08/01/2012

Brillante comme un feu,
l'étoile désignait le Roi des rois… Alleluia !


Chers amis, bonjour !

Nous fêtons, en ce dimanche 8 janvier, l’Épiphanie de l’Enfant Jésus. Cette fête chrétienne appelée aussi " jour des Rois", célèbre la visite des Rois mages à Jésus nouveau-né ; elle rappelle également la « monstration » de l’Enfant Sauveur au monde entier. Dieu nous donne par là un signe manifeste d’une d’hommes et de femmes qui, de par le monde, se lèvent et se mettent en marche pour prendre part au salut et à la résurrection. Dieu qui nous appelle à œuvrer pour l’enracinement du monde nouveau qu’il ouvre par sa naissance, il nous exhorte à prendre conscience de notre mission. Lui qui est né dans un réduit abandonné, lui qui s’est d’abord manifesté aux bergers, aux plus pauvres, se fait connaître aux nantis.

Les deux lectures qui nous sont proposées aujourd’hui, tout comme le psaume, appellent le peuple de Dieu à se redresser, à se mettre debout et à marcher vers la lumière qui brille de toute sa clarté. Une lumière qui est bien plus étincelante que tous les ors et toutes les richesses de la terre. Ce message d’espérance qui est clamé par le prophète Isaïe (« Debout, Jérusalem ! Resplendis : elle est venue ta lumière, et la gloire du SEIGNEUR s’est levée sur toi ») est renforcé par celui de l’apôtre Paul qui nous dévoile le mystère du Christ : « Dans le Christ Jésus, les païens sont associés au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans l’annonce de l’Évangile ». Car l’Épiphanie, c’est la fête de l’universalité du Messie de Dieu. Ici et maintenant, c’est lui-même qui s’offre ; à la Pentecôte, c’est son Esprit d’amour qu’il nous donnera par grâce pour comprendre et proclamer sa Parole de vie.

• Les mots-clés de tous ces textes sont : messie, lumière, louange, roi, justice et paix, marche, prophète, grâce, mystère, pauvre, prêtre, Évangile.

____________________________________________________


Première lecture - Isaïe 60, 1 - 6

Debout, Jérusalem !
Resplendis :
elle est venue ta lumière,
et la gloire du SEIGNEUR s'est levée sur toi.
2 Regarde : l'obscurité recouvre la terre,
les ténèbres couvrent les peuples ;
mais sur toi se lève le SEIGNEUR,
et sa gloire brille sur toi.
3 Les nations marcheront vers ta lumière,
et les rois, vers la clarté de ton aurore.
4 Lève les yeux, regarde autour de toi :
tous, ils se rassemblent, ils arrivent ;
tes fils reviennent de loin,
et tes filles sont portées sur les bras.
5 Alors tu verras, tu seras radieuse,
ton cœur frémira et se dilatera.
Les trésors d'au-delà des mers afflueront vers toi
avec les richesses des nations.
6 Des foules de chameaux t'envahiront,
des dromadaires de Madiane et d'Epha.
Tous les gens de Saba viendront,
apportant l'or et l'encens
et proclamant les louanges du SEIGNEUR.

Ce texte d’Isaïe est à replacer dans son contexte historique pour en saisir tout le sens. Marie-Ève Barbeau, historienne des civilisations, nous synthétise les grands moments de l’occupation, de la déportation, de l’exil et du retour d’une partie du peuple juif. Plus particulièrement l’exil à Babylone :



«  (…) Depuis l’invasion des Assyriens de leur territoire au VIIIe siècle av J.-C., les peuples situés sur la côte méditerranéenne sont exposés à l’impérialisme violent des grandes cités mésopotamiennes qui recherchent le bois et les terres fertiles du pays, ainsi qu’un accès rapide vers l’Égypte et l’Asie mineure. Cent vingt-cinq ans après la chute du royaume d’Israël, causée par le roi assyrien Sargon II, Jérusalem tombe sous l’emprise chaldéenne de Nabuchodonosor II, qui procède en 587 av. J.-C. à l’incendie du Temple de Salomon ainsi qu’à la déportation de milliers d’Hébreux. Événement majeur dans la consolidation du peuple juif, l’Exil en Babylonie de la majorité de sa population laissera à sa descendance un héritage littéraire et religieux très abondant.

La Palestine aux prises avec l’impérialisme mésopotamien
Les Chaldéens, s’alliant aux Mèdes, mettent fin à l’empire assyrien en 612 av. J.-C. avec la prise de Ninive. Se terrant exactement dans l’axe du couloir syro-palestinien, le royaume de Juda n’a d’autre choix que celui de subir les affrontements entre Babylone et les pays craintifs de sa nouvelle puissance, comme l’Égypte. Ainsi soumis aux guerres perpétuelles que se lancent les puissances extérieures, il s’affaiblit constamment. De plus, le royaume est instable de l’intérieur; l’incohérence sociale et religieuse entre les Cananéens et les Hébreux vivant sur le même territoire ne permet plus à Jérusalem de conserver son indépendance politique face aux envahisseurs.

De 605 à 604 av. J.-C., les Babyloniens remportent plusieurs batailles sur leurs opposants et enlèvent la Palestine aux mains des Égyptiens pour se l’attribuer comme territoire payant le tribut. Yehoyaquîm, roi de Juda, dont le nom égyptien porte le souvenir de leur occupation, respecte les décrets? de Nabuchodonosor pendant trois ans au terme de quoi, profitant d’une défaite babylonienne, il instigue son peuple à la révolte. Comme il meurt avant sa réalisation, c’est son jeune fils qui la concrétise en 597 av. J.-C., avant d'être supplanté finalement par les armées affiliées au roi babylonien. En guise de représailles, le Temple est pillé de ses trésors et l’élite juive, forte de 10 000 individus, est exilée à Babylone.

Sédécias, oncle du dernier roi judéen, est alors installé sur le trône où, pendant 10 ans, il demeurera fidèle à l’empire. Toutefois, se croyant appuyé de l’armée égyptienne, il provoque une deuxième révolte nationale, pourtant déconseillée par les  prophètes de l’époque et plus particulièrement par Jérémie. Ses alliés étant rapidement vaincus, Jérusalem se retrouve assiégée par les hommes de Nabuchodonosor. Tandis que la famine commence à se manifester à l’intérieur des fortifications, une brèche qui s’est formée permet aux ennemis de prendre la ville et de brûler le Temple ainsi que le palais royal. En 587 av. J.-C., de nouvelles déportations complètent un total de 20 000 Hébreux expatriés, provenant maintenant de la classe supérieure et de la classe moyenne (nobles, marchands, artisans, ouvriers spécialisés, etc.). Sur la terre de Canaan n’habiteront plus désormais que des paysans dénudés de toute protection ou de tout système politique indépendant. C’est la chute de Jérusalem et la fin de la royauté.

L’unification du peuple hébreu
Néanmoins, étant réunis dans les mêmes villes et les mêmes quartiers de l’Empire néo-babylonien, les Juifs exilés se voient envahis par un sentiment national plus intense qu’il ne l’avait jamais été sur leur terre d’origine. La famille royale, de même que les grands prêtres et les prophètes acquièrent une renommée immortelle au sein des communautés, étant les symboles vivants d’une nation en voie d’extinction. Installée dans une Babylone florissante, la population juive tente de rebâtir sa vie sur des bases solides. Confrontés depuis longtemps à divers peuples étrangers, comme les Phéniciens, les Cananéens ou les Philistins, tant au plan social que religieux, les Hébreux ne se laisseront pas acculturer par l’influence chaldéenne.  Leur séjour en Babylonie contribuera au contraire à l’essor d’une riche tradition littéraire et religieuse, unique et originale.

Dans ces conditions favorables, les prêtres, déchargés de l’administration du Temple, se concentrent sur la réécriture de l’histoire et des lois du peuple, insistant davantage sur les rites religieux. En effet, sans économie ni politique nationales, la seule instance efficace pour unir le peuple juif demeure la religion. C’est durant leur exil à Babylone que deviendront sacrés la pratique de la circoncision (coutume sociale profane largement répandue dans les pays près de la côte, mais inconnue des Mésopotamiens) et le respect d’une journée de repos par semaine (le Sabbat). Même si l’influence mésopotamienne est notoire dans ces pratiques religieuses (le Sabbat est en partie issu des jours dangereux de la culture babylonienne, et certains textes bibliques et législatifs s’inspirent, jusqu’à un certain point, de la littérature suméro-akkadienne), ces rites et pratiques acquerront une immense importance, car elles seront la seule façon pour les exilés de se démarquer de leur société d’accueil et de conserver vivant le souvenir de leurs origines. 

C’est quand même l’espoir d’un retour à la Terre Promise, une idée ravivée par les discours des prophètes, qui maintiendra les exilés dans l’unité. Leur réaction face à l’envahisseur est différente des conceptions normales de l’asservissement.  En effet, depuis l’époque royale de David et de Salomon, la tradition monothéiste s’est considérablement affaiblie et le respect de l’alliance entre Dieu et son peuple a été souvent trahi par l’adoration des dieux cananéens.  Voilà pourquoi, proclament les prophètes, les malheurs qui tombent sur le peuple juif doivent être considérés comme des punitions justifiées. En ce sens, Nabuchodonosor devient un instrument de Dieu pour châtier les impies et ces derniers ne doivent pas se révolter contre son pouvoir divin, comme le conseillait plus tôt le prophète Jérémie.

En plaçant sa communauté au centre de ce plan divin, la nation juive devient transcendante : elle prend conscience d’elle-même et n’en devient que plus forte. D’autres prophètes auront de l’influence auprès de la communauté exilée et participeront à l’élaboration d’une vision précise sur la nature de la nation et sur sa place dans le monde nouveau. Ainsi, Ézéchiel, figure rassembleuse qui nous vient inévitablement à l’esprit lorsqu’on parle de la période de l’Exil, insiste sur l’idée d’une libération nouvelle ; son message n’est qu’espoir.

L’Exil se termine officiellement en 538 av. J.-C. par le triomphe des Perses sur l’empire babylonien en décadence. La venue de Cyrus sur le trône consolidera le peuple juif et lui permettra une nouvelle existence (…) »



Le Psaume 71 nous livre quelques caractéristiques de ce nouveau Messie-Roi : né dans la pauvreté, c’est devant lui que se prosterneront tous les rois qui ont reçu les insignes de leur pouvoir par domination, succession, héritage ou usurpation. Car le Messie a reçu de Dieu les insignes de son pouvoir dont l’effectivité s’étend au-delà des seul peuple juif, au-delà même des terres et des mers. Par ces insignes, Dieu indique le sens de son projet pour l’homme : il vient redresser et délivrer le pauvre sans défense, il vient rétablir la justice, c’est-à-dire son Amour.
 
Psaume 71

1 Dieu, donne au roi tes pouvoirs,
à ce fils de roi ta justice.
2 Qu'il gouverne ton peuple avec justice,
qu'il fasse droit aux malheureux !

7 En ces jours-là, fleurira la justice,
grande paix jusqu'à la fin des lunes !
8 Qu'il domine de la mer à la mer,
et du Fleuve jusqu'au bout de la terre !

10 Les rois de Tarsis et des Iles apporteront des présents.
Les rois de Saba et de Seba feront leur offrande.
11 Tous les rois se prosterneront devant lui,
tous les pays le serviront.

12 Il délivrera le pauvre qui appelle
et le malheureux sans recours.
13 Il aura souci du faible et du pauvre,
du pauvre dont il sauve la vie.

____________________________________________________ 

Deuxième lecture - Éphésiens 3, 2...6

Frères,
2 vous avez appris en quoi consiste
la grâce que Dieu pour réaliser son plan,
m'a donnée pour vous :
3 par révélation, il m'a fait connaître le mystère du Christ.
5 Ce mystère,
il ne l'avait pas fait connaître
aux hommes des générations passées,
comme il l'a révélé maintenant par l'Esprit
à ses saints Apôtres et à ses prophètes.
6 Ce mystère,
c'est que les païens sont associés au même héritage,
au même corps,
au partage de la même promesse,
dans le Christ Jésus,
par l'annonce de l'Évangile.

____________________________________________________ 


  
Évangile - Matthieu 2, 1 - 12

Jésus était né à Bethléem en Judée,
au temps du roi Hérode le Grand.
Or, voici que des mages venus d'Orient
arrivèrent à Jérusalem
2 et demandèrent :
« Où est le roi des Juifs qui vient de naître ?
Nous avons vu se lever son étoile
et nous sommes venus nous prosterner devant lui. »
3 En apprenant cela, le roi Hérode fut pris d'inquiétude,
et tout Jérusalem avec lui.
4 Il réunit tous les chefs des prêtres et tous les scribes d'Israël,
pour leur demander en quel lieu devait naître le Messie.
Ils lui répondirent :
5 « A Bethléem en Judée,
car voici ce qui est écrit par le prophète :
6 Et toi, Bethléem en Judée, tu n'es certes pas le dernier
parmi les chefs-lieux de Judée ;
car de toi sortira un chef,
qui sera le berger d'Israël mon peuple. »
7 Alors Hérode convoqua les mages en secret
pour leur faire préciser à quelle date l'étoile était apparue ;
8 Puis il les envoya à Bethléem, en leur disant :
« Allez vous renseigner avec précision sur l'enfant.
Et quand vous l'aurez trouvé, avertissez-moi
pour que j'aille, moi aussi, me prosterner devant lui. »
9 Sur ces paroles du roi, ils partirent.
Et voilà que l'étoile qu'ils avaient vue se lever
les précédait ;
elle vint s'arrêter au-dessus du lieu
où se trouvait l'enfant.
10 Quand ils virent l'étoile, ils éprouvèrent une très grande joie.
11 En entrant dans la maison,
ils virent l'enfant avec Marie sa mère ;
et, tombant à genoux, ils se prosternèrent devant lui.
Ils ouvrirent leurs coffrets,
et lui offrirent leurs présents :
de l'or, de l'encens et de la myrrhe.
12 Mais ensuite, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode,
ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.

____________________________________________________ 


Le Messie s’est d’abord manifesté auprès de pauvres bergers qui lui ont rendu gloire et porté la nouvelle dans les environs. Dans ce texte, ce sont des savants, des sages, des personnes riches qui se sont mises en route et qui ont été saisies par la même étoile qui les a fait converger vers le nouveau-né de Bethléem. Les mages, puisqu’il s’agit d’eux, sont interceptés par Hérode en personne qui a eu vent de la naissance de celui que l’on présente comme le Sauveur d’Israël. À ses propos, l’on comprend vite qu’il ne lui veut pas que du bien. Mais les mages poursuivent leur route jusqu’à la crèche et, après avoir rendu hommage au nouveau-né en lui offrant de l’or, de la myrrhe et de l’encens, s’en retournent chez eux par d’autres chemins.

Ce texte résonne donc comme une interpellation à plusieurs registres :
• Si donc le Messie de Dieu est né dans une mangeoire, qu’en est-il de notre humilité et de notre pauvreté ? Rappelons-nous, plus tard il dira sur la montagne : « Heureux les pauvres de cœur, car le Royaume des cieux est à eux" (Mt 5, 3-12). Notons que c'est la seule béatitude qui est mentionnée au présent de l'indicatif, donc comme une "promesse immédiate"…
• Si donc le Messie de Dieu est venu libérer les hommes de l’esclavage dans lequel ils étaient enfermés, qu’en est-il de notre engagement vers plus de justice et de liberté ?
• Si donc le Messie de Dieu est venu partager notre condition humaine pour nous appeler à la vie nouvelle donnée par son Corps et son Sang, qu’en est-il de notre solidarité avec nos frères en Église et ceux de tous horizons et toutes conditions ?
• Si donc le Messie de Dieu est venu pour sauver tous les hommes de la terre, qu’en est-il de notre détermination à être apôtre et messager de sa Parole d’amour au milieu du monde ?
 
Par ailleurs, si nous nous arrêtons à ce symbole qu’est « l’étoile dans le ciel », nous voyons que les mages (dont on ne connaît pas vraiment le nombre exact) entament un voyage « initiatique » :
-        Ils voyagent de nuit et c’est dans la nuit que brille pour eux cette fameuse étoile qu’ils ont appris à reconnaître parmi des milliers d’autres dans le ciel.
-        Ils sont mus par un désir brûlant d’aller à la recherche et à la rencontre de Celui dont on leur a annoncé la naissance : le Sauveur d’Israël, le vrai Roi.
-        Arrivés à Jérusalem, l’étoile disparaît, ils n’ont plus de repère, plus de boussole ; alors, ils se renseignent auprès des certains « initiés », avec le risque d’être trahis et vendus auprès d’Hérode.
-        Ils ne se laissent pas impressionner par Hérode parce que leur désir de rencontrer le véritable Roi d’Israël est immense… et l’étoile réapparaît au sortir de Jérusalem pour les conduire jusqu’à la crèche où ils rendent hommage au nouveau-né en lui offrant leurs trésors les plus onéreux.
-        Ils repartent par un autre chemin parce qu’ils sont convaincus par la puissance et la royauté du nouveau-né : alors qu’ils ont suivi l’étoile depuis leur départ, voici qu’ils deviennent désormais des étoiles, des témoins, des boussoles pour tous ceux qu’ils rencontrent dans leurs routes.
N’est-ce pas là l’une des leçons de ce texte : être chrétien, c’est croire en notre étoile, le CHRIST, et le désirer sans cesse dans notre vie… C’est aussi devenir à son tour une étoile pour tous les frères de la terre.

Aucun commentaire: