27/09/2008

Dimanche plus : "Le Maître de la Vigne sort,
il vient à notre rencontre pour nous “embaucher“…

Chers amis, bonjour !
Je vous propose de revenir un instant sur “la Parabole des ouvriers de la dernière heure“ que nous avons écoutée en ce 25ème dimanche du temps ordinaire.

Cette parabole nous renseigne sur la précarité de l’emploi qui sévissait (déjà !) au temps de Jésus, et sur les étranges méthodes d’embauche pratiquées, des méthodes qui sont d’une actualité bien singulière et actuelle. Même si le contexte économique et social décrit dans ce récit est différent du nôtre, il n’en demeure pas moins que nos sociétés industrielles souffrent d’un taux de chômage inquiétant, avec tout ce que cela comporte comme dégâts pour les individus et les familles.
«Personne ne nous a embauchés !…». Que de fois n’entendons-nous pas celles et ceux, jeunes et adultes, qui cherchent du travail, exprimer ainsi leur lassitude et leur découragement ! Trouver du travail, avoir du travail est une préoccupation majeure pour les femmes et les hommes de notre temps. Cependant, sur le plan économique, l’Evangile des ouvriers de la vigne propose une solution quasi «idéaliste», voire même irréaliste. En effet, quel entrepreneur se permettrait, aujourd’hui, de gérer sa politique salariale à la manière du maître viticulteur de la Parabole ? Une entreprise n’est aps un organisme caritatif ; et, dans un monde voué à une compétition économique sans merci, le «management» n’est guère une affaire de bons sentiments.

Mais, prenons garde ! Jésus n’est pas naïf ; il ne prétend pas s’ériger ici en expert économiste, et l’Evangile n’est pas un Code du Travail. Mais comme toujours, dans les paraboles qui ont un côté déroutant pour notre logique “cartésienne“, le propos de Jésus est de nous faire réfléchir à un autre niveau : celui du Royaume des cieux. Jésus veut nous ouvrir l’esprit à la manière d’agir de Dieu, dans le domaine qui est le sien. Les maîtres-mots, en ce qui le concerne, ne sont pas : rentabilité,le profit, la loi du marché… mais plutôt : donner, faire vivre, sauver.

Cette logique de Dieu est déconcertante pour nous autres qui fonctionnons selon la logique du calcul. Le maître du domaine, au comportement peu adapté aux lois économiques, nous révèle en réalité une image, un portrait de notre Dieu. Le Seigneur ne nous regarde pas avec les yeux d’un expert comptable ; il a sa manière à lui d’évaluer ce que nous sommes et ce que nous faisons ; sa logique est celle de la gratuité : « je suis bon », dit le propriétaire du domaine qui n’explique pas autrement son mode rétribution tout à fait surprenant. C’est donc parce qu’il est bon que les derniers arrivés au travail sont les premiers servis. C’est parce qu’il est on qu’il gratifie chacun du même salaire, quelle que soit la durée effective du travail. Ce passage de l’Evangile veut donc nous révéler et nous instruire sur la bonté infinie de Dieu… Nous sommes invités à regarder Dieu autrement.

En effet, ne faut-il pas comprendre que Dieu ne “récompense“ pas au sens rigoureux du terme ? Car, récompenser, c’est donner à chacun selon ses résultats et ses mérites. On ne mérite pas le don de Dieu, on ne l’achète pas, ce n’est pas du donnant-donnant. Il n’y a pas de commune mesure entre le don que Dieu veut nous faire et nos bonnes œuvres. Seul comte notre engagement pour le Royaume. Chacun doit pouvoir donner autant qu’il peut. On note en effet dans la parabole qu’aucun des envoyés à la vigne n’a été payé à ne rien faire !… L’égalité de la rétribution pour tous souligne que le seigneur qui prend en compte les intentions autant que les actes, ne fait pas de différence dans le don de son amour. Sa justice à lui n’est pas exclusion, mais chance et confiance accordées à tous, car “la bonté“ du Seigneur est pour tous, «et sa tendresse pour toutes ses œuvres», nous dit le psaume 145. Pour Dieu, il n’est jamais trop tard : à tout moment il nous ouvre ses bras, à tout moment il nous donne sa bonté.

Le Maître de la vigne ne cesse de s’activer pour l’emploi dans sa vigne ; pour lui aussi, cela est une priorité : il n’attend pas que les ouvriers se présentent, il va le chercher lui-même pour leur proposer du travail. Il sort (ce verbe est répété 4 fois) du petit matin jusqu’au coucher du soleil, à la dernière heure. Cinq sorties en tout pour embaucher des ouvriers dans sa vigne, mais aussi pour donner du travail à ces gens qui en ont grand besoin pour vivre [Belle leçon de management pour les DRH modernes ou les services de recrutement des entreprises ou même de l’Etat]. Sous les traits de cet homme en quête inlassable d’ouvriers pour sa vigne, nous découvrons le visage de Dieu qui nous cherche et nous appelle. Il n’est jamais trop tard pour répondre et aller à lui. Peut-être pensons-nous, comme les désœuvrés de la parabole, qu’il est trop tard pour nous convertir, nous engager pour servir et pour prendre notre place dans une Eglise active pour le Royaume. Le Seigneur sort à tout moment, il vient à notre rencontre, il nous embauche et nous envoie dans sa vigne.

A l’époque où Jésus fréquentait les pécheurs et les publicains, et au temps où les païens entraient dans la jeune Eglise, certains murmuraient sans doute que l’on faisait la part trop belle à ces arrivants tardifs. Certes, la parabole des ouvriers de la dernière heure doit être lue dans ce contexte évangélique et historique. Mais elle nous interpelle aussi dans notre actualité. Si nous sommes parmi les premiers qui ont répondu oui et qui sont déjà au travail dans la Vigne du Seigneur, il nous faut faire de la place pour accueillir ceux que Dieu “embauche“ plus tard que nous, mais avec autant de confiance et d’amour. Pas de mauvais regard pour les ouvriers de la dernière heure et gardons de tout complexe d’antériorité, comme si nous étions “propriétaires“ de cette vigne. Faisons également de la place à tous les catéchumènes, aux pratiquants intermittents ou occasionnels, aux “recommençants“ et à tous ceux qui cherchent encore…

Notre mission, c’est justement de relayer l’appel du Seigneur, de proposer courageusement la foi à nos frères avec l’aide de l’Esprit Saint qui nous habite. Le Seigneur nous envoie sur toutes les places du monde proposer l’Evangile, c’est-à-dire sa parole qui sauve, à tous les “chômeurs“ de la foi et de l’espérance. Comme lui, et pour réussir notre mission, il nous faut d’abord sortir de nous-mêmes, de nos conforts et de nos certitudes, de nos églises, de nos inerties… pour nous mettre en mouvement, en marche…

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