31/01/2012

Il commande aux esprits, il enseigne avec autorité…


29 janvier 2012  —  Quatrième dimanche du Temps ordinaire

 Chers amis, bonjour !
En ce quatrième dimanche du Temps ordinaire, les textes qui nous sont proposés par la liturgie parle de la fonction du prophète, celui que Dieu choisit au milieu de son peuple pour dire son message d'espérance et d'amour, pour clamer et proclamer son appel à la conversion. Nous savons tous les excès de certains "visionnaires" (ou qui se considèrent comme tels) dans leur acharnement à appâter de paroles creuses et de pratiques abusives ceux qui souffrent dans leur vie et qui recherchent réconfort et délivrance. Du temps de Moïse, ils ont proliféré, surfant sur l'impatience et la naïveté de certains fils d'Israël au sortir d'Égypte. Mais aujourd'hui encore dans notre monde de consommation, de pouvoir de domination, des prophètes surgissent chaque jour plus  nombreux, pour tirer profit de la misère des plus faibles. À chaque coin de rue, à chaque sortie de métro, dans nos boîtes aux lettres et sur nos téléphones portables pullulent des messages plus extravagants les uns que les autres sur la fin du monde, la guérison de telle ou telle maladie, la résolution des problèmes matériels et affectifs… bref, la promesse du bonheur total. Ces faux prophètes dont la parole ne se source pas en Dieu mais qui pourtant nous la présente comme telle sont encore de beaux jours devant eux… hélas ! Pourtant, les textes de ce dimanche sont essentiels pour tout discernement que le chrétien doit avoir face à ces situations. Car une chose est sûre : « … un prophète qui oserait dire en mon nom une parole que je ne lui aurais pas prescrite, ou qui parlerait au nom d'autres dieux, ce prophète-là mourra », dit le Seigneur.


PREMIERE LECTURE - Deutéronome 18, 15 - 20
Moïse dit au peuple d'Israël :
15 « Au milieu de vous, parmi vos frères,
le SEIGNEUR votre Dieu
fera se lever un prophète comme moi,
et vous l'écouterez.
16 C'est bien ce que vous avez demandé au SEIGNEUR votre Dieu,
au mont Horeb, le jour de l'assemblée, quand vous disiez :
Je ne veux plus entendre la voix du SEIGNEUR mon Dieu,
je ne veux plus voir cette grande flamme,
je ne veux pas mourir !
17 Et le SEIGNEUR me dit alors :
Ils ont raison.
18 Je ferai se lever
au milieu de leurs frères
un prophète comme toi ;
je mettrai dans sa bouche mes paroles,
et il leur dira tout ce que je lui prescrirai.
19 Si quelqu'un n'écoute pas les paroles
que ce prophète prononcera en mon nom,
moi-même je lui en demanderai compte.
20 Mais un prophète qui oserait dire en mon nom
une parole que je ne lui aurais pas prescrite,
ou qui parlerait au nom d'autres dieux,
ce prophète-là mourra. »



Le livre du Deutéronome rassemble les paroles que Moïse prononça à tout Israël une fois établi en Trans-jordanie. Des paroles qui constituent la Loi spirituelle, sociale et politique des enfants d’Israël, parce que Moïse la promulgue comme Yahvé le lui a demandé. Dans la première partie, il rappelle la conquête et les exigences de choix divin en faveur de ce tout petit peuple ; il annonce l’exil comme châtiment de l’infidélité à Yahvé, mais ouvre en même temps une perspective de la conversion, du pardon, du retour et du salut. La seconde partie, appelée « Code deutéronomique » est un corps de prescriptions qui réglementent la vie sociale et religieuse des enfants d’Israël : observances religieuses, prescriptions rituelles et cadre juridique (autour de la loi du Talion, du mariage, de la protection des faibles). Dans le troisième discours, Moïse récapitule le cheminement du peuple d’Israël en évoquant à travers les plaies d’Égypte et le retour en servitude l’infinie puissance de Yahvé tant dans sa miséricorde que dans son châtiment. Puis Moïse conclut ce discours par le rappel de la centralité de l’Alliance et de la Loi reçue de Yahvé lui-même sur le Mont Horeb dans la vie du peuple d’Israël. Le merveilleux « cantique » dans lequel Moïse exalte la toute puissance du Dieu d’Israël, le seul vrai Dieu, est une ode à sa grandeur dont toute la nature (végétale, minérale et animale) et tout l’univers sont le témoignage vivant.

La fidélité au seul vrai Dieu est constamment rappelée aux enfants d’Israël. Nous savons combien ils ont été impatients et rebelles, insoumis et téméraires face à la promesse du salut : idolâtrie, veau d’or, et mauvaises conduites… Dieu les châtia parce qu’ils se fermaient à sa Parole, préférant écouter les faux prophètes et les devins : « Tu seras parfaitement fidèle à Yahvé ton Dieu » (18, 13).
Ainsi, c’est en ouvrant le cœur que Yahvé fait comprendre ses voies et montre son visage. C’est pourquoi le peuple n’écoutera que le prophète choisi par Dieu, choisi au milieu d’eux et lui-même inconditionnellement fidèle à ce même Dieu. Là se trouve la clé de sa propre crédibilité : « je mettrai dans sa bouche mes paroles, et il leur dira tout ce que je lui prescrirai... Mais un prophète qui oserait dire en mon nom une parole que je ne lui aurais pas prescrite, ou qui parlerait au nom d'autres dieux, ce prophète-là mourra. » Il faut donc croire qu’à cette époque circulaient plusieurs faux prophètes qui se réclamaient de Dieu pour en réalité égarer les cœurs faibles.

Tout le sens de cet extrait qui nous est proposé en ce dimanche est là : en même temps qu’il se manifeste à Moïse sur le Mont Horeb, dans le « Buisson ardent », Dieu institue le prophétisme, le vrai. Une fonction de « porteur d’espérance », d’« éveilleur de confiance », qui sera renouvelée à travers l’histoire d’Israël et qui prendra toute sa magnificence en Jésus le Christ : « Qui croit en moi, ce n’est pas en moi qu’il croit, mais en celui qui m’a envoyé. Moi, la lumière, je suis venu dans le monde, afin que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres. (…) Qui me rejette et ne reçoit pas mes paroles a son juge : la parole que je fais entendre, voilà qui le jugera au dernier jour ; car je n’ai pas parlé de moi-même, mais le Père qui m’a envoyé m’a lui-même prescrit ce que je devais dire et faire entendre ; et je sais que son ordre est vie éternelle. Les paroles que je dis, c’est donc comme le Père me l’a dit que je les dis. » (Jn 12, ‘’-50). Dans cet extrait, Moïse reçoit déjà de Dieu lui-même cette révélation qui va nourrir toute l’histoire du peuple choisi : « Je ferai se lever au milieu de leurs frères un prophète comme toi ; je mettrai dans sa bouche mes paroles, et il leur dira tout ce que je lui prescrirai ». N’est-ce pas là l’annonce de celui qui marquera la fin de l’ère prophétique à sa naissance, celui que Jean Baptiste a désigné comme l’« Agneau de Dieu », le « Messie », celui qui vient après lui et dont il n’est pas même digne de dénouer les lacets de ses sandales ?
La question des prophètes sera encore d’actualité après la mort et la résurrection du Christ. Nombreux furent ceux qui s’érigèrent comme des messagers de Dieu, parlant au nom de Dieu pour leur seule gloire et leur enrichissement matériel. Aujourd’hui encore, des hommes et des femmes s’autoproclament prophètes des temps nouveaux et exploitent les peurs et les angoisses des plus faibles. Qu’il nous revienne donc toujours à l’esprit ces paroles de Paul aux Éphésiens (2 P 1, 19-21) : « Vous avez raison de fixer votre attention sur la parole des prophètes, comme sur une lampe brillante dans l’obscurité jusqu’à ce que paraisse le jour et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs. Car vous savez cette chose essentielle : aucune prophétie de l’Écriture ne vient d’une intuition personnelle. En effet, ce n’est jamais la volonté d’un homme qui a porté une prophétie : c’est portés par l’Esprit que des hommes ont parlé de la part de Dieu ».



______________________________________________



L
e psaume 94 (95) ci-après, que nous proclamons chaque matin aux laudes comme une invite au réveil et l’ouverture de nos cœurs, rappelle cette longue et terrible expérience d’infidélité, d’incrédulité, de subversion et d’insoumission du peuple d’Israël dans le désert. Pourtant, Dieu a toujours été là, présent au rendez-vous du pardon : mais nous, savons-nous l’écouter, lui faire confiance ? Savons-nous être attentifs à sa présence agissante ?


PSAUME 94 (95), 1-2. 6-7. 8-9
1 Venez, crions de joie pour le SEIGNEUR,
acclamons notre Rocher, notre salut !
2 Allons jusqu'à lui en rendant grâce,
par nos hymnes de fête acclamons-le !

6 Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous,
adorons le SEIGNEUR qui nous a faits.
7 Oui, il est notre Dieu :
nous sommes le peuple qu'il conduit.

Aujourd'hui écouterez-vous sa parole ?
8 « Ne fermez pas votre cœur comme au désert
9 où vos pères m'ont tenté et provoqué,
et pourtant ils avaient vu mon exploit. »

______________________________________________




DEUXIEME LECTURE - Première Lettre de Paul aux Corinthiens 7, 32 - 35
Frères,
32 j'aimerais vous voir libres de tout souci.
Celui qui n'est pas marié a le souci des affaires du Seigneur,
il cherche comment plaire au Seigneur.
33 Celui qui est marié a le souci des affaires de cette vie,
il cherche comment plaire à sa femme,
et il se trouve divisé.
34 La femme sans mari,
ou celle qui reste vierge,
a le souci des affaires du Seigneur ;
elle veut lui consacrer son corps et son esprit.
Celle qui est mariée a le souci des affaires de cette vie,
elle cherche comment plaire à son mari.
35 En disant cela, c'est votre intérêt à vous que je cherche ;
je ne veux pas vous prendre au piège,
mais vous proposer ce qui est bien,
pour que vous soyez attachés au Seigneur sans partage.
Ce texte de Paul fait partie d’un message qu’il adresse aux chrétiens de Corinthe qui sont confrontés à plusieurs situations qui posent problème, dans leur vie quotidienne, individuelle et collective, privée et politique (et en contrebalance des pratiques d’autres communautés). Parmi ces problèmes, il y a celui du mariage et de la virginité.

Paul n’édicte ici aucune règle stricte qui exalte ou bannisse le mariage ou le célibat. Dans le Livre de la Genèse, nous avons tous en écho cette parole du Créateur à l’endroit d’Adam et Ève : « Il n'est pas bon pour l'homme d'être seul » (Gn 2, 18) et « Soyez féconds et prolifiques » (Gn 1, 28). Pendant longtemps, on a même pensé que le mariage était le seul état qui rendait une femme et un homme dignes devant Dieu. Et dans ce contexte, on comprend que la stérilité était vécue par les femmes comme une malédiction qui la reléguait au banc de la société. A contrario, l’enfantement, y compris au-delà de l’âge « compréhensible », était une réelle délivrance. Rachel, Anne, Élisabeth et bien d’autres femmes dans les Écritures ont manifesté leur bonheur et leur gratitude au Seigneur dès l’instant où elles ont senti l’enfant bouger dans leur sein…

Mais Paul replace le corps et le mariage dans le plan d’amour divin. En effet, que l’on vive seul ou en couple, tout doit nous faire converger vers l’Amour où chacun trouve sa justification et son épanouissement. Et puisque Dieu est AMOUR, c’est donc à lui que nous devons nous attacher. C’est là un acte de liberté que de replacer notre sexualité dans la perspective d’une spiritualité agissante et fructueuse. « Je ne veux pas vous prendre au piège, mais vous proposer ce qui est bien... c'est votre intérêt à vous que je cherche », déclare Paul. Notre intérêt est dans la recherche de la volonté de Dieu dont le Christ est venu accomplir le dessein. Ce message de Paul est d’autant plus fort qu’il rappelle sans cesse que nous sommes dans les derniers temps. Il aimerait tant que les chrétiens de Corinthe réalisent cette urgence. Le seul souci que nous devons avoir, c’est de chercher « comment plaire au Seigneur ». Et Paul nous en donne la réponse : « … lui consacrer son corps et son esprit » et lui rester attacher « sans partage ».
A l’attention des Éphésiens, Paul développera une morale domestique (dont le texte est souvent lu à l’occasion des mariages) lorsqu’il établit un parallèle entre le mariage humain et l’union du Christ à l’Église (Ep 5, 22-33). L’image du Christ époux de l’Église renvoie elle-même à celle d’Israël épouse de Yahvé (Os 1, 2+).


______________________________________________
 

EVANGILE - Marc 1, 21-28
Jésus, accompagné de ses disciples,
arrive à Capharnaüm.
Aussitôt, le jour du sabbat,
il se rendit à la synagogue, et là, il enseignait.
22 On était frappé par son enseignement,
car il enseignait en homme qui a autorité,
et non pas comme les scribes.
23 Or, il y avait dans leur synagogue
un homme,
tourmenté par un esprit mauvais,
qui se mit à crier :
24 « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ?
Es-tu venu pour nous perdre ?
Je sais fort bien qui tu es :
le Saint, le Saint de Dieu. »
25 Jésus l'interpella vivement :
« Silence ! Sors de cet homme. »
26 L'esprit mauvais le secoua avec violence
et sortit de lui en poussant un grand cri.
27 Saisis de frayeur,
tous s'interrogeaient :
« Qu'est-ce que cela veut dire ?
Voilà un enseignement nouveau, proclamé avec autorité !
Il commande même aux esprits mauvais,
et ils lui obéissent. »
28 Dès lors, sa renommée se répandit
dans toute la région de la Galilée.

« Tous s'interrogeaient : Qu'est-ce que cela veut dire ? Voilà un enseignement nouveau, proclamé avec autorité ! » Il y avait sûrement dans l’assemblée des personnes, scribes ou autres qui, en entendant la force de cet enseignement dispensé avec maîtrise, devaient faire référence à cette promesse de Dieu à Moïse dans le texte du Deutéronome : « Au milieu de vous, parmi vos frères, le SEIGNEUR votre Dieu fera se lever un prophète comme moi, et vous l'écouterez ».  C’est ce Messie qu’ils ont en face d’eux, cet homme qui les captive par l’originalité de son message.
Comme tout juif, Jésus est croyant et, le jour du Sabbat, il se consacre pleinement à Dieu. L’autorité qu’il dégage fait de lui plus qu’un prophète. C’est d’ailleurs — oh ! surprise… — l’esprit impur réfugié dans le corps de l’un des auditeurs qui vocifère et l’interpelle : « Que nous veux-tu, Jésus le Nazaréen ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais qui tu es : le Saint de Dieu ». L’esprit impur reconnaît donc la filiation divine de Jésus et son élection messianique ; il le reconnaît également comme le chef du peule des saints, des élus.
Tous les symboles sont là qui vont peupler le parcours de Jésus dans son ministère. Sa Parole, son enseignement  sont des armes qu’il nous donne pour notre libération de l’emprise du Mal, du démon, du péché. La nouveauté par rapport aux scribes et aux pharisiens, c’est que Jésus commande aux esprits impurs, il a autorité sur toute créature visible et invisible.
Cette guérison du démoniaque sera suivie de plusieurs autres : la belle-mère de Simon, le paralytique, de l’homme à la main desséchée, le démoniaque géranésien, la femme hémorroïsse, la résurrection de la fille de Jaïre, la fille d’une syrophénicienne, le sourd-bègue, l’aveugle de Bethsaïde, le démoniaque épileptique, l’aveugle de la sorite de Jéricho… des guérisons multiples (« le soir venu, après le coucher du soleil… ») à Capharnaüm même puis dans le pays de Gennézareth. Jésus opère tous ces miracles pour soulager des personnes et des foules car son ministère est fait  des paroles agissantes : en même temps qu’il enseigne, il réalise des œuvres. La prééminence de l’exorcisme chez Jésus est le signe manifeste que l’homme est gangréné par le démon, que l’homme dans son inconduite et son inconstance se laisser gagner par l’esprit du Mal. La conversion que Jésus proclame et à laquelle il exhorte ses interlocuteurs est une véritable renaissance. Et son message s’adresse à tous les hommes bien au-delà de la Galilée.
Plus tard, après sa résurrection, il apparaîtra à ses disciples et leur dira : « Allez par le monde entier, proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé ; celui qui ne croira pas sera condamné. Et voici les miracles qui accompagneront ceux qui auront cru ; par mon Nom, ils chasseront les démons, ils parleront en langues, ils prendront des serpents dans leurs mains, et s’ils boivent quelque mortel, ils n’en éprouveront aucun mal ; ils imposeront les mains aux malades et ceux-ci seront guéris. » (Mc 16, 15-18).
 

24/01/2012

« Le Nouveau Testament lie la Résurrection à l’Eucharistie.
Et celle-ci est encore le lieu douloureux de notre division, alors qu’elle porte le nom de « communion ».


Chers amis, bonjour !

La messe du Jour du Seigneur retransmise ce dimanche 22 janvier à la télévision était en réalité la célébration œcuménique qui a eu lieu le vendredi 20 janvier en l’ Église Saint-Bonaventure de Lyon. Un rassemblement riche par la diversité des messages et des témoignages des représentants de plusieurs confessions, un moment de partage intense de la Parole de Dieu.
Monseigneur Philippe Barbarin, Cardinal de Lyon, a livré une réflexion circonstanciée sur l’unité des chrétiens à partir des textes de Jean (12, 23-26) et Paul (Cor 15, 51-58) que nous nous faisons le plaisir de porter à votre connaissance. «
Consolation et Résurrection sont un même mot hébreu dans nos Bibles», dit-il en substance : «L’unité des chrétiens ne sera pas le fruit de recherches savantes, encore moins de négociations habiles. Nous l’attendons comme un événement de grâce…».


Texte de l'homélie

Tous nous serons transformés

Mille questions habitent le cœur des hommes. Avec émerveillement, nous les voyons venir très tôt sur les lèvres des enfants, des interrogations profondes sur la vie, l’avenir et le monde, toujours exprimées avec une clarté qui ne laisse pas d’échappatoire.
Avec les adultes, quand la discussion se prolonge, ces difficultés s’estompent, et il n’en reste plus qu’une, essentielle. Derrière le mal, la misère et la violence se profile la plus cruelle de toutes les souffrances, celle de la mort. Elle est perçue comme la plus grande énigme ou la pire injustice. C’est d’elle que viennent tous les doutes. La disparition d’un être cher provoque en nous comme un effondrement intérieur, qui, parfois, remet tout en cause. Au fond, les hommes ne portent en eux qu’une seule question : Est-il vrai que la mort n’est pas l’horizon ultime ? Est-il certain que la vie triomphera ?
Ni les philosophes, ni les hommes politiques, aussi intelligents ou dévoués soient-ils, n’ont pu chasser cette angoisse, ni ne parviendront jamais à donner une réponse satisfaisante. Qu’il fasse attention, celui qui voudrait se hâter de réconforter autrui par des formules faciles : « C’est Rachel qui pleure ses enfants et elle ne veut pas qu’on la console. » (Mt 2, 18)
C’est pour ne pas nous laisser dans cette tragique impasse que Dieu a fait le grand voyage de l’Incarnation. La toute-puissante Parole d’amour, qui est la source de la vie, est venue jusqu’à nous. Elle est entrée dans la fragilité de notre chair à Nazareth, pour refaire et parfaire l’homme, ainsi que tout le monde créé. Dès le début, les attaques ont déferlé, à commencer par la rage meurtrière d’Hérode, dès qu’il a appris la naissance du Roi. «Pourquoi as-tu peur, Hérode ? Le Christ n’est pas venu pour ravir la gloire d’autrui, mais pour nous faire don de la sienne. Tu commandes d’assassiner ces faibles corps, car la peur assassine ton cœur! »
Tout au long de sa vie, Jésus a parcouru le monde en faisant le bien (cf. Ac 10, 38).Mais comment a-t-on pu lui vouloir tant de mal ? Quand il monte au Golgotha, nous avons l’impression que son histoire résume toutes les contradictions de notre humanité. Quand il rend son dernier souffle, nous l’entendons prier : «Père, entre tes mains, je remets mon esprit.» (Lc 23, 46) Et de ces mains nous viendra la lumière. La résurrection de Jésus est la réponse de Dieu à toutes les questions des hommes. Lui seul pouvait nous la donner : « Avec la mort, la vie n’est pas détruite, elle est transformée. »
Voilà qui nous permet de comprendre enfin que la vocation de l’homme se résume dans le verbe aimer. Comme nos divergences entre chrétiens paraissent dérisoires tout d’un coup ! Et révoltants, nos conflits historiques, sans parler de la division des églises qui nous fait honte, puisque nous proclamons tous que l’Eglise est une et sainte. Mais pourquoi donc n’en donnons-nous pas le témoignage ? Ce qui est sûr, et vraiment joyeux, c’est qu’aujourd’hui, nous sommes unis par un amour fraternel qui traverse allègrement les prétendues frontières de nos églises. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour travailler à l’unité, convaincus de l’importance de cet enjeu, selon la parole du Seigneur: «A ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. » (Jn 13, 35)
Même si nous n’arrivons pas à démêler les nœuds accumulés par l’histoire, nous sommes sûrs que le Seigneur nous fera ce cadeau quand il voudra. L’unité des chrétiens ne sera pas le fruit de recherches savantes, encore moins de négociations habiles. Nous l’attendons comme un événement de grâce. Ne perdons pas de temps à nous lamenter sur les divisions du passé ou du présent, et faisons tout pour en éviter de nouvelles dans le futur… Lançons-nous hardiment dans l’œuvre de transformation que la Résurrection rend possible: «Tous, nous serons transformés.» Il s’agit de notre propre conversion à mettre en œuvre tout de suite. «Il faut que ce qui est périssable en nous devienne impérissable » (1 Co 15, 51 et 53)
Mais puisque l’Apôtre avertit que: «La chair et le sang ne sont pas capables d’avoir part au Royaume de Dieu», où donc allons-nous en trouver la force ? Dans le pain vivant de l’Eucharistie, comme nous l’a enseigné Jésus: «Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement (…) Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour.» (Jn 6, 51-54) Le Nouveau Testament lie la Résurrection à l’Eucharistie. Et celle-ci est encore le lieu douloureux de notre division, alors qu’elle porte le nom de « communion ». Quand ce pain devient le corps du Christ, il se trouve entraîné dans l’aventure du mystère pascal et nous ouvre à la lumière de la Résurrection. Voilà le levier de toutes les transformations et de la transfiguration du monde. Nous sommes envoyés pour proclamer ce message de consolation aux hommes, car ils méritent plus d’amour que le monde ne peut leur en donner: «Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu (…) et criez-lui» (Is 40, 1), la victoire de notre Seigneur Jésus Christ.
Consolation et Résurrection sont un même mot hébreu dans nos Bibles. Que la puissance de ce Mystère nous illumine et nous convertisse. Alors, nous saurons comment travailler ensemble à transformer le monde, pour que son Règne vienne !


Et pour ceux qui n’ont pas eu l’occasion de suivre cette célébration et l’homélie du Cardinal Philippe Barbarin de vive voix, vous pouvez revivre cette prédication en cliquant sur ce lien : homélie

23/01/2012

«Je ferai de vous des pécheurs d’hommes…»


Chers amis, bonjour !

La séquence relatée dans cet extrait de l’Évangile de Marc se passe après l’arrestation brutale de Jean le Baptiste. Jésus part donc en Galilée pour commencer son ministère basé sur une exhortation permanente à la conversion. Il ne cesse de proclamer : « Les temps sont accomplis, le Règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle ». Jésus est prêt : baptisé au bord du Jourdain, il s’était retiré dans le désert pour prier et se préparer à sa mission qui est de dire aux hommes et aux femmes de toutes origines que Dieu a tenu sa promesse : son  Royaume est proche, il est déjà là en la persone même de son Fils.


 Le lac de Galilée

__________________________________________________________________________


ÉVANGILE - Marc 1, 14-20
14 Après l'arrestation de Jean Baptiste,
Jésus partit pour la Galilée
proclamer la Bonne Nouvelle de Dieu ; il disait :
15 « Les temps sont accomplis,
le règne de Dieu est tout proche.
Convertissez-vous
et croyez à la Bonne Nouvelle. »
16 Passant au bord du lac de Galilée,
il vit Simon et son frère André
en train de jeter leurs filets :
c'étaient des pêcheurs.
17 Jésus leur dit :
« Venez derrière moi.
Je ferai de vous des pêcheurs d'hommes. »
18 Aussitôt, laissant là leurs filets,
ils le suivirent.
19 Un peu plus loin,
Jésus vit Jacques, fils de Zébédée, et son frère Jean,
qui étaient aussi dans leur barque
et préparaient leurs filets.
20 Jésus les appela aussitôt.
Alors, laissant dans la barque leur père avec ses ouvriers,
ils partirent derrière lui.

 
Nous retiendrons de cette scène décrite par Marc une particularité qui donne du sens à la rencontre de Jésus avec ceux qu’il appelle à le suivre. En effet, par deux fois, aux versets 16 et 19, nous notons le verbe «voir» :
Avant toute parole, avant tout appel, Jésus voit Simon et son frère André en train de jeter leurs filets ; il voit  ensuite Jacques, fils de Zébédée, et son frère Jean, qui étaient aussi dans leur barque et préparaient leurs filets. À chaque fois que Jésus rencontrera des gens, il posera d’abord sur eux son regard.  Bien des choses se disent «sans paroles», uniquement par la force du regard. Une mère, un père n’ont pas souvent besoin de parole pour signifier leur volonté à leur enfant : un seul regard suffit. Les amoureux en font l’expérience tous les jours lorsque, par de simples regards, ils se disent des choses « à demi  mot »… Mais le regard est aussi l’expression d'un apaisement ou d'une menace… Dans le cas des premiers apôtres, le regard de Jésus est transfigurateur, au même titre que son appel : «Venez derrière moi. Je ferai de vous des pêcheurs d'hommes». La réaction des appelés est sans détour : laissant barques et filets, ils le suivirent, sans hésiter.
Souvenons-nous: certains grands messagers de la Parole de Yahvé étaient « recrutés » parmi les bergers, les meneurs de troupeaux. Jean le Baptiste avait présenté Jésus comme «l’Agneau de Dieu», celui dont le sang lavera et sauvera tous les hommes du péché, l’Agneau libérateur comme jadis à la sortie d’Égypte. Ici, Jésus recrute parmi les pécheurs : «Venez derrière moi.  Je ferai de vous des pêcheurs d'hommes.» À la suite de Jésus qui montre le chemin parce qu’il est lui-même le chemin de la vie nouvelle, les filets ne sont plus ceux qui emprisonnent le poisson, mais ceux qui libèrent de l’emprise du péché ; les appâts ne sont plus de leurres jetés au tout-venant pour se faire prendre, c’est désormais Jésus lui-même qui se donne en holocauste sur l’autel du salut. Car il est la seule offrande digne devant Dieu son Père.
Il faut se convaincre ici de la radicalité de la proposition de Jésus à ses premiers apôtres. L’on peut même parier qu’ils n’y comprennent pas grand-chose, du moins sur le champ. Pourtant, ils s’engagent immédiatement, sans se poser trop de questions. A leur niveau, il s’agit d’une véritable conversion, un acte de foi sans pareil… et une «reconversion professionnelle» puisque, dorénavant, ce ne sont plus des poissons mais des hommes qu’ils devront ramener dans la barque de la délivrance.
Mais qu’en est-il de notre attitude face à l’appel de Jésus aujourd’hui ? Sommes-nous prêts à tout laisser pour aller à sa suite ? Notre attitude n’est-elle pas plus proche de celle du jeune homme riche qui, à un autre moment du ministère de Jésus, sera mis au défi par ce dernier : «Vas, vends tout ce que tu as, puis viens et suis-moi !». Le jeune s’en alla et ne revint pas. Oui, suivre Jésus, marcher à sa suite… cela nous oblige à choisir entre l’ancien monde, celui bâti par les hommes dans leur soif de richesse matérielle et de pouvoir dominateur, et le monde nouveau qu’il nous révèle pas à pas et dont il nous fait entrevoir l’horizon avec le regard de l‘AMOUR.
A plusieurs reprises, Jésus nous rappellera les exigences de la conversion à ce monde nouveau. Et il en choquera plus d’un avec des images crues :
«Si ton œil droit est pour toi une occasion de chute, arrache-le et jette-le loin de toi; car il est avantageux pour toi qu’un seul de tes membres périsse, et que ton corps entier ne soit pas jeté dans la géhenne. Et si ta main droite est pour toi une occasion de chute, coupe-la et jette-la loin de toi; car il est avantageux pour toi qu’un seul de tes membres périsse, et que ton corps entier n’aille pas dans la géhenne» (Mt 5, 29-30) «Si ta main est pour toi une occasion de chute, coupe-la; mieux vaut pour toi entrer manchot dans la vie, que d’avoir les deux mains et d’aller dans la géhenne, dans le feu qui ne s’éteint point. Si ton pied est pour toi une occasion de chute, coupe-le; mieux vaut pour toi entrer boiteux dans la vie, que d’avoir les deux pieds et d’être jeté dans la géhenne, dans le feu qui ne s’éteint point. Et si ton œil est pour toi une occasion de chute, arrache-le; mieux vaut pour toi entrer dans le royaume de Dieu n’ayant qu’un œil, que d’avoir deux yeux et d’être jeté dans la géhenne où leur ver ne meurt point, et où le feu ne s’éteint point» (Mc 9, 43-48).

Jésus ne demande pas à ceux qui l’écoutaient de se mutiler. Absolument pas ! Un pied, un œil, une main ne peuvent commettre un péché par eux-mêmes. D’un autre côté, un aveugle, un paralytique, un manchot peuvent également pécher. Car en réalité, c’est l’esprit qui commande tous ces membres et c’est donc à cet esprit que Jésus demande de faire l’effort de ne jamais laisser le péché s’installer dans notre vie personnelle, individuelle et collective. Il en va de même dans l’Église, ce corps mystique dont nous sommes membres par le baptême que nous avons reçu dans l’Esprit.
Jésus leur dit : «Venez derrière moi. Je ferai de vous des pêcheurs d'hommes.» Par ces mots, il les associe à son entreprise, comme de véritables artisans-actionnaires pour semer et faire fructifier la Parole de Dieu dans le cœur des hommes au-delà de la Galilée… bien au-delà de la Galilée.

Au pécheur, le Seigneur montre le chemin…


Chers amis, bonjour !

En ce 22 janvier, 3ème dimanche du Temps ordinaire, la liturgie nous a proposé deux textes dont la thématique principale est la miséricorde infinie de Dieu face au repentir et à la conversion de l’homme : Jonas (3, 1-5. 10) et Première Lettre de Paul aux Corinthiens (7, 29-31). Le Psaume 24 (25), 4-9 rappelle la confiance que nous devons mettre en Dieu, lui qui enseigne les bonnes voies et montre le chemin. L’Évangile du jour amplifiera cette confidence de chacun de nous à Jésus, cet homme nouveau qui vient montrer et éclairer le chemin en marchant devant pour l’assurance de ceux qui acceptent de le suivre.

_________________________________________________________


PREMIERE LECTURE - Jonas 3, 1-5. 10
1 La parole du SEIGNEUR fut adressée à Jonas :
2 « Lève-toi, va à Ninive, la grande ville païenne,
proclame le message que je te donne pour elle. »
3 Jonas se leva et partit pour Ninive,
selon la parole du SEIGNEUR.
Or, Ninive était une ville extraordinairement grande :
il fallait trois jours pour la traverser.
4 Jonas la parcourut une journée à peine
en proclamant :
« Encore quarante jours, et Ninive sera détruite ! »
5 Aussitôt, les gens de Ninive crurent en Dieu.
Ils annoncèrent un jeûne,
et tous, du plus grand au plus petit,
prirent des vêtements de deuil.
10 En voyant leur réaction,
et comment ils se détournaient de leur conduite mauvaise,
Dieu renonça au châtiment dont il les avait menacés.

Nous connaissons tous les épisodes de la vie de Jonas, un prophète plutôt plein de bon sens, à qui Dieu confie une mission précise : «Lève-toi, va à Ninive, la grande ville païenne, proclame le message que je te donne pour elle.» Jonas essaie de se dérober et, à bord d’un bateau, s’enfuit à l’autre bout du monde. Alors, Dieu déclenche une terrible tempête. Désigné par tirage au sort comme le coupable de ce qui survenait à l’embarcation, il est vite jeté par-dessus bord. Il est englouti par un gros poisson. Il séjourne pendant trois jours et trois nuits dans le ventre de ce poisson qui le recrachera vivant. Il accepta alors de se rendre à Ninive pour réaliser la mission du Seigneur.
Mais pourquoi donc Jonas avait-il si peur de Ninive ? C’est pour la simple raison qu’à l’époque, cette immense ville est la plus dangereuse de l’empire et ennemie d’Israël. Mais alors que le Seigneur lui-même avait prédit la ruine de cette cité, voici qu’elle se repentit plus vite qu’espéré. Jonas s’en offusque presque, lui qui y a été envoyé pour proclamer la parole de Dieu et l’exhorter au repentir : comment le Seigneur peut-il revenir aussi facilement sur sa colère et pardonner son pardon à cette ville et à ses habitants ? Car en effet, il y a dans l’histoire d’Israël un précédent célèbre : Sodome et Gomorrhe rasés, détruits et totalement anéantis par le Seigneur parce qu’elles étaient restées sourdes aux appels et aux avertissements de l’envoyé de Dieu, et qu’elles s’étaient vautrées dans la débauche.
Devant la conversion et le repentir des Ninivites, Jonas est pris de rancœur face à la miséricorde de Dieu. Mais nous pouvons lire dans cet épisode la symétrie du vécu de Jonas avec celui des Ninivites : Jonas s’enfuit, se dérobe à la mission de Dieu pendant que les Ninivites s’enfuient et s’éloignent de la Parole de Dieu — Dans le ventre du poisson, Jonas dispose du temps de lé réflexion, il reconnaît la toute puissance de Dieu, le seul juge. De même, les Ninivites entendent le jugement de Dieu : « Encore quarante jours, et Ninive sera détruite »… alors, ils se mettent à jeûner pour se faire pardonner leurs fautes : “Hommes et bêtes, gros et petit bétail ne goûteront rien, ne mangeront pas et ne boiront pas d’eau. On se couvrira de sacs, on criera vers Dieu avec force, et chacun se détournera de sa mauvaise conduite et de l’iniquité que commettent ses mains. Qui sait si Dieu ne se ravisera pas de l’ardeur de sa colère, en sorte que nous ne périssions point?” Dieu vit ce qu’ils faisaient pour se détourner de leur conduite mauvaise. Aussi Dieu se repentit du mal dont il les avait menacés, il ne le réalisa pas.” (Jon. III, 3-10).
Mort et résurrection, condamnation et miséricorde, offense et repentir… le livre de Jonas, l’un des plus petit de la Bible et a tout l’air d’une fable, est un merveilleux récit de l’universalité de Dieu — au-delà du seul peuple d’Israël —, de sa miséricorde infinie : Dieu pardonne toujours car il est AMOUR, c’est à nous qu’il revient d’être à l’écoute de sa parole, d’être attentifs à sa présence.

 _________________________________________________________


PSAUME 24 (25), 4-9
Seigneur, enseigne-moi tes voies,
fais-moi connaître ta route.
5 Dirige-moi par ta vérité, enseigne-moi,
car tu es le Dieu qui me sauve.
6 Rappelle-toi, Seigneur, ta tendresse,
ton amour qui est de toujours.
7 Oublie les révoltes, les péchés de ma jeunesse ;
dans ton amour, ne m'oublie pas.
8 Il est droit, il est bon, le Seigneur,
lui qui montre aux pécheurs le chemin.
9 Sa justice dirige les humbles,
il enseigne aux humbles son chemin.

C’est l’écoute de cette présence du Seigneur qu’exalte le Psaume 24 (25) qui nous a été proposé à la méditation. Une invite au changement profond de notre être dans la confiance de la miséricorde divine. La conversion du pauvre, c’est-à-dire de la personne humble de cœur, est l’œuvre de Dieu dont les chemins et les pensées sont insondables. L’Amour de Dieu ne peut être circonscrit par la raison humaine. S’abandonner à Dieu, se laisser guider par lui et lui faire confiance… cela est la garantie d’un pas sûr pour suivre le chemin, la voie, la route qu’il nous montre. Et ce chemin, c’est lui-même, en vérité.
J’ai coutume de rapprocher ce psaume de «prière dans l’exil» avec le Psaume 26 (27) intitulé «Près de Dieu, point de crainte», car ils procèdent tous les deux d’une même détermination : Yahvé, dans sa miséricorde infinie, ramène toujours à lui, dans le droit chemin, quiconque place en lui sa confiance. Il est la lumière et le salut… Alors ! De qui aurait-on crainte ? Il dirige les humbles dans la justice, il enseigne aux malheureux ses voies, dans ses sentiers sont amour et vérité, il protège à l’ombre de ses ailes les égarés… Ce sont ces fondements-là que Jonas n’avait pas compris lorsqu’il s’est fâché devant la miséricorde de Dieu envers les Ninivites.


_________________________________________________________ 
 

DEUXIEME LECTURE - Première Lettre de Paul aux Corinthiens 7, 29-31
29 Frères,
je dois vous le dire : le temps est limité.
Dès lors,
que ceux qui ont une femme
soient comme s'ils n'avaient pas de femme,
30 ceux qui pleurent,
comme s'ils ne pleuraient pas,
ceux qui sont heureux,
comme s'ils n'étaient pas heureux,
ceux qui font des achats,
comme s'ils ne possédaient rien,
31 ceux qui tirent profit de ce monde,
comme s'ils n'en profitaient pas.
Car ce monde tel que nous le voyons
est en train de passer.


Cet extrait de la Première Lettre de Saint Paul Apôtre aux Corinthiens est à replacer dans son contexte : Paul est alerté par les responsables des communautés chrétiennes de Corinthe sur des problèmes cruciaux de divisions et de scandales à ‘intérieur de l’Église même. Face aux divisions entre fidèles, Paul expose (et oppose) in extenso la sagesse du monde et la sagesse chrétienne, il définit le vrai rôle des prédicateurs et en tire des conclusions fortes et adresse des admonestations certes pédagogiques mais non moins cruciales. Il s’exprime sur les cas d’inceste et fustige l’attitude des tribunaux païens auxquels il ne reconnaît aucun pouvoir de juger puisque corrompus. Il aborde le problème très répandu de la fornication, c’est-à-dire de la prostitution («Tout m’est permis ; mais tout n’est pas profitable») (Co I, 7 12). Il propose également un ensemble de solutions à divers autres problèmes comme le mariage et la virginité, non d’un point de vue général, mais en réponse à des questions précises qui lui sont posées.
Sur ce dernier point justement, Paul donne d’abord des repères pratiques aux membres des communautés chrétiennes de Corinthe. Il énonce des règles qui facilitent la vie communautaire. En substance, il énonce trois principes «sociologiques» : 1)- chacun doit rester dans l’état de vie où il se trouvait avant son appel à la foi, 2)- la virginité est un état plus parfait et spirituellement plus avantageux que le mariage, et 3)- le mariage convient à ceux qui ne pourraient résister à la concupiscence, une sauvegarde en quelque sorte.

En même temps, il ne faut pas interpréter ces paroles  comme un mépris du corps, de la chair (comme il aime à dire) et du mariage comme institution et comme sacrement. Le propos de Paul puise son sens dans sa doctrine du corps de l’homme transfiguré en Jésus Christ par le baptême et sa résurrection. Ce sont là deux moments  qui doivent soutenir la vie de tout chrétien dont le corps en devenu temple de L’Esprit Saint. Nos modes de vie avec les symboles qui les empreignent sont à éclairer à l’aune de la Parole du Christ qui nous fait entrevoir un monde nouveau. Paul nous invite à porter notre regard au-delà du monde présent, quotidien pour scruter l’horizon de Dieu, le seul horizon stable face à notre monde qui arrive à échéance. Il s’agit de vivre désormais au rythme de Dieu : «Si nous souffrons avec Lui, avec Lui nous vivrons ; si nous mourrons avec Lui, avec Lui nous règnerons».
Le respect du corps de l’homme participe de glorification  à laquelle le destine désormais le Christ ressuscité. Et seule la loi nouvelle de l’AMOUR peut nous aider à saisir la grandeur de ce destin qui s’ouvre à nous dans le monde nouveau en Christ. La foi de Paul se fonde sur une vérité inébranlable : Jésus ressuscité dans son corps, vivifié par l’Esprit (Ac 9, 4s et Rm 1, 4)  et prémices du monde nouveau (1 Co 15, 23) auquel les chrétiens se rattachent dans leurs corps mêmes (Rm 8, 11 ) par les rites du baptême (1 Co 12, 13 et Rm 6, 4 +) et de l’Eucharistie (1 Co 16s). Ainsi, ils deviennent membres de ce corps « mystique » auquel ils sont rattachés et par lequel ils font église.


16/01/2012

« Voici l’Agneau de Dieu » …

Chers amis, bonjour !

Nous poursuivons notre méditation des textes de la liturgie de ce dimanche 15 janvier 2010 avec l'Évangile de Saint Jean (1, 32 - 42). Nous  pouvons lire ce même récit d’engagement ou de « recrutement » des premiers disciples dans Matthieu (16, 18-19+) et Marc (3, 16). 

Évangile - Jean 1, 35 - 42
35 Jean Baptiste se trouvait avec deux de ses disciples.
36 Posant son regard sur Jésus qui allait et venait, il dit :
« Voici l'Agneau de Dieu. »
37 Les deux disciples entendirent cette parole,
et ils suivirent Jésus.
38 Celui-ci se retourna, vit qu'ils le suivaient,
et leur dit :
« Que cherchez-vous ? »
Ils lui répondirent :
« Rabbi (c'est-à-dire : Maître), où demeures-tu ? »
39 Il leur dit :
« Venez, et vous verrez. »
Ils l'accompagnèrent,
ils virent où il demeurait,
et ils restèrent auprès de lui ce jour-là.
C'était vers quatre heures du soir.
40 André, le frère de Simon-Pierre, était l'un des deux disciples
qui avaient entendu Jean Baptiste et qui avaient suivi Jésus.
41 Il trouve d'abord son frère Simon et lui dit :
« Nous avons trouvé le Messie » (autrement dit : « le Christ »).
42 André amena son frère à Jésus.
Jésus posa son regard sur lui et dit :
« Tu es Simon, fils de Jean ; tu t'appelleras Képha »,
(ce qui veut dire : « pierre »).

________________________________________________



Nous pouvons lire ce même récit d’engagement ou de « recrutement » des premiers disciples dans Matthieu (16, 18-19+) et Marc (3, 16). Ainsi qu’il le fait depuis quelques temps, Jean-Baptiste prêche sur les bords du Jourdain… et Jésus passe par là. Simple coïncidence ou rencontre convenue ? Personne ne peut le dire vraiment. Ce qui est vrai, c’est que, d’emblée, il pose sur lui son regard et dit aux deux disciples qui étaient avec lui : « Voici l’Agneau de Dieu ».  Tout comme le grand prêtre Éli avait montré le chemin de la reconnaissance de Yahvé au jeune Samuel, Jean-Baptiste montre à ses propres disciples celui dont il sait qu’il le Messie, le Sauveur. Il passe ainsi le témoin à Celui dont il dit qu’il n’est même pas digne de délier la courroie de sa sandale… Mais les mots qu’il utilise pour nommer et désigner le Sauveur sont déroutants pour ses disciples. En effet, dans la culture juive, l’image de l’agneau renvoie à des séquences bien précises du peuple hébreu ; elle renvoie particulièrement à la célébration de la Pâque et encore plus au marquage des linteaux des portes des israéliens avec le sang de l’agneau immolé à cette occasion. L’agneau de la libération, l’agneau du salut, l’agneau de l’espérance… Alors, que Jean-Baptiste dise de Jésus qu’il est l’Agneau de Dieu, cela surprend sur le moment. Jésus dira de lui-même qu’il est « doux et humble de cœur », l’agneau de la Pâque nouvelle.
Pourtant, c’est bien lui qui est « l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». Dans notre monde d’aujourd’hui, il est totalement invraisemblable de s’identifier à un agneau. Non ! La mode est plutôt à s’approprie les qualités d’un loup, d’un tueur… et les coachs de tous acabits se font les choux gras sur le dos de ceux qui sont prétendument faibles, trop tendres, pas assez incisifs. Deux visions bien différentes et opposées… Jésus a fait le choix de la pauvreté et de la non-violence.
« Venez, et vous verrez », répond-t-il aux deux disciples qui ont décidé de le suivre. Comme Samuel, ils ont saisi l’appel de Dieu : ils abandonnent tout et s’engagent à sa suite. Oui, souvent Dieu est là que nous ne voyons pas, que nous ne savons pas reconnaître. Il nous faut alors de l’aide, il faut quelqu’un qui nous montre le chemin à défaut d’avoir du discernement et une intelligence des événements dans notre vie personnelle et sociale.
Car Dieu nous parle souvent, mais nous n’avons pas les oreilles pour entendre son appel ; nous ne sommes pas suffisamment attentifs aux signes de sa présence, si absorbés que nous sommes par nos problèmes, par la frénésie de la consommation, par l’intrusion et l’envahissement de l’information jusque dans le secret de notre vie, par les sirènes si commodes des faux prophètes.
Christ, agneau de Dieu… Jean-Baptiste annonce déjà la plus belle offrande qui sera faite à l’humanité : le sang versé, c’est-à-dire la vie donnée pour la rémission de nos péchés, le sang qui sera source du salut et de la vie éternelle. Saint Pierre le déclarera dans sa Première Lettre comme un fondement de la foi chrétienne : « Ce n'est point par des choses périssables, argent ou or, que vous avez été rachetés (c'est-à-dire libérés) de la vaine manière de vivre héritée de vos pères, mais par le sang précieux, comme d'un agneau sans défaut et sans tache, celui du Christ... » (1 P 1, 18 - 19).
« Agneau de Dieu », mais aussi agneau dont les noces préfigurent les joies éternelles en Christ ressuscité. Jean l’exaltera dans son Apocalypse (19) :

[
Car elles sont venues,
les Noces de l'Agneau,
Alléluia !
Et pour lui son épouse
a revêtu sa parure.
Alléluia !
]
Saint Paul n’est pas en reste lorsque, dans sa deuxième Épître aux Thessaloniciens (2, 13-14), il proclame : « Nous devons continuellement rendre grâce à Dieu pour vous, frères aimés du Seigneur, car Dieu vous a choisis dès le commencement, pour être sauvés par l’Esprit qui sanctifie et par la foi en la vérité. C’est à cela qu’il vous a appelés par notre Évangile, à posséder la gloire de notre Seigneur Jésus Christ. » Oui, nous sommes des « appelés » par Dieu porter sa Bonne Nouvelle.

 

« Parle, ton serviteur écoute »…


Chers amis, bonjour !

Nous voici (déjà) au premier Dimanche du Temps ordinaire de la liturgie. En réalité, il n’y a rien d’ordinaire dans la temporalité de la vie en église car nous sommes toujours en célébration pascale : «  nous attendons la venue du Seigneur dan la gloire ».
Néanmoins, alors que dimanche dernier nous célébrions l’épiphanie de l’Enfant Jésus, voici qu’aujourd’hui nous faisons un saut dans le futur… puisque l’Évangile qui nous est proposé se situe dans la trentième année de Jésus. Celui-ci commence en effet son ministère, sa mission. Cela veut dire aussi que ce Jésus a grandi au milieu des siens comme tous les autres enfants de son âge, particulièrement en aidant ses parents dans les tâches de la vie quotidienne. En même temps, comme l’écrit Luc à propos de la vie cachée de Jésus après sa circoncision et sa présentation au Temple : « Lorsqu’ils (ses parents) eurent accompli ce qui était conforme à la Loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, à Nazareth, leur ville. Cependant, l’enfant grandissait, se développait et se remplissait de sagesse. Et la grâce de Dieu reposait sur lui » (Lc 2, 39-40). Il était sûrement à l’écoute permanente de l’appel de son Père qu’il rencontrait dans la prière.

La liturgie de ce dimanche 15 janvier nous a proposé les textes suivants : 
 
Première Lecture - Premier Livre de Samuel 3, 3b-10. 19
Psaume 39 (40), 2.4 7-11
Deuxième Lecture : Première Lettre aux Corinthiens 6, 13... 20
Évangile - Jean 1, 35 - 42

___________________________________________


Première Lecture - Premier Livre de Samuel 3, 3b-10. 19

 3 Le jeune Samuel couchait dans le temple du SEIGNEUR,
où se trouvait l'arche de Dieu.
4 Le SEIGNEUR appela Samuel, qui répondit :
« Me voici ! »
5 Il courut vers le prêtre Eli, et il dit :
« Tu m'as appelé, me voici. »
Eli répondit :
« Je ne t'ai pas appelé. Retourne te coucher. »
L'enfant alla se coucher.
6 De nouveau, le SEIGNEUR appela Samuel.
Et Samuel se leva. Il alla auprès d'Eli, et il dit :
« Tu m'as appelé, me voici. »
Eli répondit :
« Je ne t'ai pas appelé, mon fils. Retourne te coucher. »
7 Samuel ne connaissait pas encore le SEIGNEUR,
et la parole du SEIGNEUR ne lui avait pas encore été révélée.
8 Une troisième fois, le SEIGNEUR appela Samuel.
Celui-ci se leva. Il alla auprès d'Eli, et il dit :
« Tu m'as appelé, me voici. »
Alors Eli comprit que c'était le SEIGNEUR qui appelait l'enfant,
9 et il lui dit :
« Retourne te coucher,
et si l'on t'appelle, tu diras :
Parle, SEIGNEUR, ton serviteur écoute. »
Samuel retourna se coucher.
10 Le SEIGNEUR vint se placer près de lui
et il appela comme les autres fois :
« Samuel ! Samuel ! »
et Samuel répondit :
« Parle, ton serviteur écoute. »
19 Samuel grandit.
Le SEIGNEUR était avec lui,
et aucune de ses paroles ne demeura sans effet.

Cet extrait du Premier Livre de Samuel fait partie d’un écrit que l’on pourrait qualifier de romanesque avec des personnages variés et des histoires mêlées. Celles des hommes et des femmes pris dans un quotidien âpre et difficile, mais également enflammés par leurs relations au Tout-Puissant qu’ils ne cessent d’aller prier dans son sanctuaire. Samuel est le don que Dieu fait à Anne, sa mère inféconde. Celle-ci avait promis, si le Seigneur exhaussait son vœu, de mettre l’enfant à son service dans le temple. C’est qu’il advint : en effet, après qu’elle eut sevré l’enfant, elle se présenta à Éli pour consacrer son enfant au Seigneur. Sa prière est d’ailleurs annonciatrice de celle de Marie lorsqu’elle fut visitée par l’Ange Gabriel :

« … C’est Yahvé qui appauvrit et enrichit,
qui abaisse et aussi qui élève.
Il retire de la poussière le faible
du fumier il relève le pauvre,
pour le faire asseoir avec les nobles
et leur assigner un siège d’honneur… »

Le jeune Samuel servait donc le Seigneur sous la gouverne d’Eli, le grand prêtre.  Ici, il est question d’appel de Dieu auquel Samuel n’est justement pas préparé. Mais cette révélation qui le consacre comme prophète n’est pas un songe, puisque la voix réveille l’enfant ; elle n’est pas non plus un rêve ni une vision puisqu’il ne voit pas Yahvé mais entend sa voix. Laquelle voit émane au-dessus de l’Arche de Dieu, le lieu où Yahvé se rend présent pour communiquer ses ordres. Ce fut le cas lorsque, après la conclusion de l’Alliance sur la Montage avec Moïse, Aaron, Nadab, Abihu et soixante-dix des Anciens d’Israël, Yahvé énonça ses prescriptions relatives à la construction du Sanctuaire et à ses Ministres et précisa : « Tu placeras le propitiatoire sur la partie supérieure de l’arche et tu déposeras dans l’arche le témoignage que je te donnerai. C’est là que je te rencontrerai ; c’est du haut du propitiatoire, de l’espace compris entre les deux chérubins placés sur l’arche du Témoignage, que je
te communiquerai les ordres destinés aux enfants d’Israël. » (Ex. 25, 22).
De même, dans le Livre du Lévitique (Lv 24, 3), lorsque Yahvé énonce ses prescriptions rituelles complémentaires, il parle ainsi à Moïse : « Commande aux enfants d’Israël d’apporter de l’huile vierge pour le candélabre, et d’y faire monter une flamme permanente. C’est devant le voile du Témoignage, dans le Tente de Réunion, qu’Aaron disposera cette flamme. Elle sera là devant Yahvé du soir au matin, en permanence. Ceci est une loi perpétuelle pour vos descendants : Aaron les lampes sur le candélabre pur, devant Yahvé, en permanence. »
Plus tard, le scénario sera exactement le même pour la narration de la vocation du prophète Isaïe : «  … je vis le Seigneur Yahvé assis sur un trône élevé ; sa traîne remplissait le sanctuaire ; des séraphins se tenaient au-dessus de lui ayant chacun six ailes : deux pour se couvrir la face, deux pour se couvrir les pieds et deux pour voler ». (Is 6)
C’est donc dans son sanctuaire, là où se trouvait son arche que Dieu appelle Samuel. Cela est d’autant plus exceptionnel qu’à l’époque la voix de Dieu se faisait rare. Par deux fois, l’enfant pense que c’est Éli qui l’appelle. Mais le grand prêtre sait qu’il s’agit là d’un appel de Dieu lui-même. « Parle, ton serviteur écoute », lui conseilla-t-il de répondre. Ce que fit l’enfant. Or, le message de Yahvé à Samuel concernait justement la maison d’Éli : « … En ces jours-là, j’accomplirai contre Éli tout ce que j’ai dit contre sa maison, du commencement à la fin. Tu lui annonceras que je condamne sa maison pour toujours ; parce qu’il a su que ses fils maudissaient DIEU et qu’il ne les a pas corrigés. C’est pourquoi … ni sacrifice ni offrande n’effaceront jamais la faute de la maison d’Éli » (12-14). C’est là une dure épreuve pour Samuel, une lourde charge, mais également un moment d’exaltation parce que Dieu lui parle et lui assure désormais une présence permanente : « Samuel grandit, le SEIGNEUR était avec lui, et aucune de ses paroles ne demeura sans effet. » Dieu avait agi de la même manière avec  le jeune Joseph (vendu par ses frères) en Égypte : « … Or Yahvé assista Joseph, à qui tout réussit, et il resta dans la maison de son maître, l’Égyptien. » (Gn 39, 2).
Et nous, aujourd’hui, dans le tumulte de nos sociétés de consommation et d’information surabondante, dans notre monde envahi par les faux prophètes et les imposteurs de toutes sortes, sommes-nous suffisamment attentifs à l’appel de Dieu, à le reconnaître avec discernement ? Sommes-nous assez  éveillés pour capter l’appel de Dieu dans le regard, le silence ou la souffrance de certains de nos frères ? Sommes-nous à la recherche ou dans l’attente de cet appel qui résonne dans le sanctuaire de notre Dieu ? Sommes-nous en disposition d’accueillir cet appel et de le laisser germer dans l’humus de nos vies au quotidien afin qu’il porte du fruit, du bon fruit ? Savons-nous dire « oui «  au Seigneur pour lui faire une place dans nos vies en permanence ? Sommes-nous prêts à accepter que Dieu nous consacre « prophètes », c’est-à-dire porteurs et serviteurs de sa Parole, cultivateurs de l’espérance ?

___________________________________________



Psaume 39 (40), 2.4 7-11

2 D'un grand espoir, j'espérais le SEIGNEUR,
Il s'est penché vers moi
4 Dans ma bouche il a mis un chant nouveau
une louange à notre Dieu.

7 Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice
tu as ouvert mes oreilles
tu ne demandais ni holocauste ni victime
8 alors j'ai dit : « Voici, je viens. »

Dans le livre est écrit pour moi
9 ce que tu veux que je fasse.
Mon Dieu, voilà ce que j'aime :
Ta Loi me tient aux entrailles.

10 Vois, je ne retiens pas mes lèvres,
SEIGNEUR, tu le sais.
11 J'ai dit ton amour et ta vérité
A la grande assemblée.
Ce long psaume est intitulé « Action de grâce. Appel au secours ». Cela correspond à l’organisation de ce texte dont la première partie est une sorte de retour sur le passé d’Israël opposé au présent. Il est étonnant, pour qui connaît la culture rituelle et sacrificielle d’Israël. Souvent elle était caractérisée par une offrande vivante : un agneau. Cette culture s’est, au fil du temps, muée ; elle a évolué dans ses formes… mais jamais elle n’a considéré que l’homme pouvait être offert en sacrifice. Longtemps avant, Abraham en avait été dissuadé par l’ange…
Le sacrifice qui plaît au Seigneur est d’un autre ordre. Le psalmiste lui-même l’évoque dans le psaume 50 (18-19) :
Si j’offre un sacrifice, tu n’en veux pas,
tu n’acceptes pas d’holocauste.
Le sacrifice qui plaît à Dieu,
c’est un esprit brisé ; *
tu ne repousses pas, ô mon Dieu,
un cœur brisé et broyé.

Finalement, l’obéissance vaut mieux que le sacrifice. Et celui que nous sommes encouragés à obéir, c’est justement celui-là même qui s’offrira comme victime pascale par la mort sur la Croix pour le salut de toute la création. Le vrai sacrifice par Jésus-Christ est rédemption : car le sacrifice (sacrum fare = rendre sacré) ne consiste pas à tuer mais à faire vivre. Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est celui de l’amour et de la fidélité dans sa Parole qu’il nous est demandé d’annoncer sans relâche à la grande assemblée.

Il sera utile d’élargir la compréhension de cet extrait de psaume avec les références suivantes : Hébreux 10, 5-7 / Isaïe 50, 5 / Amos 5, 21 + / Ps 37, 31 / Ps 51, 18-19 / Ps 69, 31-32 / Jean 4, 34 et 8, 29.




___________________________________________


 
Deuxième Lecture : Première Lettre aux Corinthiens 6, 13... 20
Frères,
13 Notre corps n'est pas fait pour l'impureté,
il est pour le Seigneur Jésus,
et le Seigneur est pour le corps.
14 Et Dieu, qui a ressuscité le Seigneur,
nous ressuscitera aussi, par sa puissance.
15 Ne savez-vous pas que vos corps sont des membres du Christ ?
17 Celui qui s'unit au Seigneur
n'est plus qu'un seul esprit avec lui.
18 Fuyez l'impureté.
Tous les péchés que l'homme peut commettre
sont extérieurs à son corps ;
mais l'impureté
est un péché contre le corps lui-même.
19 Ne le savez-vous pas ?
Votre corps est le temple de l'Esprit Saint,
qui est en vous et que vous avez reçu de Dieu ;
vous ne vous appartenez plus à vous-mêmes,
20 car le Seigneur vous a achetés très cher.
Rendez gloire à Dieu dans votre corps.
Un discours de morale sur la thématique du péché et de l’impureté (terme pudique pour parler en réalité de la vie sexuelle quelque peu tumultueuse des Corinthiens) se placerait par facilité l’opposition permis/défendu. C’est le chemin le plus commode, mais que Paul n’emprunte pas ici. Dans d’autres versions, le mot « impureté » est traduit par « fornication ». Car ce texte s’adresse aux libertins de Corinthe qui pensaient que la fornication était un besoin légitime au même titre que le boire et le manger. Paul rappelle ici l’essentiel de l’engagement chrétien. Celui qui a été baptisé en Église du Christ a reçu son Esprit Saint. A ce titre donc, son corps ne lui appartient plus, en tous cas il ne plus le « traiter » avec légèreté. Son corps est désormais « temple de l’Esprit Saint » de Dieu. Pour Paul, le corps n’est pas opposé à l’âme : il est un TOUT qui englobe la vie de chaque personne l’affectif, le social et le rationnel.
Paul présente ici des éléments fondamentaux d’une théologie du corps dans laquelle le chrétien est appelé à prendre conscience de la grandeur et de la sacralité de son corps qui, par le baptême, fait partie du Corps du Christ, appelé à ressusciter avec lui au dernier jour.