20/02/2012

Lève-toi et marche…



Chers amis, bonjour !


En ce dimanche 19 février 2012, la liturgie nous a proposé trois textes dont le message transversal peut être le suivant : Jésus, le Messie de Dieu vient inaugurer un monde nouveau dans lequel il redonne espoir au pauvre, le malheureux. Un monde dans lequel l'homme n'est plus irrémédiablement prisonnier de la loi et du péché grâce à la miséricorde du DIEU-AMOUR. Un monde dans lequel l'homme est relevé, redressé, debout par la puissance d'un DIEU qui lui tend la main et l'appelle à partager sa gloire.


Première Lecture - Isaïe 43, 18... 25
18 Parole du SEIGNEUR : « Ne vous souvenez plus d'autrefois,
ne songez plus au passé.
19 Voici que je fais un monde nouveau :
il germe déjà, ne le voyez-vous pas ?
Oui, je vais faire passer une route dans le désert,
des fleuves dans les lieux arides.
21 Ce peuple que j'ai formé pour moi
redira ma louange.
22 Toi, Jacob, tu ne m'avais pas appelé,
tu ne t'étais pas fatigué pour moi, Israël !
24c Par tes péchés tu m'as traité comme un esclave,
par tes fautes tu m'as fatigué.
25 Mais moi, oui, moi, je pardonne tes révoltes,
à cause de moi-même,
et je ne veux plus me souvenir de tes péchés. »
«Moïse étendit sa main sur la mer. Yahvé refoula la mer toute la nuit par un fort vent d’est et il la mit à sec. Les eaux se fendirent et les enfants d’Israël s’engagèrent dans le lit asséché de la mer, avec une muraille d’eau à leur droite et à leur gauche…» … et l’on connaît la suite de cet épisode fantastique du passage de la mer Rouge : le Seigneur Dieu suave son peuple de la dictature du Pharaon, il le libère de l’esclavage. La traversée de la mer Rouge est sans conteste, dans la Tradition de l’Ancien Testament, l’une des manifestations les plus éclatantes du secours de Yahvé envers son peuple. C’est le fait historique qui sera sans cesse rappelé dans les moments de joie et de souffrance durant la longue marche dans le désert.
Mais voilà ! Le Prophète Isaïe jette un pavé de la marre en clamant: «Ne vous souvenez plus d'autrefois, ne songez plus au passé. Voici que je fais un monde nouveau : il germe déjà, ne le voyez-vous pas?» Lui qui n’a eu de cesse d’annoncer et de déplorer guerres, conflits, oppressions, calamités, fautes, trahisons… lui qui se référait au passé d’Israël pour réveiller la mémoire des enfants d’Israël, il annonce dorénavant l’avenir, il exhorte à regarder vers l’avant, il rassure à propos du dieu qui sauve et qui pardonne.
Isaïe rappelle ici la gratuité de l’élection du peuple d’Israël et, malgré ses interminables reniements, la miséricorde permanente de Dieu à son égard. Le psalmiste le dira plus tard (Ps 94) :

Aujourd'hui écouterez-vous sa parole ? +
8« Ne fermez pas votre cœur comme au désert,
comme au jour de tentation et de défi,
9où vos pères m'ont tenté et provoqué,
et pourtant ils avaient vu mon exploit.

10« Quarante ans leur génération m'a déçu, +
et j'ai dit : Ce peuple a le cœur égaré,
il n'a pas connu mes chemins.
11Dans ma colère, j'en ai fait le serment :
Jamais ils n'entreront dans mon repos. »
 
C’est là une sentence terrible pour Israël que cette posture du SEIGNEUR qui détourne sa face, qui lui ferme son cœur. Mais nous savons tous que cette situation ne sera pas irrémédiable. Dans son infinie bonté, il a pardonné, il a effacé le péché d’Israël qu’il a rétabli dans son cœur. Isaïe exalte ici le Dieu fidèle à lui-même, fidèle à l’Alliance. Plus tard, Paul rappellera aux Romains cette figure du pardon christique: «Tous les hommes sont pécheurs, ils sont tous privés de la gloire de Dieu, lui qui leur donne d’être des justes par sa seule grâce, en vertu de la rédemption accomplie dans le Christ Jésus. Car Dieu a exposé le Christ sur la croix afin que, par l’offrande de son sang, il soit le pardon pour ceux qui croient en lui. Ainsi Dieu voulait manifester sa justice» (Rm 3, 23-25a).


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Psaume 40 (41), 2-4. 5-6. 11-13
2 Heureux qui pense au pauvre et au faible :
le SEIGNEUR le sauve au jour du malheur.
3 Il le protège et le garde en vie ;
4 il le soutient sur son lit de souffrance.

5 J'avais dit : « Pitié pour moi, SEIGNEUR,
guéris-moi, car j'ai péché contre toi ! »
6 Mes ennemis me condamnent déjà :
« Quand sera-t-il mort ? Son nom, effacé ? »

11 Mais toi, SEIGNEUR, prends pitié de moi ;
12 et je saurai que tu m'aimes.
13 Dans mon innocence tu m'as soutenu
et rétabli pour toujours devant ta face.

Ce Psaume est intitulé  « Prière du malade abandonné ». Un malade qui se sent abandonné de tout le monde et, pense-t-il, de Dieu aussi. Parlant de la maladie, le psalmiste en évoque les conséquences : le malheur, la souffrance, le péché, la mort, l’effacement. Et face à cette douleur, la lueur vient du SEIGNEUR qui seul est capable de prendre en pitié, de soutenir et de pardonner, c’est-à-dire d’effacer le péché qui est dans le cœur de l’homme.
Mais derrière la personnalisation du psaume, il s’agit bien du peuple d’Israël. Le désert qui a été son lit de souffrance, le lieu de ses reniements et de ses voltes faces, le théâtre de ses idolâtries quand il n’espérait plus en son Dieu. Le «lit de souffrance» qui représente aussi  l’exil de Babylone, loin de Jérusalem, vécu comme un juste châtiment contre les ruptures de l’Alliance de Dieu avec ce peuple qu’il a choisi. Vivre en exil, c’est vivre éloigné du sanctuaire où Dieu réside et des fêtes qui y rassemblent le peuple.

L’appel à la pitié est un aveu de péché qui libère de ce péché même: «Heureux qui est absous de son péché, acquitté de sa faute» (Ps 33 /31, 1). Car dans l’exil, les dominants se moquaient des enfants d’Israël abandonnés, selon eux, à leur triste sort, sans aucun secours de leur Dieu. Certains fils d’Israël, c’est-à-dire ceux lesquels ils partageaient le pain, les peines, les confidences, les joies et les malheurs… certains fils d’Israël se retournaient contre eux et se moquaient de leur fidélité à un dieu dont ils ne percevaient la manifestation d’aucune aide. Il n’y a rien de pire que d’être trahi pas les siens. Plus concrètement, l’ennemi-type est représenté par les Edomites, un peuple voisin et frère, descendant d'Esaü ; un peuple qui, à de la chute de Jérusalem, en 587, sous les brutalités du roi Nabuchodonosor, n’a pas volé au secours du peuple d'Israël, mais s’est joint aux envahisseurs pour piller et profaner.
Pourtant, c’est avec une foi ancrée dans l’Alliance scellée sur le Mont Horeb, dans le buisson ardent, que ce peuple surpasse toutes ces tribulations ; car le Dieu d’Israël est fidèle et jamais il ne refuse son pardon à celui qui s’humilie et met en lui toute son espérance. Le peuple d’Israël, à l’image de son Dieu, est lui-même appelé à pardonner tous les peuples qui l’ont offensé en le réduisant en esclavage et en profanant son Dieu ainsi que le la Ville et le Saint Temple dans lequel il réside.


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Deuxième Lecture - Deuxième Lettre de Paul aux Corinthiens 1, 18 - 22
Frères,
18 J'en prends à témoin le Dieu fidèle :
Le langage que nous parlons
n'est pas à la fois « oui » et « non ».
19 Le Fils de Dieu, le Christ Jésus,
que nous avons annoncé parmi vous,
Sylvain, Timothée et moi,
n'a pas été à la fois « oui » et « non » ;
il n'a jamais été que « oui ».
20 Et toutes les promesses de Dieu
ont trouvé leur « oui » dans sa personne.
Aussi est-ce par le Christ
que nous disons « Amen »,
notre « oui » pour la gloire de Dieu.
21 Celui qui nous rend solides pour le Christ,
dans nos relations avec vous,
celui qui nous a consacrés,
c'est Dieu ;
22 il a mis sa marque sur nous,
et il nous a fait une première avance sur ses dons :
l'Esprit qui habite nos cœurs.

Paul et ses amis viennent d’Asie où ils ont subi les pires persécutions et l’ont échappé belle !  Mais entre temps, il y a comme un flottement dans son emploi du temps originel : Éphèse, Corinthe, Macédoine puis Corinthe. Mais, modifiant l’itinéraire de son voyage, il va directement en Macédoine puis seulement à Corinthe. C’est ce bouleversement qui explique la tension entre lui et les chrétiens de l’Église de Corinthe qui se sent quelque peu fouée, comme reléguée au second plan comme si les problèmes qu’ils vivaient ne méritaient pas la sollicitude de l’apôtre.
Paul s’en explique comme il peut. D’ailleurs, dans le préambule à la Seconde Lettre aux Corinthiens, il se dégage comme un sentiment de soulagement : Paul se retrouve parmi ses frères dont il est sûr de la consolation et du soutien dans la prière. Il réalise la difficulté et l’enthousiasme d’annoncer la Bonne Nouvelle. Difficulté d’annoncer une Parole qui bouscule et dérange en terres païennes encore sous le voile de l’idolâtrie, ou gouvernées par des tyrans qui craignent l’affaiblissement de leur pouvoir… Mais aussi enthousiasme avec cette assurance que, lui et ses condisciples, ont «devant Dieu et par le Christ» (2 Co 3, 4) au point de proclamer et témoigner: «C’est quand on se convertit au Seigneur que le voile tombe. Car le Seigneur, c’est l’esprit, et où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté. Et nous tous qui, le visage découvert, réfléchissons comme en un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en cette même image, toujours plus glorieuse, comme il convient à l’action du Seigneur, qui est Esprit.» (2 Co 3, 16-18). La comparaison est belle et l’affirmation fondamentale pour notre engagement dans le ministère apostolique. L’apôtre, l’envoyé de Dieu dont l’autorité peut être contestée, mise à l’épreuve.
Cette référence permanente à l’Esprit souligne la solidité de la promesse de partager la gloire du Seigneur à son retour : «Celui qui nous rend solides pour le Christ, dans nos relations avec vous, celui qui nous a consacrés, c'est Dieu ; il a mis sa marque sur nous, et il nous a fait une première avance sur ses dons : l'Esprit qui habite nos cœurs.» Une allusion franche au baptême qui ne s’oppose pas  à la foi mais l’accompagne et l’exprime dans son rite symbolique. C’est par le baptême, immersion et résurrection, que nous recevons l’Esprit de Dieu. Et cette résurrection qui ne sera totale et définitive qu’à la fin des Temps, lorsque le Seigneur lui-même viendra nous prendre dans gloire, se réalise dès à présent dans la vie nouvelle selon l’Esprit: «Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle» (Rm 6, 4). Paul l’annoncera partout dans toutes les communautés chrétiennes, par exemple chez les Galates: «Vous tous en effet, baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ: il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme ; car tous, vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus. Mais si vous appartenez au Christ, vous êtes donc la descendance d’Abraham, héritiers selon la promesse.» (Ga 3, 27).
On peut dire que Paul se tire bien d’affaire. D’un climat qui était plus que tendu et suspicieux au premier abord, il a su recentré son message sur ce qui est le fondement de la foi chrétienne et qui nourrit le lien entre tous les chrétiens de par le monde. Assurément, Paul « toutes les promesses de Dieu ont trouvé leur « oui » en sa personne » (2 Co 1, 20), c’est-à-dire celle du Christ.

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Évangile - Marc 2, 1 - 12
1 Jésus était de retour à Capharnaüm,
et la nouvelle se répandit qu'il était à la maison.
2 Tant de monde s'y rassembla
qu'il n'y avait plus de place, même devant la porte.
Jésus leur annonçait la Parole.
3 Arrivent des gens
qui lui amènent un paralysé,
porté par quatre hommes.
4 Comme ils ne peuvent l'approcher à cause de la foule,
ils découvrent le toit au-dessus de Jésus,
font une ouverture,
et descendent le brancard sur lequel était couché le paralysé.
5 Voyant leur foi,
Jésus dit au paralysé :
« Mon fils, tes péchés sont pardonnés. »
6 Or, il y avait dans l'assistance quelques scribes
qui raisonnaient en eux-mêmes :
7 « Pourquoi cet homme parle-t-il ainsi ?
Il blasphème.
Qui donc peut pardonner les péchés,
sinon Dieu seul ? »
8 Saisissant aussitôt dans son esprit
les raisonnements qu'ils faisaient,
Jésus leur dit :
« Pourquoi tenir de tels raisonnements ?
9 Qu'est-ce qui est le plus facile ?
De dire au paralysé : Tes péchés sont pardonnés,
ou bien de dire :
Lève-toi, prends ton brancard et marche ?
10 Eh bien ! Pour que vous sachiez que le Fils de l'homme
a le pouvoir de pardonner les péchés sur la terre,
11 Je te l'ordonne,
(dit-il au paralysé),
lève-toi,
prends ton brancard et rentre chez toi. »
12 L'homme se leva, prit aussitôt son brancard,
et sortit devant tout le monde.
Tous étaient stupéfaits
et rendaient gloire à Dieu, en disant :
« Nous n'avons jamais rien vu de pareil. »
 

Seul le Fils de l’homme a le pouvoir de guérir et de pardonner les péchés sur la terre. Isaïe a appelé ses compatriotes à oublier l’ancien monde, celui de Moïse pour se préparer à la venue du monde nouveau, celui du Messie de Dieu.
Dans cet extrait de l’Évangile de Marc, deux mots reviennent par huit fois, deux mots qui sont à chaque fois associés, comme si l’on ne pouvait entendre l’un sans l’autre : péché et pardonner. Et entre ces deux mots, Dieu « ordonne », c’est-à-dire fait advenir les choses ou les situations par la seule puissance de sa parole. Ce qui dérange voire choque les scribes qui sont présent dans l’assistance : « Pourquoi cet homme parle-t-il ainsi ? Il blasphème. Qui donc peut pardonner les péchés, sinon Dieu seul ? » Ils ne savent pas que c’est lui Messie de Dieu. Mais revenons à ce texte de la guérison du paralytique.
Imaginons ces quatre hommes qui jouent des coudes pour essayer de se frayer un chemin d’accès à Jésus, tellement il y a de monde dans la maison où il est en train d’enseigner la Bonne Nouvelle. Ils sont si déterminés que rien ne peut les dissuader ; ils passent par le toit le brancard de leur ami ou frère. Jésus est non seulement pris de pitié mais il reconnaît la foi des brancardiers et du paralytique: «Mon fils, tes péchés sont pardonnés.» Une adresse qui pourrait laisser penser que Jésus ne se départit pas de la conception traditionnelle selon laquelle toute maladie est signe de péché et donc manifestation d’un châtiment de Dieu. On peut plutôt penser qu’il parle ainsi à dessein, à cause des scribes qui sont là à l’affût du moindre écart. Mais en réalité, Jésus se révèle comme celui qui a le pouvoir divin de pardonner son (ses) péché(s) à tout être humain. Il se manifeste comme égal à Dieu, comme Dieu lui-même. Et encore une fois, toues affaires cessantes, il s’intéresse au  malade, au pauvre, au malheureux pour le soulager de sa peine. Jésus réaffirme de la sorte que le pouvoir du Messie de Dieu ne sera pas « politique » mais spirituel au sens où il s’emploiera essentiellement à restaurer dans une Alliance nouvelle l’histoire du genre humain : Dieu parmi les hommes, cela signifie que le Messie est venu diviniser le monde des hommes, d’où son attachement à le convertir des ténèbres à la lumière. Le monde des ténèbres est celui du péché, et le monde de la lumière est celui du salut et de la participation à la gloire de Dieu.
Le paralytique atterrit aux pieds de Jésus dans une position d’horizontalité dépendante et, lorsque Jésus le lui ordonne, il se relève dans une verticalité agissante. C’est à l’image de ce que sera la résurrection du Christ couché dans le tombeau puis libéré des bandelettes qui emprisonnaient son corps pour revivre debout au milieu des hommes. Au fond, cette guérison signifie que la foi de celui qui croit et met en Jésus sa confiance et son espérance est récompensée par la grâce du Dieu-qui-sauve, du Dieu-qui-relève, du Dieu-qui-libère, du Dieu-qui-pardonne. Mais ce brancard sur lequel le paralytique a passé des jours et des nuits, il ne l’abandonne pas dans la maison. Jésus lui dit: «Prends ton brancard et rentre chez toi.» Nos difficultés, nos peines sont de toujours. Simplement, comme il le dira ailleurs: «Venez à moi vous tous qui ployez sous le poids du fardeau…». Nos croix jalonneront nos vies et celles-ci nous sembleront parfois aussi arides et inhospitalières qu’un désert… mais Jésus nous fait signe ; il vient nous tendre la main pour nous relever et marcher à sa suite. Le texte de Paul trouve ici un écho merveilleux: «Celui qui nous a consacrés, c'est Dieu ; il a mis sa marque sur nous, et il nous a fait une première avance sur ses dons : l'Esprit qui habite nos cœurs.» (2 Co 1, 21-22).



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