24/07/2009

« Où pourrions-nous acheter du pain
pour qu'ils aient à manger ? »

Bonjour !
L'Evangile de ce dimanche est extrait de Jean 6, 1 - 15:

1 Après cela, Jésus passa de l'autre côté du lac de Tibériade
(appelé aussi mer de Galilée).
2 Une grande foule le suivait,
parce qu'elle avait vu les signes qu'il accomplissait
en guérissant les malades.
3 Jésus gagna la montagne,
et là, il s'assit avec ses disciples.
4 C'était un peu avant la Pâque, qui est la grande fête des Juifs.
5 Jésus leva les yeux et vit qu'une foule nombreuse venait à lui.
Il dit à Philippe :
« Où pourrions-nous acheter du pain
pour qu'ils aient à manger ? »
6 Il disait cela pour le mettre à l'épreuve,
car lui-même savait bien ce qu'il allait faire.
7 Philippe lui répondit :
« Le salaire de deux cents journées ne suffirait pas
pour que chacun ait un petit morceau de pain. »
8 Un de ses disciples, André, le frère de Simon-Pierre, lui dit :
9 « Il y a là un jeune garçon qui a cinq pains d'orge
et deux poissons,
mais qu'est-ce que cela pour tant de monde ! »
10 Jésus dit :
« Faites-les asseoir. »
Il y avait beaucoup d'herbe à cet endroit.
Ils s'assirent donc, au nombre d'environ cinq mille hommes.
11 Alors Jésus prit les pains,
et, après avoir rendu grâce,
les leur distribua ;
il leur donna aussi du poisson,
autant qu'ils en voulaient.
12 Quand ils eurent mangé à leur faim,
il dit à ses disciples :
« Ramassez les morceaux qui restent,
pour que rien ne soit perdu. »
13 Ils les ramassèrent, et ils remplirent douze paniers
avec les morceaux qui restaient des cinq pains d'orge
après le repas.
14 A la vue du signe que Jésus avait accompli,
les gens disaient :
« C'est vraiment lui le grand Prophète,
celui qui vient dans le monde. »
15 Mais Jésus savait
qu'ils étaient sur le point de venir le prendre de force
et faire de lui leur roi ;
alors de nouveau il se retira, tout seul, dans la montagne.
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Cet épisode de la multiplication des pains est, certes, plus complet dans l'évangile de Jean que dans celui de Matthieu. Mais le commentaire que j'ai déjà proposé de ce dernier (cliquer sur ce lien) peut aider à comprendre l'importance de ce moment dans le ministère de Jésus. Rappelons-nous: c'est bientôt la Pâque et tout Jérusalem grouille de monde, car c'est dans la ville sainte que se passent les festivités. Mais les foules sont également impatientes de voir enfin ce messie, ce sauveur tant et tant annoncé par les prophètes. D'ailleurs, plusieurs faux prophètes profitent de l'occasion pour tromper et abuser des pèlerins. Or, une foule innombrable (pèlerins et gens du pays confondus) suit un homme, Jésus, dont la renommée se fait grandissante: il guérit les malades, chasse les démons, ressuscite des morts et parle à Dieu comme à son Père; il annonce le royaume de Dieu qui est proche et appelle tout le monde à la conversion, c'est-à-dire à se dépouiller de l'homme ancien et revêtir les habits de l'homme nouveau. Et cela ne plaît pas aux scribes et aux pharisiens, encore moins aux romains qui craignent pour leur pouvoir et leur autorité…

Plusieurs points m'interpellent dans cet évangile, mais je voudrais en souligner particulièrement deux autour du thème de la rencontre, de l'accueil et de l'ouverture:

Tout d'abord - et ce ne sera pas la seule fois! - Jésus se préoccupe de l'intendance, il a les pieds sur terre car il est conscient du fait que ces foules qui suivent attentivement ses enseignements jusque très tard, à la tombée de la nuit, sont affamées. Mais il pose tout de même la question à ses disciples: «Où pourrions-nous acheter du pain pour qu'ils aient à manger?» Ils ont dû se dire: mais il est dingue ou quoi? De la nourriture pour près de 5000 hommes? Cela frisait l'inconscience, la folie! «Le salaire de deux cents journées ne suffirait pas pour que chacun ait un petit morceau de pain» (environ 7000 euros de nos jours), lui répond Philippe, tout désemparé. Cela signifie aussi que la petite communauté proche de Jésus n'avait pas les moyens financiers et matériels pour résoudre un tel problème. Or, il y a là un jeune homme qui avait 5 pains d'orge et 2 poissons, pour tout dire de bien dérisoires provisions. Mais Jésus, comme dans tout miracle d'ailleurs, part de cette infime participation de l'homme pour d'abord rendre grâce à son Père et réaliser ce qui est incompréhensible à la raison humaine.
Jean nous montre un Jésus qui est accueille la multitude des gens qui le suivent, il ne s'en dérobe pas, il leur ouvre ses bras: «Venez à moi, vous tous qui ployez sous le fardeau du péché», dira-t-il plus tard. Jean décrit ici la préfiguration du banquet eucharistique (le lieu, le moment de rencontre par excellence entre Dieu et les hommes) et la surabondance des dons messianiques. Dieu donne toujours au-delà de tout don; il est par-don parce qu'il est Amour. Et, dira-t-il plus tard, «il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime». Lui-même sera l'Agneau pascal qui sera immolé pour la rémission des péchés de la multitude. Ce même agneau que les familles sacrifieront et mangeront à la Pâque.
Donc, la foule mange à sa faim et Jésus demande à ses disciples de ramasser «les morceaux qui restent, pour que rien ne soit perdu.» Avec ces restes de pains, il remplissent 12 paniers. Ce petit clin d'œil est pour moi très important: Jésus est conscient des difficultés matérielles des gens qu'ils croisent, il sait que le peuple a souvent connu des périodes de sècheresse et de famine. Alors, il indique par ce geste que l'abondance ne doit pas nous conduire à la désinvolture. Le miracle qu'il vient d'accomplir n'est pas le nième acte d'un show de prestidigitation, ce n'est pas de la rigolade. Toute nourriture est sacrée, surtout quand on l'a en abondance. Quelque part en Palestine ou en Galilée au moment même où il réalisait ce miracle, quelque part dans le monde, des hommes et des femmes souffraient de famine quand ils n'en mouraient pas par milliers: après que la foule ait mangé à sa faim, Jésus ordonne à ses disciples de ramasser les restes pour s'en nourrir le lendemain. Pas de gaspillage, pas d'inconvenance…

Un autre point très important dans cet évangile: avant d'entreprendre quoi que ce soit, Jésus va d'abord à la rencontre de son Père, il le prie toujours, il lui rend grâce. Mais de plus, ici, après le repas, sentant que la foule allait s'égarer dans son enthousiasme, car elle «voulait faire de lui leur roi», il se retire seul sur la montagne pour prier. Pour parler à son Père, il fait silence autour de lui, il se fait silence pour entrer en écoute:
- Nous aussi, nous arrive-t-il de prendre des moments de prière, de rencontre et de dialogue avec Dieu, juste pour lui rendre grâce et lui dire notre reconnaissance pour tous les biens visibles et invisibles dont il nous comble personnellement, et dont il comble aussi les autres?
- Savons-nous, comme Jésus, ouvrir nos yeux et nos mains pour voir la réalité du monde dans lequel nous vivons et partager avec les autres, surtout les plus désespérés, l'espérance que fait brûler en nous l'Esprit-Saint de Dieu?

Oui, en effet, prière et partage, ainsi aurait pu être titré cet épisode de la multiplication des pains. Le chant d'Odette Vercruysse prend ici tout son sens: "Les mains ouvertes devant toi, Seigneur, pour t'offrir le monde | Les mains ouvertes devant toi, Seigneur, notre joie est profonde". Je pourrais même dire féconde, "contagieuse"… et ce virus, quand on l'a, il faut l'entretenir dans et par la prière et le propager le plus largement possible. C'est une obligation messianique, une exigence de la foi.

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