02/03/2012

« Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Ecoutez-le. »


Dimanche 4 mars — 2° dimanche de Carême

Chers amis, bonjour !

Nous sommes au deuxième Dimanche de Carême et la Liturgie nous offre un spectacle de « son et lumière » et dans les hauteurs de la Montagne. Lieu de peur, lieu de confiance aussi… car Jésus nous révèle la beauté de la promesse faite à ceux qui suivront son chemin et croiront en sa Parole, Lui le Fils Bien-Aimé de Dieu.

Première Lecture - Genèse 22, 1-2. 9a. 10-13. 15-18
Dieu mit Abraham à l'épreuve
Il lui dit : « Abraham ! »
Celui-ci répondit : « Me voici ! »
2 Dieu dit :
« Prends ton fils, ton fils unique, celui que tu aimes, Isaac,
va au pays de Moriah,
et là tu l'offriras en sacrifice
sur la montagne que je t'indiquerai. »
9 Quand ils furent arrivés à l'endroit que Dieu lui avait indiqué,
10 Abraham étendit la main
et saisit le couteau pour immoler son fils.
11 Mais l'Ange du SEIGNEUR l'appela du haut du ciel et dit :
« Abraham ! Abraham ! »
Il répondit : « Me voici ! »
12 L'Ange lui dit :
« Ne porte pas la main sur l'enfant !
Ne lui fais aucun mal !
Je sais maintenant que tu crains Dieu :
tu ne m'as pas refusé ton fils, ton fils unique. »
13 Abraham leva les yeux et vit un bélier
qui s'était pris les cornes dans un buisson.
Il alla prendre le bélier,
et l'offrit en holocauste à la place de son fils.
15 Du ciel, l'Ange du SEIGNEUR appela une seconde fois Abraham :
16 « Je le jure par moi-même, déclare le SEIGNEUR :
parce que tu as fait cela,
parce que tu ne m'as pas refusé ton fils, ton fils unique,
17 je te comblerai de bénédictions,
je rendrai ta descendance aussi nombreuse
que les étoiles du ciel
et que le sable au bord de la mer,
et ta descendance tiendra les places fortes de ses ennemis.
18 Puisque tu m'as obéi,
toutes les nations de la terre
s'adresseront l'une à l'autre la bénédiction
par le nom de ta descendance. »
Il faut lire ce texte avec les yeux de la foi, sinon on n’y comprend plus rien. De prime abord, en effet, on est en droit d’être choqué par ce Dieu qui ordonne à ce pauvre vieil homme de lui faire une offrande en sacrifiant son propre fils, son fils unique. Quelle cruauté, quelle scène macabre que cet holocauste ! Pourtant, ce Dieu qui ordonne cela, c’est le même qui, par la voix de son Ange, «contr’ordonne» à Abraham d’épargner la vie à son fils et d’offrir à sa place un bélier. Mais peut-être que le vieil n’a pas bien saisi le sens profond de la demande de Dieu : « « Prends ton fils, ton fils unique, celui que tu aimes, Isaac, va au pays de Moriah, et là tu l'offriras en sacrifice sur la montagne que je t'indiquerai. » Le sacrifice dont Dieu parle ne signifie par «tuerie», «effusion de sang» ; il veut dire : «le maintenir en vie et le (re)tourner à Dieu qui te l’a offert».  Nous parlons ici d’Isaac, le fils de Sara la stérile que Dieu visita et pour laquelle il fit ce qu’il avait promis. Par son geste, Dieu fonde la tradition israélienne de la prescription rituelle de tout premier-né qui appartiennent à Dieu et, à l’instar des prémices, non pas détruits mais rachetés. Dieu met fin à la coutume des sacrifices d’enfants… Ce message sera repris ultérieurement par plusieurs prophètes (voir : Dt 18, 10 ; Jr 7, 31 ; Jr 19, 5).

Dans ce récit, nous notons également le regard de Dieu sur l’homme. Un regard non pas superficiel mais tout en profondeur. Dieu lit dans le cœur de l’homme, c’est pourquoi il lit comme à cœur ouvert la foi d’Abraham à travers son obéissance. Dimanche dernier, c’est l’Esprit qui poussait Jésus au désert où il était tenté par le Démon. Aujourd‘hui, c’est Dieu lui-même qui met à l’épreuve son serviteur.

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Psaume 115 (116), 10. 15, 16ac-17, 18-19
10 Je crois, et je parlerai,
moi qui ai beaucoup souffert.
15 Il en coûte au SEIGNEUR !
de voir mourir les siens !

16 Ne suis-je pas, SEIGNEUR, ton serviteur,
moi, dont tu brisas les chaînes ?
17 Je t'offrirai le sacrifice d'action de grâce,
j'invoquerai le nom du SEIGNEUR.

18 Je tiendrai mes promesses au SEIGNEUR,
oui, devant tout son peuple,
19 à l'entrée de la maison du SEIGNEUR,
au milieu de Jérusalem !
 
C’est Dieu qui est à l’initiative dans l’Alliance qu’il noue avec les hommes. Lui, le SEIGNEUR, est droit et fidèle à sa promesse. Ce qu’il dit se réalise car sa Parole est Acte de naissance. Le psalmiste ici — en réalité tout le peuple d’Israël — a conscience de ses écarts et trahisons envers le chemin que Dieu lui montre à chaque instant. Souvent, il en perd même la foi jusqu’à idolâtrer les nombreux dieux des païens. Mensonge dans ses paroles, mensonges dans ses actes, ainsi se définit celui qui n’évalue pas à sa juste mesure le bien que le SEIGNEUR lui fait en dépit de ses renoncements.
Nous l’avons vu : avec Abraham et Noé, Dieu est présent pour ramener l’un à la raison et sauver l’autre de la perdition ; avec le peuple hébreu pris dans l’étau du pouvoir dominateur du Pharaon, il est là pour le libérer et le conduire sur la Terre Promise.
Dans ce psaume, il n’est plus question de suspecter Dieu de se délecter des malheurs des hommes ou de les laisser survenir pour accourir ensuite dans un élan chevaleresque de «sauveteur» ! Dieu ne réjouit pas des malheurs des hommes car ce n’est pas lui qui les y pousse. C’est l’homme lui-même qui se détourne de son amour par orgueil. Le seul vrai Dieu, c’est celui qui, depuis toujours, écoute le cri de l’homme en prière, le cri du croyant : le SEIGNEUR «penche vers moi son oreille le jour où je l’appelle» (v. 2). Alors, puisqu’il m’écoute, « Comment rendrai-je au SEIGNEUR tout le bien qu'il m'a fait ? » Non pas des sacrifices d’animaux, mais un cœur contrit, humble et confiant. Alors,  le psalmiste s’écrie : « je t'offrirai le sacrifice d'action de grâce, j'invoquerai le nom du SEIGNEUR. Je tiendrai mes promesses au SEIGNEUR, oui, devant tout son peuple, à l'entrée de la maison du SEIGNEUR, au milieu de Jérusalem. »


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Deuxième Lecture - Romains 8, 31b-34
Frères,
31 si Dieu est pour nous,
qui sera contre nous ?
32 Il n'a pas refusé son propre Fils,
il l'a livré pour nous tous :
comment pourrait-il
avec lui ne pas nous donner tout ?
33 Qui accusera ceux que Dieu a choisis ?
puisque c'est Dieu qui justifie.
34 Qui poura condamner ?
puisque Jésus Christ est mort ;
plus encore : il est ressuscité,
il est à la droite de Dieu,
et il intercède pour nous.
 

Ces quelques de Paul sont extraites d’une émouvante déclaration d’amour de l’Apôtre envers le Christ mort et ressuscité pour nous les hommes, ce Christ qui nous a fait la promesse solennelle de revenir nous prendre dans gloire en son Royaume. Pour Paul, nous sommes enfants de Dieu grâce à l’Esprit et c’est par l’Esprit que nous sommes destinés à la gloire.
Reprenant des accents dignes d’Isaïe [« Qui estime avoir un droit contre moi ? Qu’il s’approche de moi. Le Seigneur Yahvé m’aide,  qui me condamnerait ? » (50, 8)], Paul martèle sa proclamation de foi : « Qui se ferait l’accusateur de ceux que Dieu a élus ?  C’est Dieu qui justifie. Qui donc condamnera ?  ». L’Apôtre exalte l’éclat du Christ en sa gloire, lui qui vient inaugurer la nouvelle création lavée du péché. Avec le Christ, c’est aussi l’homme nouveau auquel il rend le droit à la gloire que le péché avait fait perdre. Cette gloire que le Christ possède en propre comme image de Dieu s’installe progressivement dans le chrétien jusqu’au jour où son corps en sera revêtu pour devenir un corps céleste. Justifié par le baptême, le chrétien est appelé à la foi pour cette gloire christique, car Dieu a tout ordonné à la gloire qu’il destine à ses élus.
Alors que l’issue de l’humanité était sans issue, voici que Dieu dans son amour infini a livré son Fils pour le salut et la libération de tous. Si donc Abraham s’est justifié par la foi, c’est par l’amour de Dieu que le salut est donné avec l’Esprit. Cela explique que la justice de Dieu ne soit jamais punition, condamnation définitive, enfermement… Non ! la justice de Dieu est libération, elle est salut, et la miséricorde est son énergie vitale.


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Évangile - Marc 9, 2 - 10
Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean,
et les emmène, eux seuls, à l'écart sur une haute montagne.
Et il fut transfiguré devant eux.
3 Ses vêtements devinrent resplendissants,
d'une blancheur telle
que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille.
4 Elie leur apparut avec Moïse,
et ils s'entretenaient avec Jésus.
5 Pierre alors prend la parole
et dit à Jésus :
« Rabbi, il est heureux que nous soyons ici ;
dressons donc trois tentes :
une pour toi, une pour Moïse et une pour Elie. »
6 De fait, il ne savait que dire,
tant était grande leur frayeur.
7 Survint une nuée qui les couvrit de son ombre,
et de la nuée une voix se fit entendre :
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé.
Ecoutez-le. »
8 Soudain, regardant tout autour,
ils ne virent plus que Jésus seul avec eux.
9 En descendant de la montagne,
Jésus leur défendit de raconter à personne ce qu'ils avaient vu,
avant que le Fils de l'homme
soit ressuscité d'entre les morts.
10 Et ils restèrent fermement attachés à cette consigne,
tout en se demandant entre eux ce que voulait dire :
« ressusciter d'entre les morts ».
 

Sommes-nous prêts à comprendre la vérité du message de Jésus ? Sommes-nous prêts à le faire retentir dans nos vies et au milieu de nos frères à côté de nous et dans le monde ? Dans ce récit de la Transfiguration sur la haute montagne, Jésus donne à voir à trois de ses disciples, trois privilégiés ce que sera la gloire à laquelle ils sont destinés.
Mais revenons un instant sur la symbolique de la montagne dans Bible. Tout d’abord elle représente, dans la quête du divin, l’élévation. Dans plusieurs mythologies, elle est le lieu, la résidence des esprits et des dieux. Dans la Bible, elle est le théâtre d’événements exceptionnels :
C’est sur le sommet de la montagne que Dieu appelle Moïse et lui remet les Tables de la Loi (Exode, 19, 20) ; éclairs et coups de tonnerre manifestent la toute-puissance de Yahvé dont la voix retentit dans une épaisse nuée et la fumée qui recouvrent les lieux. C’est dans ce décor qu’il se révèle au peuple élu par l’intermédiaire de son prophète.
  Cette montagne aura également été un lieu de refuge face au courroux divin. N’est-ce pas dans ces hauteurs que l’ange de Dieu presse Lot de s’enfuir pour ne pas périr lors de la destruction de Sodome ? (Genèse, 19, 17)
C’est sur la montagne que Dieu vérifie la fidélité des enfants d’Israël en y appelant le prophète Élie terré dans une caverne : « Sors et tiens-toi dans la montagne devant l’Éternel » (Livre des Rois, 19, 11).
Dans tous les psaumes, la montagne sera célébrée comme le lieu de l’écoute de la Parole de Dieu, le lieu de la réconciliation dans l’Alliance…
Plus tard, c'est Isaïe (52, 7) qui s'écriera : « Qu'ils sont beaux sur toutes les montagnes, les pieds de Celui qui marche sur le monde, qui annonce la paix, la joie, la délivrance, et qui te dit que Dieu règne ».

Dans l’extrait de l’Évangile de ce dimanche, les trois apôtres se hissent sur la montagne avec Jésus lui-même, et c’est là qu’ils font une expérience spirituelle unique puisqu’elle culmine dans une vision extraordinaire des deux grands prophètes, ceux-là même qui sont au cœur de l’histoire du peuple d’Israël, et qu’ils les fait témoins visuels d’un dialogue surnaturel entre eux et Jésus. Puis, résonne cette voix qui leur rappelle comme Jean le Baptiste l’avait fait sur les rives du Jourdain : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Ecoutez-le.» C’est sur la montagne que Jésus enseignera la Prière du «Notre Père», qu’il prononcera les «Béatitudes» et multipliera les pains pour nourrir la grande foule qui le suivait, signe que Dieu ne se désintéresse pas de la condition physique et matérielle des hommes: «Puis, il monta sur la montagne pour prier à l’écart» (Matthieu, 14, 23). Plus tard, Jésus se retirera sur le Mont des Oliviers pour parler avec son Père avant la dure épreuve de la Passion. Il se sera crucifié sur le Golgotha où il rétablira le lien entre le Ciel et la Terre… On peut donc dire qu’avec le désert, la montagne est l’autre lieu de l’expérience spirituelle.

Cette expérience de la Transfiguration, Jésus l’offre à ses trois disciples comme un avant-goût du Royaume auquel ils sont prédestinés. Mais ils sont encore spirituellement « trop tendres » pour saisir dans toute sa grandeur la vision qui leur est donnée. C’est pourquoi Jésus leur ordonne de garder tout ceci au secret, de peur de semer des troubles sociaux et politiques. Et bien qu’il insiste pour rester là, planter trois tentes (« une pour toi, une pour Moïse et une pour Elie », Pierre est rappelé à la vie sur terre. Ce qu’ils viennent de voir de leurs propres yeux, c’est la promesse réservée à ceux qui auront accueilli et servi la Bonne Nouvelle de Jésus au long de leur chemin sur la terre.
Moïse et Élie s’entretiennent avec Jésus de sa montée à Jérusalem, c’est-à-dire de sa passion salvatrice qui culminera dans sa résurrection. Oui, le corps transfiguré de Jésus dans ses habits blancs st l’image de notre propre transfiguration à la quelle nous sommes destinés par et avec le Christ : Paul écrira: «Il transfigurera nos pauvres corps à l'image de son corps de gloire» (Ph 3,21). C’est la résurrection qui éclairera in fine ce mystère de la Transfiguration, des fondements mêmes de l’Alliance entre Dieu et les hommes. Pierre, Jacques et Jean ont eu le privilège d’entrevoir la Source de la Lumière, celle par laquelle il nous est donné de voir la lumière de Dieu en ce monde.

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