03/09/2009

« Effata », c'est-à-dire « Ouvre-toi »

Bonjour !


L'Evangile de ce dimanche 6 septembre est encore extrait de Marc 7, 31 - 37. Dimanche dernier, Marc nous a relaté la mise au point de Jésus sur le pur et l’impur face à des pharisiens qui voulaient le prendre en faute sur un manquement de ses disciples à la tradition (ils avaient mangé sans s’être lavé les mains au préalable). Quand Jésus déclare aux pharisiens «…Vous laissez de côté le commandement de Dieu pour vous attacher à la tradition des hommes» (Jc 7, 8), il n’appelle pas à une renonciation pure et simple de la tradition judaïque, mais à son dépassement, à son accomplissement dans la Loi dont il est la source même. Puis, après le célèbre « Si quelqu'un a des oreilles pour entendre, qu'il entende » [Mc, 1, 17], nous poursuivons ce même récit dans lequel Jésus passe en territoire païen.

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31 Jésus quitta la région de Tyr ;

passant par Sidon, il prit la direction du lac de Galilée

et alla en plein territoire de la Décapole.

32 On lui amène un sourd-muet,

et on le prie de poser la main sur lui.

33 Jésus l'emmena à l'écart, loin de la foule,

lui mit les doigts dans les oreilles,

et, prenant de la salive, lui toucha la langue.

34 Puis, les yeux levés au ciel,

il soupira et lui dit :

« Effata ! », c'est à dire : « Ouvre-toi ! »

35 Ses oreilles s'ouvrirent ;

aussitôt sa langue se délia,

et il parlait correctement.

36 Alors Jésus leur recommanda

de n'en rien dire à personne ;

mais plus il le leur défendait,

plus ils le proclamaient.

37 Très vivement frappés, ils disaient :

« Tout ce qu'il fait est admirable :

il fait entendre les sourds et parler les muets. »

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Le peuple juif étant le peuple de la promesse, il était compréhensible que Jésus réplique parfois sèchement à certaines déclarations ou s’insurge contre certains comportements car il connaissait les œuvres de Dieu dans leur histoire. Porter la Bonne Parole aux non-juifs, aux païens, cela montre avec force l’universalité de dessein de Dieu. Mais, en plein territoire de Décapole (cette agglomération de dix villes grecques situées à l’Est du Jourdain, non soumises à l’administration du Roi Hérode mais rattachées à la province romaine de Syrie), les choses sont tout autres, et Jésus fait preuve de tact dans sa pédagogie.

La guérison du sourd et muet que Marc nous relate ici suit celle de la fille de la syro-phénicienne. Lorsqu’on le lui présente, «Jésus l'emmène à l'écart, loin de la foule, lui met les doigts dans les oreilles, et, prenant de la salive, lui touche la langue.» Puis, il fait sur lui les mêmes gestes que les guérisseurs de Palestine et d’ailleurs, à la différence près — et elle est de taille!: «les yeux levés au ciel, il soupira et lui dit : Effata !, c'est-à-dire: Ouvre-toi!» Non, Jésus n’est pas un guérisseur ordinaire; sa puissance, il la reçoit de son Père à qui il rend grâce de lui donner l’occasion de manifester sa gloire. Et notre sourd et muet est guéri: «Ses oreilles s'ouvrirent; aussitôt sa langue se délia, et il parlait correctement.» Malgré la recommandation formelle qui lui est faite par Jésus de garder le silence sur ce qu’il vient de vivre, le nouvellement guéri ne peut s’empêcher de proclamer partout la nouvelle: «…Très vivement frappés, ils disaient : Tout ce qu'il fait est admirable : il fait entendre les sourds et parler les muets.» Les exemples sont nombreux dans la Bible de personnes qui ont été guéries de leurs infirmités et qui n’ont pas pu garder le silence auquel on les avait astreints. C’est plus fort que tout, la joie est explosive: il faut donc aller la crier sur tous les toits et dans tous les espaces publics.

Il faut saisir ici toute la symbolique du miracle que Jésus vient d’accomplir. Il est question d’oreilles qui s’ouvrent pour entendre et de langue qui se délie pour parler. L’image est semblable à celle de Lazare que Jésus fait revenir de la mort et sur lequel il demande à Marie, sa sœur, de lui délier les bandelettes qui l’empêchaient de se mouvoir. « Effata ! », c’est ce à quoi il s’est employé depuis le début de son ministère, mais ceux qui l’écoutaient restaient sourds à son enseignement : ils avaient des oreilles pour entendre, mais pas pour comprendre ; ils avaient une bouche pour parler, mais pas pour rendre grâce à Dieu pour toutes les merveilles qu’il réalisait sous leurs yeux. Les apôtres aussi font partie du lot de ceux qui ne voient ni n’entendent encore. Marc le souligne très à propos dans les échanges qu’ils ont avec Jésus: «Vous ne comprenez pas cette parabole! Alors, comment comprendrez-vous toutes les paraboles?» (4, 13)… et ce sera ainsi jusqu’après la résurrection: les apôtres auront été des incrédules pendant tout le séjour de Jésus au milieu d’eux. C’est seulement à la Pentecôte que leur intelligence s’ouvre à la compréhension de ce qui dépassait les capacités de leur seul entendement. Car c’est l’Esprit qui nous donne de comprendre et de croire, c’est l’Esprit qui nous donne de proclamer que Christ est Seigneur.

Mais peut-être que Jésus ne voulait pas que le côté spectaculaire de ces guérisons l’emporte sur l’essentiel du message qu’il venait apporter, et surtout de la révélation qu’il voulait faire de sa propre identité que les païens découvrent tout de même, dans un enthousiasme qui tranche avec le doute et le refus de croire de ses propres frères de Nazareth. Peut-être qu’il ne voulait pas brusquer les païens dans la découverte de ce Dieu-Amour et qu’il préférait les laisser cheminer de l’intérieur et sur des bases solides ! En tout état de cause, la prophétie d’Isaïe se réalise enfin !

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