Chers amis,
bonjour !
En ce dimanche 5 août 2012, la liturgie nous propose trois
textes qui se répondent et s’éclairent :
- Première
lecture : Livre de l’Exode (16, 2-4, 12-15)
- Psaume 77
(78)
- Deuxième
lecture : Lettre de St Paul apôtre aux Éphésiens (4, 17. 20-24)
- Évangile
selon St Jean (6, 24-35)
Ces textes parlent du pain de la manne, des
pains multipliés par Jésus, du pain descendu du ciel et qui donne la vie…
Lecture du livre de l’Exode (16, 2-4. 12-15)
Le don de la
manne au désert
D
|
ans
le désert, toute la communauté des fils d’Israël récriminait contre Moïse et
son frère Aaron. Les fils d’Israël leur dirent : « Ah ! Il aurait mieux valu
mourir de la main du Seigneur, au pays d’Égypte, quand nous étions assis près
des marmites de viande, quand nous mangions du pain à satiété ! Vous nous avez
fait sortir dans ce désert pour faire mourir de faim tout ce peuple assemblé !
»
Le
Seigneur dit à Moïse : « Voici que, du ciel, je vais faire pleuvoir du pain. Le
peuple sortira pour recueillir chaque jour sa ration quotidienne, et ainsi je
vais le mettre à l’épreuve : je verrai s’il obéit, ou non, à ma loi. J’ai
entendu les récriminations des fils d’Israël. Tu leur diras : “Après le coucher
du soleil vous mangerez de la viande et, le lendemain matin, vous aurez du pain
à satiété. Vous reconnaîtrez alors que moi, le Seigneur, je suis votre Dieu.” »
Le
soir même, surgit un vol de cailles qui recouvrirent le camp ; et, le lendemain
matin, il y avait une couche de rosée autour du camp. Lorsque la couche de
rosée s’évapora, il y avait, à la surface du désert, une fine croûte, quelque
chose de fin comme du givre, sur le sol. Quand ils virent cela, les fils
d’Israël se dirent l’un à l’autre : « Mann hou ? » ce qui veut dire : «
Qu’est-ce que c’est ? » car ils ne savaient pas ce que c’était. Moïse leur dit
: « C’est le pain que le Seigneur vous donne à manger. »
« Souviens-toi des marches que Yahvé ton Dieu t’a fait faire
pendant quarante ans dans le désert, afin de t’humilier, de t’éprouver et de
connaître le fonde de ton cœur : allais-tu ou non garder ses
commandements ? Il t’a humilié, il t’a fait sentir la faim, il t’a donné à
manger la manne que ni toi ni tes pères n’aviez connue, pour te montrer que
l’homme ne vit pas seulement de pain, mais que l’homme vit de tout ce qui sort
de la bouche de Yahvé » (Dt 8, 2-3).
Cet extrait du chapitre 8 du Livre du Deutéronome relate l’épreuve
des enfants d’Israël dans le désert ; il rappelle cet épisode de la manne,
cette nourriture très spéciale qui a apaisé leur faim dans le désert. Mais qu’est-ce
que c’est que cette manne ?
Durant la marche dans le désert après la sortie d’Égypte, le
peuple d’Israël est à fleur de peau et les tensions sont palpables à tous les
niveaux. On se plaint de tout ; on va jusqu’à regretter d’être parti
d’Égypte (« Que ne sommes-nous morts de la main de Yahvé au pays d’Égypte,
quand nous étions assis devant des marmites de viande et mangions du pain tout
notre soul ! » (Ex 16, 2-3). La marche dans le désert est donc
ponctuée de « murmures » du peuple d’Israël : contre la soif,
contre la faim, contre les dangers de guerre. Grognard, ce peuple va jusqu’à
rejeter et renier les bienfaits de son Dieu telle une âme qui résiste aux
bienfaits de la grâce et de la miséricorde. C’est dans ce contexte que, pour
apaiser le climat et éviter la « révolte », Moïse et Aaron prennent
la parole devant tout le monde : « Ce soir vous connaîtrez que c’est
Yahvé qui vous a fait sortir d’Égypte et, au matin, vous verrez de vos yeux la
gloire de Yahvé… » (16, 6-7). Nous savons que le Sinaï voit régulièrement
passer des migrations de cailles. Le peuple en vit passer des milliers. Et la manne, d'où serait-elle venue? La manne serait peut-être l’exsudation d’un
arbuste de cette région. C’est cette manne qui leur fut offerte sous la forme de
granulés fins comme du givre sur le sol. Mais ce fut avec l’intervention
spéciale de Dieu qui avait décidé de nourrir ainsi son peuple.
Cette manne deviendra, pour la tradition chrétienne, la figure de
l’Eucharistie, nourriture spirituelle de l’Église, le véritable Israël, durant
son exode terrestre. D’ailleurs, dans le Deutéronome il est très explicitement
affirmé qu’au-delà de la manne, nourriture terrestre, les enfants d’Israël
doivent rechercher la nourriture céleste qui est la Parole de Dieu. En effet,
Dieu qui peut tout créer par la seule puissance de sa parole fait vivre Israël
par ses commandements qui sortent de sa bouche. Préfiguration du pain véritable
descendu du ciel, le Christ se déclarera « pain de vie » par
l’institution eucharistique au cours de laquelle il dit aux apôtres :
« Prenez et mangez, ceci est mon corps livré pour vous ».
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Le psalmiste ne s’y est pas trompé en décidant de faire connaître ou rappeler les Leçons de l’histoire d’Israël dans ce psaume 77 (78) qui est en réalité une méditation inspirée du Deutéronome : histoire d’Israël, fautes de la nation et les châtiments infligés par Yahvé. Très didactique, ce beau poème vise la mémoire, le souvenir permanent de cette présence et de cette proximité de Dieu avec le peuple d’Israël.
Psaume 77 (78)
Nous avons
entendu et nous savons
ce que nos pères
nous ont raconté :
et nous redirons
à l’âge qui vient
les titres de
gloire du Seigneur.
Il commande aux
nuées là-haut,
il ouvre les
écluses du ciel :
pour les nourrir
il fait pleuvoir la manne,
il leur donne le
froment du ciel.
Chacun se
nourrit du pain des Forts,
il les pourvoit
de vivres à satiété.
Tel un berger,
il conduit son peuple.
Il le fait
entrer dans son domaine sacré.
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Lecture de la lettre de saint
Paul Apôtre aux Éphésiens (4,
17. 20-24)
L’homme nouveau
F
|
rères,
je vous le dis, je vous l’affirme au nom du Seigneur : vous ne devez plus vous conduire
comme les païens qui se laissent guider par le néant de leur pensée. Lorsque
vous êtes devenus disciples du Christ, ce n’est pas cela que vous avez appris, si
du moins c’est bien lui qu’on vous a annoncé et enseigné, selon la vérité de
Jésus lui-même. Il s’agit de vous défaire de votre conduite d’autrefois, de
l’homme ancien qui est en vous, corrompu par ses désirs trompeurs.
Laissez-vous
guider intérieurement par un esprit renouvelé. Adoptez le comportement de
l’homme nouveau, créé saint et juste dans la vérité, à l’image de Dieu.
Se dépouiller de vieil homme pour revêtir l’homme nouveau. Mais
aussi demeurer dans l’unité de l’Église. Comment ? Paul en donne le mode
d’emploi aux Éphésiens à qui il demande de se détourner des Gentils, ces gens
dont la conduite reflète la vanité de leurs pensées et l’aveuglement de leur
cœur ; et parce qu’ils sont dans l’ignorance de la Parole de Dieu et
qu’ils ont perdu tout espoir, ils s’abandonnent à la perdition en
s’adonnant « avec une ardeur
insatiable » à toutes sortes d’impuretés.
L’homme nouveau que Paul exhorte à revêtir pour être recréé en
chacun, de l’intérieur, fera de nous des créatures nouvelles : « Vous
tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ », dira
l’apôtre dans une autre Lettre. Ou encore, aux Corinthiens : « Si
nous vivons par l’Esprit de Dieu, conduisons-nous donc aussi par
l’Esprit » (1 Co, 12, 2). Pour les chrétiens, la conduite droite se
détermine selon la Loi divine. Or, "tous les hommes qui n’ont pas la connaissance de
Dieu, ne sont que vanité;" (Rom., I, 21): « Ils se sont égarés dans
leurs pensées »; (Jérémie II, 5) : « Ils ont suivi la vanité, et
ils sont devenus vains eux-mêmes ».
Les Païens se sont
laissés corrompre dans leur vie pour trois raisons : 1)- Ils ont choisi de
faire le mal non par passion mais par choix délibéré ; 2)- Par leur
dépravation, ils suivent les mouvements de la chair ; 3)- leur iniquité
s’est aggravée par la continuité de leur corruption qui les a plongés dans le péché. Tout cela pour une seule
raison : parce qu’ils ont oublié ou renié ou méconnu le Seigneur qui est
la source de vie nouvelle, le Seigneur qui est la justification dans la foi de
ceux qui se sont laissés saisir par le feu de son Esprit. L’Apôtre Jean avait
déjà affirmé que cette vie nouvelle en Jésus Christ s’obtient encore par la
charité (I Jean. III, 14). L’amour fraternel est la forme tangible de notre
renouveau : "Nous reconnaissons à l’amour que nous avons pour nos
frères, que nous sommes passés de la mort à la vie."
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Évangile de Jésus
Christ
selon saint Jean (6, 24-35)
Le pain
venu du ciel
L
|
a foule s’était aperçue que Jésus n’était pas au bord du lac, ni
ses disciples non plus. Alors les gens prirent les barques et se dirigèrent
vers Capharnaüm à la recherche de Jésus. L’ayant trouvé sur l’autre rive, ils
lui dirent : « Rabbi, quand es-tu arrivé ici ? » Jésus leur répondit : « Amen,
amen, je vous le dis : vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes,
mais parce que vous avez mangé du pain et que vous avez été rassasiés. Ne
travaillez pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui se
garde jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme, lui
que Dieu, le Père, a marqué de son empreinte. » Ils lui dirent alors : « Que
faut-il faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? » Jésus leur répondit : «
L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. » Ils lui
dirent alors : « Quel signe vas tu accomplir pour que nous puissions le voir,
et te croire ? Quelle œuvre vas-tu faire ? Au désert, nos pères ont mangé la manne
; comme dit l’Écriture : Il leur a donné à manger le pain venu du ciel. »
Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : ce n’est pas
Moïse qui vous a donné le pain venu du ciel ; c’est mon Père qui vous donne le
vrai pain venu du ciel. Le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui
donne la vie au monde. » Ils lui dirent alors : « Seigneur, donne-nous de ce
pain-là, toujours. » Jésus leur répondit : « Moi, je suis le pain de la
vie. Celui qui vient à moi n’aura plus jamais faim ; celui qui croit en moi
n’aura plus jamais soif. »
Pour nous aider à saisir le message de cet extrait de l’évangile
selon Saint Jean, je vous propose ce commentaire du RP Marcel DOMERGUE, jésuite
intitulé :
« La marmite ou la liberté »
Nous étions si bien en Égypte, se
lamentaient les Hébreux pendant l'Exode. Le travail était dur sous l'esclavage,
nous ne pouvions pas nous organiser en peuple constitué, mais c'est oublié:
nous étions nourris et logés. Certains peuples d'aujourd'hui pourraient dire à
la tour : nous étions bien sous le régime soviétique, nous n'étions pas libres
mais l'État s'occupait de l'intendance; maintenant il faut se prendre en mains.
La première lecture nous fait comprendre que la liberté se paye: elle demande
que l'on risque sa vie au désert. Hébreux 2,15 parle de "ceux que la
crainte de la mort maintenait toute leur vie dans la servitude". Vérité
psychologique, sociale, politique autant que spirituelle. En donnant la manne,
Dieu brouille les cartes: voici un pain qui va "tomber du ciel", sans
autre travail que de le ramasser, aussi sûr, chaque matin, que les marmites du
pharaon. La liberté et le pain, et non plus la liberté ou la vie. Dieu
fausserait-il le jeu? Non, car les Hébreux ne peuvent pas stocker la manne. Ils
doivent faire confiance absolue au pain qui viendra le lendemain, sans autre
garantie que la parole de Moïse, Parole d'un Autre. Leur vie est entre les
mains de Dieu. Croiront-ils, oui ou non, que ces mains-là sont totalement
bienveillantes? Ce pain est le pain de l'épreuve. En fin de compte, ce qui met
à l'épreuve, c'est tout don fait par l'amour Qui croit en ce don trouve en même
temps la vie et la liberté. Nous voici enfin démunis de toute certitude hormis
celle de la fidélité de Dieu.
Quel pain? Pour quelle vie?
Le pain de Genèse 3 montait de la terre,
voici un pain qui "descend du ciel"; le pain venu de la terre
n'entretenait provisoirement qu'une vie provisoire, le pain du ciel communique
une vie éternelle; le pain de la terre n'était obtenu que par un dur travail,
le pain du ciel n'exige aucun travail: il est celui que le Fils de l'Homme
"donnera" et, pour le recevoir, il suffit de croire qu'il est donné.
On peut suivre le thème du travail aux versets 27 et 28 avec, au verset 29, le
passage du travail à la foi qui est pur accueil du don (six mentions du don
dans notre lecture). Mais la manne n'était-elle pas déjà un "pain du
ciel"? Elle n'était pas le "vrai pain du ciel" (v. 32): pain qui
périt (la Manne ne passait pas la nuit), elle n'était que figure fugitive du
pain "qui subsiste jusque dans la vie éternelle" (v. 27). La manne
était pain pour le chemin, pour les étapes de notre marche vers la Terre
Promise; le pain que donne le Christ, et qui est lui-même, est celui de la fin
des temps, de la fin de la route. Par lui la vie de Dieu vient en nous et nous
entrons en elle. Mais n'oublions pas qu'il ne suffit pas d'aller communier à
l'Eucharistie pour que cela se réalise. Il faut que la démarche rituelle
signifie notre choix de nous laisser habiter et transformer par cette vie de
Dieu dont la caractéristique est d'être don. Cette vie doit devenir notre vie.
Le pain plus que le pain
Manger est plus que manger; le pain est
plus que le pain. "Vous avez mangé du pain et vous avez été
rassasiés", dit Jésus, mais vous n'avez pas vu là un signe. Vous auriez dû
comprendre qu'une immense tendresse vous enveloppe et vous fonde. Déjà, en
dehors de toute multiplication des pains, le fait de la connivence de notre vie
avec toute la nature, qui nous porte et nous alimente, devrait provoquer notre
étonnement et notre admiration, quelles que soient les explications
scientifiques que l'on puisse trouver. Répétons saint Irénée: "Parce que
(...) nous sommes nourris par la création (...), il (le Christ) a confirmé (en
donnant sa chair et son sang) que la coupe qui provient de la création était
son sang, par lequel il fortifie notre sang; il a confirmé que le pain qui
provient de la création était son corps, par lequel il fortifie notre
corps." Le mystère de la création et le mystère de notre élévation jusqu'à
la vie de Dieu sont d'un seul tenant. Le premier est signe du second. Le don de
lui-même que nous fait le Christ vient le "confirmer". La
multiplication des pains était en effet un signe pascal et, par la Pâque, nous
apprenons que l'univers vit depuis toujours, sous une forme ou sous une autre,
la geste pascale: Dieu nous fait exister, nous nourrit de sa substance même.
Ainsi tout est signe d'une réalité ultime que nous ne saisissons pas encore
pleinement.
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