06/06/2012

« Dieu veille sur ceux qui le craignent, qui mettent leur espoir en son amour »


Dimanche 3 juin

FÊTE  DE LA TRINITÉ


Chers amis, bonjour!

Chaque fois que nous prions, nous prononçons cette phrase que Jésus lui-même a dite aux apôtres : «baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit». Avons-nous réfléchi à l'importance d'une telle signature, d'un tel engagement que nous prenons ou affichons "par délégation de pouvoir"? Certainement pas, tant cela est devenu machinal… Les textes de la liturgie de ce dimanche nous éclaire sur la démarche pédagogique déployée par Dieu à l'égard du peuple qu'il s'était choisi en l'arrachant du polythéisme ambiant pour se révéler à lui comme le seul vrai Dieu. La naissance du son Messie et sa vie parmi les homme de notre monde, puis la matérialisation de la présence de l'Esprit Saint a achevé la révélation non pas d'un polythéisme des temps nouveaux, mais le Dieu Unique dans la diversité de ses figures et de sa manifestation. Signe que par le baptême, tout homme devenant fils de Dieu intègre le siège même de l'AMOUR: Dieu dans sa réalité de Père, de Fils et d'Esprit Saint.



• Première Lecture - Deutéronome 4, 32-34. 39-40

Moïse disait au peuple d'Israël :
32 « Interroge les temps anciens qui t'ont précédé,
depuis le jour où Dieu créa l'homme sur la terre :
d'un bout du monde à l'autre,
est-il arrivé quelque chose d'aussi grand,
a-t-on jamais connu rien de pareil ?
33 Est-il un peuple qui ait entendu comme toi
la voix de Dieu parlant au milieu de la flamme,
et qui soit resté en vie ?
34 Est-il un dieu qui ait entrepris de se choisir une nation,
de venir la prendre au milieu d'une autre,
à travers des épreuves, des signes, des prodiges et des combats,
par la force de sa main et la vigueur de son bras,
et par des exploits terrifiants
comme tu as vu le SEIGNEUR ton Dieu,
le faire pour toi en Egypte ?
39 Sache donc aujourd'hui, et médite cela dans ton cœur :
le SEIGNEUR est Dieu,
là-haut dans le ciel comme ici-bas sur la terre,
et il n'y en a pas d'autre.
40 Tu garderas tous les jours
les commandements et les ordres du SEIGNEUR
que je te donne aujourd'hui,
afin d'avoir, toi et tes fils, bonheur et longue vie
sur la terre que te donne le SEIGNEUR ton Dieu. »



Il peut paraître curieux qu’à l’occasion de la célébration de la fête de la Trinité, la liturgie nous propose ce texte dans lequel, à aucun moment, il n’est question de ce mystère. Pourtant, ce n’est pas sans raison « pédagogique ». En effet, la Pentecôte, c’est-à-dire la manifestation de l’Esprit de Dieu au milieu des apôtres, boucle en quelque sorte la longue période du déploiement de la Révélation. Puisque désormais nous avons vu la gloire de Dieu à travers son Esprit aux multiples dons, ce texte nous permet de comprendre le chemin parcouru depuis le choix par Dieu lui-même (parmi d’autres), du peuple hébreu auquel il s’est révélé sur le Mont Horeb (voir Ex 33, 20 +) et qu’il a formé avec patience à travers son histoire jalonnée d’« épreuves, de signes, de prodiges et de combats, à main forte et à bras tendu et … de grandes terreurs ». Tous les Prophètes ont rappelé les hauts faits du Seigneur à l’avantage de son peuple : « Tu fis sortir ton peuple Israël du pays d’Égypte, par signes et prodiges, à main forte et à bras tendu » (Jr 32, 21), faisant ici allusion à cette spectaculaire scène de la séparation des eaux de la Mer Rouge, lorsque à travers le bras de Moïse, le peuple d’Israël traversa à pied sec ces eaux écumantes pour regagner la rive opposée cependant que, après leur passage, les soldats du Pharaon se faisaient engloutir par la mer sui se refermait. Isaïe aussi n’a eu de cesse de rappeler ces exploits et surtout cette inflexible fidélité de Dieu à l’égard de son peuple, lui le seul et vrai Dieu : « C’est vous qui êtes mes témoins, oracle de Yahvé — et mes serviteurs que j’ai élus pour qu’on me connaisse et qu’on me croie sur parole et que l’on comprenne que c’est moi. Avant moi, aucun dieu ne fut formé et il n’y en aura pas après moi. Moi, moi, je suis Yahvé, il n’y a pas d’autre sauveur que moi. C’est moi qui ai révélé, sauvé et proclamé » (Is 43, 10-12).

C’est pourquoi ce texte, en réalité la fin du premier discours de Moïse, commence par souligner les faits historiques qui ont caractérisé la grandeur de l’élection divine. Et tout le temps qui sépare le moment de la première révélation et la Pentecôte vécue par les apôtres fut un temps de formation et de pédagogie à la reconnaissance et l’adoration de Yahvé, le seul Dieu. Au milieu des autres peuples qui étaient fondamentalement polythéistes, la tâche ne fut pas facile tant les reniements, les découragements, les trahisons et les révoltes seront fréquents parmi les enfants d’Israël. Mais dans ce monde de polythéisme, il n’aurait pas été possible pour Dieu, à cette étape de la révélation, de parler d’une existence trinitaire ; les autres peuples croyaient en plusieurs dieux, certes, mais pas à un dieu trinitaire. Il fallait donc d’abord sortir ce peuple du polythéisme en insistant sur le Dieu Unique. C’est bien plus tard, après la vie sur terre du Messie, son propre Fils (la deuxième Personne) qu’il sera opportun d’annoncer l’existence et la venue de l’Esprit Saint (troisième Personne dans le monde.
On aurait tendance à vouloir épiloguer sur la rationalité d’une telle existence. Comment concevoir un Dieu communion d’amour entre trois personnes ? Justement, il est vain de prétendre un tant soit peu capter dans les cases de notre raison, aussi puissante soit-elle, l’infinie richesse de cet amour. On parle ici de « mystère » non pas parce que l’objet serait « absurde » mais au contraire parce que cet objet, cette réalité, ne peuvent être appréhendés par notre seule raison. D’ailleurs, la foi — puisque c’es de la foi qu’il est question — n’est pas affaire de raison : elle une folie amoureuse de l’homme saisi par cette force vitale qui ouvre ce qui est clos, éclaire ce qui est dans l’ombre, réjouit ce qui est affligé et libère ce qui est en captivité. Saint Augustin, dans sa curiosité à vouloir comprendre cette Trinité, s’était finalement écrié : « Credo quia absurdum » (« Je crois parce que c’est absurde »). Il faut y voir non pas une défaite de la raison. Bien au contraire ! C’est le cri de la foi qui déchire le cœur de celui qui comprend comme sous une illumination que Dieu se laisse saisir par sa présence au plus profond de chacun de nous et dans toute la création qui est l’œuvre de ses mains.
 
• Psaume 32 (33), 4-5. 6. 9. 18. 20. 21-22

Elle est droite la parole du SEIGNEUR ;
il est fidèle en tout ce qu'il fait.
5 Il aime le bon droit et la justice ;
la terre est remplie de son amour.

6 Le SEIGNEUR a fait les cieux par sa parole,
l'univers, par le souffle de sa bouche.
9 Il parla, et ce qu'il dit exista ;
il commanda et ce qu'il dit survint.

18 Dieu veille sur ceux qui le craignent,
qui mettent leur espoir en son amour.
20 Nous attendons notre vie du SEIGNEUR :
il est pour nous un appui, un bouclier.

21 La joie de notre cœur vient de lui,
notre confiance est dans son nom très saint.
22 Que ton amour, SEIGNEUR, soit sur nous
comme notre espoir est en toi !



Dommage que l’on n’ait pas commencé par le tout début de ce psaume, tant les 3 premiers versets donnent la tonalité de cet hymne à la Providence !

Criez de joie, les justes, pour Yahvé
Aux cœurs droits la louange va bien ;
Rendez grâce à Yahvé sur la harpe,
Jouez-lui sur la lyre à dix cordes ;
chantez-lui un cantique nouveau,
de tout votre art accompagnez l’ovation.


Cette strophe résonne comme un cri de guerre de toute une armée en ovation à son chef, une sorte de « garde à vous », de « haut les cœurs » (« sursum corda »). Ce qui était un salut à Yahvé, Dieu des armées, est devenu un rituel qui a pris un sens cultuel et liturgique, un cri d’exaltation de Yahvé, roi d’Israël et des païens, sauveur et juge et Messie.
Tout le psaume redit la magnificence du Dieu à la fois créateur par la puissance de sa parole (il dit et cela est), stratège et guerrier victorieux dans les combats, protecteur de la nation qu’il s’est choisie en héritage. Mais Yahvé est attentif à ceux qui le craignent, c’est-à-dire à ceux qui ont mis en lui leur confiance et cru en sa parole, ceux qui la mettent en pratique. Les incroyants n’ont pas encore cette faveur. C’est ainsi d’ailleurs que les enfants d’Israël sont exhortés à la crainte de Dieu [voir Ps 115 (113B)]:

« Maison d’Israël, mets ta foi en Yahvé
lui, leur secours et bouclier !
Maison d’Aaron, mets ta foi en Yahvé,
lui, leur secours et bouclier !
Ceux qui craignent Yahvé, ayez foi en Yahvé,
Lui, leur secours et bouclier !

Cette parole, ce souffle par lequel les choses et les êtres sont créés, c’est aujourd’hui cet Esprit Saint qui parle aux hommes dans leur quête de connaissance de Dieu. Cet Esprit remplit l’univers, il est la marque de son amour pour toute sa création. Parce qu’il illumine notre intelligence, l’Esprit de Dieu nous libère de la servitude de l’ignorance. La connaissance de Dieu à laquelle il nous conduit est celle qui nous autorise à clamer que « Jésus-Christ, envoyé dans le monde par son Père, est Roi et Seigneur ». Cet Esprit est Parole, et cette Parole est une Personne. Alors, on peut comprendre pourquoi dans son prologue Saint Jean commence par cette affirmation énigmatique : « Au commencement était le Verbe... Tout fut par lui, et rien de ce qui fut ne fut sans lui ». Et, comme le dit Paul dans sa deuxième Lettre aux Romains (2 Rm, 8, 16) : « C'est donc l'Esprit Saint lui-même qui affirme à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu ». Tout comme Pierre n’avait pas professé sa foi par sa seule force, nous aussi nous ne pouvons rien affirmer ni tenir dans la durée un quelconque engagement envers Dieu sans la force et la grâce de l’Esprit Saint.



• Deuxième Lecture - Romains 8, 14 - 17

Frères,
14 tous ceux qui se laissent conduire par l'Esprit de Dieu,
ceux-là sont fils de Dieu.
15 L'Esprit que vous avez reçu ne fait pas de vous des esclaves,
des gens qui ont encore peur ;
c'est un Esprit qui fait de vous des fils ;
poussés par cet Esprit,
nous crions vers le Père
en l'appelant « Abba ! »
16 C'est donc l'Esprit Saint lui-même qui affirme à notre esprit
que nous sommes enfants de Dieu.
17 Puisque nous sommes ses enfants,
nous sommes aussi ses héritiers ;
héritiers de Dieu,
héritiers avec le Christ,
à condition de souffrir avec lui
pour être avec lui dans la gloire.



Car en effet, enfants de Dieu, nous le sommes grâce à l’Esprit. Non pas un esprit comparé à une sorte de « maître intérieur » (tels la conscience ou le « bon sens » cartésien !), mais un Esprit Saint principe fondamental d’une vie proprement divine. Cet Esprit Saint qui nous donne la force de prononcer ces mots du Christ en prière à Gethsémani : « Abba ! Père ». Dieu, dans son infinie tendresse pour l’homme, a voulu le sortir de la condition d’esclave pour le hisser au rang de « fils », c’est-à-dire héritier avec le Christ et donc promis à la même gloire. Mais c’est Paul qui écrira que cet héritage est condition par notre engagement à la suite du Christ : « Si nous souffrons avec lui, avec lui nous règnerons ; si nous mourrons avec lui, avec lui nous règnerons ». Encore une fois, le salut ne se réalise pas sans notre implication, sans notre volonté ; le salut de l’homme par Dieu n’est pas mécanique et forcé : il suppose de sa part une démarche volontaire et libre. Oui, Dieu nous aime libres et engagés. Et l’Esprit Saint est là, présent au cœur de nos vies pour éclairer et nous affranchir de toute servitude.



• Évangile - Matthieu 28, 16 - 20

Au temps de Pâques,
16 Les onze disciples s'en allèrent en Galilée,
à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre.
17 Quand ils le virent, ils se prosternèrent,
mais certains eurent des doutes.
18 Jésus s'approcha d'eux et leur adressa ces paroles :
« Tout pouvoir m'a été donné
au ciel et sur la terre.
19 Allez donc !
De toutes les nations faites des disciples,
baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit ;
20 et apprenez-leur
à garder tous les commandements que je vous ai donnés.
Et moi, je suis avec vous
tous les jours jusqu'à la fin du monde. »



Imaginons le caractère exceptionnel de ce qui vient de se passer à Jérusalem : la résurrection de Jésus. Tout le monde en parle. Certains se disent « bluffés » par le tour de magie que vient de leur faire le Nazaréen, d’autres au contraire ne tarissent pas d’éloge et de piété devant la puissance de ce qui vient de se réaliser. Mais il est un groupe, un tout petit groupe d’hommes, ses disciples, qui sont allés en Galilée se mettre à l’abri de la colère et des représailles du pouvoir romain. Les apôtres ont peur des suites politiques de ce coup d’éclat du Seigneur. La peur, un sentiment somme toute normal. Mais pour ne pas les laisser s’installer dans le doute, Jésus vient au milieu d’eux et leur délivre ces paroles qui constitueront en quelque sorte leur « feuille de mission » pour la suite des événements. Plutôt que de rester là, prostrés et tétanisés, ils sont galvanisés par Jésus : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre ». Un rappel à la foi en celui qui a fait des miracles devant eux, une mise en confiance de la part de celui qui leur avait donné le pouvoir de guérir les malades, de chasser les démons… lors de leur période d’essai. Puis, cet ordre de mission : « Allez donc ! de toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit… ».
Jésus, par cette formule qui deviendra la signature des chrétiens, vient de leur révéler le mystère de la Trinité : UN + UN + UN = TROIS EN UN. Rien à voir avec certaines publicités de shampoing ! D’ailleurs, on peut toujours se demander si dans ces produits les différents composants sont également efficaces… La formule trinitaire qu’énonce Jésus signifie que désormais la vie de tout chrétien dans chacun de ses actes trouve sa justification dans le Père, le Fils et le Saint Esprit. Le nom, c’est-à-dire la personne même de Dieu. Cela veut aussi dire que, à l’instar des apôtres des avaient reçu l’Esprit Saint le jour le Pentecôte, nous aussi, nous ne serons plus jamais seuls sur les routes de l’évangélisation. Baptiser, c’est donc plonger dans la Trinité qui est la véritable source de notre vie spirituelle. Et si le Christ nous envoie dans cette folie d’essaimage de sa Parole à travers le monde, il nous rassure : « Je suis avec vous jusqu’à la fin des temps ».
 



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