15/04/2008

Rester fidèles à la prière
et au service de la Parole

Après le dimanche des vocations, voici que l’Eglise nous propose de méditer, outre l’Evangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 14, 1-12), trois textes [le Livre des Actes des Apôtres (Ac 6, 1-7) — le Psaume (32, 1.2b-3a, 4-5, 18-19) et la Première lettre de saint Pierre Apôtre (1P 2, 4-9)]. Je vous propose de nous arrêter sur le premier texte et essayer d'en dégager quelques messages qui permettent leur compréhension globale, utiles pour notre méditation.


Livre des Actes des Apôtres (Ac 6, 1-7)
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6

01 En ces jours-là, comme le nombre des disciples augmentait, les frères de langue grecque récriminèrent contre ceux de langue hébraïque : ils trouvaient que, dans les secours distribués quotidiennement, les veuves de leur groupe étaient désavantagées.
02 Les Douze convoquèrent alors l'assemblée des disciples et ils leur dirent: «Il n'est pas normal que nous délaissions la parole de Dieu pour le service des repas.
03 Cherchez plutôt, frères, sept d'entre vous, qui soient des hommes estimés de tous, remplis d'Esprit Saint et de sagesse, et nous leur confierons cette tâche.
04 Pour notre part, nous resterons fidèles à la prière et au service de la Parole.»
05 La proposition plut à tout le monde, et l'on choisit : Étienne, homme rempli de foi et d'Esprit Saint, Philippe, Procore, Nicanor, Timon, Parménas et Nicolas, un païen originaire d'Antioche converti au judaïsme.
06 On les présenta aux Apôtres, et ceux-ci, après avoir prié, leur imposèrent les mains.
07 La parole du Seigneur était féconde, le nombre des disciples se multipliait fortement à Jérusalem, et une grande foule de prêtres juifs accueillaient la foi.
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Un rappel
Le Livre des Actes des apôtres constituent le second Livre de Saint Luc. Fin pédagogue, l’évangéliste a organisé ces actes en deux grandes parties : la période des missions que l’on peut qualifier d’« intérieures » et la seconde qui est consacrée aux missions « étrangères ». Le texte ci-dessus fait partie de la première période qui se déroule presque exclusivement en Palestine, avec Jérusalem comme centre ; le personnage central en est l’apôtre Pierre qui annonce la Parole de Dieu au milieu des juifs (majoritairement), y compris ceux de la diaspora qui se convertis et qui viennent à Jérusalem en pèlerinage.
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Quelques repères pour notre méditation :

Ce texte nous décrit en très peu de mots les débuts de l’Église ; celle-ci se construit, se développe, sous l'impulsion de l’Esprit-Saint, avec la participation active des croyants dans l’annonce de la Parole de Dieu. Elle s'organise donc et elle voit le nombre des disciples augmenter jour après jour.

On voit apparaître ici pour la première fois cette fonction de « chargé du service des tables » à Jérusalem, ordonnés pour le service de leurs frères [fonction qui évoluera au fur eet à mesure vers celle du diacre (1)]. Choisis par et parmi les chrétiens, et après l'imposition des mains par l'un des apôtres, ces hommes sont appelés à s'occuper des plus démunis de la communauté.
Les circonstances qui ont concouru à l’institution de cette nouvelle fonction « d’aides gestionnaires » sont d’ailleurs pour le moins étonnantes: il s’agit bien d’un problème de discrimination, de racisme. En effet , les veuves de langue grecque étaient plus négligées que celles des Hébreux. Voilà les apôtres confrontés à une double équation à résoudre : comment rester unis alors que le nombre de convertis augmente sans cesse ? Et comment s’organiser dans la gestion (nécessaire et source de tensions sociales) des biens et besoins matériels et la sauvegarde de la mission fondamentale d’annonce de la Parole de Dieu ?

Le problème de la gestion des biens matériels confiée à sept (2) frères appréciés de tous pour leur honnêteté et leur sagesse [Étienne (devenu St Étienne), le premier martyr de la Chrétienté ; Philippe ; Prochore ; Nicanor ; Timon ; Parménas et Nicolas] en révèle un autre qui est celui du choc des langues, et donc des cultures qui les nourrissent. Très tôt, nous voyons que dans cette Eglise dite « primitive », la question de l’universalité du message de Jésus Christ est confrontée aux réalités culturelles et politiques de ceux à qui il est annoncé et que les apôtres exhortent à la propager à leur tour. L’Esprit Saint conduit à la compréhension, au dia-logue des personnes, des communautés et des peuples dans le respect de leurs identités : il ne génère pas un nouveau « Babel ».

En outre, la réaction des apôtres pour résoudre le problème posé (celui né de la plainte des veuves grecques) est intéressante à relever : 1)- ils convoquent une assemblée générale, 2)- ils rappellent les objectifs fondamentaux, 3)- ils proposent rapidement une solution innovante, et 4)- ils en confient la mise en œuvre aux membres de la communauté eux-mêmes. Nous avons ici l’illustration d’une gestion participative de la vie de l’Église. Personne n'est laissé à l'écart de la gestion des affaires quotidiennes, celles qui ont des incidences sur la marche de la communauté… Mais dans le versant matériel de cette gestion la distance que Pierre impose au collège des apôtres fait écho à l’objectif et au devoir absolus de leur fonction sacerdotale : rester fidèles à la prière, au service de la Parole et à celui des frères.

L’organisation de l’Église est dessinée, et des esquisses sont élaborées quant aux rôles du prêtre et de ces hommes « chargés du service des tables à Jérusalem » (3) ; si le premier est le signe du Christ rassembleur, tête de l'Église, le second, lui, est signe du Christ serviteur. Nous savons combien la fonction de diacre a été importante par la suite dans la vie des communautés ecclésiales, nous savons aussi comment elle a évolué à travers le temps — pour ce qui concerne la vie ordinaire et la liturgie — au sein d'une seule et même Église et d’une Église à l’autre [catholique (4), protestante, orthodoxe, etc.].

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Que retenir de ce texte…
et en quoi nous parle-t-il aujourd’hui encore ?


- tout d’abord, que les communautés ecclésiales sont appelées à croître : c’est le but de l’évangélisation, mission première de l'après-Pentecôte ;
- chacun a sa place dans une communauté ecclésiale (paroissiale, par exemple), les ministres comme les fidèles, les femmes comme les hommes, les enfants comme les adultes, les riches comme les pauvres ;
- toute communauté ecclésiale fait cohabiter des différences d’âge, de race, de culture, etc. mais les conflits nés de ces coexistences doivent être résolus rapidement (ou du moins apaisés) en vue d’un «mieux-vivre-ensemble»… ;
- la justification et la finalité de toute communauté d’Église restent l’annonce de la Parole de Dieu et le partage de l’Eucharistie dans l’unité de nos différences et de notre diversité.


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1- Le mot «diacre» ne figure pas dans le texte. Il ne faut donc pas anticiper une fonction spécifique qui sera issue d’autres contextes ultérieurs et impactant une nouvelle organisation des communautés ecclésiales dans leurs développements inévitables.
3- Voir (1)
2- Notons l’importance du chiffre 7, symbole de la plénitude et de la totalité.
4- Dans l'Église catholique romaine, le rôle du diacre, fruit d'une longue histoire, est défini par la constitution dogmatique «
Lumen Gentium»


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