03/08/2012

Le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel
et qui donne la vie au monde


Chers amis, bonjour !

En ce dimanche 5 août 2012, la liturgie nous propose trois textes qui se répondent et s’éclairent :
-      Première lecture : Livre de l’Exode (16, 2-4, 12-15)
-      Psaume 77 (78)
-      Deuxième lecture : Lettre de St Paul apôtre aux Éphésiens (4, 17. 20-24)
-      Évangile selon St Jean (6, 24-35)
Ces textes parlent du pain de la manne, des pains multipliés par Jésus, du pain descendu du ciel et qui donne la vie…


Lecture du livre de l’Exode (16, 2-4. 12-15)
Le don de la manne au désert


D
ans le désert, toute la communauté des fils d’Israël récriminait contre Moïse et son frère Aaron. Les fils d’Israël leur dirent : « Ah ! Il aurait mieux valu mourir de la main du Seigneur, au pays d’Égypte, quand nous étions assis près des marmites de viande, quand nous mangions du pain à satiété ! Vous nous avez fait sortir dans ce désert pour faire mourir de faim tout ce peuple assemblé ! »
Le Seigneur dit à Moïse : « Voici que, du ciel, je vais faire pleuvoir du pain. Le peuple sortira pour recueillir chaque jour sa ration quotidienne, et ainsi je vais le mettre à l’épreuve : je verrai s’il obéit, ou non, à ma loi. J’ai entendu les récriminations des fils d’Israël. Tu leur diras : “Après le coucher du soleil vous mangerez de la viande et, le lendemain matin, vous aurez du pain à satiété. Vous reconnaîtrez alors que moi, le Seigneur, je suis votre Dieu.” »
Le soir même, surgit un vol de cailles qui recouvrirent le camp ; et, le lendemain matin, il y avait une couche de rosée autour du camp. Lorsque la couche de rosée s’évapora, il y avait, à la surface du désert, une fine croûte, quelque chose de fin comme du givre, sur le sol. Quand ils virent cela, les fils d’Israël se dirent l’un à l’autre : « Mann hou ? » ce qui veut dire : « Qu’est-ce que c’est ? » car ils ne savaient pas ce que c’était. Moïse leur dit : « C’est le pain que le Seigneur vous donne à manger. »


« Souviens-toi des marches que Yahvé ton Dieu t’a fait faire pendant quarante ans dans le désert, afin de t’humilier, de t’éprouver et de connaître le fonde de ton cœur : allais-tu ou non garder ses commandements ? Il t’a humilié, il t’a fait sentir la faim, il t’a donné à manger la manne que ni toi ni tes pères n’aviez connue, pour te montrer que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais que l’homme vit de tout ce qui sort de la bouche de Yahvé » (Dt 8, 2-3).
Cet extrait du chapitre 8 du Livre du Deutéronome relate l’épreuve des enfants d’Israël dans le désert ; il rappelle cet épisode de la manne, cette nourriture très spéciale qui a apaisé leur faim dans le désert. Mais qu’est-ce que c’est que cette manne ?
Durant la marche dans le désert après la sortie d’Égypte, le peuple d’Israël est à fleur de peau et les tensions sont palpables à tous les niveaux. On se plaint de tout ; on va jusqu’à regretter d’être parti d’Égypte (« Que ne sommes-nous morts de la main de Yahvé au pays d’Égypte, quand nous étions assis devant des marmites de viande et mangions du pain tout notre soul ! » (Ex 16, 2-3). La marche dans le désert est donc ponctuée de « murmures » du peuple d’Israël : contre la soif, contre la faim, contre les dangers de guerre. Grognard, ce peuple va jusqu’à rejeter et renier les bienfaits de son Dieu telle une âme qui résiste aux bienfaits de la grâce et de la miséricorde. C’est dans ce contexte que, pour apaiser le climat et éviter la « révolte », Moïse et Aaron prennent la parole devant tout le monde : « Ce soir vous connaîtrez que c’est Yahvé qui vous a fait sortir d’Égypte et, au matin, vous verrez de vos yeux la gloire de Yahvé… » (16, 6-7). Nous savons que le Sinaï voit régulièrement passer des migrations de cailles. Le peuple en vit passer des milliers. Et la manne, d'où serait-elle venue? La manne serait peut-être l’exsudation d’un arbuste de cette région. C’est cette manne qui leur fut offerte sous la forme de granulés fins comme du givre sur le sol. Mais ce fut avec l’intervention spéciale de Dieu qui avait décidé de nourrir ainsi son peuple.
Cette manne deviendra, pour la tradition chrétienne, la figure de l’Eucharistie, nourriture spirituelle de l’Église, le véritable Israël, durant son exode terrestre. D’ailleurs, dans le Deutéronome il est très explicitement affirmé qu’au-delà de la manne, nourriture terrestre, les enfants d’Israël doivent rechercher la nourriture céleste qui est la Parole de Dieu. En effet, Dieu qui peut tout créer par la seule puissance de sa parole fait vivre Israël par ses commandements qui sortent de sa bouche. Préfiguration du pain véritable descendu du ciel, le Christ se déclarera « pain de vie » par l’institution eucharistique au cours de laquelle il dit aux apôtres : « Prenez et mangez, ceci est mon corps livré pour vous ».
___________________________________


Le psalmiste ne s’y est pas trompé en décidant de faire connaître ou rappeler les Leçons de l’histoire d’Israël dans ce psaume 77 (78) qui est en réalité une méditation inspirée du Deutéronome : histoire d’Israël, fautes de la nation et les châtiments infligés par Yahvé. Très didactique, ce beau poème vise la mémoire, le souvenir permanent de cette  présence et de cette proximité de Dieu avec le peuple d’Israël.

Psaume 77 (78)

Nous avons entendu et nous savons
ce que nos pères nous ont raconté :
et nous redirons à l’âge qui vient
les titres de gloire du Seigneur.

Il commande aux nuées là-haut,
il ouvre les écluses du ciel :
pour les nourrir il fait pleuvoir la manne,
il leur donne le froment du ciel.

Chacun se nourrit du pain des Forts,
il les pourvoit de vivres à satiété.
Tel un berger, il conduit son peuple.
Il le fait entrer dans son domaine sacré.


___________________________________


Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Éphésiens (4, 17. 20-24)
L’homme nouveau

F
rères, je vous le dis, je vous l’affirme au nom du Seigneur : vous ne devez plus vous conduire comme les païens qui se laissent guider par le néant de leur pensée. Lorsque vous êtes devenus disciples du Christ, ce n’est pas cela que vous avez appris, si du moins c’est bien lui qu’on vous a annoncé et enseigné, selon la vérité de Jésus lui-même. Il s’agit de vous défaire de votre conduite d’autrefois, de l’homme ancien qui est en vous, corrompu par ses désirs trompeurs.
Laissez-vous guider intérieurement par un esprit renouvelé. Adoptez le comportement de l’homme nouveau, créé saint et juste dans la vérité, à l’image de Dieu.


Se dépouiller de vieil homme pour revêtir l’homme nouveau. Mais aussi demeurer dans l’unité de l’Église. Comment ? Paul en donne le mode d’emploi aux Éphésiens à qui il demande de se détourner des Gentils, ces gens dont la conduite reflète la vanité de leurs pensées et l’aveuglement de leur cœur ; et parce qu’ils sont dans l’ignorance de la Parole de Dieu et qu’ils ont perdu tout espoir, ils s’abandonnent à la perdition en s’adonnant  « avec une ardeur insatiable » à toutes sortes d’impuretés.
L’homme nouveau que Paul exhorte à revêtir pour être recréé en chacun, de l’intérieur, fera de nous des créatures nouvelles : « Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ », dira l’apôtre dans une autre Lettre. Ou encore, aux Corinthiens : « Si nous vivons par l’Esprit de Dieu, conduisons-nous donc aussi par l’Esprit » (1 Co, 12, 2). Pour les chrétiens, la conduite droite se détermine selon la Loi divine. Or, "tous les hommes qui n’ont pas la connaissance de Dieu, ne sont que vanité;" (Rom., I, 21): « Ils se sont égarés dans leurs pensées »; (Jérémie II, 5) : « Ils ont suivi la vanité, et ils sont devenus vains eux-mêmes ».
Les Païens se sont laissés corrompre dans leur vie pour trois raisons : 1)- Ils ont choisi de faire le mal non par passion mais par choix délibéré ; 2)- Par leur dépravation, ils suivent les mouvements de la chair ; 3)- leur iniquité s’est aggravée par la continuité de leur corruption qui les a plongés dans  le péché. Tout cela pour une seule raison : parce qu’ils ont oublié ou renié ou méconnu le Seigneur qui est la source de vie nouvelle, le Seigneur qui est la justification dans la foi de ceux qui se sont laissés saisir par le feu de son Esprit. L’Apôtre Jean avait déjà affirmé que cette vie nouvelle en Jésus Christ s’obtient encore par la charité (I Jean. III, 14). L’amour fraternel est la forme tangible de notre renouveau : "Nous reconnaissons à l’amour que nous avons pour nos frères, que nous sommes passés de la mort à la vie."

___________________________________

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (6, 24-35)
Le pain venu du ciel


L
a foule s’était aperçue que Jésus n’était pas au bord du lac, ni ses disciples non plus. Alors les gens prirent les barques et se dirigèrent vers Capharnaüm à la recherche de Jésus. L’ayant trouvé sur l’autre rive, ils lui dirent : « Rabbi, quand es-tu arrivé ici ? » Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé du pain et que vous avez été rassasiés. Ne travaillez pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui se garde jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme, lui que Dieu, le Père, a marqué de son empreinte. » Ils lui dirent alors : « Que faut-il faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? » Jésus leur répondit : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. » Ils lui dirent alors : « Quel signe vas tu accomplir pour que nous puissions le voir, et te croire ? Quelle œuvre vas-tu faire ? Au désert, nos pères ont mangé la manne ; comme dit l’Écriture : Il leur a donné à manger le pain venu du ciel. »
Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain venu du ciel ; c’est mon Père qui vous donne le vrai pain venu du ciel. Le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde. » Ils lui dirent alors : « Seigneur, donne-nous de ce pain-là, toujours. » Jésus leur répondit : « Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura plus jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura plus jamais soif. »



Pour nous aider à saisir le message de cet extrait de l’évangile selon Saint Jean, je vous propose ce commentaire du RP Marcel DOMERGUE, jésuite intitulé :

« La marmite ou la liberté »

Nous étions si bien en Égypte, se lamentaient les Hébreux pendant l'Exode. Le travail était dur sous l'esclavage, nous ne pouvions pas nous organiser en peuple constitué, mais c'est oublié: nous étions nourris et logés. Certains peuples d'aujourd'hui pourraient dire à la tour : nous étions bien sous le régime soviétique, nous n'étions pas libres mais l'État s'occupait de l'intendance; maintenant il faut se prendre en mains. La première lecture nous fait comprendre que la liberté se paye: elle demande que l'on risque sa vie au désert. Hébreux 2,15 parle de "ceux que la crainte de la mort maintenait toute leur vie dans la servitude". Vérité psychologique, sociale, politique autant que spirituelle. En donnant la manne, Dieu brouille les cartes: voici un pain qui va "tomber du ciel", sans autre travail que de le ramasser, aussi sûr, chaque matin, que les marmites du pharaon. La liberté et le pain, et non plus la liberté ou la vie. Dieu fausserait-il le jeu? Non, car les Hébreux ne peuvent pas stocker la manne. Ils doivent faire confiance absolue au pain qui viendra le lendemain, sans autre garantie que la parole de Moïse, Parole d'un Autre. Leur vie est entre les mains de Dieu. Croiront-ils, oui ou non, que ces mains-là sont totalement bienveillantes? Ce pain est le pain de l'épreuve. En fin de compte, ce qui met à l'épreuve, c'est tout don fait par l'amour Qui croit en ce don trouve en même temps la vie et la liberté. Nous voici enfin démunis de toute certitude hormis celle de la fidélité de Dieu.

Quel pain? Pour quelle vie?
Le pain de Genèse 3 montait de la terre, voici un pain qui "descend du ciel"; le pain venu de la terre n'entretenait provisoirement qu'une vie provisoire, le pain du ciel communique une vie éternelle; le pain de la terre n'était obtenu que par un dur travail, le pain du ciel n'exige aucun travail: il est celui que le Fils de l'Homme "donnera" et, pour le recevoir, il suffit de croire qu'il est donné. On peut suivre le thème du travail aux versets 27 et 28 avec, au verset 29, le passage du travail à la foi qui est pur accueil du don (six mentions du don dans notre lecture). Mais la manne n'était-elle pas déjà un "pain du ciel"? Elle n'était pas le "vrai pain du ciel" (v. 32): pain qui périt (la Manne ne passait pas la nuit), elle n'était que figure fugitive du pain "qui subsiste jusque dans la vie éternelle" (v. 27). La manne était pain pour le chemin, pour les étapes de notre marche vers la Terre Promise; le pain que donne le Christ, et qui est lui-même, est celui de la fin des temps, de la fin de la route. Par lui la vie de Dieu vient en nous et nous entrons en elle. Mais n'oublions pas qu'il ne suffit pas d'aller communier à l'Eucharistie pour que cela se réalise. Il faut que la démarche rituelle signifie notre choix de nous laisser habiter et transformer par cette vie de Dieu dont la caractéristique est d'être don. Cette vie doit devenir notre vie.

Le pain plus que le pain
Manger est plus que manger; le pain est plus que le pain. "Vous avez mangé du pain et vous avez été rassasiés", dit Jésus, mais vous n'avez pas vu là un signe. Vous auriez dû comprendre qu'une immense tendresse vous enveloppe et vous fonde. Déjà, en dehors de toute multiplication des pains, le fait de la connivence de notre vie avec toute la nature, qui nous porte et nous alimente, devrait provoquer notre étonnement et notre admiration, quelles que soient les explications scientifiques que l'on puisse trouver. Répétons saint Irénée: "Parce que (...) nous sommes nourris par la création (...), il (le Christ) a confirmé (en donnant sa chair et son sang) que la coupe qui provient de la création était son sang, par lequel il fortifie notre sang; il a confirmé que le pain qui provient de la création était son corps, par lequel il fortifie notre corps." Le mystère de la création et le mystère de notre élévation jusqu'à la vie de Dieu sont d'un seul tenant. Le premier est signe du second. Le don de lui-même que nous fait le Christ vient le "confirmer". La multiplication des pains était en effet un signe pascal et, par la Pâque, nous apprenons que l'univers vit depuis toujours, sous une forme ou sous une autre, la geste pascale: Dieu nous fait exister, nous nourrit de sa substance même. Ainsi tout est signe d'une réalité ultime que nous ne saisissons pas encore pleinement.

Aucun commentaire: