lui a été appelé par son Père non pas pour présenter des dons et des sacrifices pour l’expiation des péchés des membres de la communauté et des siens propres, mais plutôt pour s’offrir en sacrifice pour le pardon des péchés de la multitude.


Le Christ est, selon Paul médiateur et grand Prêtre :

- Médiateur de la Nouvelle Alliance (He 8, 6 ; 9, 15 ; 12, 24) de par sa position de Fils envoyé par le Père et donc de pontife entre Dieu et les hommes, un pontife humain et compatissant.

- Grand Prêtre, dans une définition plus élargie d’enseignement et de confession (le Christ est notre confession de foi), c’est-à-dire bien au-delà de la seule offrande de sacrifices pour l’expiation des péchés.


Pour bien comprendre cette fonction sacerdotale du Christ — et l’originalité de la vision paulinienne sur ce point —, il faut faire une lecture comparée du sacrifice par Moïse et les prêtres lévitiques, d’un côté, et de la cène de Jésus, de l’autre. Dans un cas, nous sommes face à une conception rituelle du sacrifice, dans l’autre nous sommes en présence d’une dimension existentielle. C’est sa propre personne que le Christ obéissant offre à son Père, dans sa douloureuse agonie (He 5, 7-10). Par son sacrifice, le Christ ne redonne pas des lettres de noblesse aux rites sacrificiels de l’Ancienne Alliance. Non ! par son oblation, Christ ne restaure pas l’Alliance du Sinaï. A alliance nouvelle, culte nouveau.

Pour aller plus loin dans la comparaison : lorsque Moïse rappelait au peuple d’Israël son Alliance avec Dieu sur le Sinaï, il sacrifiait des animaux et en aspergeait le gens présents en clamant: «Voici le sang de l'alliance» (Exode 24, 8 — Hébreux 9, 18-22). Avec les prêtres lévitiques, les grand prêtre recueillait le sang des victimes sacrificielles et entrait seul dans le sanctuaire où il pratiquait une aspersion de ce sang pour l’expiation des péchés du peuple qui était resté à l’extérieur, et des siens propres. Le jour de la dernière cène s’est accompli quelque chose d’extraordinaire lorsque Jésus, prenant le pain déclare: «prenez et mangez, ceci est mon corps livré pour vous»… puis, prenant la coupe de vin, il poursuit: «ceci est la coupe de mon sang, le sang de l’alliance nouvelle et éternelle qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés: vous ferez cela en mémoire de moi». La Nouvelle Alliance, c’est celle que prophétisait Jérémie : "Voici venir des jours, dit le Seigneur, où je conclurai avec la maison d'Israël une nouvelle alliance; non pas comme l'alliance que j’ai conclue avec leurs pères. Parce que je vais pardonner leurs iniquités et ne plus me souvenir de leurs péchés" (Jérémie 31, 31-34). L’héritage que le Christ laisse ainsi à ses frères humains n’est plus la Terre de Canaan (promise à Moïse et aux israëliens) mais le royaume de Dieu, le royaume de son Père où il nous attend pour boire le vin nouveau (Mt 26, 29 — Lc 22, 29-30).

Par son sacrifice éternellement efficace, «Le sang du Christ purifiera notre conscience des œuvres mortes pour que nous servions le Dieu vivant» (Hébreux 9, 14). Quand Paul proclame la fonction sacerdotale du Christ, il induit le triptyque nouveau prêtre – nouveau sacrifice - nouvelle alliance. Il développera plus loin cette supériorité du nouveau culte, du sanctuaire et de la médiation du Christ Prêtre: "Le Christ, lui, survenu comme grand prêtre des biens à venir [...] non pas avec du sang de boucs et de jeunes taureaux, mais avec son propre sang, entra une fois pour toutes dans le sanctuaire [du ciel], nous procurant ainsi une rédemption éternelle. [...] Le sang du Christ, qui par un Esprit éternel s’est offert lui-même sans tache à Dieu, purifiera notre conscience des œuvres mortes, pour servir le Dieu vivant. Voilà pourquoi il est médiateur d’une nouvelle alliance" (Hébreux 9, 11-15).

Cette offrande personnelle et unique du Christ se situe (et fonde) l’histoire même du salut. En effet, par la mort et la résurrection du Christ, nous sommes morts au péché et ressuscités à la vie nouvelle. Cela est «accompli une fois pour toutes», contrairement aux sacrifices de l’ancienne Alliance indéfiniment répétés et in fine inefficaces à procurer le salut. Ainsi, le ministère du Christ est de loin supérieur à celui des prêtres lévitiques: il officie désormais dans et par son propre corps, sanctuaire éternel et parfait dont les sanctuaires des prêtres n’étaient que de pâles copies “pré-figurantes“. Nous comprenons alors que le Christ est l’intermédiaire unique de la grâce et de la révélation définitive entre Dieu et l’humanité qu’il unit et réconcilie pour l’éternité.


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