26/03/2012

« Nous voudrions voir Jésus…»




Dimanche 25 mars 2012, cinquième dimanche de Carême


Chers amis, bonjour !

Voir Jésus, tel est le désir de tout croyant, de tout chrétien. Les Juifs et les Grecs (les craignant-Dieu », c’est-à-dire les étrangers qui se sont laissés convaincre par le message de Jésus) pouvaient le voir en chair et en os. Pourtant nombre d’entre eux, surtout parmi les Juifs, sont restés fermés à l’éclat de sa lumière, dans les ténèbres du péché. Pourtant, aujourd’hui encore, la situation est plus qu’actuelle pour nous qui cherchons Dieu sans le trouver. Soit que nous doutons de sa présence, soit que nous la refusons au nom de notre liberté de croire ou de ne pas croire, au nom de notre rationalisme dont nous pensons qu’il peut seul nous procurer le progrès et l’accomplissement suprême. L’Alliance Nouvelle qu’annonce Jérémie est celle du pardon accompli en la personne de Jésus, Dieu parmi les hommes. C’est également la promesse de la vie qui sans cesse surgit par la germination, ce processus mystérieux par lequel le grain passe par la mort pour magnifier la vie et donner du fruit en abondance.
Mais où donc trouver Jésus ? Sur la croix, dans notre prière contemplative, dans son corps et son sang offerts comme nourriture et source de vie éternelle, sur les chemins de la vie, sur nos propres visages et dans nos propres vies qui auront été marqués du sceau de l’amour. C’est ainsi que Jésus lui-même nous fait missionnaires, apôtres de sa Bonne Nouvelle partout dans le monde, au milieu de nos frères: «… je vous ai choisis, je vous ai chargés d’aller, de porter du fruit et du fruit en abondance» (Jn 15, 16). Le fondement est bio puisqu’il procède de la vie ; il est durable parce qu’il se nourrit de justice et d’amour… C’est le sens des trois lectures que nous propose la liturgie de ce cinquième dimanche de Carême.



Première Lecture - Jérémie 31, 31 - 34
31 Voici venir des jours, déclare le SEIGNEUR,
où je conclurai avec la maison d'Israël et avec la maison de Juda
une Alliance nouvelle.
32 Ce ne sera pas comme l'Alliance
que j'ai conclue avec leurs pères,
le jour où je les ai pris par la main
pour les faire sortir d'Egypte :
mon Alliance, c'est eux qui l'ont rompue,
alors que moi, j'avais des droits sur eux.
33 Mais voici quelle sera l'Alliance
que je conclurai avec la maison d'Israël
quand ces jours-là seront passés,
déclare le SEIGNEUR.
Je mettrai ma Loi au plus profond d'eux-mêmes ;
je l'inscrirai dans leur cœur.
Je serai leur Dieu,
et ils seront mon peuple.
34 Ils n'auront plus besoin d'instruire chacun son compagnon,
ni chacun son frère en disant :
« Apprends à connaître le SEIGNEUR ! »
Car tous me connaîtront,
des plus petits jusqu'aux plus grands, déclare le SEIGNEUR.
Je pardonnerai leurs fautes,
je ne me rappellerai plus leurs péchés.


«Voici venir des jours...» … Cette formule de Jérémie que l’on retrouve déci delà dans Le Livre de la Consolation résonne comme un appel à l’espérance. Déjà le déclin de l’Assyrie avait permis au roi Josias (cf. 2 R 22, 3 – 24, 24) de reconquérir la Samarie et la Galilée.  L’oracle de Jérémie est comme une semence d’espérance dans les cœurs des exilés d’un retour dans le royaume de David enfin restauré. Yahvé aime son peuple et il le ramènera sur les terres de leurs pères et dans l’unité recouvrée autour de Sion, la Ville sainte. Une annonce du retour qui sera ensuite étendue au royaume de Juda à sons tour conquis et déporté. Juda est associé à Israël, et le Livre de la Consolation prend une portée définitivement messianique. Jérémie le clame dans un oracle qui précède notre texte du jour: «Voici venir des jours — oracle de Yahvé — où je sèmerai sur la maison d’Israël et sur la maison de Juda une semence d’hommes et une semence de bétail. Et de même que j’ai veillé sur eux pour arracher, pour renverser, pour démolir, pour exterminer et pour affliger, de même je veillerai sur eux pour bâtir et pour planter, oracle de Yahvé.» (Jr 31, 27-28).

Cet oracle est le cri de la Nouvelle Alliance, après l’échec de l’Antique Alliance : désormais, le dessein de Dieu apparaît sous un nouveau jour. Certes avec une survivance des anciennes perspectives (la fidélité des hommes à la Loi, la présence divine qui assure aux hommes la paix et la prospérité: «Je serai votre Dieu et vous serez mon peuple».  Un engagement de Dieu à l’égard des hommes sans cesse réaffirmé depuis l’Exode (Ex 11, 20 ; 36, 28 ; 37, 27), redit dans le Deutéronome (Dt 7, 6). Mais la nouveauté de l’Alliance porte sur trois points fondamentalement saillants : l’initiative divine du pardon des péchés (voir également Ez 36, 25-29, le Ps 51), la responsabilité et la rétribution personnelle (lire aussi Ez 14, 12 +) et l’intériorisation de la religion (la Loi cesse de n’être qu’une charte extérieure pour devenir une inspiration affectant le cœur, et c’est au cœur de l’homme que Dieu parle dorénavant sous l’influence de son Esprit qui consacre toute personne en laquelle il repose. Cette Alliance Nouvelle exaltée par Isaïe et le psalmiste sera inaugurée par le sacrifice du Christ. Tous les Apôtres en annonceront l’accomplissement. Paul en fera l’éloge en des termes identiques: «Telle est l’alliance que je contracterai avec eux après ces jours-là, le Seigneur dit : je mettrai mes lois dans leur cœur et je les graverai dans leur pensée. Ni de leurs péchés, ni de leurs offenses je ne me souviendrai plus. Or là où les péchés sont remis, il n’y a plus d’oblation pour le péché». (He 10, 16-18). Paul affirme ainsi la supériorité et l’efficacité du sacrifice du Christ sur les sacrifices anciens, forcément inefficaces : « Tu n’as voulu ni sacrifice n oblation ; mais tu m’as façonné un corps. Tu n’as agréé ni holocaustes ni sacrifices pour les péchés. Alors j’ai dit : Voici, je viens, car c’est de moi qu’il est question dans le rouleau du livre, pour faire, ô Dieu, ta volonté » (He 10, 5-8) … telles sont les paroles du Christ en entrant dans le monde. « Et c’est en vertu de cette volonté que nous sommes sanctifiés par l’oblation du corps de Jésus Christ, une fois pour toutes » (He, 10, 10).

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Psaume 50 (51), 3-4, 12-13, 14-15
Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour,
selon ta grande miséricorde, efface mon péché.
4 Lave-moi tout entier de ma faute,
purifie-moi de mon offense.

12 Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu,
renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit.
13 Ne me chasse pas loin de ta face,
ne me reprends pas ton esprit saint.

14 Rends-moi la joie d'être sauvé ;
que l'esprit généreux me soutienne.
15 Aux pécheurs j'enseignerai tes chemins,
vers toi reviendront les égarés.


On pourrait dire que le texte de Jérémie fait écho au contenu du psaume 51 (50) communément intitulé «Miserere» : un psaume de pénitence dont on peut dire qu’il dégage comme un parfum de prophétie. La dernière phrase de Jérémie est une formidable promesse de Dieu pour les hommes en dépit de leurs infidélités et trahisons répétées: «Je pardonnerai leurs fautes, je ne me rappellerai plus leurs péchés». C’est par là que commence le psaume : la demande du pardon pour les péchés. Le psalmiste demande à Dieu de créer pour lui un cœur pur (lavé de toute malice) : notons ici que le verbe créer est réservé à Dieu seul au sens où il signifie l’acte par lequel il pose dans l’existence une chose nouvelle et, partant, merveilleuse.
Mais ce JE et ce MOI sont en réalité « collectifs » : c’est de tout le peuple d’Israël qu’il s’agit. C’est, au-delà, tout le peuple de la Nouvelle Alliance qui est convoqué à la table du pardon et de la purification par les eaux du Baptême. Purifiés, les disciples du Christ le seront aussi, selon les mots de Paul , dans l’Esprit de Dieu: «Vous, vous n’êtes pas dans la chair mais dans l’esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous. Qui n’a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient pas : mais si le Christ est en vous, bien que le corps soit mort déjà en raison du péché, l’esprit est en vie en raison de la justice» (Rm 8, 9-10), car l’esprit est vie et puissance de résurrection. Au régime  du péché et de la mort, Paul oppose le régime nouveau de l’Esprit.
Longtemps avant Paul, le psalmiste supplie donc Dieu de ne pas lui soustraire son Esprit saint. Car Dieu, dans sa générosité, revient offre toujours son pardon à l’homme méchant et égaré. C’est cet homme-là que les prophètes interpellent et exhorte à reprendre le chemin du SEIGNEUR. Isaïe dira plus tard: «Que le méchant abandonne son chemin, et l'homme malfaisant, ses pensées. Qu'il retourne vers le SEIGNEUR qui lui manifestera sa tendresse, vers notre Dieu qui se surpasse pour pardonner.» (Is 55, 7). Dans sa prière dans le péril, David chantait déjà: «Fais-moi connaître ? Yahvé, tes voies, enseigne-moi tes sentiers. Dirige-moi dans ta vérité, enseigne-moi, c’est toi le Dieu de mon salut — Droiture et bonté que Yahvé, il remet dans la voie les égarés ; il dirige les humbles dans la justice, il enseigne aux malheureux sa voie» (Ps 25/26, 4-5, 8-9).



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Deuxième Lecture - Hébreux 5, 7 - 9
Le Christ,
7 pendant les jours de sa vie mortelle,
a présenté, avec un grand cri et dans les larmes,
sa prière et sa supplication
à Dieu qui pouvait le sauver de la mort ;
et, parce qu'il s'est soumis en tout,
il a été exaucé.
8 Bien qu'il soit le Fils,
il a pourtant appris l'obéissance
par les souffrances de sa passion ;
9 et, ainsi conduit à sa perfection,
il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent
la cause du salut éternel.

Ce texte est extrait du chapitre dans lequel Paul présente Jésus comme le grand prêtre compatissant. En effet, ce Jésus qui réalise cette Nouvelle Alliance dont parle Jérémie est exalté ici dans son humanité, dans sa chair.  Pour représenter les hommes devant Dieu, le prêtre doit être entièrement semblable à eux, vivre avec eux pour compatir à leurs misères au quotidien ; il doit même les avoir partagées, vécues pour pouvoir les porter en offrande à Dieu. Or, cette humanité de chair est attestée en Jésus Christ par son incarnation, sa vie au milieu des hommes, et surtout par son agonie et sa mort sur la croix. Une mort pour laquelle il est venu sur terre, envoyé de Dieu, pour nous sauver du péché, de lé déchéance. Une mort à laquelle il ne s’est pas dérobé, une mort à laquelle il n’a pas été arraché, mais au contraire !: «Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ! Cependant, que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne» (Lc 22, 42). Et pour consacrer sa mission de salut pour les hommes, il demande la miséricorde de son Père pour ces mains humaines qui viennent de le crucifier en croix: «Mon Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font» (Lc 23, 34). Oui, l’image est là bien visible d’un Christ obéissant jusqu’à sa mort que Dieu a transformé en une exaltation de gloire (voir aussi Jn 12, 27s ; 13, 31s).
Le Christ soumis est l’exemple type du Fils qui s’emplit de crainte et de respect pour son Père qu’il prie en agonie. Et c’est ainsi qu’il fut entendu et exaucé. La perfection du Christ se manifeste dans sa fonction de Prêtre et de Victime expiatoire. La perfection, il la vit dans cette prière qui n’est autre qu’un échange totalement confiant avec son Père. Qu’il nous souvienne ici la puissante prière sacerdotale (Jn 17, 1-26), cette grande prière d’oblation et d’intercession du Christ Sauveur à l’heure de son sacrifice. Car celui qui fut envoyé pour révéler aux hommes la personne du Père, a incarné son « nom » qui n’est autre qu’AMOUR. Et réciproquement, Dieu nous prouve son amour en livrant son Fils unique. Croire que Jésus est le Fils de Dieu est donc nécessaire à la reconnaissance de cet AMOUR.


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Evangile - Jean 12, 20 - 33
20 Parmi les Grecs qui étaient montés à Jérusalem
pour adorer Dieu durant la Pâque,
21 quelques-uns abordèrent Philippe,
qui était de Bethsaïde en Galilée.
Ils lui firent cette demande :
« Nous voudrions voir Jésus. »
22 Philippe va le dire à André ;
et tous deux vont le dire à Jésus.
23 Alors Jésus leur déclare :
« L'heure est venue pour le Fils de l'homme
d'être glorifié.
24 Amen, amen, je vous le dis :
si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas,
il reste seul ;
mais s'il meurt,
il donne beaucoup de fruit.
25 Celui qui aime sa vie la perd ;
celui qui s'en détache en ce monde
la garde pour la vie éternelle.
26 Si quelqu'un veut me servir,
qu'il me suive ;
et là où je suis,
là aussi sera mon serviteur.
Si quelqu'un me sert,
mon Père l'honorera.
27 Maintenant, je suis bouleversé.
Que puis-je dire ?
Dirai-je : « Père, délivre-moi de cette heure ? »
- Mais non ! C'est pour cela
que je suis parvenu à cette heure-ci !
28 Père, glorifie ton nom ! »
Alors, du ciel vint une voix qui disait :
« Je l'ai glorifié et je le glorifierai encore. »
29 En l'entendant, la foule qui se tenait là
disait que c'était un coup de tonnerre ;
d'autres disaient :
« C'est un ange qui lui a parlé. »
30 Mais Jésus leur répondit :
« Ce n'est pas pour moi que cette voix s'est fait entendre,
c'est pour vous.
31 Voici maintenant que ce monde est jugé ;
voici maintenant que le prince de ce monde
va être jeté dehors ;
32 et moi, quand j'aurai été élevé de terre,
j'attirerai à moi tous les hommes. »
33 Il signifiait par là de quel genre de mort il allait mourir.


Jésus annonce sa glorification par sa mort… Il faut avouer que le procédé n’est pas des plus fins pour revigorer le moral de ses disciples. Et pour évoquer des fondamentaux de la foi, il pouvait trouver des mots et un argumentaire plus simples, plus abordables… Mais hélas !
Revenons au texte : dès le début, comme pour dresser le décors, il est question de la Pâque juive. Beaucoup de personnes sont montées à Jérusalem pour se purifier avant de célébrer la grande fête. Les grands prêtres et les Pharisiens ont donné des consignes strictes à ceux qui stationnaient devant le Temple: si quelqu’un voit Jésus, qu’il en donne le signalement afin qu’on l’arrête.
Jésus vient de Béthanie où il avait rendu visite à son Lazare, celui-là même qu’il avait ressuscité. Pendant que Marthe servait le repas, Marie, l’autre sœur de Lazare, oignit d’un parfum de vrai nard, très coûteux, les pieds de Jésus au point d’en indigner plus d’un convive. Les grands prêtres, informés de la présence de Jésus en ces lieux, vinrent pour tuer Lazare, témoignage vivant de la puissance de Jésus le Nazaréen et arrêter Jésus. Mais c’est le lendemain que ce dernier entre triomphalement dans la Ville, monté sur un ânon au milieu d’une foule en liesse qui criait, rameaux à la main : «Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le roi d’Israël» (Jn 12, 13). Dans la foule qui était venue acclamer Jésus, se trouvaient aussi des non Juifs, des Grecs convertis au monothéisme d’Israël et, dans une certaine mesure, aux observances de la Loi de Moïse : on les appelle les «craignant-Dieu». Ces derniers cherchent à rencontrer Jésus car ils ont entendu parler de ses hauts faits. C’est à eux tous réunis que Jésus annonce sa glorification par sa mort. Il est impossible de tirer la richesse de cet extrait de l’Évangile selon saint Jean en seulement quelques mots. C’est pourquoi nous allons essayer donner un bref éclairage de certaines phrases :

1)     «Voici venue l’heure où le Fils de l’homme doit être glorifié» : dans le texte de la première lecture, le prophète Jérémie proclame : Voici venir des jours, déclare le SEIGNEUR, où je conclurai avec la maison d'Israël et avec la maison de Juda une Alliance nouvelle ». Jérémie annonçait quelque chose qui arriverait ; Jésus annonce son heure qui est déjà là. Le temps du monde est désormais au rythme de celui de Jésus qui, en réalité, n’annonce pas sa glorification “par orgueil“, ou pour impressionner son auditoire. Si le Père le glorifie, il le fait aussi pour nous les hommes qu’il a élevés au rang de Fils de Dieu.
2)    «Si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il reste seul ; s’il meurt, il porte beaucoup de fruit». Cette phrase de Jésus trouve écho dans ce propos du Frère Axel de Taizé: «Le processus de la vie éternelle passe par la mort : pour que le grain se transforme en une vie nouvelle et productive, il faut qu’il passe par le stade de la germination. C’est-à-dire qu’une sorte de mort prépare l’éclatement et le développement nouveau» (F. Axel de Taizé, Le meurtre du prince, Évangile pour les agressifs, Les Presses de Taizé, 1972, p. 84). Il poursuit : «L’amour ne se manifeste pas seulement par la présence visible : l’image du grain, qui doit être jeté en terre pour permettre la germination et donner ensuite une plante et du fruit en abondance, retrouve ici sa signification. La séparation set à multiplier les richesses potentielles contenues dans la semence d’amour qui va éclater. La vie en Dieu est toujours faite de rupture et de retour. Ce mouvement de va-et-vient reproduit la réalité biologique (…) Tous ces rites de passage contribuent au processus de vie et de maturation. C’est l’occasion d’échapper soit à l’inertie passive, soit à la fermentation des foyers clos. L’attente de Dieu stimule l’amitié et développe un nouveau mode de communication avec Dieu.» (p. 94-95)
.
Mourir en terre, c’est la condition nécessaire de notre vie et de notre propre capacité à féconder la vie des autres, croyants ou non croyants. C’est ce que Jésus appellera «s’humilier», au sens étymologique de se mettre en terre (« humus ») pour se redresser. Car Jésus nous invite à nous faire petits, pauvres et discrets pour laisser fermenter en nous sa Parole qui nous relèvera comme Lazare de son tombeau, cette Parole qui est l’Esprit d’amour qui nous redressera telle une croix de la Nouvelle Alliance au cœur de nos vies.
3)    «Si quelqu’un me sert, qu’il me suive, et où je suis, là aussi sera mon serviteur» : le Fils de l’Homme qui est venu en ce monde non pour être servi mais pour servir inscrit sa glorification dans une attitude d’humilité, de rabaissement qui contraste avec celle des Pharisiens fanfarons et pédants. Jésus vient libérer l’homme de l’esclavage du péché. Comme il avait relevé Lazare de la condition d’opprimé, il rachète tous les hommes de toutes les servilités. Oui, avec lui le serviteur est hissé au rang du maître qui lui fait participer à la gloire du Père.
4)    «Maintenant, je suis bouleversé» : cette scène dont on peut penser qu’elle préfigure Gethsémani, l’angoisse légitime devant l’Heure qui approche, Jésus la vit debout comme un combat intérieur dans lequel il accepte le sacrifice. Il ne démissionne pas, il est « jusqu’au-boutiste ». Quel exemple d’abnégation, quelle leçon d’engagement ! Il prononce le nom de son Père justement pour se convaincre de la grandeur de son choix. Il s’offre à mourir pour l’accomplissement de l’œuvre qui glorifiera le Père en manifestât son amour pour le monde. Et une voix venue du ciel signe le pacte, marque par avance d’un sceau divin sur la mort de Jésus. Car sa mort affranchit les hommes de sa tyrannie.
5)     «C’est maintenant le jugement de ce monde ; maintenant le prince de ce monde va être jeté bas ; et moi, élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi». Jésus sait qu’il va être jugé et maltraité par le tribunal des grands prêtres ; ce sera le jugement de ce monde. Mais il annonce déjà sa double élévation sur la croix et dans le ciel  la droite du Père. Il faut reconnaître que c’est là une drôle de réponse à tous ces Grecs qui cherchaient à le voir : élevé sur la croix, Jésus apparaîtra aux yeux de tous les hommes comme le Sauveur du monde. C’est ce dont témoigneront les Grecs pieux lorsqu’ils s’en retourneront chez eux.
6)     Aux Juifs qui sont là, incrédules et désespérés, Jésus demande de croire en lui avant qu’il ne soit trop tard. «La Lumière n’est plus avec vous que pour peu de temps. Marchez tant que voua avez la lumière, de peur que les ténèbres ne vous atteignent». Cette lumière brillera du haut de la croix qui sera le signe de ralliement de tous les hommes attentifs à l’appel de Dieu, réceptifs à son message d’amour, de paix et de lumière.
7)     «Nous voudrions voir Jésus.» Ces mots résument notre recherche, notre soif de Dieu. Mais comment le voir aujourd’hui encore ? Comme les bergers et les mages ont suivi l’étoile qui indiquait le lieu où se trouvait le nouveau-né, notre étoile aujourd’hui c’est la Parole de Dieu même. Mais Dieu se voit avec les yeux de la foi et non pas de la seule connaissance rationnelle. Ou plutôt, seule la foi nourrit et structure en chacun de nous la vraie connaissance de Dieu. Vivre sa Parole en communion avec nos frères en église, telle est le sens de notre vocation missionnaire. Celui qui a fait recouvrer la vue et l’ouïe à plusieurs infirmes est le seul capable de nous guérir de notre cécité, de notre refus permanent de voir le monde des hommes avec ses splendeurs et ses injustices… pour nous ouvrir au monde  et donner sens à la vie.



 

21/03/2012

« … tout homme qui croit en lui ne périra pas,
mais il obtiendra la vie éternelle ».



Chers amis, bonjour !

En ce quatrième dimanche de Carême, la liturgie nous propose des textes qui révèle l’infinie miséricorde de Dieu face aux infidélités des hommes.
La première lecture, extraite de 2 Chroniques 36, 14-16. 19-23 s’articule en trois moments : la dénonciation des infidélités du peuple juif ; l’annonce de la chute de Jérusalem et de la déportation à Babylone, sanction de cette conduite mauvaise.
Le contexte : Cyrus règne, qui sur tout le Moyen-Orient, a fait de Babylone la capitale de son empire. Fort de son pouvoir, il laisse la vie sauve à tous les vaincus des États à l’intérieur des terres, garantit leurs biens et leur liberté de culte. C’est dans ce contexte qu’il décrète le retour des Juifs déportés à Babylone sur la terre de leurs pères, la reconstruction du Temple de Jérusalem et la restitution de tous les objets de valeur pillés par le roi Nabuchodonosor. «Puissent tous les dieux que j’ai réinstallés dans leurs cités saintes, demander chaque jour pour moi longue vie», écrira Cyrus dans l’un de ses «cylindres»). Un propos qui prolonge sa décision: «… Ainsi parle Cyrus, roi de Perse : Le SEIGNEUR, le Dieu du ciel,  m'a donné tous les royaumes de la terre ;  et il m'a chargé de lui bâtir un temple  à Jérusalem, en Judée. Tous ceux d'entre vous qui font partie de son peuple,  que le SEIGNEUR leur Dieu soit avec eux, et qu'ils montent à Jérusalem !». Ceci vient en écho de la prophétie de Jérémie par laquelle ce denier avertissait son peuple sur les malheurs qui s’abattraient sur lui avec la souillure et la destruction du Temple, puis sa reconstruction.
Ce texte est, parmi tant d’autres, un exemple de la présence de Dieu de miséricorde qui tend la main à son peuple quelles que soient ses infidélités. Le psalmiste ne s’y trompe pas lorsqu’il rend grâce à Celui qui sait tout ; non pas pour s’en effrayer comme Job, mais pour se sentir aimé et protégé de vivre sous le regard de Dieu: «Yahvé, tu me sondes et me connais ; que je me lève ou m’assoie, tu le sais, tu perces de loin mes pensées ; que je marche ou me couche, tu le sens, mes voies te sont toutes familières». [Ps 139 (138), 1-3].


Première Lecture - 2 Chroniques 36, 14-16. 19-23
Sous le règne de Sédécias,
14 tous les chefs des prêtres et le peuple
multipliaient les infidélités,
en imitant toutes les pratiques sacrilèges des nations païennes,
et ils profanaient le temple de Jérusalem consacré par le SEIGNEUR.
15 Le Dieu de leurs pères,
sans attendre et sans se lasser,
leur envoyait des messagers,
car il avait pitié de sa Demeure et de son peuple.
16 Mais eux tournaient en dérision les envoyés de Dieu,
méprisaient ses paroles,
et se moquaient de ses prophètes ;
finalement, il n'y eut plus de remède
à la colère grandissante du SEIGNEUR contre son peuple.
19 Les Babyloniens brûlèrent le temple de Dieu,
abattirent les murailles de Jérusalem,
incendièrent et détruisirent ses palais,
avec tous leurs objets précieux.
20 Nabuchodonosor déporta à Babylone
ceux qui avaient échappé au massacre ;
ils devinrent les esclaves du roi et de ses fils
jusqu'au temps de la domination des Perses.
21 Ainsi s'accomplit la parole du SEIGNEUR
proclamée par Jérémie :
« La terre sera dévastée et elle se reposera
durant soixante-dix ans,
jusqu'à ce qu'elle ait compensé par ce repos
tous les sabbats profanés. »
22 Or, la première année de Cyrus, roi de Perse,
pour que soit accomplie la parole proclamée par Jérémie,
le SEIGNEUR inspira Cyrus, roi de Perse.
Et celui-ci fit publier dans tout son royaume,
- et même consigner par écrit- :
23 « Ainsi parle Cyrus, roi de Perse :
Le SEIGNEUR, le Dieu du ciel,
m'a donné tous les royaumes de la terre ;
et il m'a chargé de lui bâtir un temple
à Jérusalem, en Judée.
Tous ceux d'entre vous qui font partie de son peuple,
que le SEIGNEUR leur Dieu soit avec eux,
et qu'ils montent à Jérusalem ! »
 
Le Psaume 136 (137), appelé aussi « Ballade de l’exilé » évoque justement le souvenir de la chute de Jérusalem en 587 et la destruction du Temple, et de l’exil d’une partie du peuple juif à Babylone. Isaïe s’en souviendra lorsqu’il écrira : « Le vin est en deuil, la vigne languit, tous les cœurs joyeux gémissent. La joie des tambourins a cessé, le bruit des plaisirs est fini ; le son des cithares a cessé. On ne boit plus de vin en chantant, les boissons fortes sont amères aux ivrognes » (Is 24, 7-9).
Mais il faut noter que tout le psaume est écrit au passé, c’est-à-dire qu’il évoque une situation douloureuse à laquelle tout le peuple des exilés avait été confrontée. Brutalité et cynisme sont quelques qualificatifs de l’attitude des dominateurs qui ont exigé aux juifs de chanter des chants de louange en terre étrangère et à la gloire de dieux païens. Véritable chant de deuil et de pénitence à la fois, à la date anniversaire de cet exil. Profession d’espérance de tout un peuple qui sait que son Dieu, plein de miséricorde, ne peut jamais les abandonner et détourner sa face. L’espérance, c’est celle de repartir en Terre promise et de rebâtir le Temple du SEIGNEUR sur les hauteurs de Sion, de Jérusalem la belle et grande ville solidement plantée sur les hauteurs. Le prophète disait : « Jérusalem, oublie tes larmes, et vous tous qui l’aimez, consolez-vous dans sa tendresse ». Les larmes qui coulent à l’instar des eaux des fleuves de Babylone sont des larmes de remords aussi face aux propres infidélités du peuple juif. Mais le SEIGNEUR appelle tout le peuple des rachetés à partager le festin qu’il offre à tous. Jérusalem est le lieu du rassemblement de tous les peuples : « Le SEIGNEUR, le tout-puissant va donner, sur cette montagne, un festin pour tous les peuples, un festin de viandes grasses et de vins vieux, de viandes grasses succulentes et de vins vieux décantés… » (Is 25, 6-12). Oui, une invite à partager ce festin messianique qui rassasie, délivre, épanouit et sanctifie…


Psaume - 136 (137), 1 - 6
1 Au bord des fleuves de Babylone
nous étions assis et nous pleurions,
nous souvenant de Sion ;
2 aux saules des alentours
nous avions pendu nos harpes.

3 C'est là que nos vainqueurs
nous demandèrent des chansons,
et nos bourreaux, des airs joyeux :
« Chantez-nous, disaient-ils,
quelque chant de Sion. »

4 Comment chanterions-nous
un chant du SEIGNEUR
sur une terre étrangère ?
5 Si je t'oublie, Jérusalem,
que ma main droite m'oublie !

6 Je veux que ma langue
s'attache à mon palais
si je perds ton souvenir,
si je n'élève Jérusalem,
au sommet de ma joie.

L’extrait de cette deuxième épître de saint Paul aux Éphésiens parle de la gratuité du salut dans le Christ, gratuité pour tous, juifs et païens. Ici également, l’apôtre parle au passé pour tout ce qui nous rendait captifs : le péché. De même, il parle au passé de la résurrection du Christ et du triomphe céleste comme des réalités déjà acquises et établies comme des piliers de notre foi et de notre espérance. Nous sommes donc sauvés non pas par le mérite de nos actes mais par pure grâce : le salut est don de Dieu. Comme il s’est donné lui-même en holocauste vivante pour le salut de tous les hommes, tel il se donne comme espérance et richesse vivantes. La richesse de sa bonté, le SEIGNEUR l’a promise au juste, ainsi que l’a chanté le psalmiste : « Et mon âme vivra pour lui, ma race le servira ; on annoncera le SEIGNEUR aux âges à venir, sa justice aux peuples à naître. Telle est son œuvre » (Ps 22, 31-32).


Deuxième Lecture - Éphésiens 2, 4 - 10
Frères,
4 Dieu est riche en miséricorde ;
à cause du grand amour dont il nous a aimés,
5 nous qui étions des morts par suite de nos fautes,
il nous a fait revivre avec le Christ :
c'est bien par grâce que vous êtes sauvés.
6 Avec lui, il nous a ressuscités ;
avec lui, il nous a fait régner aux cieux, dans le Christ Jésus.
Par sa bonté pour nous dans le Christ Jésus,
7 il voulait montrer, au long des âges futurs,
la richesse infinie de sa grâce.
8 C'est bien par la grâce que vous êtes sauvés,
à cause de votre foi.
Cela ne vient pas de vous, c'est le don de Dieu.
9 Cela ne vient pas de vos actes, il n'y a pas à en tirer orgueil.
C'est Dieu qui nous a faits,
10 il nous a créés en Jésus Christ,
pour que nos actes soient vraiment bons,
conformes à la voie que Dieu a tracée pour nous
et que nous devons suivre.

«Par sa bonté pour nous dans le Christ Jésus, il (Dieu) voulait montrer, au long des âges futurs, la richesse de sa grâce». A l’image du peuple juif errant et souffrant dans le désert, à l’image des exilés pleurant sur les rives des fleuves de Babylone, le Christ, Serviteur souffrant prospérera, s’élèvera et grandira… Alors que des multitudes avaient été épouvantés à sa vue, tant son aspect était défiguré, il n’avait d’apparence humaine, de même des multitudes de nations s’en étonneront… (Is 52, 12-15). Le prophète continuait: «S’il offre sa vie en expiation, il verra une postérité, il prolongera ses jours et ce qui plaît à Yahvé s’accomplira par lui. Après les épreuves de son âme, il verra la lumière et sera comblé. Par ses souffrances mon Serviteur justifiera des multitudes en s’accablant lui-même de leurs fautes.» (Is 53, 10-11). Oui, telle est la richesse de la gratuité de la grâce du SEIGNEUR. Telle est la folie de l’amour en Christ, cet amour par lequel il nous ramène sans cesse à lui pour faire de nous des hommes nouveaux et libres.

Dans l’extrait de l’Évangile de Jean (3, 14-21), le don absolu de Dieu s’est manifesté à travers son Fils unique qu’il a envoyé au milieu des hommes, vivre la condition humaine et rassembler tous les hommes en un seul corps pour la perfection en son royaume. Dans le désert, à cause de leur rébellion contre Dieu, celui-ci envoya des serpents brûlants dont la morsure fit périr beaucoup de monde en Israël (Nb 21, 6). Mais Dieu ne demeura pas sourd à leur repentir ; il ordonna à Moïse: «Façonne-toi un Brûlant que tu placeras sur un étendard. Quiconque aura été mordu et le regardera restera en vie» (id. 8). En effet, ceux qui avaient été mordus par des serpents et qui étaient condamnés à mourir revivaient lorsqu’ils fixaient leur regard sur le serpent d’airain que Moïse avait fait dresser. Avec le Christ, ce sera une croix qui sera dressée sur le Golgotha ; désormais, pour être sauvé, tout homme devra regarder le Christ élevé sur cette croix, c’est-à-dire croire qu’il est le fils unique de Dieu. Qui croit en Christ ne périra plus, il aura la vie éternelle. Jean racontera la passion du Christ et mentionnera: «Ils lèveront les yeux vers celui qu'ils ont transpercé» (Jn 19, 37) ; en réalité, il cite là une phrase de Zacharie qui déjà décrivait le salut que Jésus nous apporte: «Ce jour-là, je répandrai sur la maison de David et sur l'habitant de Jérusalem, un esprit de bonne volonté et de supplication. Alors ils regarderont vers moi, celui qu'ils ont transpercé» (Za 12, 10). Alors, le salut c’est de croire que Christ est le Fils unique de Dieu, qu’il est la lumière du monde et que par sa mort et sa résurrection il nous «…a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu.» (Jn 1, 9-12).
 

Évangile - Jean 3, 14 - 21
14 De même que le serpent de bronze
fut élevé par Moïse dans le désert,
ainsi faut-il que le Fils de l'homme soit élevé,
15 afin que tout homme qui croit
obtienne par lui la vie éternelle.
16 Car Dieu a tant aimé le monde
qu'il a donné son Fils unique :
ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas,
mais il obtiendra la vie éternelle.
17 Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde,
non pas pour juger le monde,
mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.
18 Celui qui croit en lui échappe au jugement,
celui qui ne veut pas croire est déjà jugé,
parce qu'il n'a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.
19 Et le jugement, le voici :
quand la lumière est venue dans le monde,
les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière,
parce que leurs œuvres étaient mauvaises.
20 En effet, tout homme qui fait le mal déteste la lumière :
il ne vient pas à la lumière,
de peur que ses œuvres ne lui soient reprochées ;
21 mais celui qui agit selon la vérité vient à la lumière,
afin que ses œuvres soient reconnues
comme des œuvres de Dieu.
 

08/03/2012

Le Messie : puissance et sagesse de Dieu…


Chers amis, bonjour !


En ce troisième Dimanche de Carême, la liturgie nous propose de méditer sur les textes suivants :
Première lecture                 Exode (20, 1-17)
Psaume                                 18 (19), 8-11
Deuxième lecture                Première Lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens (1, 22-25)
Évangile                                 Jean (2, 13-25)


• Première lecture Exode (20, 1-17)
Sur le Sinaï,
1 Dieu prononça toutes les paroles que voici :
2 « Je suis le SEIGNEUR ton Dieu,
qui t'ai fait sortir du pays d'Egypte, de la maison d'esclavage.
3 Tu n'auras pas d'autres dieux que moi.
4 Tu ne feras aucune idole,
aucune image de ce qui est là-haut dans les cieux,
ou en-bas sur la terre, ou dans les eaux par-dessous la terre.
5 Tu ne te prosterneras pas devant ces images,
pour leur rendre un culte.
Car moi, le SEIGNEUR ton Dieu, je suis un Dieu jaloux :
chez ceux qui me haïssent,
je punis la faute des pères sur les fils,
jusqu'à la troisième et la quatrième génération ;
6 mais ceux qui m'aiment et observent mes commandements,
je leur garde ma fidélité jusqu'à la millième génération.
7 Tu n'invoqueras pas le nom du SEIGNEUR ton Dieu pour le mal,
car le SEIGNEUR ne laissera pas impuni
celui qui invoque son nom
pour le mal.
8 Tu feras du sabbat un mémorial, un jour sacré.
9 Pendant six jours tu travailleras
et tu feras tout ton ouvrage ;
10 Mais le septième jour est le jour du repos,
sabbat en l'honneur du SEIGNEUR ton Dieu :
tu ne feras aucun ouvrage,
ni toi, ni ton fils, ni ta fille,
ni ton serviteur, ni ta servante, ni tes bêtes,
ni l'immigré qui réside dans ta ville.
11 Car en six jours le SEIGNEUR a fait le ciel,
la terre, la mer et tout ce qu'ils contiennent,
mais il s'est reposé le septième jour.
C'est pourquoi le SEIGNEUR a béni le jour du sabbat
et l'a consacré.
12 Honore ton père et ta mère, afin d'avoir longue vie
sur la terre que te donne le SEIGNEUR ton Dieu.
13 Tu ne commettras pas de meurtre.
14 Tu ne commettras pas d'adultère.
15 Tu ne commettras pas de vol.
16 Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain.
17 Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain ;
tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain,
ni son serviteur, ni sa servante,
ni son bœuf, ni son âne : rien de ce qui lui appartient. »

Ce texte que l’on appelle le Décalogue (ou les Dix Paroles) nous a été conservé sous deux formes concise (dite sacerdotale) et développée (dite deutéronomique, dont Saint Augustin a organisé la structuration en deux divisions. C’est celle-là qui a été adoptée par l’Église— voir Dt 5, 6-21).  Il s’agit ici de ce qui constitue la base, le fondement sur lequel s’organise la vie religieuse et morale du Peuple choisi. Le Décalogue est le cœur même de la Loi mosaïque que le Christ rappellera la valeur dans le cadre de la Nouvelle Loi en l’enrichissant des «conseils évangéliques» (Matthieu, au chapitre 10, 17-21, présente les recommandations de Jésus à ses disciples, un ensemble qui constituera en quelque sorte le « bréviaire du missionnaire »).
Nous n’allons pas commenter les dix commandements, et nous nous en tiendrons donc à quelques-uns. Tout d’abord le premier d’entre eux, celui qui raisonne à l’évocation du shema Israël  (Écoute, Israël) : «Tu n’auras pas d’autres dieux que moi». Dans le Deutéronome, cela est plus explicite encore et c’est la forme retenue et gravée dans la tradition juive : «Écoute, Israël : Yahvé notre Dieu est le seul Yahvé. Tu aimeras Yahvé ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir. Que ces paroles que je te dicte aujourd’hui restent gravées dans ton cœur ! Tu les répéteras à tes fils, tu les leur diras aussi bien assis dans ta maison que marchant sur la route, couché aussi bien que debout ; tu les attacheras à ta main comme un signe, sur ton front comme un bandeau ; tu les écriras sur les poteaux de ta maison et sur tes portes.» (Dt 6, 4-9). Sans aucun doute, il s’agit ici d’un commandement à double lecture : affirmation du monothéisme en Israël où Yahvé est présent — donc pas d’autres dieux devant sa face —, affirmation de la présence immédiate, sans intermédiaire de Dieu dans son peuple. Nous savons que plus tard Jésus nous apprendra cette prière du Notre Père pour celui qui veut parler à Dieu. La seconde prescription découle logiquement du premier : pas d’idolâtrie, cette tare d’un peuple impatient et infidèle. « Ne vous tournez pas vers les idoles et ne vous faites pas fondre des dieux de métal. Je suis Yahvé votre Dieu » (Lv 19, 4).
Dans Matthieu 22, 37, Jésus citera Dt 6, 5 pour donner le plus grand commandement, à savoir l’amour de Dieu qui crainte filiale et non pas servile. Mais le second, dira-t-il, qui lui ressemble est : «Tu aimeras ton prochain comme toi-même» (id). Et il précise : «A ces deux commandements se rattachent toute la Loi, ainsi que les Prophètes» (id). Si donc les premiers commandements concernent la relation de l’homme au Dieu unique, les suivants portent sur les relations à autrui. Ce double bordage vertical et horizontal à travers ces dix Paroles manifeste en réalité l’amour de Dieu pour son peuple et pour chacun de ses enfants ; il veut nous éviter de nous égarer, de suivre le mauvais chemin, celui du Mal. Car la récompense du SEIGNEUR est immense pour qui se nourrit et agit selon sa Loi : «… ceux qui m'aiment et observent mes commandements, je leur garde ma fidélité jusqu'à la millième génération». Le monde de Dieu ne se construit pas sans l’homme et avec des pierres… le nouveau monde de Dieu se construit avec et dans le cœur de l’homme. C’est pourquoi Jean le Baptiste puis Jésus lui-même se sont attachés à  appeler les peuples à la conversion : «Convertissez-vous, car le Royaume de Dieu est proche». Un cœur nouveau… telle est la prophétie d’Ézéchiel (Ez 11, 19-21) : «Je leur donnerai un même cœur. Et je mettrai en vous  un esprit nouveau; J’ôterai de leur chair le cœur de pierre et Je leur donnerai un cœur de chair, afin qu’ils suivent mes prescriptions et qu’ils observent et pratiquent mes ordonnances; Ils seront mon peuple et Je serai leur Dieu. Mais pour ceux qui dont le cœur  se plait à leurs abominations et leurs horreurs, je ferai retomber leurs œuvres sur leur têtes, -- Oracle du Seigneur, l’Éternel», de Jérémie (Jr 9, 24-25) : «J’interviendrai contre tous les circoncis qui ne le sont pas vraiment….Car toutes les nations sont incirconcises, et toute la maison d’Israël est incirconcise de cœur». La Loi qu’annonce Jésus est celle de la Nouvelle Alliance, celle de l’Amour infini de Dieu envers toute l’humanité et qui nous justifie désormais par la foi. Paul s’en fera le chantre inépuisable dans la Lettre aux Galates (3, 24) et celle aux Hébreux (8, 6-10) : «Mais maintenant, Christ a obtenu un ministère d’autant supérieur qu’il est médiateur d’une alliance meilleure, fondée sur des meilleures promesses. Si, en effet, la première alliance avait été irréprochable, il n’y aurait pas lieu d’en chercher une seconde. C’est sous formes de reproche que Dieu dit : voici que les jours viennent, dit le Seigneur, je conclurai une alliance nouvelle avec la maison d’Israël, et la maison de Juda. Ce ne sera pas comme l’alliance que j’ai traitée avec leurs pères… Or voici l’alliance que j’établirai avec la maison d’Israël, après ces jours là, dit le Seigneur; je mettrai mes lois dans leur intelligence, Je les inscrirai dans leur cœur…».

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• Psaume 18 (19), 8-11
La loi du SEIGNEUR est parfaite,
qui redonne vie ;
la charte du SEIGNEUR est sûre,
qui rend sages les simples.

9 Les préceptes du SEIGNEUR sont droits,
ils réjouissent le cœur ;
le commandement du SEIGNEUR est limpide,
il clarifie le regard.

10 La crainte qu'il inspire est pure,
elle est là pour toujours ;
les décisions du SEIGNEUR sont justes
et vraiment équitables :

11 plus désirables que l'or,
qu'une masse d'or fin,
plus savoureuses que le miel
qui coule des rayons.

Ce psaume de confiance fait écho à l’extrait du Décalogue ci-dessus ; il est un véritable hymne du Dieu créateur du ciel et de la terre, spécialement du soleil… mais aussi du Dieu créateur de la Loi. Nature et loi étant les marques de la perfection divine. Dans l’ancien Orient, le Soleil est le symbole de la justice. C’est pourquoi la liturgie de Noël applique ce symbole au Verbe de Dieu. Le Messie de Dieu est Soleil de justice.
Logiquement composé de deux parties distinctes. La première (versets 2 à 7) célèbre la gloire de Dieu dans le firmament de sa gloire ; la seconde (versets 8 à 15) qui fait l’éloge de la loi et de la lumière de Dieu révélée en sa Parole. Une Parole dont la clarté est plus étincelante que celle du Soleil. Le commandement de Dieu est droit, pur et sa parole est permanente (au sens où son contenu est inaltérable). Elle est riche comme l’or et douce comme le miel. L’homme qui respecte la Loi du Seigneur s’humilie et, de ce fait même, est récompensé de sa démarche par la justice de Celui qui est son rocher et son rédempteur.
Ce psaume peut être mis en miroir avec le psaume 119 (118), un psaume alphabétique dans lequel le psalmiste fait l’éloge de la loi divine en la différemment nommée : volonté, précepte, commandement, parole, témoignage, promesse, jugement, voie, chemin, route… autrement dit « enseignement révélé » tel qu’il a été transmis pas les prophètes.
« Heureux, impeccables en leur voie, | ceux qui marchent dans la loi de Yahvé. | Heureux, gardant son témoignage, | ceux qui le cherchent de tout cœur, | et qui, sans commettre de mal, | marchent dans ses voies » (Ps 119, 1-3).

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Deuxième lecture : Première Lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens (1, 22-25)
Frères,
22 alors que les Juifs réclament les signes du Messie,
et que le monde grec recherche une sagesse,
23 nous, nous proclamons un Messie crucifié,
scandale pour les Juifs,
folie pour les peuples païens.
24 Mais pour ceux que Dieu appelle,
qu'ils soient Juifs ou Grecs,
ce Messie est puissance de Dieu et sagesse de Dieu.
25 Car la folie de Dieu est plus sage que l'homme,
et la faiblesse de Dieu est plus forte que l'homme.
Sagesse du monde ou sagesse chrétienne, Paul recentre l’enjeu de la foi pour le chrétien. En effet, nous savons que le monde grec s’est illustré par la richesse et la diversité d’une pensée philosophique qui a irrigué principalement la civilisation occidentale et orientale. Un essor qui a été facilité par l’hégémonie politique et militaire  de la puissance hellénique de l’époque. Une Raison dont les Grecs pensaient qu’elle était le principe actif de l’univers. Mais une Raison qui était elle-même nourrie par d’innombrables divinités cosmogoniques. Car dans sa soif de s’expliquer les origines et la finalité du monde, la Raison philosophique cédait le pas à la mythologie. Et bien entendu la rencontre de cette culture grecque avec l’Évangile de Jésus-Christ en réinterroge les fondements. Voici qu’est révélé aux Grecs ce Jésus qui est venu vivre notre humanité, prendre sur lui tous les péchés des hommes et, par sa mort et sa résurrection, nous dire l’espérance du salut dans son royaume de gloire.
De leur côté, les Juifs — dont on peut penser qu’ils sont en proximité culturelle et spirituelle avec le message du Christ — demandent des signes visibles du Messie. Car ils sont en retard sur les événements qui se (se sont déroulés) et qui continuent d’irradier le monde sous leurs yeux. Les Juifs attendent des signes d’un pouvoir politique qui les libère de la domination romaine. Or l’Évangile annoncé par les Apôtres est une autre sagesse : celle-ci procède d’un langage nouveau, le langage de la croix du Christ, véritable signe de la puissance de Dieu.
Paul proclame que l’Évangile du Christ fait appel non pas à la pure intelligence ni à la sagesse ordinaire mais à la folie de l’amour et du cœur. Isaïe l’avait déjà prophétisé en son temps : «Yahvé a dit : Parce que ce peuple ne m’approche qu’en paroles, qu’il ne me glorifie que des lèvres, tandis que son cœur reste loin de moi, et que sa religion envers moi n’est que commandements humains, leçons apprises ! Eh bien ! Je vais continuer à lui prodiguer mes prodigieux prodiges. La sagesse de ses sages tournera court, l’intelligence de ses intelligences s’éclipsera», tel est l’oracle du Seigneur Dieu contre le culte hypocrite.
Oui, Juifs et Grecs font comme s’il ne s’était rien passé d’extraordinaire, ils semblent ignorer ou tout au moins minimiser le fait majeur qui s’est produit à Jérusalem : la mort et la résurrection du Christ. Devant l’Aréopage, Paul était profondément choqué de lire sur certains monuments d’Athènes l’inscription : AU DIEU INCONNU. La connaissance de Dieu, telle est la mission qu’il s’assigne : «Ce que vous adorez sans le connaître, je viens, moi, vous l’annoncer» (Ac 17, 23). Car dans la propagande du judaïsme hellénistique, les païens ne connaissent pas Dieu puisqu’ils adorent des idoles et dédient leurs autels « aux dieux inconnus ». Paul donne un contenu inédit à leurs dédicaces en leur annonçant la Bonne Nouvelle du Christ ressuscité. Ce Christ qui, dans l’annonce de sa glorification par sa mort (il y avait des Grecs dans la foule) : «J’attirerai tous les hommes à moi» (Jn 12, 32). Élevé sur la croix, Jésus apparaîtra comme le Sauveur du monde. Telle est la réponse qu’il fait aux Grecs pieux qui cherchent à le voir. Et, par la même occasion, il exhorte les Juifs à croire en lui avant qu’il soit trop tard. Mais hélas ! Même après sa mort, il s’en trouve toujours qui doutent. Alors résonnent encore les paroles du prophète Isaïe, rappelés par Jésus en personne : «Il a rendu leurs yeux aveugles, il a endurci leurs cœurs ; pour que leurs yeux ne voient pas, que leur cœur ne comprenne pas, qu’ils ne se convertissent pas et que je ne les guérisse pas» (Jn 12, 40). Il n’est pas anodin que Jésus prononce ces paroles avant le dernier repas qu’il partagera avec ses disciples… avant sa passion : «Qui croit en moi, ce n’est pas en moi qu’il croit mais en celui qui m’a envoyé, et qui me voit, voit celui qui m’a envoyé.» (Jn 12, 44)
Le Christ nous a ouvert de nouveaux horizons, il nous invite à partager sa folie, celle de la puissance de la croix. Avec sa résurrection, le monde et l’homme ne sont plus couchés, ils sont redressés, debout pour aller annoncer les fameuses Dix Paroles (Décalogue) synthétisées désormais en Une seule Parole, à savoir son Évangile d’AMOUR. Ce secret-là, il a été révélé aux petits, aux faibles, aux humbles de cœur, aux captifs, aux affligés… ce secret-là, c’est celui de la délivrance du péché, de la joie et de l’espérance. C’est le sens profond de  la mission pour laquelle il rend grâce à son Père : «Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d'avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l'avoir révélé aux tout-petits» (Mt 11, 25).
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Évangile de Jésus christ selon saint Jean (2, 13-25)

Comme la Pâque des Juifs approchait,
Jésus monta à Jérusalem.
14 Il trouva installés dans le Temple
les marchands de bœufs, de brebis et de colombes,
et les changeurs.
15 Il fit un fouet avec des cordes,
et les chassa tous du Temple ainsi que leurs brebis et leurs bœufs,
il jeta par terre la monnaie des changeurs,
renversa leurs comptoirs,
16 et dit aux marchands de colombes :
« Enlevez cela d'ici.
Ne faites pas de la maison de mon Père
une maison de trafic. »
17 Ses disciples se rappelèrent cette parole de l'Ecriture :
L'amour de ta maison fera mon tourment.
18 Les Juifs l'interpellèrent :
« Quel signe peux-tu nous donner
pour justifier ce que tu fais là ? »
19 Jésus leur répondit :
« Détruisez ce Temple,
et en trois jours je le relèverai ! »
20 Les Juifs lui répliquèrent :
« Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce Temple,
et toi, en trois jours tu le relèverais ! »
21 Mais le Temple dont il parlait, c'était son corps.
22 Aussi, quand il ressuscita d'entre les morts,
ses disciples se rappelèrent qu'il avait dit cela ;
ils crurent aux prophéties de l'Ecriture
et à la parole que Jésus avait dite.
23 Pendant qu'il était à Jérusalem pour la fête de la Pâque,
beaucoup crurent en lui,
à la vue des signes qu'il accomplissait.
24 Mais Jésus n'avait pas confiance en eux,
parce qu'il les connaissait tous
25 et n'avait besoin d'aucun témoignage sur l'homme :
il connaissait par lui-même ce qu'il y a dans l'homme.
Ce merveilleux texte de la prophétie du Temple relevé en trois jours nous fait entrer dans le style johannique dont les mots ont toujours un double sens qui donne à Jésus l’occasion de développer sa pensée. Ainsi, derrière des mots simples en apparence, il nous est demandé de rechercher un autre sens caché, surnaturel. Et les exemples sont nombreux : Temple, servitude, renaissance, pain vivant, eau vive, partir, réveiller, élever, laver, se manifester, etc.
Jean situe cette scène après le premier miracle de Jésus, la transformation de l’eau en vin aux noces de Cana. Autrement dit, relativement tôt dans son ministère. On parle de purification car le Temple de Jérusalem, c’est bien le lieu où réside le SEIGNEUR. Le geste de purification du Temple par Jésus en chassant les marchands n’est pas qu’un signe d’autorité par lequel il proclame sa filiation directe à Dieu («Otez cela d’ici. Ne faites plus de la maison de mon Père une maison de commerce »). D’ailleurs, les Juifs ne tardent pas à le lui faire savoir : «Quel signe nous montres-tu pour agir ainsi ?». Et la réponse de Jésus n’en est pas moins cinglante : «Détruisez ce sanctuaire : en trois jours je le relèverai». Mais ils ne comprennent pas encore le véritable sens de son propos. Jésus annonce l’actualité des temps messianiques qui sont ceux de la purification et de la sacralisation de toutes choses en pays d’Israël. Le Messie de Dieu rappelle ainsi la prophétie d’Ézéchiel et celle de Zacharie. En effet, nous savons que Ezéchiel est un prêtre ; le Temple est donc sa préoccupation majeure, qu’il s’agisse du Temple de Jérusalem souillé par des rites impurs que du Temple futur qu’il décrit si minutieusement les plans de reconstruction (Ez 40 à 44), ce Temple où il voit, en même temps que les péchés de Jérusalem, revenir Dieu dans sa grandeur: «… Et il me dit : As-tu vu, fils d’homme ? N’est-ce pas assez pour la maison de Juda de se livrer aux pratiques abominables auxquelles ils se livrent ici ?» (Ez 8, 17). Mais aussi la prophétie de Zacharie : «En ce jour, il y aura sur les clochettes des chevaux : “Sainte propriété de Yahvé“, et dans le Temple de Yahvé les marmites seront comme les coupes d’aspersion devant l’autel. Et toute marmite, à Jérusalem et en Juda, deviendra une sainte propriété de Yahvé Sabaot ; tous ceux qui veulent offrir un sacrifice viendront en prendre et s’en serviront pour cuisine ; et il n’y aura plus de marchands dans le Temple de Yahvé Sabaot, en ce jour-là » (Za, 14, 20-21).
Mais l’autre temple dont parle Jésus n’est autre que son propre corps qui sera brutalisé par le pouvoir politique romain et l’incompréhension du peuple juif. Oui, Yahvé qui, par la voix de son Ange, avait arrêté la main d’Abraham alors qu’il allait sacrifier son propre fils en obéissant à l’ordre de son Dieu, Yahvé laissera la main barbare des bourreaux romains transpercer d’une lance le corps de son Fils… pour le magnifier davantage par sa spectaculaire résurrection le troisième jour après sa mort et sa mise au tombeau.
Sacrilège donc pour les membres du sanhédrin que d’entendre Jésus se présenter à eux comme le Fils de Dieu. Et le faux témoignage contre lui se résumera dans ces mots : «Cet homme a dit : Je puis détruire le Temple de Dieu et le rebâtir en trois jours» (Mt 26, 61). Ce que tout le monde n’a pas compris, c’est que Jésus annonce ainsi la destruction du Temple et du culte juif qu’il symbolise… un monde ancien auquel il substitue un Temple nouveau, son propre corps ressuscité après trois jours et, ultérieurement, l’Eglise vivante qui le manifeste et le perpétue.