19/06/2009

Christ, notre Cap de Bonne Espérance…

Bonjour !

L'évangile de ce dimanche est on ne peut surprenant. D'ordinaire, il est intitulé: «La tempête apaisée» ou «Jésus, Maître des éléments»; mais je préfère cet autre titre: «N'ayez pas peur!». Car, en effet, il est étonnant que les disciples, pour la plupart pécheurs ou marins chevronnés, cèdent à la panique à la première bourrasque, et réagissent comme des "nuls" alors qu'ils sont avec le Seigneur ! Quel manque de confiance et de foi! Rappelons-nous: dans la première lecture, Job est pris de désespoir face au tumulte qui envahit sa vie et le Seigneur Dieu le met en confiance, justement parce qu'il n'a connu Dieu qu'à la manière des hommes. Mais revenons au texte lui-même :
C'est le soir, et Jésus vient de passer une journée à annoncer la Bonne Nouvelle aux foules. Il demande à ses disciples de «passer sur l'autre rive». Jadis, la Mer rouge avait été à la fois le sas de libération du peuple en captivité et de perdition des hommes du Pharaon; l'eau qui donne la vie, l'eau qui fait périr… Ici, les disciples ont le même sentiment de "perdition" (nous sommes perdus). Il n'y a plus de médiateur entre Dieu et les hommes, plus de bâton pour séparer les flots et laisser vie sauve aux israëliens: Dieu lui-même est là, présent et si proche des hommes, il dort puis agit. Cette demande du Christ peut être considérée comme un appel à se mettre en marche, à ne jamais se lasser d'aller annoncer la Bonne Nouvelle à ceux qui se trouvent sur d'autres rives géographiques ou sociales, à endosser les habits du renouveau. Ceci nous rappelle ce que Paul a dit dans sa Lettre aux Corinthiens : «Si donc quelqu'un est en Jésus Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s'en est allé, un monde nouveau est déjà né» (2Co 5, 17).
Jésus dormait à l'arrière de la barque, lorsqu'une violente tempête se leva: deux attitudes contraires, celle des disciples pris de panique, et celle de Jésus se reposant paisiblement. Dans Job, Dieu rappelle ses hauts faits. Ici, Jésus agit par la puissance de sa parole: «Silence, tais-toi!», dit-il… le vent tomba, et il se fit un grand calme. Longtemps avant, le psalmiste avait déjà écrit : “Portés jusqu'au ciel, retombant aux abîmes, ils étaient malades à rendre l'âme. Dans leur angoisse, ils ont crié vers le Seigneur et lui, les a tirés de leur détresse, réduisant la tempête au silence, faisant taire les vagues” (Ps 107, 26-29).
«Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien?»: comme à Job, du milieu de la tempête le Seigneur ordonne aux éléments naturels de se calmer. Mais c'est pour répondre également à la question des disciples. En effet, dans les moments les plus tempétueux de nos vies, Jésus est toujours là auprès de nous.
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Evangile de Jésus-Christ selon saint Marc (Mc 4, 35-41)

4
35i Toute la journée, Jésus avait parlé à la foule en paraboles. Le soir venu, il dit à ses disciples: «Passons sur l’autre rive.»
36 Quittant la foule, ils emmènent Jésus dans la barque, comme il était ; et d'autres barques le suivaient.
37 Survient une violente tempête. Les vagues se jetaient sur la barque, si bien que déjà elle se remplissait d'eau.
38 Lui dormait sur le coussin à l'arrière. Ses compagnons le réveillent et lui crient: «Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien?»
39 Réveillé, il interpelle le vent avec vivacité et dit à la mer: «Silence, tais-toi!» Le vent tomba, et il se fit un grand calme.
40 Jésus leur dit: «Pourquoi avoir peur ? Comment se fait-il que vous n'ayez pas la foi?»
41 Saisis d'une grande crainte, ils se disaient entre eux: «Qui est-il donc, pour que même le vent et la mer lui obéissent?»
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Cette dernière interrogation est centrale dans le récit de Marc. Autant les disciples font montre de peu de foi, autant la maîtrise des flots par Jésus suscite chez eux des questions nouvelles. L'acte de Jésus dépasse l'entendement des disciples et de tous ceux qui les suivaient dans les autres barques. On pourrait penser que c'est là un geste destiné à rassurer les incrédules ou les hésitants. Mais en réalité, le côté extraodinaire et presque "prestidigitateur" de ce miracle s'inscrit dans une démarche pédagogique dans laquelle Jésus amène ses interlocuteurs (ses disciples en premier) à passer du spectaculaire à l'ordinaire. Jésus veut inscrire son ministère dans la quotidienneté de nos vies individuelles et collectives, car la sainteté naît de là. Si donc il réalise un miracle, ce n'est pas pour "épater la galerie" ou "faire de la gonflette", mais plutôt pour installer dans la confiance, dans l'humilité. D'autres situations à venir seront bien plus dramatiques encore qui pousseront à l'incrédulité, à la démission voire même à la trahison. Ici, Jésus veut faire comprendre à ses disciples que quiconque le place au centre de sa foi n'aura plus jamais peur de rien, y compris de la mort.
Mais, quelque temps après, Jésus lui-même leur retournera cette question: "Et pour vous, qui suis-je?". Et nous savons la réponse de Pierre à qui Jésus dira qu'une telle déclaration n'a pu sortir de sa bouche sans l'action de l'Esprit Saint. Donc, non pas vérité ordinaire, mais révélation de Dieu aux hommes. De même, Saint Paul proclamera: «J'ai donné ma foi au Christ ressuscité, non! ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi, il me sauve». Dans le doute, alors que tout semble perdu, voilà que les disciples interpellent le Maître. Ils ont raison. Le même Paul écrira aux Hébreux (He 12, 2): «Il vous suffit de garder les regards fixés sur celui qui est l'initiateur de la foi et la mène à son accomplissement», «car tout pouvoir lui a été donné au ciel et sur la terre…».
La foi est le véritable fondement de l'homme nouveau en Christ. C'est avec elle que nous portons le Christ dans les barques que sont nos cœurs et nos vies. Jésus est dans la barque comme nous devons désormais l'embarquer dans nos vies. Manquer de foi, c'est faire aveu d'impuissance et se dérober à l'appel que nous lance Dieu lui-même à maîtriser, à dompter et à domestiquer la nature, comme il l'a fait jadis pour son peuple au long de sa marche vers la Terre Promise, et comme il le fait aujourd'hui dans la barque: «Dominez la terre et soumettez-la », avait dit Dieu à l'homme et à la femme en les créant. C'est là une mission essentielle de participation à son œuvre créatrice.
Avec le Seigneur, nulle peur, nulle crainte. Le psalmiste le chantait déjà en toute confiance (Ps 22):

02
Sur des prés d'herbe fraîche, il me fait reposer.
Il me mène vers les eaux tranquilles
03 et me fait revivre ;
il me conduit par le juste chemin pour l'honneur de son nom.
04 Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal,
car tu es avec moi : ton bâton me guide et me rassure.

Oui, Jésus nous demande de passer sur l'autre rive; c'est lui qui prend l'initiative de nous indiquer la direction parce qu'il est lui-même le lieu vers où nous devons nous rendre et accoster paisiblement. Il est, au milieu de la bourrasque et du déchaînement des éléments naturels, sociaux et psychologiques, notre phare, notre roc et notre Cap de Bonne Espérance. Mais il est aussi et surtout celui qui nous dit qu'en marchant à sa suite, des tempêtes nous attendent, des tempêtes bien plus hostiles et destructrices que la furie des mers. Alors, n'ayons pas peur parce qu'il est avec nous et au milieu de nous : "… et moi je serai avec vous tous les jours jusqu'à la fin des temps". Inestimable promesse que celle-ci, puisque Jésus lui-même s'invite dans la vie de ceux qui s'ouvrent à sa Parole et la mettent en pratique. Il faut mettre ces propos en écho avec ceux de Paul dans la seconde lecture de ce dimanche: «Si quelqu'un est en Jésus Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s'en est allé, un monde nouveau est déjà né.» Car en effet, avec Jésus nous sommes des hommes nouveaux, des hommes de la nouvelle création.

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