13/09/2008

« … Qu'ils le regardent, et ils vivront ! »

Chers amis, bonjour !

C'est du Livre des Nombres (Nb 21, 4b-9)
que nous tirons la première lecture de ce dimanche du temps ordinaire. Il est question d'infidélité des enfants d'Israël et de la miséricorde divine. C'est également, pour partie, le fond du texte de l'Evangile de ce même dimanche.
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21
4b Au cours de sa marche à travers le désert, le peuple d'Israël, à bout de courage,
05 récrimina contre Dieu et contre Moïse : «Pourquoi nous avoir fait monter d'Égypte ? Était-ce pour nous faire mourir dans le désert, où il n'y a ni pain ni eau ? Nous sommes dégoûtés de cette nourriture misérable !»
06 Alors le Seigneur envoya contre le peuple des serpents à la morsure brûlante, et beaucoup en moururent dans le peuple d'Israël.
07 Le peuple vint vers Moïse et lui dit : «Nous avons péché, en récriminant contre le Seigneur et contre toi. Intercède auprès du Seigneur pour qu'il éloigne de nous les serpents.»
08 Moïse intercéda pour le peuple, et le Seigneur dit à Moïse : «Fais-toi un serpent, et dresse-le au sommet d'un mât : tous ceux qui auront été mordus, qu'ils le regardent, et ils vivront !»
09 Moïse fit un serpent de bronze et le dressa au sommet d'un mât. Quand un homme était mordu par un serpent, et qu'il regardait vers le serpent de bronze, il conservait la vie !
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Quelques pistes de réflexion

L’exode ! un mouvement synonyme de libération. En effet, le peuple hébreu est arraché de l’esclavage en Egypte. Yavhé punit le Pharaon puis protège le chemin du retour enjoué vers la Terre promise. Mais voilà: Dieu fait passer les enfants d’Israël par le désert, avec tout ce qu’il recèle de cruautés. Alors vient la désillusion ; le peuple perd patience ; alors, il commence à récriminer contre Yavhé et Moïse. Ce qui est manifestement une transgression de la loi morale et religieuse telles que édictées dans le code de l’Alliance : «Tu ne blasphèmeras pas Yavhé, ni tu ne maudiras un chef de ton peuple» (Ex 22, 27). Cette même scène de la révolte est relatée dans le livre de l’Exode : «Les enfants d’Israël poussèrent des clameurs vers Yavhé. Ils dirent à Moïse:“Manquait-il de tombeaux en Egypte, que tu nous aies menés mourir dans le désert ? Quel service nous as-tu rendu de nous faire sortir d’Egypte?…» (Ex 14, 10-11).
En réponse à ce manque de confiance des enfants d’Israël, Yavhé envoya des serpents “brûlants“ dont la morsure était mortelle. Le mot “brûlant“ traduit “saraph“ qu’Isaïe représentera comme un serpent ailé, une espèce de dragon (notons que le mot “séraphins“ vient de la même racine !).
Devant tant de morts, le peuple demande à Moïse d’intercéder pour lui auprès de Yavhé, ce qu’il fit (voir Ex 32, 11-14) ; Yavhé lui demanda alors de confectionner un saraph et de le placer sur un étendard. Et ceux qui étaient mordus par les serpents brûlants et regardaient le serpent d’airain, restaient en vie. Telle est la manifestation (encore une fois) de la miséricorde de Yavhé envers son peuple ; il leur tend la main : «Lorsque sévit sur eux la rage affreuse de bêtes féroces, quand ils périssaient sous la morsure de serpents sinueux, ta colère en effet ne dura pas jusqu’au bout…». car «… Dieu est fidèle ; il ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces» (1 Co 10, 13). Encore une fois donc, Moïse s’emploie à convertir son peuple, à le convaincre que Yavhé l’aime, et que la marche dans le désert mène à la liberté: «Quiconque se retournait était sauvé, non par l'objet regardé, mais par toi, le Sauveur de tous», expliquera bien plus tard le Livre de la Sagesse (Sg 16, 7).

L’élévation du serpent d’airain par Moïse fait écho au second verset de l’extrait de l’Evangile de Saint Jean: «Comme Moïse éleva le serpent au désert, ainsi faut-il que soit élevé le Fils de l’homme, afin que tout homme qui croit ait par lui la vie éternelle» (Jn 3, 14). Pour être sauvé, il faut “regarder“ ( c’est-à-dire “adorer“) le Christ “élevé“ sur la Croix, c’est-à-dire croire qu’il est le Fils unique. Cette même élévation fait allusion à l’Ascension, qui manifestera l’origine céleste de Jésus et l’intronisera dans la gloire du Fils de l’homme.

Saint Paul reprendra cet épisode du serpent d’airain pour tirer les leçons du passé d’Israël : «Ne tentons pas le Seigneur, comme le firent certains d’entre eux (les enfants d’Israël) ; et ils périrent victimes des serpents» (1 Co 10, 9). Le serpent d’airain n’avait certainement aucun pouvoir exceptionnel en soi ; il n’est en somme que le rappel de la Loi et le signe d’un salut “universel“ qui existait dès l’apparition des serpents. C’est donc l’obéissance à la parole, au commandement de Yavhé qui est chaque fois récompensée. Ezéchias supprimera tous les fétiches et leurs symboles ; plus tard, Paul exhortera à fuir l’idolâtrie sous toutes ses formes.
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Psaume (77, 3-4ac, 34-35, 36-37, 38ab.39)

03
Nous avons entendu et nous savons
ce que nos pères nous ont raconté ;
4a nous le redirons à l'âge qui vient,
4c les titres de gloire du Seigneur,

34 Quand Dieu les frappait, ils le cherchaient,
ils revenaient et se tournaient vers lui :
35 ils se souvenaient que Dieu est leur rocher,
et le Dieu Très-Haut, leur rédempteur.

36 Mais de leur bouche ils le trompaient,
de leur langue ils lui mentaient.
37 Leur cœur n'était pas constant envers lui ;
ils n'étaient pas fidèles à son alliance.

38a Et lui, miséricordieux,
38b au lieu de détruire, il pardonnait ;
39 Il se rappelait : ils ne sont que chair,
un souffle qui s'en va sans retour.
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Ce psaume est une description résumée de la relation entre Dieu et son peuple. Dons et pardons de Dieu, les enfants d’Israël sont conscients de leurs inconstance face à un Dieu patient, «lent à la colère, mais plein de tendresse et de pitié» ; ils savent que, fondamentalement la foi est une expérience vécue en communauté et qu’il est important d’en témoigner et de la transmettre à travers les âges, de génération en génération. Dans la révélation de l’Horeb et ses exigences, la mise en garde est claire : «Mais tiens-toi sur tes gardes. Ne vas pas oublier ces choses que tes yeux ont vues, ni les laisser, en aucun jour de ta vie, sortir de ton cœur ; enseigne-les au contraire à tes fils et aux fils de tes fils…» (Dt 4, 9). Plus tard, le prophète Isaïe reprendra cette sorte de rite de pénitenciel dans sa prière : «Yavhé, dans la détresse nous te cherchons…» (Is 26, 16). En effet, chaque fois que le peuple juif rompait l’alliance, s’éloignait de Dieu et s’adonnait aux idoles, Dieu n’avait de cesse de «continuer à lui prodiguer ses prodigieux prodiges» (Is 29, 14). Certes, quand il s’endurcissait le cœur, quand il se rendait aveugle et sourd en refusant de servir Dieu, en brisant le joug de sa Loi, il était châtié en le livrant sous le joug d’un peuple étranger ; mais Yavhé, pour l’amour de lui-même n’a jamais rejeté son peuple et la révélation de son salut a toujours triomphé: «A cause de mon nom, j’ajournai ma colère, à cause de mon honneur je la contenais, je ne te brisais pas» (Is 48, 9).

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