03/04/2008

« Alors leurs yeux s'ouvrirent, et ils le reconnurent,
mais il disparut à leurs regards »

Bonjour, chers amis spiritalistes !

Quelques repères pour la méditation de l’Evangile de dimanche prochain (3ème dimanche de Pâques) : Il s’agit du récit des pèlerins d’Emmaüs, dans Luc 24, 13-35. La structure de ce texte (cette péricope) peut être articulée en trois grandes étapes (1) :

-Première étape
(A) : La rencontre
«Jésus lui-même s’approcha et il marchait avec eux» — «Montre-nous le chemin.»
-Deuxième étape
(B) : Jésus ouvre pour eux les Écritures
«Et, en partant de Moïse et de tous les prophètes… Il leur expliqua, dans toute l'Ecriture, ce qui le concernait».
-Troisième étape (C) : le geste mémorial «Il prit le pain, le rompit et le leur donna.»

Essayons de creuser un peu plus en profondeur chacune de ces étapes :

A
- Deux disciples, complètement déboussolés et désespérés, marchent sur la route en direction de la petite ville d’Emmaüs. Ils ont décidé de se séparer des autres. Ils quittent Jérusalem pour vaquer à leurs occupations antérieures.
Sur des kilomètres, ils se repassent le film de tous ces évènements passés dans une relecture qui les empêche de s’ouvrir au témoignage de la résurrection que les autres disciples annoncent déjà. Jésus s’approche d’eux et converse avec eux. Il commence à leur poser des questions sur ce nazaréen qui a été livré, condamné à mort, et dont le corps a disparu. Notons que ce qui fait question à ce moment-ci, c’est la mort de Jésus, incompréhensible à leurs yeux.

B
– L’inconnu se met à leur expliquer l’unité de l’œuvre de Dieu dans les Ecritures, et ce depuis les prophètes, en y interprétant ce qui le concerne et en leur révélant le sens du projet de Dieu. Mais l’effort pédagogique de Jésus ne paie pas vraiment. C’est qu’en effet la compréhension du dessein de Dieu au moyen des Ecritures n’est pas chose aisée : au verset 26, «Il leur dit alors : “ Vous n'avez donc pas compris ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce qu'ont dit les prophètes ! Ne fallait-il pas que le Messie souffrît tout cela pour entrer dans sa gloire ?“» Puis, alors qu’il fait semblant de s’éloigner : «Reste avec nous», lui disent-ils.


C
– «Quand il fut à table avec eux, il prit le pain, dit la bénédiction, le rompit et le leur donna. Alors leurs yeux s'ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards». Les disciples le reconnaissent au moment où il disparaît : La mort ne pose plus problème car c’est elle qui donne sens. C'est donc en acceptant, en intégrant la mort de Jésus qu'ils le découvrent vivant… et c'est lorsqu'il disparaît qu'ils entrent dans la foi. Alors, parce qu’ils ont fait le saut de la foi, ils se mettent à parler.
Comme à chaque repas partagé, comme au jour de la multiplication des pains et des poissons, comme au dernier soir avant son arrestation, Jésus prend le pain, il rend grâce à son Père, il le rompt et le donne à manger. Le repas marque l’étape décisive de l’acte de foi. Les disciples n’ont pas vu le Christ qu’ils accueillaient. Ils l’ont reconnu dans un geste familier, celui du partage au soir du Jeudi-Saint ou de la multiplication des pains. Désormais la résurrection est à la fois l’évènement dont ils ont la certitude et l’évènement qui les fait ressusciter eux-mêmes. Le Christ se donne en partage, c’est-à-dire qu’il partage sa filiation divine. Mais ces trois étapes sont chargées d’une signification toute particulière : en effet, si la cène a institué l’Eucharistie, il apparaît clairement que l’épisode d’Emmaüs institue la messe dans l’intégralité de son déroulement : des hommes et des femmes viennent de partout et font route ensemble vers un même lieu. La parole du Seigneur leur est livrée et commentée pour leur en faciliter la compréhension. Puis ils partagent le pain et le vin consacrés, en mémoire de Celui dont ils attendent le retour. Ils peuvent ainsi intérioriser la présence de Jésus dans la foi et partager sa Parole avec les autres croyants. Enfin, ils repartent chez eux (comme les deux disciples) pour annoncer la Bonne Nouvelle.

(1)
Les exégètes y relèveraient même huit sous-groupes semblables qui mettent chaque fois en évidence plusieurs « inclusions » ou « parallèles » autour d’un thème central, celui de la mort et de la résurrection du Christ. Mais ce n’est pas l’objet de notre propos ici…

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Peinture de Arcabas : Emmaüs (Aubigny-les-pothees)

Sur la peinture (ci-dessus) que j’ai choisie pour illustrer cet épisode des pèlerins d’Emmaüs, l’artiste — en l’occurence Arcabas — nous représente les deux disciples l’un face à l’autre, conversant entre eux au point d’en oublier la présence de Jésus. Celui-ci, en effet, est assis au milieu d’eux, presque en retrait, presque transparent. Tous les trois ont un verre de vin et Jésus tient dans ses mains le pain qu’il commence à fractionner. A cet instant précis donc, les disciples ne se rendent pas compte du geste symbolique que l’inconnu refait sous leurs yeux. En même temps, la transparence du Christ et son effacement suggèrent bien sa disparition immédiate après la fraction du pain. Et ne restent sur la table que les deux symboles de sa présence : le pain et le vin. L’effet de présence-absence suggéré par l’artiste accentue l’idée que le Christ, apparemment absent, est présent au milieu de nous, et que cette présence est agissante dans l’Eucharistie partagée avec nos frères.
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Finalement, Emmaüs est bien à la fois un point de rencontre et surtout le point départ d’une foi revitalisée, re-dynamisée. Sur les routes de la vie, Dieu nous rejoint dans nos désespérances, il vient aussi nous nourrir de sa parole, de son corps et de son sang. Il n’est jamais aussi présent au cœur de nos vies que depuis sa «disparition». Mais savons-nous reconnaître sa présence en nous et au milieu de nous?

Pour terminer, je vous recommande la lecture de deux articles très intéressants se rapportant à la thématique de l'évangile de ce dimanche :
«Pèlerins d'Emmaüs» par Jean-Marc Gayraud, op et «Un corps de résurrection reconnu à la fraction du pain par les disciples d'Emmaüs» par Jean-Michel Maldamé, op.



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