31/01/2012

Il commande aux esprits, il enseigne avec autorité…


29 janvier 2012  —  Quatrième dimanche du Temps ordinaire

 Chers amis, bonjour !
En ce quatrième dimanche du Temps ordinaire, les textes qui nous sont proposés par la liturgie parle de la fonction du prophète, celui que Dieu choisit au milieu de son peuple pour dire son message d'espérance et d'amour, pour clamer et proclamer son appel à la conversion. Nous savons tous les excès de certains "visionnaires" (ou qui se considèrent comme tels) dans leur acharnement à appâter de paroles creuses et de pratiques abusives ceux qui souffrent dans leur vie et qui recherchent réconfort et délivrance. Du temps de Moïse, ils ont proliféré, surfant sur l'impatience et la naïveté de certains fils d'Israël au sortir d'Égypte. Mais aujourd'hui encore dans notre monde de consommation, de pouvoir de domination, des prophètes surgissent chaque jour plus  nombreux, pour tirer profit de la misère des plus faibles. À chaque coin de rue, à chaque sortie de métro, dans nos boîtes aux lettres et sur nos téléphones portables pullulent des messages plus extravagants les uns que les autres sur la fin du monde, la guérison de telle ou telle maladie, la résolution des problèmes matériels et affectifs… bref, la promesse du bonheur total. Ces faux prophètes dont la parole ne se source pas en Dieu mais qui pourtant nous la présente comme telle sont encore de beaux jours devant eux… hélas ! Pourtant, les textes de ce dimanche sont essentiels pour tout discernement que le chrétien doit avoir face à ces situations. Car une chose est sûre : « … un prophète qui oserait dire en mon nom une parole que je ne lui aurais pas prescrite, ou qui parlerait au nom d'autres dieux, ce prophète-là mourra », dit le Seigneur.


PREMIERE LECTURE - Deutéronome 18, 15 - 20
Moïse dit au peuple d'Israël :
15 « Au milieu de vous, parmi vos frères,
le SEIGNEUR votre Dieu
fera se lever un prophète comme moi,
et vous l'écouterez.
16 C'est bien ce que vous avez demandé au SEIGNEUR votre Dieu,
au mont Horeb, le jour de l'assemblée, quand vous disiez :
Je ne veux plus entendre la voix du SEIGNEUR mon Dieu,
je ne veux plus voir cette grande flamme,
je ne veux pas mourir !
17 Et le SEIGNEUR me dit alors :
Ils ont raison.
18 Je ferai se lever
au milieu de leurs frères
un prophète comme toi ;
je mettrai dans sa bouche mes paroles,
et il leur dira tout ce que je lui prescrirai.
19 Si quelqu'un n'écoute pas les paroles
que ce prophète prononcera en mon nom,
moi-même je lui en demanderai compte.
20 Mais un prophète qui oserait dire en mon nom
une parole que je ne lui aurais pas prescrite,
ou qui parlerait au nom d'autres dieux,
ce prophète-là mourra. »



Le livre du Deutéronome rassemble les paroles que Moïse prononça à tout Israël une fois établi en Trans-jordanie. Des paroles qui constituent la Loi spirituelle, sociale et politique des enfants d’Israël, parce que Moïse la promulgue comme Yahvé le lui a demandé. Dans la première partie, il rappelle la conquête et les exigences de choix divin en faveur de ce tout petit peuple ; il annonce l’exil comme châtiment de l’infidélité à Yahvé, mais ouvre en même temps une perspective de la conversion, du pardon, du retour et du salut. La seconde partie, appelée « Code deutéronomique » est un corps de prescriptions qui réglementent la vie sociale et religieuse des enfants d’Israël : observances religieuses, prescriptions rituelles et cadre juridique (autour de la loi du Talion, du mariage, de la protection des faibles). Dans le troisième discours, Moïse récapitule le cheminement du peuple d’Israël en évoquant à travers les plaies d’Égypte et le retour en servitude l’infinie puissance de Yahvé tant dans sa miséricorde que dans son châtiment. Puis Moïse conclut ce discours par le rappel de la centralité de l’Alliance et de la Loi reçue de Yahvé lui-même sur le Mont Horeb dans la vie du peuple d’Israël. Le merveilleux « cantique » dans lequel Moïse exalte la toute puissance du Dieu d’Israël, le seul vrai Dieu, est une ode à sa grandeur dont toute la nature (végétale, minérale et animale) et tout l’univers sont le témoignage vivant.

La fidélité au seul vrai Dieu est constamment rappelée aux enfants d’Israël. Nous savons combien ils ont été impatients et rebelles, insoumis et téméraires face à la promesse du salut : idolâtrie, veau d’or, et mauvaises conduites… Dieu les châtia parce qu’ils se fermaient à sa Parole, préférant écouter les faux prophètes et les devins : « Tu seras parfaitement fidèle à Yahvé ton Dieu » (18, 13).
Ainsi, c’est en ouvrant le cœur que Yahvé fait comprendre ses voies et montre son visage. C’est pourquoi le peuple n’écoutera que le prophète choisi par Dieu, choisi au milieu d’eux et lui-même inconditionnellement fidèle à ce même Dieu. Là se trouve la clé de sa propre crédibilité : « je mettrai dans sa bouche mes paroles, et il leur dira tout ce que je lui prescrirai... Mais un prophète qui oserait dire en mon nom une parole que je ne lui aurais pas prescrite, ou qui parlerait au nom d'autres dieux, ce prophète-là mourra. » Il faut donc croire qu’à cette époque circulaient plusieurs faux prophètes qui se réclamaient de Dieu pour en réalité égarer les cœurs faibles.

Tout le sens de cet extrait qui nous est proposé en ce dimanche est là : en même temps qu’il se manifeste à Moïse sur le Mont Horeb, dans le « Buisson ardent », Dieu institue le prophétisme, le vrai. Une fonction de « porteur d’espérance », d’« éveilleur de confiance », qui sera renouvelée à travers l’histoire d’Israël et qui prendra toute sa magnificence en Jésus le Christ : « Qui croit en moi, ce n’est pas en moi qu’il croit, mais en celui qui m’a envoyé. Moi, la lumière, je suis venu dans le monde, afin que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres. (…) Qui me rejette et ne reçoit pas mes paroles a son juge : la parole que je fais entendre, voilà qui le jugera au dernier jour ; car je n’ai pas parlé de moi-même, mais le Père qui m’a envoyé m’a lui-même prescrit ce que je devais dire et faire entendre ; et je sais que son ordre est vie éternelle. Les paroles que je dis, c’est donc comme le Père me l’a dit que je les dis. » (Jn 12, ‘’-50). Dans cet extrait, Moïse reçoit déjà de Dieu lui-même cette révélation qui va nourrir toute l’histoire du peuple choisi : « Je ferai se lever au milieu de leurs frères un prophète comme toi ; je mettrai dans sa bouche mes paroles, et il leur dira tout ce que je lui prescrirai ». N’est-ce pas là l’annonce de celui qui marquera la fin de l’ère prophétique à sa naissance, celui que Jean Baptiste a désigné comme l’« Agneau de Dieu », le « Messie », celui qui vient après lui et dont il n’est pas même digne de dénouer les lacets de ses sandales ?
La question des prophètes sera encore d’actualité après la mort et la résurrection du Christ. Nombreux furent ceux qui s’érigèrent comme des messagers de Dieu, parlant au nom de Dieu pour leur seule gloire et leur enrichissement matériel. Aujourd’hui encore, des hommes et des femmes s’autoproclament prophètes des temps nouveaux et exploitent les peurs et les angoisses des plus faibles. Qu’il nous revienne donc toujours à l’esprit ces paroles de Paul aux Éphésiens (2 P 1, 19-21) : « Vous avez raison de fixer votre attention sur la parole des prophètes, comme sur une lampe brillante dans l’obscurité jusqu’à ce que paraisse le jour et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs. Car vous savez cette chose essentielle : aucune prophétie de l’Écriture ne vient d’une intuition personnelle. En effet, ce n’est jamais la volonté d’un homme qui a porté une prophétie : c’est portés par l’Esprit que des hommes ont parlé de la part de Dieu ».



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L
e psaume 94 (95) ci-après, que nous proclamons chaque matin aux laudes comme une invite au réveil et l’ouverture de nos cœurs, rappelle cette longue et terrible expérience d’infidélité, d’incrédulité, de subversion et d’insoumission du peuple d’Israël dans le désert. Pourtant, Dieu a toujours été là, présent au rendez-vous du pardon : mais nous, savons-nous l’écouter, lui faire confiance ? Savons-nous être attentifs à sa présence agissante ?


PSAUME 94 (95), 1-2. 6-7. 8-9
1 Venez, crions de joie pour le SEIGNEUR,
acclamons notre Rocher, notre salut !
2 Allons jusqu'à lui en rendant grâce,
par nos hymnes de fête acclamons-le !

6 Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous,
adorons le SEIGNEUR qui nous a faits.
7 Oui, il est notre Dieu :
nous sommes le peuple qu'il conduit.

Aujourd'hui écouterez-vous sa parole ?
8 « Ne fermez pas votre cœur comme au désert
9 où vos pères m'ont tenté et provoqué,
et pourtant ils avaient vu mon exploit. »

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DEUXIEME LECTURE - Première Lettre de Paul aux Corinthiens 7, 32 - 35
Frères,
32 j'aimerais vous voir libres de tout souci.
Celui qui n'est pas marié a le souci des affaires du Seigneur,
il cherche comment plaire au Seigneur.
33 Celui qui est marié a le souci des affaires de cette vie,
il cherche comment plaire à sa femme,
et il se trouve divisé.
34 La femme sans mari,
ou celle qui reste vierge,
a le souci des affaires du Seigneur ;
elle veut lui consacrer son corps et son esprit.
Celle qui est mariée a le souci des affaires de cette vie,
elle cherche comment plaire à son mari.
35 En disant cela, c'est votre intérêt à vous que je cherche ;
je ne veux pas vous prendre au piège,
mais vous proposer ce qui est bien,
pour que vous soyez attachés au Seigneur sans partage.
Ce texte de Paul fait partie d’un message qu’il adresse aux chrétiens de Corinthe qui sont confrontés à plusieurs situations qui posent problème, dans leur vie quotidienne, individuelle et collective, privée et politique (et en contrebalance des pratiques d’autres communautés). Parmi ces problèmes, il y a celui du mariage et de la virginité.

Paul n’édicte ici aucune règle stricte qui exalte ou bannisse le mariage ou le célibat. Dans le Livre de la Genèse, nous avons tous en écho cette parole du Créateur à l’endroit d’Adam et Ève : « Il n'est pas bon pour l'homme d'être seul » (Gn 2, 18) et « Soyez féconds et prolifiques » (Gn 1, 28). Pendant longtemps, on a même pensé que le mariage était le seul état qui rendait une femme et un homme dignes devant Dieu. Et dans ce contexte, on comprend que la stérilité était vécue par les femmes comme une malédiction qui la reléguait au banc de la société. A contrario, l’enfantement, y compris au-delà de l’âge « compréhensible », était une réelle délivrance. Rachel, Anne, Élisabeth et bien d’autres femmes dans les Écritures ont manifesté leur bonheur et leur gratitude au Seigneur dès l’instant où elles ont senti l’enfant bouger dans leur sein…

Mais Paul replace le corps et le mariage dans le plan d’amour divin. En effet, que l’on vive seul ou en couple, tout doit nous faire converger vers l’Amour où chacun trouve sa justification et son épanouissement. Et puisque Dieu est AMOUR, c’est donc à lui que nous devons nous attacher. C’est là un acte de liberté que de replacer notre sexualité dans la perspective d’une spiritualité agissante et fructueuse. « Je ne veux pas vous prendre au piège, mais vous proposer ce qui est bien... c'est votre intérêt à vous que je cherche », déclare Paul. Notre intérêt est dans la recherche de la volonté de Dieu dont le Christ est venu accomplir le dessein. Ce message de Paul est d’autant plus fort qu’il rappelle sans cesse que nous sommes dans les derniers temps. Il aimerait tant que les chrétiens de Corinthe réalisent cette urgence. Le seul souci que nous devons avoir, c’est de chercher « comment plaire au Seigneur ». Et Paul nous en donne la réponse : « … lui consacrer son corps et son esprit » et lui rester attacher « sans partage ».
A l’attention des Éphésiens, Paul développera une morale domestique (dont le texte est souvent lu à l’occasion des mariages) lorsqu’il établit un parallèle entre le mariage humain et l’union du Christ à l’Église (Ep 5, 22-33). L’image du Christ époux de l’Église renvoie elle-même à celle d’Israël épouse de Yahvé (Os 1, 2+).


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EVANGILE - Marc 1, 21-28
Jésus, accompagné de ses disciples,
arrive à Capharnaüm.
Aussitôt, le jour du sabbat,
il se rendit à la synagogue, et là, il enseignait.
22 On était frappé par son enseignement,
car il enseignait en homme qui a autorité,
et non pas comme les scribes.
23 Or, il y avait dans leur synagogue
un homme,
tourmenté par un esprit mauvais,
qui se mit à crier :
24 « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ?
Es-tu venu pour nous perdre ?
Je sais fort bien qui tu es :
le Saint, le Saint de Dieu. »
25 Jésus l'interpella vivement :
« Silence ! Sors de cet homme. »
26 L'esprit mauvais le secoua avec violence
et sortit de lui en poussant un grand cri.
27 Saisis de frayeur,
tous s'interrogeaient :
« Qu'est-ce que cela veut dire ?
Voilà un enseignement nouveau, proclamé avec autorité !
Il commande même aux esprits mauvais,
et ils lui obéissent. »
28 Dès lors, sa renommée se répandit
dans toute la région de la Galilée.

« Tous s'interrogeaient : Qu'est-ce que cela veut dire ? Voilà un enseignement nouveau, proclamé avec autorité ! » Il y avait sûrement dans l’assemblée des personnes, scribes ou autres qui, en entendant la force de cet enseignement dispensé avec maîtrise, devaient faire référence à cette promesse de Dieu à Moïse dans le texte du Deutéronome : « Au milieu de vous, parmi vos frères, le SEIGNEUR votre Dieu fera se lever un prophète comme moi, et vous l'écouterez ».  C’est ce Messie qu’ils ont en face d’eux, cet homme qui les captive par l’originalité de son message.
Comme tout juif, Jésus est croyant et, le jour du Sabbat, il se consacre pleinement à Dieu. L’autorité qu’il dégage fait de lui plus qu’un prophète. C’est d’ailleurs — oh ! surprise… — l’esprit impur réfugié dans le corps de l’un des auditeurs qui vocifère et l’interpelle : « Que nous veux-tu, Jésus le Nazaréen ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais qui tu es : le Saint de Dieu ». L’esprit impur reconnaît donc la filiation divine de Jésus et son élection messianique ; il le reconnaît également comme le chef du peule des saints, des élus.
Tous les symboles sont là qui vont peupler le parcours de Jésus dans son ministère. Sa Parole, son enseignement  sont des armes qu’il nous donne pour notre libération de l’emprise du Mal, du démon, du péché. La nouveauté par rapport aux scribes et aux pharisiens, c’est que Jésus commande aux esprits impurs, il a autorité sur toute créature visible et invisible.
Cette guérison du démoniaque sera suivie de plusieurs autres : la belle-mère de Simon, le paralytique, de l’homme à la main desséchée, le démoniaque géranésien, la femme hémorroïsse, la résurrection de la fille de Jaïre, la fille d’une syrophénicienne, le sourd-bègue, l’aveugle de Bethsaïde, le démoniaque épileptique, l’aveugle de la sorite de Jéricho… des guérisons multiples (« le soir venu, après le coucher du soleil… ») à Capharnaüm même puis dans le pays de Gennézareth. Jésus opère tous ces miracles pour soulager des personnes et des foules car son ministère est fait  des paroles agissantes : en même temps qu’il enseigne, il réalise des œuvres. La prééminence de l’exorcisme chez Jésus est le signe manifeste que l’homme est gangréné par le démon, que l’homme dans son inconduite et son inconstance se laisser gagner par l’esprit du Mal. La conversion que Jésus proclame et à laquelle il exhorte ses interlocuteurs est une véritable renaissance. Et son message s’adresse à tous les hommes bien au-delà de la Galilée.
Plus tard, après sa résurrection, il apparaîtra à ses disciples et leur dira : « Allez par le monde entier, proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé ; celui qui ne croira pas sera condamné. Et voici les miracles qui accompagneront ceux qui auront cru ; par mon Nom, ils chasseront les démons, ils parleront en langues, ils prendront des serpents dans leurs mains, et s’ils boivent quelque mortel, ils n’en éprouveront aucun mal ; ils imposeront les mains aux malades et ceux-ci seront guéris. » (Mc 16, 15-18).
 

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