22/04/2008

Philippe proclamait le Christ,
et il y eut dans cette ville une grande joie…

Bonjour !

Nous voici bientôt au 6ème dimanche de Pâques. L'œuvre d'évangélisation va s'emplifiant; de nombreux disciples prennent le relais des apôtres à travers les contrées lointaines; le sacerdoce devient "universel". La moisson est abondante et chaque nouveau baptisé, désormais habité par l'Esprit-Saint, devient acteur engagé de cette mission. C'est le sens du premier texte que l'Eglise nous donne de méditer.
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L
ivre des Actes des Apôtres (Ac 8, 5-8.14-17)

8
05i Philippe, l’un des Sept, arriva dans une ville de Samarie, et là il proclamait le Christ.
06 Les foules, d'un seul cœur, s'attachaient à ce que disait Philippe, car tous entendaient parler des signes qu'il accomplissait, ou même ils les voyaient.
07 Beaucoup de possédés étaient délivrés des esprits mauvais, qui les quittaient en poussant de grands cris. Beaucoup de paralysés et d'infirmes furent guéris.
08 Et il y eut dans cette ville une grande joie.
14 Les Apôtres, restés à Jérusalem, apprirent que la Samarie avait accueilli la parole de Dieu. Alors ils leur envoyèrent Pierre et Jean.
15 A leur arrivée, ceux-ci prièrent pour les Samaritains afin qu'ils reçoivent le Saint-Esprit ;
16 en effet, l'Esprit n'était encore venu sur aucun d'entre eux : ils étaient seulement baptisés au nom du Seigneur Jésus.
17 Alors Pierre et Jean leur imposèrent les mains, et ils recevaient le Saint-Esprit.
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Quelques repères pour notre méditation :

«Alors donc qu’ils vous persécuteront dans une ville, fuyez dans une autre. Je vous dis en vérité que vous n’aurez pas achevé de parcourir toutes le villes d’Israël, que le Fils de l’Homme ne soit venu» (Matt. 10 :23-34)
Cette recommandation de Jésus à ses disciples permet d’expliquer les versets qui précèdent le texte ci-dessus. En effet, Etienne vient d’être lapidé et mis à mort par Paul à cause de sa foi (1), il est ainsi le premier martyre de l’Eglise. Partout dans la ville, les persécutions des chrétiens font rage ; femmes et hommes sont traînés en prison. Les apôtres échappent à cette inquisition par la volonté de Dieu. Mais au lieu de fuir la ville, de se disséminer à travers le pays avec les autres chrétiens, ils restent à Jérusalem pour achever leur mission d’évangélisation [«Vous me servirez de témoins dans Jérusalem.» (1.8)] Or la dispersion des persécutés produit un effet inattendu : partout où ils passent, ces simples fidèles, pourtant dépourvus de toute autorité apostolique, proclament leur foi, ils annnocent la Parole de Dieu. Et parmi ces fugitifs devenus missionnaires, un diacre nommé Philippe (il ne s'agit pas de l'apôtre du même nom, resté dans Jérusalem avec ses collègues) décide de passer du « service aux tables » à l’« annonce de la Parole ».

Il est intéressant de noter ici que c’est Etienne, l’un des 7 diacres (2) qui par sa mort similaire à celle du Christ [Il prie pour ses meurtriers : «Seigneur ne leur impute point ce péché» (Actes 7:60)] provoque la dispersion d’une bonne partie de l’Eglise. C’est également un diacre (Philippe) qui en prépare l’établissement dans une ville de Samarie, au milieu des gentils.

Plusieurs faits extraordinaires sont rapportés : des possédés délivrés des esprits mauvais, des paralysés et des infirmes guéris, etc. L’évangéliste, c’est-à-dire celui qui annonce la Parole, est en proximité étroite avec l’assemblée qu’il évangélise. Proche du Seigneur, il faut l’être tout autant des membres de la communauté et des fidèles (au sens étymologique de “ceux qui vivent dans la foi“). C’est ainsi que Philippe opère avec succès, attirant des foules de plus en plus nombreuses. «Suivez-moi, et je vous ferai pêcheurs d’hommes» (Matt. 4:19), dit un jour Jésus à André. Du poisson en abondance, et des pêcheurs déterminés et volontaristes aussi. Convertir les âmes signifie les tourner vers le Christ qui le chemin, la vérité et la vie. On voit bien dans ce contexte que l’évangélisation est une mission difficile, parfois périlleuse (ici en pleine persécution) pour l’annonceur et pour le chrétien qui est appelé à vivre et témoigner de la Parole qu’il accueille. Il faut donc parfois sortir en pleine mer, en pleine bourrasque pour aller jeter le filet et ramener du poisson sur le rivage: «Encore, le royaume des cieux est semblable à une seine (3) jetée dans la mer et rassemblant des poissons de toute sorte ; et quand elle fut pleine, ils la tirèrent sur le rivage, et s’asseyant, ils mirent ensemble les bons dans les vaisseaux, et jetèrent dehors les mauvais» (Matt. 13:47-48)… Aux apôtres restés à Jérusalem parviennent des échos de ce que le Seigneur accomplit, à travers Philippe, et de la satisfaction des Samaritains. C’est alors qu’ils envoient auprès de ce diacre Pierre et Jean pour imposer les mains aux nouveaux baptisés, afin qu’ils reçoivent le Saint-Esprit. Bel exemple d’humilité des apôtres…

Avec Philippe — rappelons-le — nous sommes à un moment particulier de la constitution, de l’élargissement et de la consolidation des premières communautés chrétiennes. Les disciples sont très engagés dans la prédication et le témoignage ; plusieurs miracles et faits « extraordinaires » se produisent à leur passage, la foi est vivante et agissante : Dieu est à l’œuvre… Bien entendu, il faut tout cela pour accompagner cette propagation. Mais de nos jours, est-il nécessairement besoin de faits extraordinaires pour vraiment croire ? La parole et la promesse de Jésus ne nous suffisent-elles pas ? ("Heureux qui croit sans avoir vu"). Le miracle ne naît-il pas, silencieusement et invisiblement, de notre propre engagement dans la prière individuelle et communautaire, du témoignage que nous donnons de l’amour pour nos frères, cet amour dont le Christ lui-même a porté témoignage jusqu’à la mort ? Il est bien sûr légitime pour un malade, un handicapé, un laisser-pour-compte d’espérer la rémission, la guérison ou la considération… Mais au-delà, ne faut-il pas rendre grâce à Dieu pour les valeurs intrinsèques d’espérance et d’aspiration au salut qu’il a lui-même semées en chacun de nous ?

Ce court passage des Actes des Apôtres nous interpelle sur plusieurs points en lien direct avec notre propre vie de chrétien :
- quelle est, en tant que chrétiens, notre attitude individuelle et collective face aux situations difficiles (sociales et/ou politiques, familiales…) que nous traversons ou que l’on nous fait subir : sommes-nous démissionnaires et fuyards, tièdes et/ou arrangeants ?
- Sommes-nous, en tant que chrétiens, fondamentalement engagés à annoncer la Parole de Dieu jusqu’à nous mettre en danger, jusqu’à compromettre notre propre vie, notre confort, notre image ?
- Préférons-nous la pêche à la puisette, juste au bord de la mer, ou alors savons-nous nous risquer au large pour aller partout (dans la rue, chez l'habitant, sur le lieu de travail, de loisir, dans le quartier, chez les non-baptisés, chez ceux qui par préjugé ne veulent pas entendre parler de Dieu…) chercher les âmes qui ont vraiment besoin d’être éclairées par la Parole de Dieu et de connaître son amour miséricordieux ?
- Notre foi est-elle une affaire strictement intellectuelle et individuelle, ou savons-nous aussi nous employer à la partager avec nos frères de la communauté, en paroles et en actes ?
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1) Rempli de la grâce de l'Esprit-Saint pour accomplir des miracles et parler avec l'autorité des envoyés de Dieu, Etienne faisait l'admiration de tous. Un jour des Juifs, furieux de ne pouvoir répondre à ses arguments, l'accusèrent faussement de blasphème et de complot contre les institutions de la Loi, et le traduisirent devant le Sanhédrin, le tribunal du grand-Prêtre. Sans crainte, il déclamation un discours d’accusation des Juifs (voir Ac 7, 51-52) et d’exaltation de Jésus Christ ayant partagé notre condition humaine, mis à mort par eux, ressuscité le troisième jour et désormais partageant la gloire de Dieu le Père, en attendant son retour… Le sanhédrin ordonna de le conduire hors de la ville. Là, il fut lapidé à mort.

(2) Diacre (mot d'origine grecque) vient du verbe diakonein = «servir»; non pas au sens de la soumission à une autorité, mais en tant qu'imitation du Christ qui s'est fait Lui-même le Serviteur de tous par Son Incarnation (cf. Lc. 22:27; Jn. 13:14). Le «service» chrétien est une expression de la charité fraternelle, «lien de la perfection» (Col. 3:14).

(3) Une seine est une sorte de filet qu’on place verticalement et parallèlement au rivage, et que l’on ramène vers le rivage.




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