Troisième dimanche de Pâques - année A I
Chers amis, bonjour !
En ce dimanche, il est question de compagnonnage et de vue, mieux de vision. En effet, sur les routes de nos vies où Dieu se montre à nous sous diverses apparences, marchant à nos côtés, avons-nous jamais été capables de le reconnaître ? Avons-nous jamais été capables de poser notre regard sur la densité des vies qui se déploient devant nous, souvent en silence et dans l’indifférence de la société ? Avons-nous jamais été capables d’ouvrir nos yeux pour comprendre l’appel de Dieu à travers nos frères ? Car Jésus, mort et ressuscité est là au milieu de nous. Il se dérobe au regard des disciples d’Emmaüs non pas pour leur fausser compagnie, ni pour les semer ou encore pour jouer à cache-cache… Bien au contraire, il disparaît de leur (notre) vue pour se laisser saisir désormais dans leurs (nos) cœurs.
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Lecture du livre des Actes
des Apôtres (2, 14. 22b-33)
Pierre
annonce le Christ ressuscité
Le jour de la Pentecôte,
Pierre, debout avec les onze autres Apôtres, prit la parole ; il dit d’une voix
forte : « Habitants de la Judée, et vous tous qui séjournez à Jérusalem,
comprenez ce qui se passe aujourd’hui, écoutez bien ce que je vais vous dire.
Il s’agit de Jésus le Nazaréen, cet homme dont Dieu avait fait connaître la
mission en accomplissant par lui des miracles, des prodiges et des signes au
milieu de vous, comme vous le savez bien. Cet homme, livré selon le plan et la
volonté de Dieu, vous l’avez fait mourir en le faisant clouer à la croix par la
main des païens.
«
Or, Dieu l’a ressuscité en mettant fin aux douleurs de la mort, car il n’était
pas possible qu’elle le retienne en son pouvoir. En effet, c’est de lui que
parle le psaume de David : Je regardais le Seigneur sans relâche, s’il est à
mon côté, je ne tombe pas. Oui, mon cœur est dans l’allégresse, ma langue
chante de joie ; ma chair elle-même reposera dans l’espérance : tu ne peux pas
m’abandonner à la mort ni laisser ton fidèle connaître la corruption. Tu m’as
montré le chemin de la vie, tu me rempliras d’allégresse par ta présence.
«
Frères, au sujet de David notre père, on peut vous dire avec assurance qu’il
est mort, qu’il a été enterré, et que son tombeau est
encore aujourd’hui chez nous. Mais il était prophète, il savait que Dieu lui avait juré
de faire asseoir sur son trône un de ses descendants. Il a vu d’avance la résurrection du Christ, dont il
a parlé ainsi : Il
n’a pas été abandonné à la mort, et sa chair n’a pas connu la corruption. « Ce Jésus, Dieu l’a ressuscité ; nous tous,
nous en sommes témoins.
Élevé dans la gloire par la puissance de Dieu, il a reçu de son Père l’Esprit Saint qui était
promis, et il l’a répandu sur nous : c’est cela que vous voyez et que vous entendez. »
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Lecture de la première
lettre de saint Pierre Apôtre (1, 17-21)
Le
Christ ressuscité donne à notre vie son vrai sens
Frères, vous invoquez comme
votre Père celui qui ne fait pas de différence entre les hommes, mais qui les
juge chacun d’après ses actes ; vivez donc,
pendant votre séjour sur terre, dans la crainte de Dieu. Vous le savez : ce qui vous a libérés de
la vie sans but que
vous meniez à la suite de vos pères, ce n’est pas l’or et l’argent, car ils seront détruits ;
c’est le sang précieux du Christ,
l’Agneau sans défaut et sans tache. Dieu l’avait choisi dès avant la création du monde, et il l’a
manifesté à cause de
vous, en ces temps qui sont les derniers. C’est par lui que vous croyez en Dieu, qui
l’a ressuscité d’entre les morts et lui a donné la gloire ; ainsi vous mettez votre foi et
votre espérance en Dieu.
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Évangile de Jésus Christ selon
saint Luc (24, 13-35)
Apparition
aux disciples d’Emmaüs
Le troisième jour après la
mort de Jésus, deux disciples faisaient route vers un village appelé Emmaüs, à
deux heures de marche de Jérusalem, et ils parlaient ensemble de tout ce qui
s’était passé.
Or,
tandis qu’ils parlaient et discutaient, Jésus lui-même s’approcha, et il
marchait avec eux. Mais leurs yeux étaient aveuglés, et ils ne le
reconnaissaient pas. Jésus leur dit : « De quoi causiez-vous donc, tout en
marchant ? » Alors, ils s’arrêtèrent, tout tristes. L’un des deux,
nommé Cléophas, répondit : « Tu es bien le seul, de tous ceux
qui étaient à Jérusalem, à ignorer les événements de ces jours-ci. »
Il
leur dit : « Quels événements ? » Ils lui répondirent : « Ce
qui est arrivé à Jésus de Nazareth : cet homme était un prophète puissant par
ses actes et ses paroles devant Dieu et devant tout le peuple. Les chefs des
prêtres et nos dirigeants l’ont livré, ils l’ont fait condamner à mort et ils
l’ont crucifié. Et nous qui espérions qu’il serait le libérateur d’Israël !
Avec tout cela, voici déjà le troisième jour qui passe depuis que c’est arrivé.
À vrai dire, nous avons été bouleversés par quelques femmes de notre groupe.
Elles sont allées au tombeau de très bonne heure, et elles n’ont pas trouvé son
corps ; elles sont même venues nous dire qu’elles avaient eu une apparition :
des anges, qui disaient qu’il est vivant.
Quelques-uns de nos compagnons sont
allés au tombeau, et ils ont trouvé les choses comme les femmes l’avaient dit ;
mais lui, ils ne l’ont pas vu. » Il leur dit alors : « Vous n’avez donc
pas compris ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce qu’ont dit les
prophètes ! Ne fallait-il pas que le Messie souffrît tout cela pour entrer dans
sa gloire ? » Et, en partant de Moïse et de tous les Prophètes, il
leur expliqua, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait.
Quand ils approchèrent du village où
ils se rendaient, Jésus fit semblant d’aller plus loin. Mais ils s’efforcèrent
de le retenir : « Reste avec nous : le soir approche et déjà le jour baisse. »
Il entra donc pour rester avec eux. Quand il fut à table avec eux, il prit le
pain, dit la bénédiction, le rompit et le leur donna. Alors leurs yeux
s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards. Alors ils
se dirent l’un à l’autre : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous,
tandis qu’il nous parlait sur la route, et qu’il nous faisait comprendre les
Écritures ? » À l’instant même, ils se levèrent et retournèrent à
Jérusalem. Ils y trouvèrent réunis les onze Apôtres et leurs compagnons, qui
leur dirent : « C’est vrai ! le Seigneur est ressuscité : il est apparu à
Simon-Pierre. » À leur tour, ils racontaient ce qui s’était passé sur la route,
et comment ils l’avaient reconnu quand il avait rompu le pain.
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Homélie du rp joseph yongolo
en mission dans le diocèse de Cayenne (guyane)
en mission dans le diocèse de Cayenne (guyane)
Mes amis, chers frères et sœurs,
La première lecture que nous avons écoutée, récapitule en quelque sorte les
explications que Jésus donne aux disciples d'Emmaüs. Elle met en évidence une
distinction que nous ne saisissons pas toujours et qui est pourtant d'une
importance capitale :
Beaucoup imaginent que c’était écrit. Dieu le voulait. Il fallait que le
Christ meure sur la croix pour payer nos dettes envers lui et subir à notre
place le châtiment que nous méritons.
Ce n'est pourtant pas ce que dit notre texte de l’évangile de ce jour: «Cet
homme, livré selon le plan et la volonté de Dieu, vous l'avez fait mourir en le
faisant clouer à la croix par la main des païens.»
Pesons bien les mots : certes Dieu a voulu nous livrer le Christ,
c'est-à-dire, par lui et en lui, Dieu en Jésus son fils a voulu se mettre à la
disposition de la liberté humaine. La question est : qu'avons-nous fait de lui
?
Nous l'avons crucifié, éliminé de nos villes, éliminé de nos vies, réduit
au silence au moment de décisions importantes. Au cœur de notre histoire, Jésus
vient révéler ce drame le plus souvent caché et ignoré.
Mais en même temps, nous apprenons que notre meurtre de l'amour n'aboutit
qu'à la mort de la mort. La pièce à conviction, le cadavre, nous est dérobée ;
les femmes qui se sont rendues au tombeau «n'ont pas trouvé le corps», disent
les disciples d'Emmaüs. Et pourtant c'est bien d'un être corporel qu'ils disent
cela, mais sur ce corps ils n'ont plus prise : l'homme terminal, l’homme
définitif a surmonté et vaincu la mort.
Le chemin de la foi est un chemin accidenté.
Tel est le message de ce texte.
Voici donc les deux disciples fuyant le lieu où ils avaient cru voir se
concrétiser leurs espérances. Jérusalem ! La ville où, pour Luc, tout se passe.
Fausse route, route de déception et de tristesse. «Et nous qui espérions qu'il
serait le libérateur d'Israël!»
Si l'évangéliste Luc nous raconte avec tant de détails cet épisode auquel
Marc ne consacre que deux versets et que Matthieu et Jean ignorent, c'est sans
doute pour nous inviter à nous projeter dans le désespoir des deux disciples.
Il nous arrive de voir notre foi s'estomper ou même disparaître. Souvent,
cette éclipse franchit un second degré : elle se double de l'angoisse de ne
plus croire. Difficile de comprendre à ce moment-là que cette angoisse cache en
fait une forme subtile de la foi elle-même.
Luc nous révèle que nos défaillances ne sont ni anormales ni vouées à la
catastrophe. Le plus souvent, comme pour les disciples d'Emmaüs, nous sommes en
train de perdre une foi trop naïve pour passer à une forme plus authentique de
la foi ; et ce processus n'est jamais terminé.
Au verset 32, nous voyons les disciples dans la joie d'une foi toute neuve ; au verset 37 (qui est hors lecture), la foi disparaît à nouveau pour faire
place à «la stupeur et l'effroi».
Puisque ces faiblesses ont été prévues et tolérées dans le cas des premiers
disciples, ne soyons pas surpris de les trouver en nous-mêmes. Soyons
indulgents à notre égard.
"Jésus
s'approcha et il marchait avec eux"
Ils ne le
reconnaissaient pas car leurs yeux étaient «aveuglés». Plusieurs fois
l'Écriture fait état de cette cécité. Par exemple, Jacob, après son combat avec
l’ange, fait un songe où voit une échelle qui unit la terre et le ciel. Il s’exclame
alors : «Vraiment, Dieu est en ce
lieu et moi je ne le savais pas!» (Genèse
28,16).
Pour
prendre conscience de la présence divine, il a fallu qu'il se réveille. Ainsi
en va-t-il pour nous : Nous baignons dans la léthargie du doute, du
découragement, de la tristesse et de temps en temps nous prenons conscience du
fait que le Christ marchait avec nous, alors que nous pensions être en proie à
la plus grande solitude.
En fait,
Dieu est toujours là, à nos côtés, ou plutôt en nous, et l'absence de celui qui
nous fait être signifierait notre disparition.
C'est pour
cela que Saint Ignace de Loyola, fondateur des jésuites, la compagnie de Jésus,
nous recommande de nous rappeler, aux heures de détresse et de solitude, ces
instants où «notre cœur était brûlant» de la présence divine.
Le Christ
ne nous laisse jamais seuls ; il est toujours, insaisissable, notre compagnon
de route, et nous n'avons pas à nous faire de souci quand nous nous trouvons,
nous aussi, «lents à croire».
Un rappel :
les disciples d'Emmaüs sont nos précurseurs. Comme nous, en effet, ils en sont
déjà aux trois piliers de la foi de ceux qui n'ont jamais vu Jésus :
l'Écriture, que Jésus leur fait comprendre ; le partage du pain, symbole de
l'amour qui doit nous unir ; la communauté que nous appelons Église, que les
deux disciples retrouvent à la fin du récit.
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