Dimanche 26 août 2012, 21e dimanche après Pâques
Chers amis, bonjour !
Les trois textes de ce dimanche mettent en avant la
fidélité du peuple et de chacun de nous au Dieu unique, Verbe fait chair et
Pain descendu du ciel. A travers trois fresques différentes, la liturgie nous
propose de revisiter le pacte d’amour qui unit l’homme à Dieu, au Dieu unique.
Il n’est pas inintéressant de compléter ces trois textes par une lecture
approfondie de la Première Lettre encyclique « DEUS
AMOR EST » du Souverain Pontife Benoît XVI aux évêques, aux prêtres et
aux diacres, aux personnes consacrées et à tous les fidèles laïcs sur l’amour
chrétien.
PREMIÈRE LECTURE - Livre de Josué (24, 1-2a. 15-17. 18b)
Fidélité des tribus au Dieu unique
Josué réunit
toutes les tribus d’Israël à Sichem ; puis il appela les anciens d’Israël avec
les chefs, les juges et les commissaires; ensemble ils se présentèrent devant
Dieu. Josué dit alors à tout le peuple : « S’il ne vous plaît pas de servir le
Seigneur, choisissez aujourd’hui qui vous voulez servir : les dieux que vos
pères servaient au-delà de l’Euphrate, ou les dieux des Amorites dont vous
habitez le pays. Moi et les miens, nous voulons servir le Seigneur. »
Le peuple répondit : « Plutôt mourir que
d’abandonner le Seigneur pour servir d’autres dieux ! C’est le Seigneur notre
Dieu qui nous a fait monter, nous et nos pères, du pays d’Égypte, cette maison
d’esclavage ; c’est lui qui, sous nos yeux, a opéré tous ces grands prodiges et
nous a protégés tout le long du chemin que nous avons parcouru, chez tous les
peuples au milieu desquels nous sommes passés. Nous aussi, nous voulons servir
le Seigneur, car c’est lui notre Dieu. »
Les Livres de Josué, des Juges, de Ruth, de Samuel et des Rois sont
appelés sont attribués à ceux que la tradition chrétienne a placés (dans la
version hébraïque de la Bible) dans la catégorie de « prophètes
antérieurs » avec un caractère commun : ils sont historiques et ont
pour sujet principal les rapports d’Israël avec Yahvé, sa fidélité (plus
souvent son infidélité) à la Parole de Dieu dont les prophètes sont les
médiateurs, les transcripteurs. Mais cette classification est à prendre pour sa
valeur « organisatrice » de l’écrit biblique puisque l’on sait par
ailleurs que le Livre du Deutéronome est la narration du début d’une grande et
longue histoire religieuse qui se prolonge jusqu’à la fin des Rois. Toujours
est-il que le Livre de Josué commence justement au lendemain de la mort de
Moïse. Josué est désigné comme le successeur de Moïse.
Divisé en trois parties [La conquête de la Terre promise (1-12),
la répartition du territoire entre les tribus (13-21) et la fin de la carrière
de Josué, particulièrement son dernier discours et l’assemblée de Sichem
(22-24)], le Livre de Josué est le récit (parfois idéalisé) de l’épopée de la
sortie d’Égypte vers la conquête de cette Terre promise où Dieu lui-même
intervient miraculeusement en faveur de son peuple.
Dans l’extrait de son discours à l‘assemblée de Sichem, Josué pose à
ses compatriotes une question fondamentale : voulez-vous servir les
nombreux dieux des habitants que vous avez rencontrés sur ce territoire, ou
bien voulez-vous continuer à servir le Dieu de nos Pères ? On ne peut pas
comprendre une telle question si l’on ne précise pas qu’elle s’adresse autant à
ceux des enfants d’Israël qui ont bénéficié des merveilles et des révélations
du désert que pour les membres des groupes parents qui les ont rejoints sur ces
terres. De plus, rappelons que Sichem est le lieu prédestiné pour une telle
refondation de l’Alliance entre Yahvé et son peuple : lieu favorable au
rassemblement des tribus, Sichem est le lieu où Abraham avait élevé un autel
(Gn 12, 6-7), c’est là que Jacob avait acquis ses droits et par al suite enfoui
les idoles rapportées de Mésopotamie (Gn 35, 2-4). La question de Josué
redéfinit les termes d’un nouveau pacte religieux.
Nous lisons que le peuple redit sa fidélité à Yahvé, « le Dieu
saint et jaloux » (24, 19) et renonce ainsi à l’idolâtrie : « Ce
jour-là, Josué conclut une alliance pour le peuple ; il lui fixa un statut
et un droit, à Sichem. Josué transcrivit ces paroles dans le livre de la Loi de
Dieu. Il prit ensuite une grosse pierre et la dressa là sous le chêne qui est
dans le sanctuaire de Yahvé. Josué dit alors à tout le peuple :
“Voyez ! Cette pierre sera un témoin contre nous parce qu’elle a entendu
toutes les paroles que Yahvé nous a adressées ; elle sera un témoin contre
vous pour vous empêcher de renier votre Dieu“ (24, 25-27).
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PSAUME 33 (34)
Je bénirai le Seigneur en tout temps,
sa louange sans cesse à mes lèvres.
Je me glorifierai dans le Seigneur :
que les pauvres m’entendent et soient en fête !
Le Seigneur regarde les justes,
il écoute, attentif à leurs cris.
Le Seigneur affronte les méchants
pour effacer de la terre leur mémoire.
Malheur sur malheur pour le juste,
mais le Seigneur chaque fois le délivre.
Il veille sur chacun de ses os,
pas un ne sera brisé.
Le mal tuera les méchants ;
ils seront châtiés d’avoir haï le juste.
Le Seigneur rachètera ses serviteurs :
pas de châtiment pour qui trouve en lui son refuge.
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DEUXIÈME LECTURE - ÉPHÉSIENS (5, 21 – 32)
Le grand mystère du Christ, époux de son
Église
Frères, par
respect pour le Christ, soyez soumis les uns aux autres ; les femmes, à leur
mari, comme au Seigneur Jésus ; car, pour la femme, le mari est la tête, tout
comme, pour l’Église, le Christ est la tête, lui qui est le Sauveur de son
corps. Eh bien ! si l’Église se soumet au Christ, qu’il en soit toujours de
même pour les femmes à l’égard de leur mari. Vous, les hommes, aimez votre femme
à l’exemple du Christ : il a aimé l’Église, il s’est livré pour elle ; il
voulait la rendre sainte en la purifiant par le bain du baptême et la Parole de
vie ; il voulait se la présenter à lui-même, cette Église, resplendissante,
sans tache, ni ride, ni aucun défaut ; il la voulait sainte et irréprochable.
C’est comme cela que le mari doit aimer sa femme : comme son propre corps.
Celui qui aime sa femme s’aime soi-même. Jamais personne n’a méprisé son propre
corps : au contraire, on le nourrit, on en prend soin. C’est ce que fait le
Christ pour l’Église, parce que nous sommes les membres de son corps. Comme dit
l’Écriture : à cause de cela, l’homme
quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront
plus qu’un. Ce mystère est grand : je le dis en pensant au Christ et à
l’Église.
Nous connaissons tous ce fameux texte de Paul souvent lu à l’occasion
des mariages. Certains esprits y ont vu une conception rétrograde de la femme
réduite en esclavage et en servitude face à l’homme. Comprenons qu’il s’agit là
d’une conception pour le moins saugrenue et (il faut le dire) idiote. Car le
propos de l’apôtre Paul ne fait pas l’éloge de la domination de l’un sur
l’autre, bien au contraire ! Nous sommes ici en présence d’un corpus de
morale domestique : face aux turpitudes des populations païennes d’Éphèse,
Paul exhorte les chrétiens à se différencier en prenant pour exemple le Christ
lui-même. Le sens du texte est à décrypter dans le parallèle que Paul établit
entre le mariage humain et l’union du Christ à son Église.
Le Christ est ici présenté comme époux de l’Église qu’il aime comme
son propre corps, comme c’est le cas entre mari et femme. C’est cette
affirmation théologale fournit en retour le modèle de comparaison et de
compréhension du mariage humain. Notons que Paul très subtilement met en relief
une partie de la tradition orientale : la fiancée était baignée et
purifiée et, ainsi purifiée, les fils de la noce allaient la présenter à son
fiancé. De même, le Christ a lavé mystiquement de toute souillure l’Église, sa
fiancée, en la plongeant dans les eaux du baptême pour se la présenter à
lui-même.
Paul fonde donc le lien du mariage dans le Christ lui-même qui est
l’alpha et l’oméga de tout projet, de toute initiative. Point de sens, et point
de salut en dehors du Christ. Quiconque se sépare de Lui périt telle une
branche coupée du tronc de l’arbre. Ainsi, comme dans la relation de mariage,
chaque baptisé s’unit au Christ avec lequel il ne forme plus qu’un seul corps
et une seule chair. C’est en cela que tous ceux qui s’engagent dans ce pacte de
fidélité peuvent professer : « Un seul Seigneur, une seule foi, un
seul baptême, un seul Dieu et Père ». Le sens du mot
« communion » se dégage dans toute la première Lettre de Saint Paul
aux Corinthiens : La coupe de bénédiction que nous bénissons n'est-elle
pas communion au Sang du Christ ? Le pain que nous rompons n'est-il pas
communion au Corps du Christ ? Puisqu'il y a un seul pain, nous sommes, nous
tous, un seul Corps, car tous nous participons à un Pain unique (1 Co 10,
17-17). Aujourd’hui encore, les plus hautes autorités de l’Église consolident
le message fondamental du Christ autour de cette union à son Corps mystique qui
induit une charité effective entre membres de son Église : … L’union avec le Christ est en même temps union avec tous ceux auxquels
il se donne. Je ne peux avoir le Christ pour moi seul ; je ne peux lui
appartenir qu’en union avec tous ceux qui sont devenus ou qui deviendront
siens. La communion me tire hors de moi-même vers lui et, en même temps, vers
l’unité avec tous les chrétiens. Nous devenons « un seul corps », fondus
ensemble dans une unique existence. L’amour pour Dieu et l’amour pour le
prochain sont maintenant vraiment unis : le Dieu incarné nous attire tous à lui. »
Benoît XVI, Encyclique Deus caritas
est (14), 25 décembre 2005.
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ÉVANGILE - Jean 6, 51 - 58
Fidélité des Douze et confession de foi de
Simon-Pierre
Jésus avait dit
dans la synagogue de Capharnaüm : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang
a la vie éternelle. » Beaucoup de ses disciples, qui avaient entendu,
s’écrièrent : « Ce qu’il dit là est intolérable, on ne peut pas continuer à
l’écouter ! » Jésus connaissait par lui-même ces récriminations des disciples. Il leur dit : « Cela vous heurte ? Et quand vous
verrez le Fils de l’homme monter là où il était
auparavant ?… C’est l’esprit qui fait vivre, la
chair n’est capable de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie. Mais il y en a parmi vous qui ne croient pas. » Jésus savait en effet depuis le
commencement qui étaient ceux qui ne croyaient pas, et celui qui le livrerait.
Il ajouta : « Voilà pourquoi je vous ai dit que personne ne peut venir à moi si
cela ne lui est pas donné par le Père. » À partir de ce moment, beaucoup
de ses disciples s’en allèrent et cessèrent de marcher avec lui. Alors Jésus
dit aux Douze : « Voulez-vous partir, vous aussi ? » Simon-Pierre lui répondit
: « Seigneur, vers qui pourrions-nous aller ? Tu as les paroles de la vie
éternelle. Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint, le
Saint de Dieu. »
« Manger ma chair » et
« boire de mon sang » (v. 54), gage de vie éternelle en Jésus Christ
et ce, de manière présente. Jésus précise plus loin : « Qui mange ma
chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui » (v. 56). Ces propos
dérangent encore aujourd’hui, ils heurtent notre raison impuissante à saisir le
sens profond d’une telle déclaration. La Parole faite chair… c’est cette Parole
vivante qui nous révèle l’amour du Père et nous élève à sa contemplation :
« (…) personne ne peut venir à
moi si cela ne lui est pas donné par le Père. » Cette Parole est donc
aussi un appel, une attirance purificatrice. L’acte de foi consiste à
s’abandonner, à se laisser capter par la force et la puissance de cette Parole
libératrice descendue du ciel.
Les Juifs attendaient un chef qui les libère du joug
et de la domination romaine, ils sont à tout le moins déçus par les propos de
ce Nazaréen qui se prend pour Dieu, se recommande comme un plat et un breuvage
de prédilection… De quoi perdre la tête et à n’y comprendre plus rien aux
prophéties anciennes ni même aux discours pourtant élogieux de Jean le Baptiste
(« Il est plus grand, ce lui qui vient après moi ; je ne suis même
pas digne de délier ses sandales »). A la place d’un libérateur politique,
les juifs et les disciples découvrent une personne comme eux qui se déclare
l’envoyé et l’élu de Dieu, consacré et uni à lui de façon éminente : le
Messie.
Or, souvenons-nous ! C’est Jésus qui appelle les
disciples un par un, c’est lui qui les invite à s’incliner vers lui et à le
suivre. C’est Dieu qui se donne et se révèle à nous, c’est Dieu qui est à la
manœuvre du grand projet d’amour qu’il a initié pour les hommes. Et c’est
l’homme qui est appelé à se convertir à l’écoute de cette Parole qui est vie et
vérité. La spontanéité de la réponse de Simon-Pierre à la question de Jésus
(« Voulez-vous partir, vous aussi ? ») n’est pas à mettre au
profit de son courage personnel ; il en est incapable, rationnellement
parlant. Et puis, Simon-Pierre est
tout, sauf un intellectuel. Mais c’est justement lui que Dieu choisit pour
professer cet acte de foi : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu
as les paroles de la vie éternelle ». Non seulement Simon-Pierre amorce là
son leadership parmi les apôtres, mais en plus il les engage tous, bien que
Jésus ait auparavant refroidi l’atmosphère en affirmant qu’ «il en est parmi
vous qui ne croient pas » ou encore plus loin « Ne vous ai-je pas
choisis, vous, les Douze ? Pourtant l’un de vous est un démon », en
prémonition de ceux qui le trahiraient lors de sa passion à venir et surtout de
celui qui le livrerait aux romains pour seulement quelques deniers. Autrement
dit, Dieu appelle tout le monde sans distinction aucune, mais chacun est libre
de répondre favorablement à cet appel et à y rester fidèle. Car tout est dans
la fidélité à la Parole Dieu quelles que soient les situations (« Qui nous
séparera de l’amour du Christ ? La tristesse ? L’angoisse ? La
persécution ? La faim ? Le dénuement ? Le danger ? le
glaive ?… »). Mais lorsque nous tenons bon, nous ne le pouvons
qu’avec l’aide et la grâce de Dieu qui nous choisit, nous appelle ses amis et
frères et qui fait de nous les témoins de son amour.
Nous savons que plus tard, dans des conditions bien
particulières, Simon-Pierre reniera par trois fois le Seigneur. Pourtant là
aussi Jésus l’avait annoncé ! Mais les circonstances étaient telles qu’il
ne maîtrisait plus les événements. C’était le sauve-qui-peut, tant cette nuit
les choses tournaient mal pour Jésus et ses disciples. C’était la nuit de la
défaite, de la déchéance, de la débandade. Même Pierre qui avait été prompt à
dégainer son épée de son fourreau pour couper l’oreille au soldat romain… même
Pierre se défile et rase les murs. Il faut se faire oublier pour ne pas être emporté par les larves du volcan qui bouillonnait
sous leurs pieds. Pourtant, comme le dit si bien Gérard Billon (du SBEV),
« ses dénégations successives ne signifient pas pour autant l’échec de la
prédication de l’Évangile : le dessein de Dieu se réalise en prenant acte
de l'infidélité du disciple et en la situant sur un horizon d'espérance ».
Oui, Jésus est au cœur de notre quotidien et c’est notre quotidien qu’il nous
rencontre et qu’il met à l’épreuve notre fidélité. Pour nous donc, « du
quotidien naît ce qui transcende la quotidien ». Dieu au cœur de nos vies
et c’est dans nos vies qu’il nous appelle à lui être fidèle parce qu’il est
PAROLE DE VIE ÉTERNELLE.