16/01/2012

« Parle, ton serviteur écoute »…


Chers amis, bonjour !

Nous voici (déjà) au premier Dimanche du Temps ordinaire de la liturgie. En réalité, il n’y a rien d’ordinaire dans la temporalité de la vie en église car nous sommes toujours en célébration pascale : «  nous attendons la venue du Seigneur dan la gloire ».
Néanmoins, alors que dimanche dernier nous célébrions l’épiphanie de l’Enfant Jésus, voici qu’aujourd’hui nous faisons un saut dans le futur… puisque l’Évangile qui nous est proposé se situe dans la trentième année de Jésus. Celui-ci commence en effet son ministère, sa mission. Cela veut dire aussi que ce Jésus a grandi au milieu des siens comme tous les autres enfants de son âge, particulièrement en aidant ses parents dans les tâches de la vie quotidienne. En même temps, comme l’écrit Luc à propos de la vie cachée de Jésus après sa circoncision et sa présentation au Temple : « Lorsqu’ils (ses parents) eurent accompli ce qui était conforme à la Loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, à Nazareth, leur ville. Cependant, l’enfant grandissait, se développait et se remplissait de sagesse. Et la grâce de Dieu reposait sur lui » (Lc 2, 39-40). Il était sûrement à l’écoute permanente de l’appel de son Père qu’il rencontrait dans la prière.

La liturgie de ce dimanche 15 janvier nous a proposé les textes suivants : 
 
Première Lecture - Premier Livre de Samuel 3, 3b-10. 19
Psaume 39 (40), 2.4 7-11
Deuxième Lecture : Première Lettre aux Corinthiens 6, 13... 20
Évangile - Jean 1, 35 - 42

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Première Lecture - Premier Livre de Samuel 3, 3b-10. 19

 3 Le jeune Samuel couchait dans le temple du SEIGNEUR,
où se trouvait l'arche de Dieu.
4 Le SEIGNEUR appela Samuel, qui répondit :
« Me voici ! »
5 Il courut vers le prêtre Eli, et il dit :
« Tu m'as appelé, me voici. »
Eli répondit :
« Je ne t'ai pas appelé. Retourne te coucher. »
L'enfant alla se coucher.
6 De nouveau, le SEIGNEUR appela Samuel.
Et Samuel se leva. Il alla auprès d'Eli, et il dit :
« Tu m'as appelé, me voici. »
Eli répondit :
« Je ne t'ai pas appelé, mon fils. Retourne te coucher. »
7 Samuel ne connaissait pas encore le SEIGNEUR,
et la parole du SEIGNEUR ne lui avait pas encore été révélée.
8 Une troisième fois, le SEIGNEUR appela Samuel.
Celui-ci se leva. Il alla auprès d'Eli, et il dit :
« Tu m'as appelé, me voici. »
Alors Eli comprit que c'était le SEIGNEUR qui appelait l'enfant,
9 et il lui dit :
« Retourne te coucher,
et si l'on t'appelle, tu diras :
Parle, SEIGNEUR, ton serviteur écoute. »
Samuel retourna se coucher.
10 Le SEIGNEUR vint se placer près de lui
et il appela comme les autres fois :
« Samuel ! Samuel ! »
et Samuel répondit :
« Parle, ton serviteur écoute. »
19 Samuel grandit.
Le SEIGNEUR était avec lui,
et aucune de ses paroles ne demeura sans effet.

Cet extrait du Premier Livre de Samuel fait partie d’un écrit que l’on pourrait qualifier de romanesque avec des personnages variés et des histoires mêlées. Celles des hommes et des femmes pris dans un quotidien âpre et difficile, mais également enflammés par leurs relations au Tout-Puissant qu’ils ne cessent d’aller prier dans son sanctuaire. Samuel est le don que Dieu fait à Anne, sa mère inféconde. Celle-ci avait promis, si le Seigneur exhaussait son vœu, de mettre l’enfant à son service dans le temple. C’est qu’il advint : en effet, après qu’elle eut sevré l’enfant, elle se présenta à Éli pour consacrer son enfant au Seigneur. Sa prière est d’ailleurs annonciatrice de celle de Marie lorsqu’elle fut visitée par l’Ange Gabriel :

« … C’est Yahvé qui appauvrit et enrichit,
qui abaisse et aussi qui élève.
Il retire de la poussière le faible
du fumier il relève le pauvre,
pour le faire asseoir avec les nobles
et leur assigner un siège d’honneur… »

Le jeune Samuel servait donc le Seigneur sous la gouverne d’Eli, le grand prêtre.  Ici, il est question d’appel de Dieu auquel Samuel n’est justement pas préparé. Mais cette révélation qui le consacre comme prophète n’est pas un songe, puisque la voix réveille l’enfant ; elle n’est pas non plus un rêve ni une vision puisqu’il ne voit pas Yahvé mais entend sa voix. Laquelle voit émane au-dessus de l’Arche de Dieu, le lieu où Yahvé se rend présent pour communiquer ses ordres. Ce fut le cas lorsque, après la conclusion de l’Alliance sur la Montage avec Moïse, Aaron, Nadab, Abihu et soixante-dix des Anciens d’Israël, Yahvé énonça ses prescriptions relatives à la construction du Sanctuaire et à ses Ministres et précisa : « Tu placeras le propitiatoire sur la partie supérieure de l’arche et tu déposeras dans l’arche le témoignage que je te donnerai. C’est là que je te rencontrerai ; c’est du haut du propitiatoire, de l’espace compris entre les deux chérubins placés sur l’arche du Témoignage, que je
te communiquerai les ordres destinés aux enfants d’Israël. » (Ex. 25, 22).
De même, dans le Livre du Lévitique (Lv 24, 3), lorsque Yahvé énonce ses prescriptions rituelles complémentaires, il parle ainsi à Moïse : « Commande aux enfants d’Israël d’apporter de l’huile vierge pour le candélabre, et d’y faire monter une flamme permanente. C’est devant le voile du Témoignage, dans le Tente de Réunion, qu’Aaron disposera cette flamme. Elle sera là devant Yahvé du soir au matin, en permanence. Ceci est une loi perpétuelle pour vos descendants : Aaron les lampes sur le candélabre pur, devant Yahvé, en permanence. »
Plus tard, le scénario sera exactement le même pour la narration de la vocation du prophète Isaïe : «  … je vis le Seigneur Yahvé assis sur un trône élevé ; sa traîne remplissait le sanctuaire ; des séraphins se tenaient au-dessus de lui ayant chacun six ailes : deux pour se couvrir la face, deux pour se couvrir les pieds et deux pour voler ». (Is 6)
C’est donc dans son sanctuaire, là où se trouvait son arche que Dieu appelle Samuel. Cela est d’autant plus exceptionnel qu’à l’époque la voix de Dieu se faisait rare. Par deux fois, l’enfant pense que c’est Éli qui l’appelle. Mais le grand prêtre sait qu’il s’agit là d’un appel de Dieu lui-même. « Parle, ton serviteur écoute », lui conseilla-t-il de répondre. Ce que fit l’enfant. Or, le message de Yahvé à Samuel concernait justement la maison d’Éli : « … En ces jours-là, j’accomplirai contre Éli tout ce que j’ai dit contre sa maison, du commencement à la fin. Tu lui annonceras que je condamne sa maison pour toujours ; parce qu’il a su que ses fils maudissaient DIEU et qu’il ne les a pas corrigés. C’est pourquoi … ni sacrifice ni offrande n’effaceront jamais la faute de la maison d’Éli » (12-14). C’est là une dure épreuve pour Samuel, une lourde charge, mais également un moment d’exaltation parce que Dieu lui parle et lui assure désormais une présence permanente : « Samuel grandit, le SEIGNEUR était avec lui, et aucune de ses paroles ne demeura sans effet. » Dieu avait agi de la même manière avec  le jeune Joseph (vendu par ses frères) en Égypte : « … Or Yahvé assista Joseph, à qui tout réussit, et il resta dans la maison de son maître, l’Égyptien. » (Gn 39, 2).
Et nous, aujourd’hui, dans le tumulte de nos sociétés de consommation et d’information surabondante, dans notre monde envahi par les faux prophètes et les imposteurs de toutes sortes, sommes-nous suffisamment attentifs à l’appel de Dieu, à le reconnaître avec discernement ? Sommes-nous assez  éveillés pour capter l’appel de Dieu dans le regard, le silence ou la souffrance de certains de nos frères ? Sommes-nous à la recherche ou dans l’attente de cet appel qui résonne dans le sanctuaire de notre Dieu ? Sommes-nous en disposition d’accueillir cet appel et de le laisser germer dans l’humus de nos vies au quotidien afin qu’il porte du fruit, du bon fruit ? Savons-nous dire « oui «  au Seigneur pour lui faire une place dans nos vies en permanence ? Sommes-nous prêts à accepter que Dieu nous consacre « prophètes », c’est-à-dire porteurs et serviteurs de sa Parole, cultivateurs de l’espérance ?

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Psaume 39 (40), 2.4 7-11

2 D'un grand espoir, j'espérais le SEIGNEUR,
Il s'est penché vers moi
4 Dans ma bouche il a mis un chant nouveau
une louange à notre Dieu.

7 Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice
tu as ouvert mes oreilles
tu ne demandais ni holocauste ni victime
8 alors j'ai dit : « Voici, je viens. »

Dans le livre est écrit pour moi
9 ce que tu veux que je fasse.
Mon Dieu, voilà ce que j'aime :
Ta Loi me tient aux entrailles.

10 Vois, je ne retiens pas mes lèvres,
SEIGNEUR, tu le sais.
11 J'ai dit ton amour et ta vérité
A la grande assemblée.
Ce long psaume est intitulé « Action de grâce. Appel au secours ». Cela correspond à l’organisation de ce texte dont la première partie est une sorte de retour sur le passé d’Israël opposé au présent. Il est étonnant, pour qui connaît la culture rituelle et sacrificielle d’Israël. Souvent elle était caractérisée par une offrande vivante : un agneau. Cette culture s’est, au fil du temps, muée ; elle a évolué dans ses formes… mais jamais elle n’a considéré que l’homme pouvait être offert en sacrifice. Longtemps avant, Abraham en avait été dissuadé par l’ange…
Le sacrifice qui plaît au Seigneur est d’un autre ordre. Le psalmiste lui-même l’évoque dans le psaume 50 (18-19) :
Si j’offre un sacrifice, tu n’en veux pas,
tu n’acceptes pas d’holocauste.
Le sacrifice qui plaît à Dieu,
c’est un esprit brisé ; *
tu ne repousses pas, ô mon Dieu,
un cœur brisé et broyé.

Finalement, l’obéissance vaut mieux que le sacrifice. Et celui que nous sommes encouragés à obéir, c’est justement celui-là même qui s’offrira comme victime pascale par la mort sur la Croix pour le salut de toute la création. Le vrai sacrifice par Jésus-Christ est rédemption : car le sacrifice (sacrum fare = rendre sacré) ne consiste pas à tuer mais à faire vivre. Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est celui de l’amour et de la fidélité dans sa Parole qu’il nous est demandé d’annoncer sans relâche à la grande assemblée.

Il sera utile d’élargir la compréhension de cet extrait de psaume avec les références suivantes : Hébreux 10, 5-7 / Isaïe 50, 5 / Amos 5, 21 + / Ps 37, 31 / Ps 51, 18-19 / Ps 69, 31-32 / Jean 4, 34 et 8, 29.




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Deuxième Lecture : Première Lettre aux Corinthiens 6, 13... 20
Frères,
13 Notre corps n'est pas fait pour l'impureté,
il est pour le Seigneur Jésus,
et le Seigneur est pour le corps.
14 Et Dieu, qui a ressuscité le Seigneur,
nous ressuscitera aussi, par sa puissance.
15 Ne savez-vous pas que vos corps sont des membres du Christ ?
17 Celui qui s'unit au Seigneur
n'est plus qu'un seul esprit avec lui.
18 Fuyez l'impureté.
Tous les péchés que l'homme peut commettre
sont extérieurs à son corps ;
mais l'impureté
est un péché contre le corps lui-même.
19 Ne le savez-vous pas ?
Votre corps est le temple de l'Esprit Saint,
qui est en vous et que vous avez reçu de Dieu ;
vous ne vous appartenez plus à vous-mêmes,
20 car le Seigneur vous a achetés très cher.
Rendez gloire à Dieu dans votre corps.
Un discours de morale sur la thématique du péché et de l’impureté (terme pudique pour parler en réalité de la vie sexuelle quelque peu tumultueuse des Corinthiens) se placerait par facilité l’opposition permis/défendu. C’est le chemin le plus commode, mais que Paul n’emprunte pas ici. Dans d’autres versions, le mot « impureté » est traduit par « fornication ». Car ce texte s’adresse aux libertins de Corinthe qui pensaient que la fornication était un besoin légitime au même titre que le boire et le manger. Paul rappelle ici l’essentiel de l’engagement chrétien. Celui qui a été baptisé en Église du Christ a reçu son Esprit Saint. A ce titre donc, son corps ne lui appartient plus, en tous cas il ne plus le « traiter » avec légèreté. Son corps est désormais « temple de l’Esprit Saint » de Dieu. Pour Paul, le corps n’est pas opposé à l’âme : il est un TOUT qui englobe la vie de chaque personne l’affectif, le social et le rationnel.
Paul présente ici des éléments fondamentaux d’une théologie du corps dans laquelle le chrétien est appelé à prendre conscience de la grandeur et de la sacralité de son corps qui, par le baptême, fait partie du Corps du Christ, appelé à ressusciter avec lui au dernier jour.

 







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